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Le président de la République sortant Michael D. Higgins est réélu à la tête de l'Irlande

Élections en Europe

Corinne Deloy

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29 octobre 2018
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le président de la République sortant, Michael D. Higgins, qui se présentait comme candidat indépendant, a été réélu à la tête de l'Irlande avec 55,81% des suffrages le 26 octobre. Il a largement devancé tous ses adversaires mais dans une moindre mesure que ce qui avait été prévu par les enquêtes d'opinion. La victoire annoncée du chef de l'Etat sortant a sans doute dissuadé nombre de ses compatriotes de se rendre aux urnes. Moins d'un Irlandais sur deux a en effet rempli son devoir civique : la participation s'est élevée à 43,87% (-12,24 points par rapport au précédent scrutin présidentiel du 27 octobre 2011), soit le plus faible taux jamais enregistré pour une élection présidentielle.

L'indépendant Peter Casey a pris la deuxième place de l'élection avec 23,25% des voix. Sean Gallagher (indépendant) a recueilli 6,41% des suffrages ; la candidate du Sinn Fein (SF) Liadh Ni Riada a obtenu 6,38% des voix et Joan Freeman (indépendante), 5,96% des suffrages. Gavin Duffy (indépendant) ferme la marche avec 2,18% des voix.

Tableau résultats

Source : https://www.presidentialelection.ie/2018-results-latest/

" La présidence de la République n'appartient à personne en particulier mais au peuple irlandais dans son ensemble. Je serai le président de tous, de ceux qui ont voté pour moi et de ceux qui ne l'ont pas fait " a déclaré Michael D. Higgins à l'annonce des résultats.

Aucun des " grands " partis politiques du pays ne présentait de candidat à cette élection présidentielle, à l'exception du Sinn Fein. Michael D Higgins était en effet soutenu par le Parti travailliste, auquel il appartient, le Fine Gael du Taoiseach (Premier ministre) Leo Varadkar et le Fianna Fail (FF). Le Sinn Fein n'aura cependant tiré aucun avantage de l'absence de ses principaux adversaires. Le résultat de Liadh Ni Riada (6,38% des suffrages) ne peut que fragiliser la position de la dirigeante du parti, Mary Lou McDonald, qui avait affirmé qu'il existait " un appétit pour un changement politique et social dans le pays " durant la campagne électorale.

La surprise du scrutin présidentiel du 26 octobre est venue de Peter Casey. Ce dernier a tenu au cours des deux dernières semaines de campagne des propos très critiques sur les gens du voyage (qui, selon lui, ne paient pas d'impôts et vivent en s'installant sur les propriétés des particuliers) et a exprimé ses regrets que l'Irlande soit devenue un pays d'assistés. Le fondateur et directeur général de l'entreprise de recrutement mondial Claddagh Resources se présentait comme le candidat des Irlandais moyens, ceux qui ont des difficultés à payer leurs factures et à trouver un logement qui, selon lui, sont les personnes que l'Etat devrait aider. Ces propos, condamnés par le Premier ministre Leo Varadkar l'ont propulsé à la deuxième place de l'élection présidentielle. " La véritable raison pour laquelle j'ai obtenu ce résultat est parce que j'ai parlé pour la majorité des Irlandais, pour les gens qui souffrent, qui ne disposent d'aucun avantage et qui paient toutes leurs factures " a indiqué Peter Casey.

Michael D. Higgins reste donc le locataire du Aras an Uachtarain (nom de la résidence des chefs de l'Etat irlandais). Il prêtera serment le 11 novembre prochain à St Patrick's Hall au château de Dublin où il prononcera - en gaélique - la déclaration suivante : " En présence du Dieu Tout-Puissant, je fais solennellement et sincèrement la promesse et je déclare que je maintiendrai la Constitution d'Irlande et ferai respecter ses lois, que je m'acquitterai de mes fonctions fidèlement et en toute conscience, conformément à la Constitution et à la loi, et que je vais consacrer mes capacités au service et au bien-être du peuple d'Irlande. Puisse Dieu me guider et me soutenir " (article 12.8 de la Bunreacht na hEireann, nom de la Constitution irlandaise de 1937).

Agé de 77 ans, Michael D. Higgins est originaire de Limerick. Diplômé de sociologie, il a enseigné cette discipline ainsi que la science politique à l'université de Galway et à la Southern Illinois University (Etats-Unis). D'abord adhérent du Fianna Fail, il a quitté ce parti pour rejoindre le Parti travailliste. Elu député en 1981, il perd son siège l'année suivante avant de réintégrer le Dail Eireann, chambre basse de l'Oireachtas (parlement irlandais), en 1987. Il choisit de ne pas se représenter en 2011, année où il est élu président de la République.

Ancien maire de Galway (1982-1983 et 1991-1992), Michael D. Higgins a été ministre des Arts, de la Culture et du Gaélique entre 1993 et 1997 dans le gouvernement dirigé par John Bruton (FG). En 2003, il a succédé à Proinsias De Rossa à la présidence du Parti travailliste qu'il quittera après son élection à la présidence de la République le 27 octobre 2011. Enfin, le chef de l'Etat irlandais est également un poète renommé.

Le même jour, les Irlandais étaient appelés à se prononcer par référendum sur la suppression de l'infraction de publication ou de déclaration de blasphème dans la Constitution. Les deux tiers des électeurs (64,85%) ont voté en faveur de la suppression du blasphème. Comme pour l'élection présidentielle, moins de la moitié des Irlandais ont voté : la participation s'est élevée à 43,79%.

Après le " oui " à la légalisation de l'avortement le 25 mai dernier et à celle du mariage entre personnes de même sexe le 22 mai 2015, le résultat du référendum du 26 octobre marque l'évolution de l'Irlande, longtemps considérée comme un pays enfermé dans sa tradition catholique. "Nous avons déjà autorisé l'égalité des mariages et accordé aux femmes le droit de choisir sur l'interruption de grossesse. Ce référendum sur le blasphème constitue l'étape suivante", avait déclaré le Premier ministre Leo Varadkar en amont du scrutin.

" L'Irlande est à juste titre fière de sa réputation de société moderne et libérale " a déclaré le ministre de la Justice et de l'Egalité Charlie Flanagan (FG) à l'annonce du résultat. Le blasphème, défini comme tout propos ou action " grossier ou injurieux à l'égard des éléments sacrés d'une religion " pouvant causer " l'indignation des fidèles ", était jusqu'à présent interdit par l'article 40.6.1 de la Constitution irlandaise et passible d'une amende de 25 000 €. Les dernières poursuites pour blasphème remontaient cependant à 1855, année où le prêtre Vladimir Pecherin avait été finalement acquitté après avoir brûlé une Bible, accidentellement selon ses propos. En 1995, le catholique John Corway s'était déclaré blessé par des caricatures parues dans la presse et qu'il jugeait blasphématoires. La plainte qu'il avait déposée devant la Haute Cour de justice avait toutefois été rejetée.

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