Démocratie et citoyenneté
Anne Castagnos-Sen
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Anne Castagnos-Sen
I. De quelles institutions a-t-on besoin pour gouverner l'Europe ?
Pour J.L. Quermonne, Professeur émérite à Sciences-Po, et Wolfgang Wessel, professeur à l'université de Cologne, la question du Gouvernement de l'Europe s'articule autour de trois grands axes de réflexion :
1. Pourquoi a-t-on besoin d'un gouvernement de l'Europe ?
Le terme de « gouvernement » ne fait pas encore partie du vocabulaire communautaire et il n'apparaît ni dans la Déclaration de Laeken, qui a présidé à la création de la Convention sur l'avenir de l'Europe, ni dans le projet PENELOPE sur les réformes institutionnelles, présenté par la Commission européenne en décembre 2002. Tout au plus y parle-t-on « d'Exécutif » européen.
Durant cinquante ans, l'Europe s'est passée de gouvernement grâce à l'utilisation de la « Méthode communautaire » préconisée par Jean Monnet qui a permis d'en faire l'économie. Plus tard, l'Europe, sous l'impulsion du président Giscard d'Estaing, s'est dotée d'une sorte de « Gouvernement provisoire » incarné par le Conseil européen. Créé en 1974 lors du Sommet de Paris, le Conseil européen a été institué par un simple paragraphe de communiqué précisant que les Chefs d'Etat et de gouvernement ont « décidé de se réunir, accompagnés des ministres des Affaires étrangères trois fois par an et chaque fois que nécessaire, en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération politique ». L'Acte unique de 1986 consacre le Conseil européen et stipule la participation du Président de la Commission aux côtés des chefs d'Etat et de gouvernement.
Le concept le mieux adapté à la situation actuelle est sans doute celui de « gouvernance de l'Europe ». Mais celui-ci est-il suffisant pour répondre aux exigences imposées par les traités dans des domaines qui relèvent traditionnellement du champ régalien ? L'Union monétaire, désormais entre les mains des institutions communautaires, présente en effet des caractéristiques très différentes de celles qu'implique par exemple la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice qui couvre des domaines tels que le mandat d'arrêt européen ou l'éventuelle création d'un parquet européen, d'une police des frontières communes ou d'un corps de garde-côtes européen. Sans parler de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ou de la Politique commune de défense (PESD) qui sont les domaines où la souveraineté nationale s'exprime de la manière la plus forte.
Pourtant, nous avons besoin d'un gouvernement de l'Europe pour assurer l'équilibre mondial et mettre fin à l'unipolarité qui règne depuis la fin de la guerre froide.
Pour les intervenants, la question fondamentale n'est donc pas de savoir si nous avons besoin d'un gouvernement de l'Europe mais la forme que celui-ci doit revêtir et selon quel partage des pouvoirs.
2. Quelle pourrait ou devrait être la base constitutionnelle d'un gouvernement de l'Europe ?
Par souci de cohérence et de simplification, les Conventionnels ont d'ores et déjà décidé de doter l'Union européenne d'une personnalité juridique, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, alors que la Communauté européenne issue du Traité instituant la Communauté européenne est un sujet de droit international. Il résulte de cette incongruité d'importantes confusions dans les relations avec les pays tiers et dans l'opinion européenne. Cette personnalité juridique unique, déjà inscrite dans le projet de Traité constitutionnel, permettra à l'Union européenne de signer des traités et de devenir membre d'organisations internationales comme le Fonds monétaire international ou les Nations Unies. Elle a pour corollaire la disparition de la structure actuelle de l'Union européenne en trois piliers, héritée du Traité d'Amsterdam et le décloisonnement du cadre institutionnel préconisé par la Contribution franco-allemande du 15 janvier dernier sur « l'Architecture institutionnelle de l'Union ».
Dans cette proposition, Paris et Berlin prônent également la suppression de l'actuelle présidence tournante, dont chacun s'accorde à dénoncer l'absurdité et l'inefficacité dans une Europe à 25, et suggèrent une double présidence de l'Union européenne qui reflèterait la double légitimité étatique et « parlementaire » de l'Union :
• Un président de la Commission, élu par le Parlement européen à la majorité qualifiée et approuvé par le Conseil à la majorité qualifiée
• Et un président « à temps plein » du Conseil européen, représentant l'Union sur la scène internationale et élu par ses pairs à la majorité qualifiée pour un mandat de 5 ou 2,5 ans (renouvelable).
De fait, ce système met entre les mains du Conseil les questions des relations extérieures (fonction diplomatique et défense) tandis que les affaires internes à la Communauté (élaboration des lois européennes) seraient confiées à la Commission.
J. L. Quermonne a adopté une position critique vis-à-vis de ce « compromis » entre tenants d'un Conseil fort souvent incarnés par les « grands »Etats et les défenseurs d'une Commission forte représentés par les « petits » pays ». [1] Il voit en effet dans ce « compromis par addition » un risque de grave dysfonctionnement : ce partage du pouvoir entre le Conseil et la Commission sur les questions de politique extérieure et de politique intérieure implique également un partage correspondant entre les fonctions exécutive et législative, qui n'existe pas en l'état actuel des Traités et du fonctionnement des institutions. En outre, on risque de voir émerger deux administrations parallèles, source de confusion et de gaspillage.
Actuellement, l'activité législative de l'Union est relativement satisfaisante (32 textes ont été adoptés sous présidence danoise au second semestre 2002). En revanche, la fonction exécutive rencontre davantage de difficultés : le conseil des Affaires générales a des problèmes de coordination et le Conseil européen se retrouve avec un ordre du jour « encombré » de questions qui auraient dû être réglées en amont.
3. Quel pourrait ou devrait être l'équilibre des pouvoirs au sein de ce gouvernement ?
Quel qu'il soit, l'équilibre des pouvoirs doit respecter l'exigence de la double légitimité de l'Union : celle des Etats, incarnée dans le Conseil européen responsable devant les instances politiques nationales, et celle des citoyens, incarnée par le Parlement européen élu depuis 1979 au suffrage universel. Cette exigence impose au futur Exécutif de l'Union de bénéficier de la confiance de ces deux sources de légitimité.
Sur la Présidence de l'Union, J.L Quermonne rejoint la proposition d'une présidence unique de l'Europe [2] présentée par P. Lequiller, Président de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale, mais mesure la difficulté à la faire accepter.
P. Lequiller, lui-même, parle du « saut conceptuel » que constituerait l'adoption de cette réforme.
En effet, ce régime « sur-présidentiel » européen va à l'encontre de la tradition d'une majorité d'Etats-membres qui relèvent d'une culture plutôt parlementaire, la France étant l'une des rares exceptions à cette règle.
La seconde option est celle d'une présidence concentrée autour du Président de la Commission qui porterait la double casquette : Affaires intérieures/Relations extérieures qui pourrait se mettre en place par étapes et qui assurerait des fonctions gouvernementales. Une telle proposition s'oppose à la vision franco-hispano-britannique dite ABC (Aznar, Blair, Chirac) d'une présidence du Conseil renforcée. C'est dans un esprit de compromis entre ces deux positions inconciliables qu'a été élaborée dans un second temps le projet franco-allemand.
Une troisième option avait été envisagée par R. Badinter, Sénateur et membre de la Convention, dans son projet de constitution d'octobre 2002 qui rejoint la vision d'un président de l'Europe – Président du conseil, mais comme figure symbolique et emblématique de l'Europe, au-dessus des divisons partisanes, et ayant une fonction de « président » à l'allemande plutôt qu'une fonction politique « à la française ».
Malgré l'intérêt qu'elles présentent, toutes ces propositions ont le même défaut : elles ne répondent pas à la question du « gouvernement » de l'Europe ni à l'avenir de la tradition collégiale de la Commission, garante de l'intérêt communutaire.
Ce fonctionnement collégial, véritable fer de lance de la construction européenne et qui a, jusqu'à ce jour, relativement bien fonctionné, est bousculé dans ses fondements par l'élargissement. Ainsi A. Lamassoure, député européen et membre de la Convention, compare la situation à un orchestre de chambre à 15 musiciens où il suffisait que l'un des musiciens (ou deux : le couple franco-allemand) donne le « la » pour assurer l'harmonie. « Un vrai chef d'orchestre sera désormais nécessaire pour ce qui ressemblera plutôt à un ensemble symphonique ». [3]
Une des propositions communes au couple franco-allemand, à P. Lequiller et à plusieurs autres contributeurs semble désormais acquise : c'est l'institution d'un Ministre européen des Affaires étrangères, en lieu et place de la double fonction de Haut représentant pour la PESC et de Commissaire aux relations extérieures assurées respectivement par J. Solana et C. Patten. Ce Ministre serait en même temps un membre de la Commission qui aurait la double charge de représenter et le Conseil et la Commission et serait responsable devant les deux institutions. On pourrait imaginer l'extension de ce système à d'autres portefeuilles européens (affaires intérieures, justice, cohésion économique et sociale) afin d'assurer ainsi un « gouvernement collectif » de l'Union sans remettre en cause l'originalité et la spécificité des mécanismes communautaires qui ont fait son succès depuis 50 ans.
D'une manière générale, il faut éviter de produire un texte constitutionnel trop « verrouillé » qui bloquerait pour des années toute possibilité d'évolution future. La construction européenne est un chantier permanent auquel il nous faut travailler : la solution est peut-être de tester provisoirement certaines des formules proposées et juger de leur efficacité.
S. Goulard, membre du Groupe des conseillers politiques de la Commission européenne, a en effet rappelé que Jean Monnet a voulu un système en perpétuelle évolution qui nous contraint à sortir de la dialectique exécutif-législatif qui règne actuellement. La négociation serait l'apanage du Conseil européen tandis que la Commission seule constituerait un embryon de conscience démocratique européenne. Or le vrai changement de nature serait le passage à la majorité qualifiée et l'acceptation pour les Etats-membres d'être mis en minorité. En d'autres termes : l'acceptation pour les Etats d'un cadre supranational sans le verrou du vote à la majorité qui, politiquement instrumentalisée, bloque toute avancée en matière de politique extérieure et de défense commune notamment. Le principal danger de la Convention réside dans ce que S. Goulard qualifie de « nominalisme » : créer des concepts et des noms sans leur donner aucun contenu .
Christian Deubner, Chargé de mission auprès du Commissaire général au Plan à Paris, a soulevé la question des « coopérations renforcées » ou des « avant-gardes », désignées comme « intégration différenciée ». Cette option, très débattue au sein de la Convention, permettrait sans doute de sortir de l'impasse dans laquelle semblent se trouver les travaux de la Convention, dans le domaine de la politique extérieure (PESC) et de la défense commune (PESD). Le 29 avril prochain, quatre des six Etats fondateurs de la Communauté européenne (France, Allemagne, Belgique et Luxembourg) ont déjà décidé d'organiser un mini-sommet sur la défense européenne. Si l'institution des ces « coopérations renforcées » [4] , sur le modèle de ce qui a été fait pour l'Euro, n'est pas pleinement satisfaisante au regard de la nécessité de la mise en place d'une véritable politique européenne extérieure et de défense, on peut cependant considérer qu'elle est inévitable dans une Europe à 25 et qu'elle pourra servir de locomotive à une future politique européenne commune dans ces matières.
II. Que devrait prévoir le Traité constitutionnel pour améliorer la démocratie ?
P. Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et Jo Leinen, membre du Parlement européen, ont exposé leur point de vue sur le contenu de la future Constitution européenne.
L'Europe traverse la crise la plus grave qu'elle ait connu ces dernières années dont l'Irak n'a sans doute été que le révélateur. Même si la Convention fait « comme si de rien n'était » et bien que le Président V. Giscard d'Estaing ait reporté le débat sur la PESC ; nous sommes face à deux conceptions radicalement opposées sur l'avenir de l'Europe. Mais cette crise doit être productive : il faut transformer un mal en un bien, il faut que les conventionnels se ressaisissent et rebondissent pour élaborer une véritable politique extérieure commune. Pour ce faire, la méthode conventionnelle est la bonne (large représentativité, décision au consensus, transparence des travaux, implication de la société civile), même si l'actualité internationale imposera sans doute à la Convention une prolongation de deux ou trois mois de ses travaux.
Malgré ces récentes difficultés, la Convention a déjà fait des pas de géants si l'on songe à son mandat initial (déclaration de Laeken) et à l'intérêt relatif que sa création a suscité : l'idée d'un Constitution européenne est désormais acquise, le principe de subsidiarité a été clarifié et son contrôle largement confié aux Parlements nationaux, la Charte des droits fondamentaux sera intégrée au texte constitutionnel, les instruments législatifs et les procédures ont été simplifiés (on parle désormais de lois et de lois-cadres en lieu et place des directives et règlements). Le ministre des Affaires étrangères est également « une très belle conquête démocratique de la Convention » (P. Lequiller).
Le vrai problème est la perception de l'Europe auprès des citoyens : les Européens ne connaissent pas l'Union européenne. Lorsque P. Lequiller interroge ses auditoires sur le nom du président du Conseil, le nom du président de la Commission et le noms de cinq eurodéputés français, les participants sont souvent bien en peine de répondre.
Sur le plan institutionnel, les débats tournent autour de la proposition franco-allemande du 15 janvier dernier d'une présidence bicéphale et du ministre des Affaires étrangères, qui constitue un compromis acceptable en terme de lisibilité de l'Europe mais qui ne va sans doute pas assez loin. P. Lequiller estime, qu'à moyen ou long terme, sa proposition de présidence unique reste la meilleure option pour donner l'image d'une Europe forte sur la scène internationale et d'un président représentant les citoyens européens et détenteur d'une réelle légitimité politique auprès de l'opinion publique européenne. L'idée de l'élection de ce président au suffrage universel, soulevé par certains, est certainement prématurée, difficilement réalisable sur le plan technique et, peut-être, même peu souhaitable. On risque d'assister à une politisation de la présidence du Conseil et de donner l'image d'un président de parti plutôt que d'un président de tous les Européens. Pour Matthias Jopp, la seule élection du président de l'Union par le Parlement, du fait de ce risque de politisation, serait du suicide politique.
En Allemagne, l'opinion publique ressent une très vive « frustration européenne » : le deutsch-mark, porteur d'une République fédérale d'Allemagne économiquement forte et politiquement réhabilitée, a disparu au profit de l'Euro sans valeur symbolique. Or, la population n'a jamais été consultée sur l'Euro. Si constitution il y a, il est indispensable qu'elle soit politiquement légitimée si l'on veut que les citoyens adhèrent au projet européen. Pour ce faire, la transparence des travaux de l'Union et le degré de consultation des citoyens doivent être améliorés et l'ensemble des mécanismes simplifié : ainsi l'idée d'un « Congrès des peuples » qui constituerait de fait, selon J. Leinen, une troisième chambre législative, serait totalement contre-productive et achèverait de paralyser le système législatif. En revanche, une meilleure utilisation de la COSAC [5], totalement méconnue du grand public, contribuerait à l'amélioration du fonctionnement démocratique des institutions.
La coopération culturelle pourrait-elle constituer un moyen de rapprocher les citoyens de l'Europe ?
C'est la conviction de P. Lequiller : la culture mérite mieux que de simples et peu contraignantes « mesures d'appui » de la part de l'Union. La culture, c'est la ciment des Européens, ce qui nous unit et nous différencie en grande partie de nos partenaires d'outre-Atlantique. Cette timidité des Conventionnels à impliquer plus avant l'échelon européen s'explique en grande partie par la réticence de certains Etats à structure fédérale, parmi lesquels l'Allemagne où les questions culturelles relèvent entièrement de la compétence des Länder. Il nous faut donc faire preuve d'imagination et trouver des solutions acceptables par tous.
L'autre difficulté, soulignée par Renaud Dehousse, Professeur à Sciences-Po, est l'empreinte du national sur les débats européens. Chaque pays voudrait transposer son modèle national à l'échelon européen sans tenir compte du fait que l'administration d'un espace de 500 millions d'Européens répartis dans 25 pays, partagés par des lignes de fracture historiques et culturelles, impose d'inventer un modèle particulier qui réponde à ces caractéristiques hybrides de la construction européenne. L'originalité du modèle européen repose sur cette double légitimité étatique et parlementaire, sur les mécanismes communautaires initiaux et sur la permanente évolution dont elle fait preuve depuis 50 ans. Cette réalité européenne est sans précédent dans l'histoire, même si l'on peut à certains égards s'inspirer des modèles démocratiques de pays comme l'Inde ou la Suisse. Comment en effet, s'interroge Joachim Schild (Fondation Wissenschaft und Politik de Berlin) traduire la volonté populaire à l'échelon européen ? Quels sont les mécanismes les mieux adaptés à cet égard ?
III. Quelle place pour la politique étrangère et de sécurité dans le Traité constitutionnel ?
Le Dr. Weigel, directeur adjoint du Planungstab au ministère des Affaires étrangères allemand et Gilles Andréani, Directeur du Centre d'analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères français, sont revenus sur la question brûlante de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de son avenir dans l'Europe élargie, suivi par les commentaires de Françoise de la Serre, Directeur de recherche au CERI, et de Matthias Jopp
La guerre en Irak et les divisions qui l'ont accompagnée ont porté un coup dur aux velléités d'une politique extérieure européenne et ont mis le monde entier à l'épreuve d'une certaine vision des relations bilatérales dans la gestion des crises. Mais les peuples ont fait preuve d'une plus grande communauté de pensée dans leur opposition à la guerre que les gouvernements. Le Président Giscard d'Estaing parle dans ce contexte d'une véritable émergence d'une opinion publique européenne.
La première question est de savoir comment transformer l'essai : tous font le constat de la division de l'Europe. Mais l'Europe doit-elle continuer sur la voie de la prééminence de la politique nationale en matière de politique extérieure ou doit-elle au contraire tenter de parler d'une seule voix ? C'est l'idée déjà évoquée par P. Lequiller du « plus jamais ça » qui doit prévaloir.
La seconde question est de savoir où nous voulons aller. Quelle est la finalité de la PESC ? S'agit-il d'élaborer une politique commune dans ses grandes lignes ou une politique « unique » ?
La réponse n'a pas encore été donnée.
Il importe que la Convention y réfléchisse et envoie un message clair à la Conférence intergouvernementale (CIG) qui suivra : « le temps des atermoiements est terminé ». En tout état de cause, pour le Dr. Weigel, la Convention doit se prononcer sur au moins trois points :
1. Adoption de la majorité qualifiée en matière de PESC
2. Institution du ministre des Affaires étrangères détenteur d'une double « allégeance » à la Commission et au Conseil
3. Mise en place d'un service diplomatique européen, préconisé par la Contribution franco-allemande du 15 janvier dernier.
Pour Gilles Andréani, la Convention devrait articuler ses propositions en matière de PESC autour de trois grands thèmes :
1. L'introduction d'un certain degré de coopération renforcée
2. L'introduction du vote à la majorité qualifiée à titre principal et non plus exceptionnel, contrairement à ce que prévoit le Traité d'Amsterdam
3. Une manifestation plus solennelle dans les domaines de la PESC et de la PESD, sur le modèle de la « Clause de solidarité » entre les Etats-membres prônée par la Contribution franco-allemande en matière de défense du 22 novembre 2002.
Comment l'Europe peut-elle sortir de cette crise ?
Au minimum, l'Europe doit essayer de « réparer les dégâts » en procédant à un « examen de conscience collectif » et à une réflexion sur la manière dont on en est arrivé là. L'Europe a pêché par manque de consultation préalable (avant l'annonce de positions bilatérales comme la position franco-allemande ou multilatérales comme la « Lettre des Huit » puis « des Dix »). L'Europe doit donc réfléchir à un « code de conduite » à adopter dans ce genre de situation. Par l'affichage excessif de ses divisions, l'Europe s'est enferrée dans ses divisions en provoquant une radicalisation des positions, relayées par la presse. L'Europe peut aussi envisager une restauration commune du lien transatlantique (notamment par une présence européenne dans l'Irak de l'après-guerre) et une relance du processus PESC/PESD par une évaluation commune de la menace (prolifération d'armes chimiques ou de destruction massive, terrorisme, etc.) et une présence renforcée à l'extérieur des frontières de l'Union, notamment dans les Balkans et au Moyen-Orient, posant là un acte de volontarisme politique. Le troisième scénario, serait une refondation de la PESC en affirmant la « Clause de solidarité » et la mise en place de coopérations renforcées dont il a déjà été question.
Conclusion
Quel est le rôle de l'axe franco-allemand dans une Union à 25 ?
Tous s'accordent à dire que la relance de l'axe Paris-Berlin en novembre 2002 a largement contribué à l'intensification des travaux de la Convention, mais sans doute aussi à sa division. L'absence du couple franco-allemand freine la construction européenne alors que son omniprésence agace ! En filigrane de cette rencontre se forme le dogme absolu qui régnait en Allemagne jusqu'à la crise irakienne. L'Allemagne ne doit jamais avoir à choisir entre les Etats-Unis et la France.
Aujourd'hui, l'alliance franco-allemande a manifestement prévalu.
Dans un système qui repose sur la négociation permanente et dans lequel la majorité qualifiée sera de plus en plus souvent de mise, la crise irakienne a révélé de nouvelles alliances dont la « vieille Europe » n'est pas familière mais avec lesquelles elle devra désormais compter.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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