
Laïcité : Le modèle français sous influence européenne
La loi sur le port du voile à l'école et la crise des otages ont mis en évidence le consensus français sur le principe de la laïcité.
La Fondation Robert Schuman a demandé à M. Olivier Dord, agrégé de droit public, professeur à l'Université Paris X-Nanterre, de réaliser une étude comparative sur la spécificité de la laïcité française dans le cadre européen et la façon dont sont vécues les relations entre les pouvoirs publics et les religions dans chaque Etat membre de l'Union.
Cette étude est préfacée par M. Bernard Stasi, Président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui a présidé les travaux de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République.
Dans cet ouvrage, l'auteur rappelle tout d'abord la spécificité du modèle français de laïcité : il s'agit d'une conception originale des rapports entre l'État et les cultes qui n'a pas d'équivalent dans les pays de l'Union européenne. Consacré au plan constitutionnel, le principe de laïcité de la République a de nombreuses implications juridiques précises. Il protège la liberté de conscience des individus contre les atteintes des pouvoirs publics, assure la neutralité des services publics et de leurs agents et permet que la liberté religieuse de chacun puisse se concilier avec les droits et obligations de la vie en société.
Ce modèle ne s'exporte pourtant pas dans les autres États de l'Union. Au-delà des spécificités nationales, trois principaux types de relations entre État et religions s'imposent en Europe. La situation originale du Royaume-Uni tout d'abord, où la liberté religieuse est tellement respectée qu'elle ne connaît aucun cadre juridique et s'accommode même d'une religion d'État sans privilège : l'Église anglicane. Le modèle allemand ensuite, qui tend à se généraliser, où l'État neutre cohabite avec des Églises puissantes qui participent à la vie publique afin d'assurer pleinement la liberté de conscience. Il perdure enfin, - et l'arrivée des dix nouveaux États confirme cette tendance-, des cas particuliers où une religion, parce qu'elle s'identifie à l'Histoire collective, pèse sur la vie publique et menace parfois le pluralisme religieux comme en Grèce.
L'auteur s'interroge, en second lieu, sur la compatibilité de ce modèle original avec les exigences découlant de l'engagement européen de la France. Une première constatation s'impose. Dans le cadre de l'Union européenne, les institutions communautaires observent une neutralité confessionnelle traditionnelle. Le droit communautaire appréhende le fait religieux de façon indirecte dans ses incidences économiques. Les progrès de la construction communautaire (Traité d'Amsterdam, Charte des droits fondamentaux, Constitution européenne) posent la question d'une protection accrue de la liberté religieuse et d'une reconnaissance de la religion parmi les valeurs de l'Union. La France a accepté la première tout en refusant la seconde. Quant à la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg, elle protège dans le cadre de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales une conception individualiste de la liberté de religion. Dans sa jurisprudence nuancée, elle tient de plus en plus compte des conséquences néfastes pour la démocratie qui peuvent découler des excès de la religion. Elle reconnaît même depuis son arrêt du 13 février 2003 que le principe de laïcité peut constituer un rempart contre les dangers du radicalisme religieux. En conséquence, l'eurocompatibilité de la laïcité à la française est bien affirmée.
Oliver Dord souligne enfin que la conception française de la laïcité a toujours été évolutive. Le principe de laïcité de la République s'applique d'ailleurs aujourd'hui avec beaucoup plus de souplesse qu'on ne pense sur le territoire national (régime concordataire d'Alsace-Moselle et de Guyane, application inégale des lois Ferry en Outre-mer, financements publics pour certaines écoles privées …). Le droit européen, et particulièrement les garanties consacrées par la Convention européenne des droits de l'homme, participe à la définition actuelle d'une laïcité française ouverte sur les religions. La situation de l'enseignement public et de l'hôpital le souligne. S'agissant plus particulièrement de l'enseignement public, l'état du droit qui découlait de l'avis du Conseil d'État du 27 novembre 1989 n'interdisait pas les signes religieux en eux-mêmes, mais leur port ostentatoire c'est-à-dire en violation de la liberté d'autrui (prosélytisme) ou des principes régissant le service public (égalité et continuité). L'entrée en vigueur de la loi interdisant les signes religieux ostensibles dans les établissements publics ne prohibe pas pour autant le port de signes confessionnels discrets. Il appartiendra enfin au juge de statuer sur la conformité de cette loi et de sa circulaire d'application du 18 mai 2004 à la liberté religieuse protégée notamment par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Cette étude souligne à la fois la spécificité et la relativité du modèle français de laïcité au regard des expériences nationales des autres États membres de l'Union européenne. Elle dévoile aussi l'influence inégale de la position française sur nos partenaires comme sur les institutions européennes et celle, beaucoup plus incontestable, du droit européen sur nos règles de droit interne.
La Fondation Robert Schuman a demandé à M. Olivier Dord, agrégé de droit public, professeur à l'Université Paris X-Nanterre, de réaliser une étude comparative sur la spécificité de la laïcité française dans le cadre européen et la façon dont sont vécues les relations entre les pouvoirs publics et les religions dans chaque Etat membre de l'Union.
Cette étude est préfacée par M. Bernard Stasi, Président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui a présidé les travaux de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République.
Dans cet ouvrage, l'auteur rappelle tout d'abord la spécificité du modèle français de laïcité : il s'agit d'une conception originale des rapports entre l'État et les cultes qui n'a pas d'équivalent dans les pays de l'Union européenne. Consacré au plan constitutionnel, le principe de laïcité de la République a de nombreuses implications juridiques précises. Il protège la liberté de conscience des individus contre les atteintes des pouvoirs publics, assure la neutralité des services publics et de leurs agents et permet que la liberté religieuse de chacun puisse se concilier avec les droits et obligations de la vie en société.
Ce modèle ne s'exporte pourtant pas dans les autres États de l'Union. Au-delà des spécificités nationales, trois principaux types de relations entre État et religions s'imposent en Europe. La situation originale du Royaume-Uni tout d'abord, où la liberté religieuse est tellement respectée qu'elle ne connaît aucun cadre juridique et s'accommode même d'une religion d'État sans privilège : l'Église anglicane. Le modèle allemand ensuite, qui tend à se généraliser, où l'État neutre cohabite avec des Églises puissantes qui participent à la vie publique afin d'assurer pleinement la liberté de conscience. Il perdure enfin, - et l'arrivée des dix nouveaux États confirme cette tendance-, des cas particuliers où une religion, parce qu'elle s'identifie à l'Histoire collective, pèse sur la vie publique et menace parfois le pluralisme religieux comme en Grèce.
L'auteur s'interroge, en second lieu, sur la compatibilité de ce modèle original avec les exigences découlant de l'engagement européen de la France. Une première constatation s'impose. Dans le cadre de l'Union européenne, les institutions communautaires observent une neutralité confessionnelle traditionnelle. Le droit communautaire appréhende le fait religieux de façon indirecte dans ses incidences économiques. Les progrès de la construction communautaire (Traité d'Amsterdam, Charte des droits fondamentaux, Constitution européenne) posent la question d'une protection accrue de la liberté religieuse et d'une reconnaissance de la religion parmi les valeurs de l'Union. La France a accepté la première tout en refusant la seconde. Quant à la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg, elle protège dans le cadre de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales une conception individualiste de la liberté de religion. Dans sa jurisprudence nuancée, elle tient de plus en plus compte des conséquences néfastes pour la démocratie qui peuvent découler des excès de la religion. Elle reconnaît même depuis son arrêt du 13 février 2003 que le principe de laïcité peut constituer un rempart contre les dangers du radicalisme religieux. En conséquence, l'eurocompatibilité de la laïcité à la française est bien affirmée.
Oliver Dord souligne enfin que la conception française de la laïcité a toujours été évolutive. Le principe de laïcité de la République s'applique d'ailleurs aujourd'hui avec beaucoup plus de souplesse qu'on ne pense sur le territoire national (régime concordataire d'Alsace-Moselle et de Guyane, application inégale des lois Ferry en Outre-mer, financements publics pour certaines écoles privées …). Le droit européen, et particulièrement les garanties consacrées par la Convention européenne des droits de l'homme, participe à la définition actuelle d'une laïcité française ouverte sur les religions. La situation de l'enseignement public et de l'hôpital le souligne. S'agissant plus particulièrement de l'enseignement public, l'état du droit qui découlait de l'avis du Conseil d'État du 27 novembre 1989 n'interdisait pas les signes religieux en eux-mêmes, mais leur port ostentatoire c'est-à-dire en violation de la liberté d'autrui (prosélytisme) ou des principes régissant le service public (égalité et continuité). L'entrée en vigueur de la loi interdisant les signes religieux ostensibles dans les établissements publics ne prohibe pas pour autant le port de signes confessionnels discrets. Il appartiendra enfin au juge de statuer sur la conformité de cette loi et de sa circulaire d'application du 18 mai 2004 à la liberté religieuse protégée notamment par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Cette étude souligne à la fois la spécificité et la relativité du modèle français de laïcité au regard des expériences nationales des autres États membres de l'Union européenne. Elle dévoile aussi l'influence inégale de la position française sur nos partenaires comme sur les institutions européennes et celle, beaucoup plus incontestable, du droit européen sur nos règles de droit interne.
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