Le contexte spatial européen (après la réunion du Conseil ministériel de l'ESA en 2025)

Numérique et technologies

Josef Aschbacher

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8 décembre 2025
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Josef Aschbacher

Directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA)

Le contexte spatial européen (après la réunion du Conseil ministériel de l'ESA e...

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L'espace est devenu un élément indispensable – et souvent méconnu – de la vie quotidienne. Les sociétés modernes ne pourraient fonctionner sans lui. La plupart des citoyens connaissent ses applications courantes, telles que l'observation de la Terre, la navigation et les télécommunications, qui servent notamment à la surveillance de l'environnement, à la gestion du changement climatique, aux prévisions météorologiques, aux interventions en cas de catastrophe, à l'accès à Internet, à la diffusion télévisuelle ou à la gestion intelligente du trafic. Mais l'espace est également crucial pour l'approvisionnement en énergie, les transactions financières et de nombreuses autres fonctions vitales de notre société. Selon l'OCDE, les technologies spatiales constituent le fondement de services essentiels dans onze des seize secteurs les plus critiques de la société.

Tout cela ajoute une dimension économique importante à l'espace et à son utilisation. L'économie spatiale mondiale est déjà évaluée à environ 550 milliards €, et les projections du Forum économique mondial atteignent 1 800 milliards € d'ici 2035.

Enfin, il existe depuis toujours un lien intrinsèque entre l'espace et la sécurité. La plupart des activités spatiales ont un double usage : elles peuvent servir à la fois à des fins civiles et à des fins liées à la défense. Compte tenu des récents changements géopolitiques, cet aspect est de plus en plus reconnu et pris en compte au niveau européen.

L'Agence spatiale européenne (ESA) est la porte d'entrée de l'Europe vers l'espace. Sa mission est de façonner le développement des capacités spatiales de l'Europe et de veiller à ce que les investissements dans le domaine spatial profitent aux citoyens européens et au monde entier. L'ESA travaille en collaboration avec ses vingt-trois États membres pour repousser les frontières de la science et de la technologie et promouvoir la croissance économique en Europe.

50e anniversaire

En 2025, l'Agence spatiale européenne a célébré son 50e anniversaire. Le 30 mai 1975, la Convention de l'ESA était signée par dix États membres fondateurs. Aujourd'hui, elle compte vingt-trois États membres, trois membres associés et un État coopérant et a signé des accords de coopération avec quatre autres États membres de l'Union européenne. L'Agence spatiale européenne est une vitrine de ce que l'Europe peut accomplir lorsque ses nations s'unissent pour relever des défis complexes grâce à leur ingéniosité technique, à la science et à la puissance d'idées audacieuses. 

Depuis sa création, l'ESA a remporté des succès scientifiques, technologiques et industriels remarquables, grâce à des programmes spatiaux axés sur la science, l'exploration, le transport, la sécurité, les applications et le développement technologique. Au cours des cinquante dernières années, les programmes de l'ESA ont eu nombre de retombées positives pour les citoyens, l'économie, les capacités et la compétitivité de l'industrie européenne ainsi que pour les politiques gouvernementales. L'Agence spatiale européenne joue un rôle fondamental dans la promotion de l'excellence technologique européenne dans tous les segments de l'industrie spatiale et celle du développement durable. Elle a toujours été un acteur clé pour concrétiser des programmes d'une ampleur dépassant celle que pourraient viser individuellement les États membres. Elle n'a cessé d'inspirer toutes les générations et, grâce à sa coopération internationale, la communauté spatiale mondiale.

Depuis la fin des années 1970, le secteur spatial européen s'est développé doucement mais sûrement pour créer un paysage industriel renommé, démontrant la puissance d'une coopération européenne forte autour d'une vision commune. L'Europe est ainsi devenue un acteur mondial dans le domaine des sciences et technologies spatiales, réalisant des percées qui non seulement élargissent notre compréhension de l'Univers, mais apportent également des avantages tangibles pour la vie sur Terre. Parmi les étapes majeures, citons le leadership de l'Agence dans le domaine des sciences spatiales (par exemple, les missions Giotto, Rosetta et Gaia), de l'observation de la Terre, grâce aux missions Copernicus, d'exploration de la Terre (Earth Explorers) et de météorologie, ainsi que du positionnement, de la navigation et de la synchronisation (PNT) grâce au système de navigation par satellite Galileo. Les travaux de l'Agence dans le domaine de l'exploration spatiale, avec ses contributions à la station spatiale internationale (ISS) et à la mission ExoMars, démontrent également la vaste expertise de l'Europe dans ce domaine.

Malgré ces succès, le secteur spatial européen est confronté à des défis importants dans un contexte mondial en pleine mutation. Les investissements publics dans le domaine spatial augmentent partout dans le monde, en particulier aux États-Unis et en Chine, tandis que ceux de l'Europe restent relativement modestes. À mesure que le secteur spatial se développe, la part qu’y consacre l'Europe diminue. Les États-Unis ont représenté plus de 60% des 122 milliards € de financement public mondial en 2024. L'Europe n'en a capté que 10%, soit une baisse de cinq points de pourcentage depuis 2019. Le contraste est encore plus frappant dans le domaine de la sécurité : alors que la défense représente plus de la moitié de toutes les dépenses publiques mondiales dans le domaine spatial, ce chiffre n'est que de 15% en Europe. 

De plus, la commercialisation croissante de l'espace, stimulée par des entreprises privées à la recherche de technologies disruptives et de nouveaux modèles commerciaux (souvent appelés « New Space »), est en train de profondément remodeler le secteur. Ces évolutions présentent à la fois des opportunités et des défis importants, car l'Europe risque de perdre du terrain face à des acteurs plus compétitifs dans la course à l'espace.

Stratégie 2040

Compte tenu de la situation actuelle et dans une perspective d'avenir, l'Agence spatiale européenne a élaboré la Stratégie 2040, une vision qui vise à renforcer les capacités spatiales de l'Europe dans plusieurs domaines. Cette stratégie est conçue pour répondre aux besoins sociétaux urgents : durabilité, leadership scientifique, résilience et coopération mondiale. Avec la Stratégie 2040, l'ESA définit un plan d'action pour ses priorités et activités futures, qui lui permettra de :
• Garantir que ses activités et programmes spatiaux puissent répondre de manière optimale aux divers besoins sociétaux et priorités politiques aux niveaux local, régional, national et européen.
• Veiller à ce qu’elle continue de se développer en tant qu'acteur spatial mondial de premier plan grâce à des objectifs clairement définis et à des rôles de leadership correspondants.
• Créer une vision claire et un discours cohérent pour ses programmes afin de faciliter la prise de décisions stratégiques et la mise en œuvre des programmes sur plusieurs cycles de financement.

La Stratégie 2040 définit cinq ambitions générales dont les priorités spécifiques et les besoins correspondants en termes d'avancées technologiques futures sont identifiés.

Ces ambitions sont profondément ancrées dans les valeurs fondamentales de l'Europe, qui mettent l'accent sur l'utilisation pacifique de l'espace, la durabilité, la stabilité, la prospérité, des services publics solides et le rôle historique de l'espace dans la recherche et l'éducation. Elles reflètent également un engagement en faveur de la collaboration multilatérale pour relever des défis complexes et garantir que les activités spatiales contribuent positivement au bien-être des générations futures. Si la stratégie définit ce que l'Agence entend réaliser au cours des quinze prochaines années, elle accorde une importance tout aussi grande à la manière dont ces objectifs seront atteints. 

Ambition 1 – Protéger notre planète

Alors que l'humanité fait face aux défis du XXIe siècle, le changement climatique restera la question la plus urgente, avec une tendance à l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, à l'effondrement des écosystèmes et à la perte de biodiversité qui continuent de s'intensifier. Le Pacte vert pour l'Europe et les engagements nationaux similaires visent à relever ces défis en atteignant la neutralité climatique d'ici au milieu du siècle. L'espace jouera un rôle essentiel dans la réalisation de ces priorités en faisant progresser la science du climat, en soutenant l'action en faveur de la Terre et en mettant en œuvre des systèmes de surveillance, d'adaptation et de prévision. Parallèlement, la gestion durable de l'environnement proche de la Terre deviendra de plus en plus critique, car le nombre de satellites augmente de manière exponentielle, ce qui accroît le risque de collisions et de débris spatiaux. L'Agence spatiale européenne s'est engagée à ne plus produire aucun débris d'ici 2030 et plaide en faveur de l'adoption de la charte Zéro débris. Elle sera pionnière dans le domaine des technologies de retrait sélectif de débris, afin de garantir que l'espace reste un environnement viable et sûr pour les missions futures.

Au-delà de l'atmosphère terrestre, l'Agence spatiale européenne se concentrera sur l'atténuation des risques posés par la météorologie de l'espace et les objets géocroiseurs (NEO). Les tempêtes solaires vont continuer de menacer les infrastructures, les satellites et les systèmes de navigation, tandis que les impacts d'astéroïdes, bien que rares, pourraient présenter des risques catastrophiques. L'Agence renforcera ses capacités de prévision météorologique spatiale et mènera régulièrement des campagnes d'observation de ces NEO afin de prévoir et d'atténuer les impacts potentiels. Cette approche globale lui permettra de rester à la pointe des efforts mondiaux visant à protéger la planète, en tirant parti des technologies spatiales pour relever les défis les plus critiques en matière de durabilité de la Terre, tout en préservant l'utilisation future de l'espace lui-même.

Ambition 2 – Encourager l'exploration et les découvertes

Ce volet de la stratégie vise à façonner l'avenir de l'Europe en tant que leader dans les domaines des sciences de la Terre, des sciences spatiales et de l'exploration spatiale, de l'orbite terrestre basse jusqu’à la Lune et, à terme, Mars. En favorisant l'excellence, l'innovation et la collaboration, les missions de l'Agence spatiale européenne continueront à aborder les questions scientifiques fondamentales de notre époque. Il s'agit notamment d'approfondir notre compréhension des systèmes complexes de la Terre, afin de mieux comprendre notre système solaire, l'évolution des galaxies et les dynamiques qui façonnent notre univers.

En matière d'exploration, l’Agence renforcera la présence de l'Europe en orbite basse, mettra en place des opérations lunaires durables et préparera l'exploration de Mars. Cela implique la construction d'infrastructures pour l'espace cislunaire, le développement des technologies de transport, de communication et de mobilité, ainsi que la mise au point de systèmes pour une habitation lunaire durable. Les projets internationaux collaboratifs et la participation à l'ISS et aux futures stations spatiales renforceront encore le rôle de l'Europe dans la nouvelle ère de l'exploration spatiale.

Ambition 3 – Renforcer la résilience et l'autonomie européennes

La résilience et l'autonomie de l'Europe dans le domaine spatial sont essentielles pour l'avenir. D'ici 2040, l’ESA vise à réaliser des progrès significatifs en intégrant des solutions spatiales de pointe qui réduisent les dépendances externes et renforcent la capacité de l'Europe à relever les défis de manière indépendante.

L'accent est mis sur la sécurité et la résilience des réseaux de communication et l'accès autonome à l'espace. L'ESA cherche à protéger les citoyens européens, les infrastructures critiques et les approvisionnements vitaux tout en réduisant les dépendances externes. Les communications spatiales seront intégrées de manière transparente aux réseaux terrestres, garantissant des connexions robustes et sécurisées sur terre, dans les airs et en mer, même dans les zones touchées par des catastrophes. La télédétection avancée, l'analyse des données en temps réel et une connectivité robuste révolutionneront la gestion des catastrophes, permettant une prévention et une réponse plus rapides et plus précises en cas de crise. Ces capacités garantiront une coordination efficace entre la terre, l'air, la mer et l'espace, transformant ainsi la capacité de l'Europe à atténuer les risques.

Afin de garantir l'autonomie de l'Europe dans l'espace, l'ESA investira dans des systèmes de transport évolutifs et à la pointe de la technologie, garantissant un accès fiable et indépendant à l'espace. Cela permettra de jeter les bases d'une présence européenne durable et autonome dans l'espace, essentielle pour ses intérêts stratégiques et sa résilience à long terme.

Ambition 4 – Doper la croissance et la compétitivité européennes

L'Agence spatiale européenne stimulera la croissance économique et le leadership de l'Europe dans l'économie spatiale mondiale en se concentrant sur quatre objectifs stratégiques : renforcer la capacité industrielle et la compétitivité afin d'ouvrir de nouveaux marchés, favorisant ainsi une société plus prospère ; accélérer l'innovation en développant des technologies spatiales européennes de pointe dans des domaines stratégiques fondamentaux, garantissant ainsi que l'Europe reste à la pointe du progrès technologique ; positionner l'Europe comme une plaque tournante commerciale dans l'économie spatiale mondiale en plein essor, en attirant d'importants investissements privés grâce à des politiques et des incitations favorables. Enfin, quatrième objectif, elle fera de l'Europe le centre mondial de la recherche spatiale en tirant parti d'installations de classe mondiale et en attirant les meilleurs talents dans le domaine des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques (STEM), consolidant ainsi sa réputation de destination de choix pour l'expertise et l'innovation spatiales. Grâce à ces objectifs, l'ESA garantira la résilience, la compétitivité et la croissance durable de l'Europe dans le secteur spatial.

Ambition 5 – Être source d'inspiration pour l'Europe

Il s’agit de mettre en place un écosystème spatial européen cohérent et efficace qui rassemble le continent grâce à des missions audacieuses, des découvertes pionnières et des initiatives éducatives percutantes. Les relations entre l'ESA et l'Union européenne continueront d'évoluer, guidées par les contributions stratégiques des États membres de l'ESA et le cadre de coopération établi avec l’Union. Le renforcement de cette relation grâce à une collaboration stable, inclusive et à long terme, l'ESA étant la seule agence chargée de la mise en œuvre des programmes spatiaux de l'Union, est essentiel pour réaliser cette vision. En promouvant l'excellence, en nourrissant la curiosité et l'ambition et en mettant en avant la force de la diversité, l'Agence spatiale européenne vise à inspirer les futures générations de scientifiques, d'ingénieurs et d'entrepreneurs. À l'instar du programme Apollo, qui a fait des États-Unis une puissance mondiale, l'Europe peut utiliser la science et l'exploration spatiales pour encourager et faire progresser l'innovation technologique et renforcer l'influence mondiale de ses États membres, de ses agences spatiales nationales et de l'Union européenne.

Adaptation et réformes

Pour atteindre les objectifs ambitieux de sa Stratégie 2040, l'ESA continuera à mener à bien ses programmes et activités spatiaux tout en mettant en œuvre des réformes structurelles, en s'ouvrant à la commercialisation de l'espace et en renforçant la coopération entre l'ESA et l'Union européenne. Forte de cinquante ans de réalisations, elle adaptera ses approches opérationnelles grâce à son initiative de transformation. Objectif :  moderniser la mise en œuvre des programmes, les marchés publics et les processus internes afin de garantir la réalisation efficace d'un nombre croissant de programmes dans le respect des délais et du budget. L'autorité indépendante de gestion de projet, qui supervise le respect des règles de gestion, contrôle l'allocation des ressources et atténue les risques, en relevant des défis tels que le biais d'optimisme et les retards dans les projets, est la pierre angulaire de cet effort. L'ESA actualisera également ses règles de passation de marchés et ses cadres de retour géographique, favorisant ainsi une industrie spatiale européenne compétitive et innovante qui profite à tous les États membres.

L'Agence spatiale européenne accompagnera la commercialisation croissante de l'espace en passant de l'acquisition de matériel à l'achat de services, en soutenant la croissance du marché grâce à des contrats de location à long terme et en encourageant l'innovation par le biais de partenariats avec des entreprises NewSpace. Ces approches visent à donner au secteur privé les moyens de stimuler la commercialisation, tandis que l'ESA se concentrera sur les missions pionnières et la résolution des défis mondiaux. En jouant un rôle de facilitateur et de catalyseur, l'Agence veillera à ce que les investissements publics dans l'espace génèrent des avantages sociaux et économiques importants.

Il est essentiel d'approfondir la collaboration avec l'Union européenne, car la demande du secteur public représente 70% de l'économie spatiale européenne. L'ESA vise à renforcer ses partenariats avec l'Union dans le cadre de programmes existants tels que Galileo, Copernicus et IRIS², tout en explorant de nouveaux domaines alignés sur les priorités européennes telles que l'action climatique, l'innovation numérique et l'autonomie stratégique. En tirant parti des ressources spatiales à double usage, l'Agence spatiale européenne soutiendra la réponse aux catastrophes, la sécurité alimentaire et la cybersécurité, contribuant ainsi à la résilience de l'Europe et renforçant son leadership sur la scène mondiale. Cette coopération permettra à l'Europe de rester un acteur majeur de l'économie spatiale mondiale, tandis que l'ESA continuera à fournir son expertise technique et à mettre en œuvre les programmes de l'Union européenne.

En complément de ces efforts, le plan à long terme de l'ESA servira de base financière et opérationnelle à cette stratégie, en fournissant une feuille de route cohérente pour le financement, l'allocation des ressources et la coordination entre les directions. Plus qu'un simple outil de planification, le plan à long terme synchronisera les programmes de l'ESA avec les priorités nationales des États membres, favorisant ainsi une approche unifiée et collaborative dans l'ensemble du secteur spatial européen. Pour l'industrie spatiale, le plan à long terme offre clarté et prévisibilité, permettant une planification solide, l'innovation et l'alignement avec les futures initiatives de l'ESA.

Le plan à long terme et la Stratégie 2040 sont conçus comme des instruments dynamiques capables de s'adapter aux changements géopolitiques, technologiques et environnementaux. Ensemble, ils garantissent que l'ESA reste agile et réagisse efficacement aux défis imprévus tout en continuant à mener des avancées transformatrices dans l'exploration spatiale, les découvertes scientifiques, les applications et la croissance industrielle. Ces cadres fondamentaux prépareront l'ESA, les États membres et l'industrie spatiale européenne à naviguer dans un paysage mondial en constante évolution, garantissant ainsi la position de l'Europe en tant que leader dans le domaine de l'innovation et de la résilience spatiales.

Un record de souscriptions 

La première étape pour concrétiser la Stratégie 2040 de l'ESA a été la réunion du Conseil de l'ESA au niveau ministériel (CM25) qui s'est tenue à Brême les 26 et 27 novembre 2025. L'ESA y a présenté une proposition de programme minutieusement élaborée, qui reflète les priorités de la Stratégie 2040, garantissant une forte cohérence entre les investissements nationaux et la vision à long terme de l'Agence.

Si la proposition s'articule autour des cinq ambitions stratégiques de la Stratégie 2040, il est important de noter que la plupart des programmes de l'ESA contribuent à plusieurs d'entre elles et soutiennent la Stratégie 2040 de manière transversale.

La proposition présentée lors de la CM25 vise un changement radical et trace la voie pour l'avenir de l'Europe dans l'espace, grâce à une Agence modernisée et agile, qui adopte un changement de paradigme dans la manière dont les programmes spatiaux sont conçus, acquis et mis en œuvre. Cela a été reconnu par les États membres, qui ont fourni des contributions à hauteur de 22,3 milliards €, soit une augmentation de 31% par rapport aux investissements engagés lors de la précédente réunion du Conseil ministériel en 2022.

Parmi les éléments de la proposition ayant fait l'objet d'une souscription excédentaire figurent la science, qui bénéficiera d'une augmentation historique de 3,5% par an au-delà de l'inflation, et la technologie, qui s'est vu accorder un budget considérablement renforcé pour les facilitateurs technologiques, les composants critiques, la numérisation et les technologies émergentes. Cela montre que, tout en relevant de nouveaux défis, l'Agence spatiale européenne continuera à faire la part belle à ses missions fondamentales.

Résilience européenne dans l’espace

La proposition présentée à la CM25 comprenait également un programme pour la « Résilience européenne depuis l'espace » (ERS). L'Europe dispose d'une forte capacité à gérer les situations d'urgence et à réagir aux catastrophes, en grande partie grâce au succès de ses programmes spatiaux qui lui ont permis d'acquérir des capacités de pointe en matière de surveillance environnementale, de connaissance de la situation et de réponse aux crises.

S'appuyant sur ces bases solides, ERS est une initiative complémentaire visant à garantir le maintien de la résilience de l'Europe à une époque marquée par des changements géopolitiques rapides et des crises de plus en plus complexes et imprévisibles. Les États membres ont souscrit à cette approche.

L'initiative ERS comblera les lacunes critiques dans la capacité de l'Europe à gérer les crises, en particulier celles déclenchées par des menaces géopolitiques qui s'intensifient rapidement. Il s'agit d'une architecture intégrée de systèmes de systèmes structurée autour de trois piliers interconnectés.

Le premier pilier est le programme ERS – Observation de la Terre (ERS EO), qui fournira des capacités d'observation de la Terre hautement performantes pour la surveillance des crises et la réponse rapide, complémentaires aux capacités commerciales et nationales européennes. Le programme sera axé sur les utilisateurs et mis en œuvre en deux volets. Le premier volet couvrira la préparation du futur système de service gouvernemental d'observation de la Terre (EOGS), proposé dans le cadre du programme spatial de l'Union européenne, en termes d'élaboration d'une architecture globale du système. En font partie la mise en commun et le partage des capacités commerciales et nationales, la conception de futures missions spatiales ainsi que la maturation des technologies et des services aux utilisateurs.

Le deuxième élément favorisera et fédérera les capacités grâce à des clusters souverains nationaux ou multinationaux, chacun contribuant à une architecture commune tout en conservant le contrôle national, et aidera à garantir des points d'accès aux capacités spatiales pour les entités chargées de la sécurité publique, de la protection et des secours en cas de catastrophe. Grâce à cette approche, l'ESA offre un moyen rapide et concret d'agir et de fournir des images satellites fiables grâce à des capacités d'observation de la Terre hautement réactives, garantissant ainsi que les infrastructures spatiales puissent répondre de manière décisive aux réalités d'un monde plus incertain.

Le deuxième pilier est la connexion fonctionnelle de la constellation ERS à la future constellation IRIS² de l'Union, qui assurera une connectivité sécurisée multi-orbitale pour les communications. La constellation mise en place dans le cadre de ce dernier programme servira de dorsale de communication, garantissant une transmission rapide, sécurisée et fiable des données aux utilisateurs des systèmes d'observation de la Terre et de navigation existants et futurs. Le programme de l'ESA comprendra une activité préparatoire IRIS² Evolution qui améliorera et ajoutera des capacités, tout en permettant la connectivité à d'autres systèmes (par exemple, les missions nationales des États membres de l'ESA/UE) ainsi qu'à des utilisateurs non spatiaux de défense (par exemple, les avions ou les pseudo-satellites à haute altitude).

Le troisième pilier est la mise en œuvre accélérée et renforcée de Celeste, la phase préparatoire en orbite terrestre basse (LEO) du programme FutureNAV. Complémentaire des infrastructures de base Galileo et EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay System), elle améliorera considérablement leur résilience et leur précision. Cela permettra de fournir des services PNT précis et robustes, même dans des environnements soumis à des brouillages, des interférences ou des dégradations, garantissant ainsi un accès fiable à des informations critiques de géolocalisation et de synchronisation dans tous les scénarios.

Ensemble, ces trois piliers forment une infrastructure européenne stratégique et souveraine qui combine une détection précise, une connectivité sécurisée et un positionnement exact. Il convient de souligner que l'initiative ERS repose sur le principe de mise en commun et de partage ; les gouvernements nationaux conserveront le contrôle total de leurs actifs tout en bénéficiant de capacités supplémentaires, évitant ainsi l'indisponibilité des services due à la saturation en cas de forte demande.

***

La CM25 a marqué le début d'un marathon de jalons budgétaires et politiques, notamment le Conseil ministériel de l'ESA 2028 et le cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 de l’Union européenne, qui façonneront les ambitions spatiales à long terme de l'Europe.

Les premiers pas ont donc été franchis et la voie à suivre est claire. En s'attaquant aux défis mondiaux urgents, en encourageant l'innovation et en unissant les efforts de l'Europe dans le domaine spatial, l'Agence spatiale européenne vise à garantir que l'Europe reste compétitive, résiliente et visionnaire, occupant une place dans la communauté spatiale mondiale à la mesure de son poids politique et économique.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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