Parité et mixité
Béatrice Houchard
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Béatrice Houchard
1) Objectifs et moyens de l'année européenne des personnes handicapées
Détaillés par le FEPH, les objectifs de l'année européenne des handicapés sont les suivants :
• Sensibiliser l'opinion au droit des personnes handicapées à être à l'abri de la discrimination et à jouir pleinement et de façon égale de leurs droits.
• Encourager la réflexion et l'analyse des mesures nécessaires pour favoriser l'égalité des chances pour les personnes handicapées en Europe.
• Promouvoir l'échange d'expérience en matière de bonnes pratiques et de stratégies efficaces conçues à l'échelon local, national et européen.
• Renforcer la coopération entre toutes les parties concernées, à savoir les gouvernements, les partenaires sociaux, les ONG, les services sociaux, le secteur privé, les communautés, les groupes du secteur bénévole, les personnes handicapées et leurs familles.
• Améliorer la communication liée à l'invalidité et favoriser une image positive des personnes handicapées.
• Faire prendre conscience aux gens de l'hétérogénéité des personnes handicapées et des différents types de handicaps.
• Sensibiliser l'opinion aux nombreuses discriminations auxquelles sont confrontées les personnes handicapées.
• Insister particulièrement sur la reconnaissance du droit des enfants et des jeunes handicapés à l'égalité en matière d'éducation, afin d'encourager et d'appuyer leur pleine intégration dans la société et promouvoir le développement d'une coopération européenne entre ceux qui sont professionnellement impliqués dans l'éducation des enfants et les jeunes handicapés, de sorte à améliorer l'intégration des élèves et étudiants ayant des besoins particuliers dans les établissements ordinaires ou spécialisés et dans les programmes d'échange nationaux et européens.
Pour toucher un maximum de citoyens possible, un site Internet dédié à cette année exceptionnelle a été ouvert ( www.eypd2003.org), grâce auquel les organisateurs espèrent "créer une communauté qui défendra les visées de l'Année européenne". Des festivals, des débats, des partenariats, des conférences, ou la mise en place de groupes de pression ponctueront cette année à l'échelon national et local. Plus spectaculaires encore : une Marche des citoyens et un Bus de l'Année européenne. Les activités destinées à promouvoir l'Année européenne seront décidées et organisées par les associations de personnes handicapées dans chaque pays autour du slogan "Rien sur nous sans nous".
2) Les ambitions de la France
Le 14 juillet 2002, le président Jacques Chirac a placé la politique en faveur des personnes handicapées parmi les trois priorités de son quinquennat, avec la lutte contre l'insécurité routière et la recherche contre le cancer. Cette année européenne des personnes handicapées accompagne donc tout naturellement la volonté présidentielle.
Le Comité français de l'Année européenne souhaite favoriser "un changement de regard porté sur les personnes handicapées et leurs familles et une amélioration de leurs conditions de vie en société ; une implication commune des personnes handicapées et non handicapées ; une réflexion et une information sur le handicap et ses conséquences ; la connaissance des moyens disponibles aujourd'hui pour permettre le libre choix du mode de vie, le bien être et le respect des Droits de l'Homme ; les actions permettant de prévenir ou de limiter les situations de handicap ; un renforcement des mesures d'accessibilité ; le respect et plus de civisme à l'égard des personnes handicapées".
Après une série de colloques (Toulouse le 17 avril, Strasbourg le 19 mai, Marseille le 3 octobre, Lille le 7 novembre et Paris en décembre) l'objectif est, d'améliorer la loi de 1975 sur la politique en faveur des personnes handicapées. Il devrait s'agir, d'une part, de trouver les moyens de compenser le handicap ; d'autre part, d'assurer un revenu minimal sans que celui-ci soit une alternative au travail : l'insertion du handicapé par le travail est essentielle, mais aujourd'hui le taux de chômage chez les personnes handicapées atteint 26% !
L'année européenne a été ouverte à Rennes le 3 février en présence de six ministres, dont Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, qui aura en charge de proposer, dès l'été 2003, les grandes lignes de la réforme. Lors de sa prise de fonction, en juin 2002, elle parlait d' "intégration au maximum". Aujourd'hui, la secrétaire d'Etat plaide pour "l'intégration totale" et souhaite "que chaque personne handicapée puisse choisir son mode de vie".
En France, le budget annuel consacré au handicap est de 24 milliards d'euros... mais il a une sérieuse tendance à baisser puisqu'il ne représente plus que 1,7% du PIB, contre 2,1% du PIB au début des années quatre-vingts.
3) État des lieux : l'Europe peut mieux faire
Le constat de la commissaire européenne, Anna Diamantopoulou, est sévère : "Les Etats membres ne déploient pas suffisamment d'efforts pour assurer l'égalité des droits pour les personnes handicapées en Europe avec ceux des personnes non-handicapées. Il s'agit, pour l'essentiel, de droit d'accès – c'est-à-dire d'accès à un emploi, aux bâtiments, au courrier électronique et à l'Internet . Ces droits existent peut-être sur le papier, mais pas dans la réalité".
L'Union européenne a adopté, en novembre 2000, une directive qui rend illicite toute forme de discrimination, directe ou indirecte, exercée à l'encontre d'une personne handicapée sur le lieu de travail. Cette directive doit être mise en œuvre avant la fin 2003. Obligation est notamment faite à toutes les entreprises de prévoir une "adaptation raisonnable" aux besoins des travailleurs handicapés. Ainsi, une personne handicapée qui ne peut se servir de ses mains doit pouvoir ses disposer d'un ordinateur à commandes vocales, aux frais de l'entreprise. Mais, faute de suivi précis, Etat par Etat, il est très difficile de se faire une idée exacte des politiques et de leurs effets, notamment dans le domaine de l'emploi, qui sera sans doute le point central des législations à améliorer. D'un pays à l'autre, les lois et leur application sont très diverses.
En France, c'est "grâce" à la guerre de 14-18 qu'un premier effort avait été accompli en direction des handicapés puisqu'une loi de 1924 obligea les entreprises à recruter des mutilés de guerre. Mais la principale loi en vigueur est celle du 10 juillet 1987, qui oblige tout employeur d'au moins vingt salariés à recruter 6% de personnes handicapées. Disposition valable dans le service public, comme pour le secteur privé.
La réalité est tout autre : on estime, malgré l'absence d'évaluation de la loi, que seulement un quart des entreprises françaises appliquent la loi. Les autres préfèrent payer des pénalités...qui ont toutefois le mérite de financer d'autres mesures pour l'emploi.
Il y a environ cinq millions de handicapés en France. 850.000 sont en état de travailler, mais seulement 500.000 occupent une activité professionnelle : 230.000 dans le privé, 150.000 dans la fonction publique d'Etat et 120.000 dans des entreprises de moins de vingt salariés, non assujettis à la loi de 1987.
Face à la question du travail des handicapés, deux attitudes s'opposent en, Europe : la contrainte ou l'incitation. D'autres pays ont, comme la France, voté des lois contraignantes pour l'emploi des handicapés : l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne, la Grèce. Le pourcentage de handicapés devant être employés est de 5% en Allemagne, de 2% en Espagne et de 7% maximum (selon la taille de l'entreprise) en Italie. Comme en France, des pénalités sont prévues à l'encontre de ceux qui ne respectent pas la loi, mais il existe aussi, en compensation, des incitations pour ceux qui la respectent : prise en charge de certaines dépenses, réduction de charges, aide à la formation professionnelle, adaptation des postes de travail,, crédits d'impôts (Espagne), exonération partielle ou totale de charges sociales à l'embauche (Italie).
D'autre pays (Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni, pays scandinaves) n'ont pas adopté de loi contraignante mais, pour des raisons historiques et culturelles, ont préféré d'autres moyens pour faire avancer le problème.
Ainsi, au Danemark, il existe une priorité d'emploi dans la fonction publique. Au Royaume-Uni (comme d'ailleurs aux Etats-Unis) c'est la loi sur la non-discrimination qui s'applique : dans les entreprises de plus de quinze employés, il doit y avoir 23% de personnes handicapées. Elles doivent non seulement engager des handicapés, mais aussi adapter les conditions de travail (locaux, horaires, etc.) à la situation. Aux Pays-Bas, une politique de simple incitation est mise en œuvre. La loi prévoit que seule une mesure réglementaire pourrait obliger les employeurs à recruter des handicapés. Mais jamais une telle mesure n'a été prise à ce jour. En revanche de nombreuses incitations financières encouragent les employeurs à faire un effort.
Ni le système des quotas, ni celui de la législation anti-discrimination, n'offrent des résultats vraiment satisfaisants. Le premier est mal respecté. Le second sert surtout, dans de nombreux cas, à se donner bonne conscience. D'autant qu'en période de chômage, on ne peut pas offrir, à des personnes valides comme à des personnes handicapées, des emplois qui n'existent pas.
Conclusion
L'année européenne des personnes handicapées devrait permettre de faire émerger des politiques nouvelles et innovantes. Si l'on parle beaucoup d'accès à l'emploi, c'est surtout l'accès tout court qui est à revoir : accès aux nouvelles technologies, accès aux transports en commun, accès aux parkings, accès aux villes, accès aux bâtiments publics. La politique sociale est en cause, mais aussi la politique de la ville, la politique du logement. L'Etat et les collectivités locales sont en première ligne. Le brassage des initiatives dans l'ensemble des Etats-membres, l'apport des idées ou des revendications des associations et le grand débat que doit permettre Internet, peuvent faire de cette année autre chose qu'un gadget. Il faudra aussi changer le regard sur le handicap : car si, selon un récent Eurobaromètre [2], huit Européens sur dix affirment ne pas être gênés par la présence d'un handicapé, 44% de ces mêmes Européens pensent que les autres, eux, le sont... Pour que l'égalité totale entre valides et handicapés soit autre chose qu'une ligne dans une directive, il faudra encore plus d'une année.
Sources :
Site Internet de l'Année européenne des personnes handicapées : www.eypd2003.org
Site Internet du Forum européen des personnes handicapées : www.edf-feph.org
Site Internet de la France pour l'année européenne
http://www.social.gouv.fr/htm/dossiers/ann_hand/
"L'étalonnage des performances des politiques de l'emploi pour les personnes handicapées" Document de la Commission européenne
Législation comparée : "L'insertion des handicapés dans l'entreprise"
http://www.senat.fr/lc/lc116/lc116.html
Eurobaromètre : www.europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/eb/ebs_149_fr.pdf
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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