Résultats
Élections en Europe
Corinne Deloy
-

Versions disponibles :
FR
EN
Corinne Deloy
Karol Nawrocki, directeur de l’institut de la mémoire nationale (IPN), organisme chargé de poursuivre les crimes nazis et soviétiques perpétrés contre les Polonais, qui était soutenu par le principal parti d’opposition, Droit et Justice (PiS), a recueilli 50,89% des voix lors du 2e tour de scrutin le 1er juin. Il a devancé d’une très courte tête Rafal Trzaskowski (Plateforme citoyenne, PO). Ce dernier, maire de Varsovie et ancien ministre de l’Administration et du Numérique (2013-2014), a recueilli 49,11% des suffrages. Seules 369 591 voix (sur un total de 19 603 784 votes) séparent les deux hommes à l’issue de ce scrutin, soit moins encore que lors de la précédente élection présidentielle de 12 juillet 2020, où Rafal Trzaskowski avait échoué au 2e tour, battu par le chef de l’Etat sortant Andrzej Duda (PiS) par 422 385 voix.
Le maire de Varsovie était arrivé en tête du 1er tour le 18 mai avec 31,36% des voix, devançant de peu son rival qui avait recueilli 29,54% des suffrages.
Karol Nawrocki s’est imposé dans les zones rurales de Pologne avec 63,4% des suffrages. Par ailleurs, selon les enquêtes d’opinion sortie des urnes, il a largement bénéficié du report des voix de Slawomir Mentzen, candidat de Confédération (K), alliance d’extrême droite qui regroupe son parti - Nouvel espoir (NN) - et le Mouvement national (RN), formation ultra nationaliste de Krzysztof Bosak, qui avait pris la 3e place lors du 1er tour avec 14,81% des suffrages. Selon les sondages, près de neuf électeurs de Slawomir Mentzen sur dix (87%) se sont reportés sur le candidat soutenu par le PiS le 1er juin. Il y a cinq ans, les voix de Krzysztof Bosak (RN) s’étaient réparties quasiment à égalité sur les deux candidats restés en course au 2e tour.
Avant de donner une quelconque consigne de vote, Slawomir Mentzen, avait organisé une rencontre avec chacun des candidats en lice pour le 2e tour à qui il avait demandé de signer une charte sur huit points précis. Karol Nawrocki avait accepté l’ensemble des demandes formulées (pas d’augmentation des impôts, assouplissement de l’accès aux armes, opposition à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, rejet de toute délégation de nouvelle compétence à l’Union européenne) quand le candidat de la Plateforme citoyenne en avait refusé la moitié. A l’issue de ces consultation, Slawomir Mentzen avait déclaré ne voir « aucune raison de voter pour Rafal Trzaskowski ».
L’élection présidentielle des 18 mai et 1er juin témoigne de l’affaiblissement de l’assise des deux principaux partis qui structurent le paysage politique du pays depuis vingt ans. En effet, lors du 1er tour le 18 mai, Rafal Trzaskowski et Karol Nawrocki ont recueilli ensemble 60,90% des suffrages, le résultat cumulé le plus faible pour les deux partis, et surtout 22,70% parmi les plus jeunes électeurs[1] ! La gauche demeure réduite à la portion congrue en Pologne quand l’opposition d’extrême droite s’affirme davantage à chaque élection.
La participation a été très élevée : sept Polonais sur dix (71,63%) se sont rendus aux urnes. Ce taux, le plus élevé jamais atteint pour le 2e tour d’une élection présidentielle, est supérieur à celui enregistré lors du 1er tour (+ 4,32 points) et au-dessus de celui enregistré lors du 2e tour de la précédente élection de 2020 (+ 3,45 points).
La participation au scrutin présidentiel du 1er juin a été très élevée : sept Polonais sur dix (71,63%) se sont rendus aux urnes. Ce taux, le plus élevé jamais atteint pour le deuxième tour d’une élection de ce type, est supérieur de points à celui enregistré lors du premier tour du 18 mai dernier (+ 4,32 points) et au-dessus de celui de celui enregistré lors du deuxième tour de la précédente élection présidentielle (+ 3,45 points).
Résultats de l’élection présidentielle des 18 mai et 1er juin 2025 en Pologne
Participation : 67,31% (premier tour) et 71,63% (deuxième tour)
Source : https://wybory.gov.pl/prezydent2025/pl/2/wynik/pl
Finalement, le choix du PiS de désigner un candidat peu connu du grand public (ce qui avait été, également le cas d’Andrzej Duda lors de sa première élection le 24 mai 2015), n’étant pas membre du parti, s’est révélé payant. Il a su attirer ses compatriotes en jouant sur la fibre nationaliste. Par ailleurs, il ne pouvait, comme de nombreux anciens ministres, être tenu pour responsable des malversations dont sont accusés d’anciens élus du PiS actuellement poursuivis en justice. De nombreuses révélations ont été faites durant la campagne électorale concernant sa participation à des rixes de hooligans ou encore son acquisition d’un ancien logement social à prix supposément préférentiel cédé par une personne âgée et handicapée en situation précaire à Gdansk[2]. Karol Nawrocki a même été accusé de proxénétisme durant l’époque où il travaillait comme agent de sécurité dans un hôtel de luxe de Sopot, station balnéaire sur la mer Baltique. Aucun de ses accusations n’a affaibli sa base électorale et le candidat a su jouer de la position de victime.
« Je vous demande pardon. Je sais que vous attendiez des changements plus rapides et les sont des gangsters politiques étaient au pouvoir. Aujourd’hui, ce sont des gangsters au sens propre qui veulent le pouvoir. Cela ne peut pas se passer ainsi ! Pologne, réveille-toi ! » avait pourtant demandé le Premier ministre Donald Tusk (PO) à ses compatriotes dans l’entre-deux tours.
Rien n’y a fait et les Polonais ont choisi de reconduire la cohabitation entre leur président et leur Premier ministre, une situation qui rend très difficile le fonctionnement de l’Etat et la mise en place de certaines réformes voulues par le gouvernement en place conduit par la Plateforme citoyenne. Le président de la République de Pologne dispose en effet d’un droit de veto sur le vote de chaque loi adoptée par le parlement, ce veto peut être rejeté mais seulement à la majorité des 3/5e des voix lors d’un vote qui doit intervenir en présence d'au moins la moitié des députés. La majorité gouvernementale actuelle ne dispose pas des suffrages suffisants pour atteindre cette majorité et passer outre un veto présidentiel.
La cohabitation était le véritable enjeu de ce scrutin.
Donald Tusk peine à appliquer sa politique comme il le souhaiterait, ce qui engendre un mécontentement croissant parmi les Polonais. Karol Nawrocki devrait continuer à bloquer le programme du gouvernement notamment sur les questions de société (avortement, pilule du lendemain, droits LGBT+, etc.) et il pourrait raviver les tensions avec l’Union européenne sur les questions d'Etat de droit, un chantier pourtant prioritaire. Il pourrait également modifier les liens de la Pologne avec l'Ukraine voisine. Rappelons que Karol Nawrocki, dont le slogan était « La Pologne d'abord, les Polonais d'abord », est opposé à l’entrée immédiate de Kiev dans l’Union européenne et dans l’OTAN et qu’il souhaite réduire les aides dont peuvent bénéficier les réfugiés ukrainiens en Pologne. « Karol Nawrocki est un doctrinaire, il est prêt et il l’a dit : sa principale mission sera de bloquer le gouvernement de Donald Tusk » a déclaré le recteur de l’université de la Vistule, Wawrzyniec Konarski. « Karol Nawrocki serait sans aucun doute un opposant au gouvernement de Donald Tusk encore plus dur et déterminé qu'Andrzej Duda » a indiqué Robert Alberski, politologue
Les analystes politiques s’interrogent désormais sur l’avenir du gouvernement emmené par Donald Tusk. La confrontation avec le nouveau chef de l’Etat pourrait-elle provoquer un blocage institutionnel à même de contraindre Donald Tusk à recourir à des élections parlementaires anticipées[3] ? « Avec Karol Tadeusz Nawrocki, il ne s’agira pas d’une cohabitation mais d’une lutte ouverte. Il ne cache absolument pas que sa présidence serait un outil pour bloquer le gouvernement de Donald Tusk et pour organiser des élections parlementaires anticipées. La frustration des électeurs actuels du gouvernement Donald Tusk s’accroîtrait, de sorte que la possibilité d’un retour de Droit et justice au pouvoir pourrait se concrétiser avant même 2027 » a souligné Anna Paczesniak, professeur de science politique de l’université de Wroclaw.
Agé de 42 ans et originaire de Gdansk, Karol Nawrocki est docteur en histoire. Il est également titulaire d’un MBA de l’Ecole polytechnique de Gdansk. Il a travaillé dès 2009 à l’Institut de la mémoire nationale (IPN), organisme chargé de poursuivre les crimes nazis et soviétiques perpétrés contre les Polonais. Entre 2017 et 2021, il est directeur du musée de la Deuxième Guerre mondiale de Gdansk. Il revient ensuite, en 2021, à l’Institut de la mémoire nationale dont il est élu président. Le 1er juin, Karol Tadeusz Nawrocki a été élu à la présidence de la République de Pologne. Il succèdera à Andrzej Duda dont le mandat s’achève le 6 août.
[1] Les jeunes se sont par ailleurs fortement mobilisés pour cette élection présidentielle : 72,80% d’entre eux ont rempli leur devoir civique lors du premier tour du 18 mai dernier (pour 67,31% de l’ensemble des Polonais).
[2] Karol Nawrocki a déclaré qu’il donnerait cet appartement à une fondation mais sans fournir aucune explication concernant son acquisition.
Sur le même thème
Pour aller plus loin
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
19 mai 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
19 mai 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
19 mai 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
5 mai 2025

La Lettre
Schuman
L'actualité européenne de la semaine
Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais
Versions :