Entretien d'EuropeUne initiative européenne au service de la gouvernance environnementale, le GMES (Global Monitoring for Environment and Security)
Une initiative européenne au service de la gouvernance environnementale, le GMES (Global Monitoring for Environment and Security)

Climat et énergie

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7 octobre 2002

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2. GMES : L'espace au service de la surveillance, de la compréhension et de la gestion de l'environnement

2.1. Les enjeux

Au seuil du 21 ème siècle, les questions d'environnement et de sécurité prennent une place chaque jour plus importante dans les préoccupations quotidiennes des citoyens. La place accordée tant dans l'agenda médiatique que dans l'agenda politique au tout récent sommet de la Terre à Johannesburg démontre combien est grande à ce jour l'emergence de la problématique relative au développement durable.

Le siècle qui commence s'est ouvert sur deux constats.

Le premier est que l'Homme pèse sur son environnement, sur l'évolution du climat et la disponibilité des ressources naturelles. L'Homme est en effet le premier facteur d'érosion sur Terre, bien avant le vent, la pluie et les fleuves. Il affecte le cycle du carbone et l'ensemble de la chimie de la biosphère. Il prélève la majeure partie de l'eau disponible à la surface des continents.

Le second constat est que l'humanité est de plus en plus vulnérable aux phénomènes naturels au fur et à mesure que les populations se regroupent dans les zones urbaines. Aujourd'hui plus de 3 milliards d'êtres humains vivent dans des mégapoles et sont concentrés sur quelques pour-cent de la surface de la Terre, le long des fleuves, à proximité de failles sismiques ou dans les régions côtières.

Le programme GMES, lancé à Baveno en 1998, est issu de ces constats. Derrière un acronyme quelque peu obscur se dissimule une initiative de la Commission Européenne, des agences spatiales et de l'industrie. L'objectif initial était de coordonner les programmes et les projets spatiaux dédiés à la surveillance et à l'étude de l'environnement, des changements planétaires en cours et des catastrophes naturelles afin d'en comprendre les causes et d'en réduire les conséquences désastreuses. Ainsi que l'a résumé le Commissaire chargé de la Recherche, Philippe Busquin, à l'occasion de la première réunion du Comité de pilotage GMES du 19 mars 2002, « il s'agit d'établir d'ici à 2008 une capacité européenne de Surveillance Mondiale pour l'Environnement et la Sécurité ».

Des enjeux humains, politiques et économiques : le siècle de la diplomatie environnementale

Les enjeux de ce programme sont multiples. Face aux effets du changement planétaire, de l'accroissement des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, des modifications de la couche d'ozone, des fluctuations du niveau de la mer, nous avons une obligation morale, envers les générations futures. La question n'est plus de savoir si la quantité de carbone doublera dans l'atmosphère, mais à quelle vitesse et si nous saurons faire face aux conséquences de ce phénomène.

Le changement planétaire fait aujourd'hui l'objet de plusieurs accords et traités internationaux, comme le protocole de Kyoto. En Juillet 2001 à Berlin , 188 états , à l'exception notable des USA, ont reconnu ensemble les dangers d'un réchauffement de la planète et ratifié le protocole de Kyoto. Pour garantir son autonomie politique et préserver ses intérêts économiques dans la négociation internationale, l'Europe doit disposer de capacités d'observation, d'analyse et d'évaluation indépendantes, en appui à la décision publique. C'est l' enjeu fondamental et fondateur de GMES. Cette indépendance est également nécessaire pour vérifier le respect des traités par tous leurs signataires. Autour de de ces négociations , tout un dispositif de « diplomatie environnementale » regroupant politiques et experts tend à emerger dans la plupart des pays afin de préparer et de négocier ces grands accords internationaux.

Des enjeux de santé publique et de sécurité civile

Le constat dressé dans le dernier rapport de l'Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) est formel : la température moyenne de l'atmosphére a augmenté de 0,6° C depuis un siècle. La composition chimique de l'atmosphère , et singulièrement la teneur en gaz à effet de serre, a changé et l'activité humaine en est la cause. Enfin, si rien n'est fait pour réduire les émissions de ces gaz à effet de serre, la température moyenne sur la planète pourrait augmenter d'ici la fin de ce siècle de 1,4 à 5,8 °C selon les hypothèses avancées. Les modèles actuels ne permettent pas à coup sûr de prédire avec précision les conséquences de ce réchauffement pour chacune des régions de la planète qui pourront d'une zone à l'autre être très variables. Les changements climatiques pourront produire sécheresses et désertification pour les uns, inondations et tempêtes pour les autres. Seule certitude : ils signifient tous des conditions climatiques plus instables, des perturbations et des événements extrêmes plus fréquents. Les inondations de la Somme et du Sud-Est en constituent une première indication.

2.2. Un système complet, de l'observation à la décision

GMES doit constituer, à terme, un système complet d'aide à la décision publique ou privée, capable d'acquérir, de traiter et de diffuser les informations utiles pour faire face à ces enjeux. Dans toute négociation diplomatique, la maîtrise de l'information est fondamentale.

Chaque intervenant devra pouvoir s'appuyer sur un dispositif d' « intelligence environnementale » qui lui permette de surveiller, de comprendre, d'évaluer et d'anticiper les changements de l'environnement, l'altération ou la raréfaction des ressources, les menaces que cela peut faire peser sur les population.

Observation et Mesure

Les techniques spatiales sont un outil idéal pour la surveillance globale, permanente et fiable de l'environnement, aussi bien de l'atmosphère, des océans que des terres émergées. Les données ainsi recueillies peuvent couvrir toutes les échelles nécessaires d'espace, du continent à la ville, jusqu'à l'habitation individuelle, et de temps, depuis la décennie pour suivre les changements du climat, jusqu'à l'heure pour anticiper les catastrophes naturelles, comme cela se fait déjà pour les cyclones tropicaux.

Toutefois, nous ne savons pas, à ce jour, tout mesurer depuis l'espace. Il faut souligner l'importance des données in situ et leur complémentarité avec les données spatiales. Beaucoup de paramètres essentiels doivent être mesurés dans l'atmosphère, au sol, dans le sous-sol ou dans les océans, en particulier les données chimiques et biologiques. C'est pourquoi un système d'information comme GMES, doit également s'appuyer sur les observatoires in situ de l'environnement existants.

Modélisation et comprehension

Les données spatiales brutes sont généralement peu utiles pour un utilisateur non spécialiste recherchant des informations pratiques et opérationnelles sur l'air, le sol, l'eau ou la végétation. L'utilisation appropriée des observations de l'environnement, leur transformation en informations utiles, en services pour les citoyens et les gouvernements, nécessitent encore un effort accru de recherche et de développement.

La compréhension approfondie des processus mis en jeu est la priorité. Elle conduira d'abord à identifier des indicateurs d'évolution de l'environnement et permettra ainsi de construire des modèles de prévision tant pour les catastrophes soudaines que pour les dégradations plus lentes des ressources et de l'environnement global. Elle permettra ensuite d'élaborer des modèles couplés entre les processus naturels, les pratiques industrielles ou agricoles, les capacités d'évolution et les besoins des sociétés.

Prévision et utilisation

Ces efforts rendront possible à terme la mise en œuvre de services opérationnels de prévision de l'état de l'environnement et des aléas naturels appuyés sur un système global d'observation et de surveillance et sur des capacités adéquates de modélisation. L'élaboration de ce système pourra bénéficier de l'expérience acquise dans le domaine de la prévision météorologique.

Des capacités et des services analogues commencent à se mettre en place pour la prévision de l'état de la mer, comme le projet français MERCATOR qui s'inscrit dans l'expérience internationale GODAE. Là encore, on retrouve le triptyque observations spatiales/mesures in situ/modèles. L'objectif de GMES vise à étendre ces capacités au domaine des terres émergées. Or, dans ce domaine, l'homme interagit directement avec les processus naturels. Il s'agit du principal défi de GMES : élaborer aussi bien des systèmes d'observation que des modèles d'évolution qui prennent en compte simultanément les processus naturels, les activités et les besoins de l'humanité.

3. Les actions engagées

3.1. Les recommandations du Colloque de Lille

Le colloque de Lille qui s'est tenu en Octobre 2000, sous présidence française, a confirmé l'apport majeur et incontournable des techniques spatiales pour traiter des problèmes d'environnement et de sécurité. Au delà des nombreux aspects positifs de la démarche engagée, le colloque a d'abord souligné un déficit persistant de connaissance scientifique sur bon nombre de questions soulevées. Le principal constat est que, en dépit de quelques certitudes acquises récemment sur l'évolution de l'environnement et les causes des catastrophes naturelles, de nombreuses incertitudes demeurent. Pour réduire ces incertitudes, les différents acteurs ont recommandé un effort soutenu de modélisation appuyé sur des observations de longue durée. La mesure globale, continue et durable de l'environnement terrestre apparaît ainsi clairement comme l'objectif premier d'un système GMES.

L'observation comme la modélisation relèvent d'activités d'observatoire et sont, pour certaines d'entre elles, déjà conduites dans le cadre d'observatoires ou de centres de recherches existants. La priorité consiste à mieux coordonner et compléter le dispositif existant.

Sur la connaissance du changement global et des pressions environnementales qui lui sont associées, les présentations du colloque ont confirmé deux certitudes. La première est l'augmentation de la température moyenne de l'atmosphère près de la surface. Elle est évaluée à 0,6 °C depuis 1860. La seconde est que l'activité de l'homme modifie la composition chimique de l'atmosphère. Néanmoins, les intervenants ont surtout fait état de nombreuses incertitudes :

sur le rôle des nuages et des aérosols,

sur les échanges océans/atmosphère,

sur les sources et puits de carbone,

sur les conséquences des changements d'occupation des sols,

sur le rôle des calottes polaires,

sur les couplages multiples qui interviennent dans le système climatique (et dont les conséquences sont souvent contraires à l'intuition) entre différents polluants, entre l'évolution de la couche d'ozone et l'effet de serre, entre les différentes échelles d'espace et de temps.

Tous ces résultats ont été depuis confirmés par le dernier rapport de l'IPCC.

Dans le domaine des catastrophes naturelles, des progrès encourageants ont été accomplis durant la dernière décennie mais beaucoup d'incertitudes demeurent,particuliérement sur les mécanismes de déclenchement des catastrophes, la réponse des milieux naturels et les effets de l'anthropisation sur ces deux processus. Là aussi, l'effort prioritaire doit se focaliser sur la coordination des travaux des centres de recherches existants.

Pourtant, les différentes communautés d'utilisateurs représentées au colloque ont fait état de leurs besoins de systèmes d'observation et de mesure, sans pour autant se prononcer sur l'avantage spécifique des techniques spatiales. Ces communautés expriment des besoins d'information, soit en amont de leurs actions comme outils d'aide à la décision, soit, au contraire, en aval comme outils d'évaluation de l'efficacité et de l'opportunité de ces actions. Mais, qu'il s'agisse de l'évolution de l'environnement ou de sécurité civile, les différents interlocuteurs ont exprimé leurs doutes, voire leurs craintes vis-à-vis d'un système GMES. Dans l'ensemble, ces communautés ne mesurent pas ce que peuvent leur apporter les techniques spatiales.

Cette attitude est analogue à celle qui prévalait aux premières heures de la téléphonie mobile ou des applications du GPS.

L'observation de la Terre devra ainsi faire l'objet d'un effort soutenu de « marketing » pour démontrer sa pertinence aux utilisateurs et pénétrer le domaine des services, lesquels au stade actuel relèvent majoritairement du domaine public. En effet, à l'image de la météorologie, qui a été invoquée comme modèle à plusieurs reprises pendant le colloque, c'est sur la base d'un service public bien établi que peuvent se développer des services marchands.

3.2 La composante spatiale

Nous disposons déjà ou disposerons bientôt de plusieurs satellites qui permettent d'aborder dès aujourd'hui plusieurs sujets qui relèvent de GMES. La particularité de GMES est justement de reposer sur des systémes orbitaux existant ou en phase de finalisation. Toutefois, il convient de distinguer les programmes qui ont un caractère opérationnel et qui, de ce fait, répondent aux exigences de continuité des mesures pour GMES et les satellites expérimentaux qui participent aux efforts de recherche et développement en cours. Dans la première catégorie, nous pouvons citer les satellites METEOSAT exploités par EUMETSAT, auxquels succédent désormais les programmes MSG et METOP en cours de développement, les systèmes français SPOT, avec le lancement de SPOT 5, et ARGOS et les instruments européens VEGETATION.

A un stade intermédiaire, on trouve l'océanographie spatiale. Cette discipline s'est développée avec TOPEX/POSEIDON. Depuis le lancement de JASON en décembre 2002, elle dispose de mesures étendues Mais la surveillance globale des océans à des fins opérationnelles ne sera réalisée qu'en assurant la pérennité de ces mesures au-delà de JASON.

Les satellites ERS de l'ESA ont également fourni de longue séries de mesures Le lancement récent d'ENVISAT a renforcé cette continuité sur laquelle peuvent s'appuyer les efforts de démonstration en cours. Au delà, tous les projets en cours de développement relèvent de la seconde catégorie, qu'il s'agisse des différentes missions du programme EOEP de l'ESA consacrées à l'étude de l'atmosphère et du cycle de l'eau, CRYOSAT, SMOS et AEOLUS, des microsatellites développés dans un cadre national, DEMETER pour les risques sismiques ou PARASOL pour les nuages et les aérosols, et des projets en coopération CENA (avec la NASA) et MEGHA-TROPIQUES avec l'Agence spatiale indienne (ISRO).

Pour l'étude de la sécheresse et de la désertification, et plus généralement pour le suivi des ressources en eau, les missions de gravimétrie telles que CHAMP (DLR), GRACE (NASA) et GOCE (ESA) apporteront une contribution significative, par la mesure fine des variations du champ de gravité qui sont modulées, entre autres, par les changements de niveau des nappes phréatiques. Tel sera aussi le cas de la mission SMOS (ESA/CNES), par la mesure de l'humidité de la surface terrestre.

On voit ici que, dans la mesure où elles seront disponibles, les données des satellites des autres agences spatiales participant au partenariat international IGOS (International Global Observing Strategy), pourront également contribuer à ces travaux de démonstration, voire à la mise en œuvre opérationnelle de GMES.

Les systèmes de télécommunications sont appelés à jouer un rôle opérationnel important pour la prévention et la gestion des risques car ils offrent des possibilités accrues de transmission large bande. La mise en orbite du satellite ARTEMIS de l'ESA et et le lancement prochain de STENTOR doivent permettre de démontrer comment les satellites de télécommunication peuvent contribuer à GMES dans l'acheminement rapide des données d'observation de la Terre vers les centres de traitement et les utilisateurs ou encore dans le maintien des communications et le contrôle des opérations dans les situations de catastrophe naturelle. Des expériences de démonstration seront réalisées à partir du satellite STENTOR. De même, des réflexions sont engagées pour utiliser les systèmes de positionnement et de localisation des flottes, tels que ARGOS et, à terme, GALILEO, pour réduire les risques associés au transport de matières dangereuses.

La gestion des catastrophes en phase opérationnelle est un sujet difficile et un objectif ambitieux de GMES. De fait, l'utilisation des données spatiales en temps de crise a souvent déçu les professionnels concernés. Les caractéristiques de résolution et de temps d'accès souhaitables se révèlent très proches des spécifications des systèmes militaires et de leurs contraintes opérationnelles. Ainsi, le programme dual PLEIADES en cours d'élaboration, répond bien aux objectifs de GMES. Un tel système permettra de gérer les aspects opérationnels des situations de catastrophes majeures, tels que les inondations et les tremblements de terre, pour l'évaluation des dégâts et l'organisation des secours. PLEIADES apportera non seulement la haute résolution et la capacité « tous temps », mais également des possibilités de programmation rapide indispensables en situation de crise. En outre, s'agissant d'un programme opérationnel, il offre des garanties de continuité.

Cette stratégie, qui vise à assurer une mise en œuvre opérationnelle sur la base des résultats dégagés dans le cadre des missions expérimentales, est retenue par l'ESA au sein du programme EARTHWATCH.

3.3. Les travaux de Recherche et Développement

En France

De nombreux centres de recherche travaillent en France sur la compréhension des processus physiques impliqués dans la dynamique de l'évolution des milieux naturels et sur les outils mathématiques, numériques et informatiques nécessaires pour la modélisation de ces processus. Si comme on l'a vu, les communautés qui étudient l'atmosphère et les océans sont déjà organisées, celles qui étudient la biosphère continentale, les écosystèmes, les sols et les eaux sont encore mal coordonnées dans leurs efforts de recherche et dans la mise en oeuvre des systèmes d'observation.

Plusieurs établissements publics de R et D (EPIC et EPST) ont la charge de conduire les recherches sur les différentes thématiques que couvre GMES. Par ailleurs, il existe des sociétés de service qui exploitent les données spatiales pour la cartographie, l'aménagement et la gestion des ressources. Le Réseau de Recherche et d'Innovation Technologique Terre & Espace, mis en place par le Ministère de la Recherche, entend soutenir de tels efforts et assurer la coordination entre les travaux de recherche et le développement des applications et des services nécessaires pour GMES. Deux projets importants sont déjà engagés : PACTES sur les inondations et RESUM sur les affaissements de terrain liés aux travaux d'aménagement et aux mines. Plus d'une quinzaine d'autres sont en phase d'élaboration finale.

Le projet PACTES (Prévision et Anticipation des Crues par les TEchniques Spatiales) réunit ainsi les grands industriels du spatial (Astrium et Alcatel Space), des sociétés de service (Spot-Image,), des centres de recherche publics (Météo-France, BRGM, CEMAGREF,) et des utilisateurs (Direction de la Défense et de la Sécurité Civile, Direction Régionale de l'Environnement, Services d'annonce des crues, Agences de bassin,…). Il s'agit d'une première démonstration opérationnelle de l'apport des techniques spatiales pour la prévention et la gestion des inondations. Il est particulièrement urgent, en effet, dans ce domaine, de démontrer comment un système de surveillance intégré à un système d'information peut aider à prévoir et à prévenir les effets des catastrophes et pas seulement à en évaluer les dégâts.

En Europe

GMES doit s'inscrire dans « l'Espace Européen de la Recherche » qui constitue le cadre politique de mise en œuvre du 6ème PCRD. Il existe en Europe de nombreux organismes de recherche dont les compétences peuvent être mobilisées au profit de GMES. Sur le thème du changement global, la coopération entre ces organismes est déjà bien établie à l'échelle européenne et même mondiale avec l' « International Geosphere Biosphere Programme » (IGBP) et le « World Climate Research Programme » (WCRP). Sur les autres thèmes, et notamment celui des catastrophes naturelles, il est nécessaire de renforcer la coopération à l'échelle européenne. Cette coopération se met en place à travers le rapprochement des organismes de sécurité civile en Europe. Dans les domaines de la recherche et du développement des applications, cette démarche a été engagée autour du projet PACTES avec l'Allemagne et la Russie. Elle doit s'étendre aux autres problématiques de GMES, et conduire, à l'échelle européenne, à la mise en réseau des institutions de recherche, des industriels prestataires de services et des différentes catégories d'utilisateurs de GMES, à l'image de ce qui se fait en France dans le cadre du Réseau Terre et Espace.

3.4. La distribution des données spatiales

Créer des centres de traitement et de gestion des données spatiales

L'hétérogénéité des données disponibles limite fortement le développement des applications du spatial. Elle est due, en premier lieu, à la diversité des capteurs existants. Les données d'imagerie fournissent des caractéristiques spectrales dans le domaine optique ou radar, du sol, des océans, des nuages, des aérosols ou de la végétation. Les données d'altimétrie décrivent les variations du niveau des océans. A cette difficulté s'ajoute l'hétérogénéité des niveaux de traitement auxquels ces données sont disponibles, ces traitements s'arrêtant souvent très en amont de ce qui est nécessaire pour les utilisateurs.

Il manque, en Europe, un maillon dans la chaîne de l'information entre les produits délivrés par les agences spatiales et les utilisateurs scientifiques, institutionnels ou privés. L'agence européenne EUMETSAT délègue la réalisation des produits nécessaires pour une assimilation dans les modèles météorologiques aux agences météo nationales via des SAF (Satellites Applications Facilities), avec un succès variable.

Sans être insurmontables, les difficultés de réalisation de ces traitements sont réelles et viennent principalement de deux facteurs : la quantité de données à manipuler et la physique de la mesure assez complexe, qui fait encore l'objet de recherches et dont les sources d'incertitude ne sont pas encore maîtrisées.

Dans ce contexte, le CNES et ses partenaires ont trouvé nécessaire de créer des structures qui réalisent cet effort d'interface, c'est-à-dire qui fournissent aux utilisateurs les produits dont ils ont besoin pour leurs applications. Il s'agit de pôles thématiques de gestion, de traitement, de validation et parfois d'exploitation scientifique de ces données. Plusieurs existent déjà dont : MERCATOR pour les océans et ETHER pour la chimie atmosphérique. Si les données d'origine spatiale constituent un apport essentiel à GMES, elles ne pourront suffire et les données des sondages atmosphériques, des réseaux et des observatoires, au sol ou en mer, devront également être disponibles à partir de ces centres.

Ces structures devront avoir un caractère européen et s'intégrer à terme dans le réseau GMES.

Assurer une meilleure disponibilité des données spatiales

Le dernier facteur de blocage repose sur les difficultés d'accès des utilisateurs aux données spatiales. Il s'agit tout à la fois d'un problème technique et d'un problème économique. Le problème technique, lié à la taille des fichiers concernés, notamment pour les images, devrait être partiellement résolu par le développement des réseaux à haut débit qui vont se mettre en place dans les années à venir. Ce problème nécessitera aussi des développements technologiques dédiés sur le codage, le cryptage et la transmission accélérée de ces données.

Le problème économique est plus ardu. Actuellement, dans les activités de services utilisant des images de télédétection, le coût global de la donnée spatiale représente plus de 50 % du service vendu. Voilà qui laisse peu de place à la valeur ajoutée par les experts. Ce coût global se répartit entre le coût de traitement, qui pourrait être considérablement réduit par l'action des centres de traitement , et le prix d'achat de la donnée. En effet, certaines données d'observation de la Terre qui peuvent contribuer efficacement à l'accomplissement des objectifs de GMES ont également une valeur marchande.

Il convient de mettre en place des mécanismes de compensation afin que les utilisateurs publics puissent disposer le plus librement possible des données spatiales dont ils ont besoin. A ce titre,le CNES et la société SPOT IMAGE ont mis en place un dispositif d'accès aux images SPOT à coût très réduit pour les scientifiques et pour tous les projets de démonstration menés dans le cadre de GMES.

GMES nécessite la création d'un système d'information dédié et la mise en réseau de tous les fournisseurs de données, à l'échelle européenne. La charte CNES-ESA-CSA sur les catastrophes naturelles constitue une première ébauche de coordination entre les agences spatiales pour fournir dans les meilleurs délais les données pertinentes en réponse aux situations de crise.

Conclusion : L'Europe et la Gouvernance mondiale de l'Environnement.

L'initiative GMES permet à l'Europe d'occuper une position majeure dans le débat relatif à la mondialisation. Alors que les Etats-Unis renoncent à ratifier le protocole de Kyoto et sont suspectés, jour après jour, de dispenser une vision unilatéraliste du monde, l'Union européenne en prenant le leadership d'un programme comme GMES s'affirme comme un interlocuteur tout aussi incontournable des grandes puissances que constituent la Russie, la Chine et l'Inde.

Diplomatiquement, il s'agit d'une offensive habile qui tient compte également de la montée en puissance d'une opinion publique internationale, laquelle tout au moins dans ses élites, attache une importance grandissante à la question du développement durable. De ce point de vue, GMES emblématise une conception humaniste du développement scientifique et technologique ainsi que de son usage.

Plus encore : le positionnement très restrictif de l'administration américaine – une administration en retrait sur la plupart des grands traités internationaux sur l'environnement et la biodiversité- assure à l'Europe une position en pointe sur les questions relatives à la surveillance globale de l'environnement et de la sécurité. On sait ainsi que la Russie, la Chine et l'Inde demeurent les plus gros contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre. En outre des simulations récentes démontrent que ce sont ces pays qui seront les plus exposés , avec les pays en développement, aux conséquences des changements climatiques. Un instrument comme GMES constitue pour l'Europe un moyen opportun afin de nouer une relation privilégiée avec ces trois puissances.

Initiative souhaitable où l'Europe prendra en main son destin dans ce secteur essentiel de l'Observation de la Terre, GMES est également, ainsi que l'affirmait le Commissaire Philippe Busquin toujours à l'occasion de la première réunion du Comité de pilotage GMES de Mars 2002, un soutien à la compétitivité économique de l'Europe dans la mesure où il s'agit de développer la capacité européenne à fournir des services spatiaux innovants : « le développement d'une large gamme de services spatiaux innovants devrait également renforcer la compétitivité européenne dans ce secteur stratégique de haute technologie – et donc la place de l'Europe dans l'économie mondiale de la connaissance ».

Ce sont donc ces enjeux tout à la fois diplomatiques, environnementaux et économiques qui définissent la stratégie à l'œuvre dans GMES dont l'objectif politique consiste à procurer à l'Europe mais aussi à l'ensemble de la communauté internationale une vraie capacité européenne dans le domaine de la surveillance globale à l'échelle de 2008. Un authentique défi pour ce début de siècle...

[1] Le projet Galileo a été traité dans deux synthèses : Synthèse n° 56 "Galileo, une déclaration européenne d'indépendance spatiale" http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=sy-56 et Synthèse n° 31 "Galileo : un enjeu économique et politique majeur" http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=sy-31

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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