
La France, grâce à l'Europe
"Comment la France ferait-elle pour changer, s'adapter, inventer sans l'Europe, dans ce monde qui est devenu le nôtre, avec ses nouvelles contraintes, ses nouvelles exigences de qualité et de sécurité mais également ses nouvelles possibilités ?". Telle est la question que pose Jean-Paul Betbeze et à laquelle il apporte, arguments à l'appui, sa réponse. Dans "La France grâce à l'Europe", titre de la dix-huitième note de la Fondation Robert Schuman, Jean-Paul Betbeze dresse un plaidoyer : pour lui, l'Europe est LE moyen de changement de notre pays tout en en réduisant le risque.
Dans la première partie de son ouvrage, l'auteur décrit la difficile situation économique mondiale, à l'origine d'une croissance très faible : 0,5% en Europe pour 2003. Le monde, touché par ce contexte, peine à s'en remettre. Il reste sous l'influence des Etats-Unis, pays lui-même sous le coup d'un triple choc touchant d'abord à ses valeurs mobilières, ensuite à ses "valeurs militaires", et enfin à ses valeurs morales.
Les valeurs mobilières américaines particulièrement affectées par la bulle boursière ont pesé sur la consommation et l'investissement ainsi que sur les fonds propres des entreprises. L'Europe peut en tirer plusieurs leçons: d'abord si elle avait davantage développé ses propres innovations, elle aurait - au moins - financé ses propres excès; ensuite elle n'a pu, jusqu'à présent, faire entendre sa voix et devra renforcer ses moyens en analyse financière et en gestion d'actifs. La France, qui dispose d'une des plus grandes gestions d'actifs du monde, est en position de faire valoir ses vues et expertises dans ce domaine.
Les valeurs militaires américaines, avec les événements du 11 septembre 2001, la montée du fondamentalisme islamique, la guerre en Irak, ont été quelque peu mises à mal. L'Europe a montré qu'elle avait un rôle décisif à jouer pour la paix dans le monde à la fois sur les plans diplomatiques et opérationnels. La France est fondée à faire valoir une stratégie "d'Europe puissance".
Les valeurs comptables américaines ont été terriblement atteintes par le scandale Enron et ceux qui ont suivi mais les Etats-Unis sont en passe de rétablir le retour de la confiance et la reprise des marchés d'actions. Face à ce rebond, l'Europe sera à nouveau pénalisée par son retard. La France, qui défend avec raison des approches moins financières de la comptabilité, mérite à ce titre la considération de ses partenaires.
Pour Jean-Paul Betbeze, il existe deux voies conjoncturelles de la construction européenne : d'une part la construction monétaire et la BCE, d'autre part la construction budgétaire et le Pacte de Stabilité et de Croissance qui est le point nodal de la construction européenne.
Les écarts de situation et d'activisme entre les économies américaine et européenne sont considérables.
Dans la seconde partie de la note, Jean-Paul Betbeze aborde la question du retard de l'Europe dans les réformes structurelles. Il dresse l'inventaire des problèmes majeurs qui freinent, tant en Europe qu'en France, les possibilités de croissance :
- des marchés du travail trop peu flexibles ;
- des services publics qui, du fait d'une situation naturelle de monopole s'éloignent de certaines de leurs missions et ne servent pas assez le public,
- l'élargissement, source de difficultés ou du moins d'incertitudes;
- le vieillissement de la population avec pour corollaire le problème des retraites ;
- le degré élevé de protection adopté par l'Europe sur les marchés de ses produits et ses incidences sur l'emploi.
Le prix de ces retards est double. D'abord, l'Europe, et la France en tête, mettent en danger leur futur en gâchant leurs talents et leurs capacités. Ensuite, la croissance est affectée (1% de croissance perdu en France).
Pour ces raisons, l'Europe et la France doivent mener une double action de croissance et de stabilisation. Il convient, dans cet objectif, de mener des actions de développement et de méthode. Mais, comme il ne peut y avoir la croissance sans la stabilisation, il faut, en parallèle, mettre davantage de moyens au service des politiques locales, qu'elles soient nationales ou régionales car les divergences régionales sont actuellement plus fortes que les disparités nationales.
Face au bouleversement qu'impliquent l'élargissement et la situation économique, André Sapir a remis (juillet 2003) un rapport au Président de la Commission Romano Prodi dans lequel il propose de remettre à plat l'organisation budgétaire de l'Union. Il s'agit pour lui de créer trois fonds (un fonds de croissance, un fonds de convergence et un fonds de restructuration).
Son idée est double :
- revoir l'organisation du budget en passant des régions aux nations et en réduisant au passage le budget agricole ;
- donner davantage de pouvoir budgétaire à l'Europe en liaison avec l'objectif de croissance.
Jean-Paul Betbeze précise que le rapport d'André Sapir ne dit pas qu'il faut gérer la concurrence fiscale entre les pays. En particulier il faut, selon lui, développer au plus vite la fiscalité sur une base européenne des groupes, puis étendre la mesure aux 7000 sociétés européennes cotées qui pourront opter pour le statut de société européenne. Cette logique qui empêcherait le "dumping fiscal" mais modérerait les ressources fiscales venant des entreprises implique que les Etats, partout, se modernisent.
Parallèlement, la contrainte de taille relative du budget doit être revue à la hausse.
Cette dynamique de l'Europe comporte de nombreux enjeux mais aussi des tensions, explicables et légitimes, et des craintes. Même si certains font encore, en France, un mauvais procès à l'Europe cela ne sert ni la communauté, ni notre pays qui doit continuer ses réformes privées et publiques, dans et par l'Europe.
Docteur d'Etat et agrégé de sciences économiques, Jean-Paul Betbeze est Directeur de la stratégie au Crédit Lyonnais. Il est auteur de plusieurs ouvrages économiques : manuel d'économie contemporaine, La conjoncture économique, L'investissement...
Dans la première partie de son ouvrage, l'auteur décrit la difficile situation économique mondiale, à l'origine d'une croissance très faible : 0,5% en Europe pour 2003. Le monde, touché par ce contexte, peine à s'en remettre. Il reste sous l'influence des Etats-Unis, pays lui-même sous le coup d'un triple choc touchant d'abord à ses valeurs mobilières, ensuite à ses "valeurs militaires", et enfin à ses valeurs morales.
Les valeurs mobilières américaines particulièrement affectées par la bulle boursière ont pesé sur la consommation et l'investissement ainsi que sur les fonds propres des entreprises. L'Europe peut en tirer plusieurs leçons: d'abord si elle avait davantage développé ses propres innovations, elle aurait - au moins - financé ses propres excès; ensuite elle n'a pu, jusqu'à présent, faire entendre sa voix et devra renforcer ses moyens en analyse financière et en gestion d'actifs. La France, qui dispose d'une des plus grandes gestions d'actifs du monde, est en position de faire valoir ses vues et expertises dans ce domaine.
Les valeurs militaires américaines, avec les événements du 11 septembre 2001, la montée du fondamentalisme islamique, la guerre en Irak, ont été quelque peu mises à mal. L'Europe a montré qu'elle avait un rôle décisif à jouer pour la paix dans le monde à la fois sur les plans diplomatiques et opérationnels. La France est fondée à faire valoir une stratégie "d'Europe puissance".
Les valeurs comptables américaines ont été terriblement atteintes par le scandale Enron et ceux qui ont suivi mais les Etats-Unis sont en passe de rétablir le retour de la confiance et la reprise des marchés d'actions. Face à ce rebond, l'Europe sera à nouveau pénalisée par son retard. La France, qui défend avec raison des approches moins financières de la comptabilité, mérite à ce titre la considération de ses partenaires.
Pour Jean-Paul Betbeze, il existe deux voies conjoncturelles de la construction européenne : d'une part la construction monétaire et la BCE, d'autre part la construction budgétaire et le Pacte de Stabilité et de Croissance qui est le point nodal de la construction européenne.
Les écarts de situation et d'activisme entre les économies américaine et européenne sont considérables.
Dans la seconde partie de la note, Jean-Paul Betbeze aborde la question du retard de l'Europe dans les réformes structurelles. Il dresse l'inventaire des problèmes majeurs qui freinent, tant en Europe qu'en France, les possibilités de croissance :
- des marchés du travail trop peu flexibles ;
- des services publics qui, du fait d'une situation naturelle de monopole s'éloignent de certaines de leurs missions et ne servent pas assez le public,
- l'élargissement, source de difficultés ou du moins d'incertitudes;
- le vieillissement de la population avec pour corollaire le problème des retraites ;
- le degré élevé de protection adopté par l'Europe sur les marchés de ses produits et ses incidences sur l'emploi.
Le prix de ces retards est double. D'abord, l'Europe, et la France en tête, mettent en danger leur futur en gâchant leurs talents et leurs capacités. Ensuite, la croissance est affectée (1% de croissance perdu en France).
Pour ces raisons, l'Europe et la France doivent mener une double action de croissance et de stabilisation. Il convient, dans cet objectif, de mener des actions de développement et de méthode. Mais, comme il ne peut y avoir la croissance sans la stabilisation, il faut, en parallèle, mettre davantage de moyens au service des politiques locales, qu'elles soient nationales ou régionales car les divergences régionales sont actuellement plus fortes que les disparités nationales.
Face au bouleversement qu'impliquent l'élargissement et la situation économique, André Sapir a remis (juillet 2003) un rapport au Président de la Commission Romano Prodi dans lequel il propose de remettre à plat l'organisation budgétaire de l'Union. Il s'agit pour lui de créer trois fonds (un fonds de croissance, un fonds de convergence et un fonds de restructuration).
Son idée est double :
- revoir l'organisation du budget en passant des régions aux nations et en réduisant au passage le budget agricole ;
- donner davantage de pouvoir budgétaire à l'Europe en liaison avec l'objectif de croissance.
Jean-Paul Betbeze précise que le rapport d'André Sapir ne dit pas qu'il faut gérer la concurrence fiscale entre les pays. En particulier il faut, selon lui, développer au plus vite la fiscalité sur une base européenne des groupes, puis étendre la mesure aux 7000 sociétés européennes cotées qui pourront opter pour le statut de société européenne. Cette logique qui empêcherait le "dumping fiscal" mais modérerait les ressources fiscales venant des entreprises implique que les Etats, partout, se modernisent.
Parallèlement, la contrainte de taille relative du budget doit être revue à la hausse.
Cette dynamique de l'Europe comporte de nombreux enjeux mais aussi des tensions, explicables et légitimes, et des craintes. Même si certains font encore, en France, un mauvais procès à l'Europe cela ne sert ni la communauté, ni notre pays qui doit continuer ses réformes privées et publiques, dans et par l'Europe.
Docteur d'Etat et agrégé de sciences économiques, Jean-Paul Betbeze est Directeur de la stratégie au Crédit Lyonnais. Il est auteur de plusieurs ouvrages économiques : manuel d'économie contemporaine, La conjoncture économique, L'investissement...
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