Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Le 24 janvier dernier, on apprenait que les prochaines élections législatives seraient organisées en Lettonie le 6 octobre prochain, soit, comme il est d'usage, le premier samedi du mois d'octobre. Le vote par anticipation sera possible durant les trois jours qui précèdent le scrutin. 16 partis politiques sont officiellement candidats à ces élections, soit le deuxième nombre le plus élevé après le scrutin du 7 octobre 2006. 1 470 candidats sont en lice, dont 31,7% de femmes. 121 bureaux de vote ont été ouverts pour les Lettons résidant à l'étranger dans 45 pays, 23 de plus que lors des dernières élections législatives du 4 octobre 2014. Le vote de ces derniers est comptabilisé dans la circonscription de Riga.
Selon la dernière enquête d'opinion publiée à la fin du mois d'août, Harmonie (S) devrait arriver en tête du scrutin avec 23% des suffrages. L'Union des Verts et des paysans (ZZS), parti du Premier ministre sortant Maris Kucinskis, prendrait la deuxième place avec 14% des voix, suivie par son partenaire au gouvernement, l'Alliance nationale (AN), qui recueillerait 13% des suffrages tout comme " à qui appartient le pays ?" (KPV), fondé en mai 2016 par Artuss Kaimins. Ensuite, on trouve l'alliance électorale formée le 26 avril dernier par Pour le développement de la Lettonie (PAR) avec 10% des voix et le Nouveau Parti conservateur (JKP), qui obtiendrait 9% des suffrages. Nouvelle unité (JV) recueillerait 5% des voix et parviendrait donc à se maintenir au parlement.
Les partis du gouvernement sortant
Le gouvernement letton actuel rassemble 5 partis : l'Union des Verts et des paysans (ZZS), Unité (V), l'Alliance nationale (NA), Pour la Lettonie et Ventspils et le Parti de Liepaja, auquel appartient le Premier ministre sortant Maris Kucinskis, candidat à sa propre succession. Les deux derniers partis sont très proches de l'Union des Verts et des paysans (ZSS).
L'Union des Verts et des paysans
Principal parti de la coalition gouvernementale et également parti du président de la République, Raimonds Vejonis, l'Union des Verts et des paysans fait campagne sur son bilan à la tête du pays depuis mars 2016, et notamment sur sa mise en œuvre de la réforme des impôts et sur son travail sur la réforme de la santé en cours. Le parti promet de réformer l'éducation et la politique du logement et d'accorder un plus grand soutien aux petites et moyennes entreprises des secteurs agricole et halieutique.
L'Union des Verts et des paysans a refusé de signer un pacte de non-coopération avec les partis pro-Kremlin, c'est-à-dire avec Harmonie, arguant du fait que cet accord relevait d'une initiative populiste.
Le chef de l'Etat Raimonds Vejonis a cependant indiqué le 4 juillet dernier qu'Harmonie ne devrait en aucun cas être membre du gouvernement letton. L'Union des Verts et des paysans aimerait poursuivre sa collaboration avec l'Alliance nationale (AN), coalition nationaliste (opposée à l'accueil de réfugiés sur le sol letton) et conservatrice très engagée en faveur de la primauté de la langue lettone dans l'éduction comme dans la vie publique, qui s'est engagée à ne jamais faire alliance avec Harmonie. Le candidat de l'Alliance nationale au poste de chef du gouvernement est le député européen Robert Zile.
A la fin du mois d'août, le président de la République a mis en garde les partis candidats aux élections législatives. "La ligne euro-atlantique constitue le cadre fondamental de notre action et je n'accepterai aucune exception à cette ligne. Par conséquent, dans la perspective de la formation du prochain gouvernement, je souhaite que les candidats au poste de ministre des Affaires étrangères et de ministre de la Défense présentés par chacun des partis soit en accord avec ma position. Je dois être absolument certain que ces candidats sont prêts à suivre la ligne euro-atlantique" a déclaré Raimonds Vejonis lors d'un entretien télévisé.
Membre de tous les gouvernements depuis sa création en 2002, l'Union des Verts et des paysans devrait arriver parmi les trois premiers aux élections législatives.
Nouvelle unité
Unité (V), parti de l'ancienne Première ministre de la législature, Laimdota Straujuma, a connu ces dernières années de nombreuses divisions internes et plusieurs défections qui l'ont conduit au bord du chaos. Pour les élections législatives, le parti, dirigé par le ministre des Affaires économiques sortant Arvils Aseradens, s'est allié à 5 partis régionaux - le Parti du comté de Kuldiga, Pour la ville et le comté de Tukums, le Parti de Latagle, Pour Valmiera et Vidzeme et le Parti régional Jekabpils - au sein d'une coalition appelée Nouvelle unité (JV) et emmenée par le député européen Krisjanis Karins.
Nouvelle unité veut augmenter les dépenses de défense à hauteur de 2,5% du PIB et porter le salaire moyen à 1 500 €, faire de l'élection du président de la République un vote ouvert et enfin autoriser la publication des archives du KGB. JV est d'ailleurs à l'origine du pacte de non-coopération avec les partis pro-Kremlin qu'elle a proposé aux autres partis de signer.
Pour Arvils Aseradens, le 6 octobre prochain, la Lettonie doit faire un choix : le pays peut choisir l'Europe ou bien préférer en votant pour un parti populiste et se rapprocher de fait des pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie).
Selon les enquêtes d'opinion, Nouvelle unité pourrait ne pas atteindre le seuil des 5% des suffrages exprimés le 6 octobre prochain. Une des questions principales de ce scrutin est donc la suivante : comment vont se comporter les anciens électeurs d'Unité dans les urnes ?
Les autres forces en présence
Harmonie
Harmonie (même si Saskana signifie davantage concorde qu'harmonie en letton) est le premier parti de Lettonie. Lors des deux dernières élections législatives (17 septembre 2011 et 4 octobre 2014), celui qui aime à se définir comme social-démocrate est arrivé en tête du scrutin mais est resté empêché d'accéder au pouvoir. De nombreux Lettons voient dans Harmonie un parti trop proche de la Russie. Le parti est en effet majoritairement soutenu par des électeurs russophones et entretient des relations de respect mutuel avec Moscou et les autres pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI). Il n'a également pas condamné l'annexion de la Crimée par la Russie et est opposé aux sanctions économiques infligées à Moscou en conséquence de cette annexion et de l'invasion de l'Ukraine. Harmonie a néanmoins rompu son accord de coopération avec Russie unie (ER), parti du président russe Vladimir Poutine. Cela suffira-t-il pour faire du parti une force gouvernementale ?
Harmonie veut augmenter la part du PIB dédiée à l'éducation (jusqu'à 6%) et à la santé (7%). Il défend la langue russe et aimerait voir les enfants recevoir une éduction trilingue (letton, russe et anglais).
Le dirigeant du parti, Nils Usakovs, qui n'est pas candidat aux élections législatives, a beaucoup travaillé à la modernisation de l'image de son parti qu'il souhaiterait transformer en parti social-démocrate.
Vjaceslavs Dombrovskis, tête de liste du parti dans la circonscription de Riga, est le candidat d'Harmonie au poste de Premier ministre. Vjaceslavs Dombrovskis a remplacé l'ancien président de la République (2007-2011) Valdis Zatlers à la tête du Parti de la réforme (ZRP) en 2014. Lors de la dissolution de ce dernier, il a annoncé, en avril 2015, qu'il quittait la politique avant de créer le think tank Certus. Désormais, Vjaceslavs Dombrovskis répète que l'absence d'Harmonie au gouvernement est à l'origine de la stagnation que connaît la Lettonie, pays dirigé depuis trop d'années par les mêmes partis.
Les "petits" partis
Parmi les "petits" partis, à qui appartient le pays ? Kam pieder valsts ? (KPV), fondé en mai 2016 par Artuss Kaimins, ancien acteur et actuel député (élu sous l'étiquette de l'Association lettone des régions (LRA) qu'il a quittée lorsque celle-ci a entamé des négociations avec Unité). KPV est un parti populiste très critique à l'égard des élites, selon lui toutes vénales et seulement intéressées par leur maintien au pouvoir. L'avocat Aldis Gobzems est son candidat au poste de Premier ministre.
L'alliance électorale formée par Pour le développement de la Lettonie (PAR) le 26 avril dernier est libérale, tant sur le plan économique que sur le plan sociétal. Elle souhaite doubler le salaire des infirmiers tout comme les retraites (d'ici 10 ans) et augmenter le salaire minimum de façon à ce que celui-ci atteigne 500 € par mois (il s'élève actuellement à 430 € mensuels). Le député européen Artis Pabriks est son candidat au poste de chef du gouvernement.
Conduit par l'ancien ministre de la Justice (2012-2014) Janis Bordans (qui est candidat au poste de Premier ministre), le Nouveau Parti conservateur (JKP) a été fondé le 17 mai 2014. Il lutte pour la défense des traditions et des valeurs lettones comme de la langue lettone. L'an passé, les anciens responsables de l'agence anti-corruption (KNAB) Juta Strike et Juris Jurass ont rejoint ce parti, ce qui a accru sa popularité.
Le Nouveau Parti conservateur veut réduire le nombre de ministres à 8, fusionner l'agence anti-corruption, les forces de police de la sécurité et le bureau pour la protection de la Constitution en une seule agence dédiée à la lutte contre la corruption et les menaces à la paix et sécurité.
"Parmi les nouveaux partis, seul le Nouveau Parti conservateur a la chance d'obtenir des députés" a déclaré Ojars Skudra, politologue de l'université de Lettonie.
Le système politique letton
Les 100 membres de la Saeima sont, depuis 1998, élus pour 4 ans au scrutin proportionnel selon la méthode de Sainte-Lagüe. Les électeurs se prononcent pour une liste mais peuvent inscrire un + ou un - près du nom des candidats(es) de leur choix pour promouvoir ou pour exclure ces derniers.
Pour les élections législatives, la Lettonie est divisée en 5 districts électoraux : Riga (qui est également la circonscription dans laquelle votent les Lettons de l'étranger), Vidzeme, Latgale, Zemgale et Kurzeme. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription (qui va de 13 à 29) est fixé par la Commission centrale électorale 4 mois avant le vote en fonction du nombre d'habitants dans chacune de ces dernières. Les candidats doivent obligatoirement être âgés d'au moins 21 ans. Les anciens agents de l'URSS, de la République socialiste soviétique de Lettonie ou des services de sécurité, de renseignement ou de contre-espionnage sont inéligibles aux élections législatives ; les personnes ayant travaillé comme techniciens dans les anciens services de sécurité soviétiques peuvent, depuis 2009, se présenter au scrutin. Les candidatures multiples sont interdites. Un parti politique doit recueillir au moins 5% des suffrages exprimés pour être représenté au parlement.
Une récente modification de la loi électorale oblige les partis qui souhaitent présenter des candidats aux élections législatives à avoir été créées depuis au moins un an avant la date du scrutin et à compter un minimum de 500 membres.
A l'issue des élections législatives du 4 octobre 2014, 6 partis politiques sont représentés dans la Saiema:
– Harmonie (S), principal parti d'opposition de gauche dirigé par Nils Usakovs, possède 24 sièges ;
– Unité (V), parti libéral membre du gouvernement sortant conduite par le ministre des Affaires économiques sortant Arvils Aseradens, compte 23 élus ;
– l'Union des Verts et des paysans (ZZS), parti centriste du Premier ministre Maris Kucinskis (il est membre du Parti de Liepaja et de l'Union des Verts et des paysans), présidé par Augusts Brigmanis, possède 21 sièges ;
– l'Alliance nationale (AN), qui réunit l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK), dirigée par Gaidis Berzins, et Tous pour la Lettonie (VL), parti de droite conduit par Ratvis Dzintars. Membre du gouvernement sortant, elle compte 17 députés ;
– l'Association lettonne des régions (LRA), parti régionaliste fondé en 2014 et dirigé par Nellija Kleinberga, possède 8 sièges ;
– Avec cœur pour la Lettonie (NSL), parti conservateur populiste emmené par Inguna Sudraba, compte 7 élus.
En Lettonie, le président de la République est élu par le parlement tous les 4 ans. Raimonds Vejonis (ZZS) a été désigné à ce poste le 3 juin 2015 lors du 5e tour de scrutin. Il a recueilli 55 suffrages, soit la majorité absolue (42 députés ont voté contre, un bulletin a été déclaré non valide).
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