Le Partenariat oriental entre résilience et ingérences

L'UE et ses voisins orientaux

Pierre Mirel

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29 mars 2021
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Pierre Mirel

Directeur Balkans Commission européenne (2006-2013), Conseiller au Centre Grande Europe

Le Partenariat oriental entre résilience et ingérences

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La chute du Mur de Berlin et la dissolution de l'URSS étaient censées ouvrir un âge d'or où démocratie libérale et économie de marché gagneraient naturellement tout le continent européen. Forte de cet optimisme, l'Union européenne conclut entre 2003 et 2005 les négociations d'adhésion avec dix pays, ouvrit ces dernières à la Croatie et à la Turquie, promit de même aux Balkans occidentaux et lança la politique de voisinage avec l'Est et le Sud. Initiée en 2004, cette politique devait assurer " stabilité et prospérité " aux nouvelles frontières de l'Union européenne après l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale.

Les résultats ne furent pas à la hauteur des attentes. C'est alors que fut lancé le Partenariat oriental au sommet de Prague le 7 mai 2009, sous l'impulsion de la Pologne et de la Suède, par des accords ambitieux. Il se heurta aussitôt aux ingérences de la Russie, auxquelles répondit la politique de résilience promue par l'Union. Dans ce contexte géopolitique délicat, quel est l'avenir du Partenariat ?

Des accords d'association et de libre-échange ambitieux

Ce Partenariat inclut les six pays de la politique initiale de voisinage : l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine. L'Union proposa une association politique dans un accord d'association (AA), couplé à une intégration économique par un accord dit de " libre échange complet et approfondi " (ALECA). Seules la Géorgie et la Moldavie le signèrent en 2013. On se souvient que le président ukrainien Ianoukovitch le refusa sur pression de Moscou, ce qui déclencha les évènements dramatiques de la place Maïdan à Kiev. Il s'enfuit en Russie le 21 février 2014 et fut destitué le lendemain. Élu président le 25 mai, Petro Porochenko signa l'accord le 27 juin à Bruxelles. Entre temps, le Donbass était entré en rébellion et la Crimée rattachée à la Russie. Les accords avec ce " Trio " (Géorgie, Moldavie, Ukraine) ont été mis en œuvre en 2016 après ratification.

Après avoir négocié un accord semblable, l'Arménie le refusa car elle craignait des représailles de la Russie, préférant rallier l'Union économique eurasiatique (UEE) instituée par celle-ci. Le soutien militaire de Moscou dans son conflit avec l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh lui était essentiel. Erevan a finalement signé un " Accord de partenariat global et renforcé " avec l'Union européenne en 2018, dans un équilibre habile entre Moscou et Bruxelles. Mais l'Union européenne et l'UEE étant des unions douanières, avec tarif douanier propre, le libre échange commercial ne peut avoir lieu entre leurs membres respectifs. Cet accord n'en comporte donc pas. Un accord semblable est en négociation avec l'Azerbaïdjan depuis 2017 pour remplacer l'accord de partenariat et de coopération de 1999.

La Biélorussie n'a jamais ratifié l'accord de coopération et de partenariat de 1995. Le contrôle des élections et des libertés par le régime d'Alexandre Loukachenko a privé le pays des outils du Partenariat, jusqu'en février 2016 où le Conseil de l'Union décida d'un engagement critique après la libération de prisonniers politiques. Un dialogue politique et une assistance financière ont été engagés. Relations de courte durée puisque le Conseil a déclaré " l'élection " du 9 août 2020 " non libre et non équitable ". La répression massive et brutale des manifestations contre ce scrutin truqué et la gestion de la pandémie de Covid-19 a conduit l'Union à prendre des sanctions contre des responsables directs. Depuis lors, elle apporte une assistance aux victimes et aux mouvements civils.

D'un point de vue commercial, le résultat des ALECA avec le Trio est remarquable. Les échanges UE-Ukraine se sont accrus de 48% entre 2016 et 2019 (43,3 milliards €) et de 50% avec la Moldavie. L'Union est devenue le premier partenaire commercial de l'Ukraine (40%), de la Moldavie (54%) et de la Géorgie (23%). Dans le même temps, les exportations de la Russie ont chuté de 24 à 9% avec l'Ukraine. La Russie se trouve même reléguée comme troisième partenaire commercial de l'Ukraine et de la Géorgie, après l'Union européenne et la Chine ! Bouleversement qui contribue au ressentiment de Moscou envers l'Union.

Le succès des échanges est impressionnant avec les six pays du Partenariat : plus de 30 000 jeunes ont participé au programme Erasmus+ depuis 2014 et des milliers de chercheurs bénéficient des programmes de l'Union. L'Union apporte aussi un remarquable soutien aux plateformes de la société civile, l'une des grandes priorités du Partenariat. La libéralisation des visas de court séjour pour les Moldaves (2014), Géorgiens et Ukrainiens (2017) a bien sûr dopé les échanges, ainsi que les accords de facilitation des visas et de réadmission pour les Arméniens, Azéris (2014) et Biélorusses (2020).

Les accords avec l'Union ont amorcé un formidable changement en Ukraine : compétitivité accrue, développement agricole, décentralisation des pouvoirs. La transition y reste néanmoins difficile après le lourd héritage de l'économie soviétique et deux décennies de réformes incertaines. On estime que trois à cinq millions d'Ukrainiens ont quitté le pays, dont environ deux millions travaillent en Pologne. Quant à la Moldavie, elle a perdu environ 45% de sa population depuis 1989, selon les Nations unies, si l'on inclut la Transnistrie, sous contrôle russe. Elle pourrait ne plus compter que 2 millions d'habitants en 2035 contre 4,3 en 1995. La Géorgie a connu jusque dans les années 2000 une émigration très élevée, qui s'est ajoutée à la baisse spectaculaire de la natalité que connaissent toutes les ex-républiques de l'URSS. La Russie elle-même, selon la Banque mondiale, pourrait perdre 17 millions d'habitants d'ici à 2025. Seul l'Azerbaïdjan a connu une croissance démographique. La population biélorusse est restée stable.

Le Trio fait face à un triple choc : transformation des structures économiques, avec des entreprises d'État souvent obsolètes, mondialisation et ouverture sur l'Union, sur fond de gouvernance faible et d'oligarques puissants. Ces changements rapides ont creusé le fossé social et créé des laissés pour compte. L'émigration des pays du Partenariat - comme celle des Balkans occidentaux - représente un bouleversement à l'échelle du continent européen. Il enrichit des États membres par une main d'œuvre souvent bien formée, mais il appauvrit les pays d'origine. Il réduit aussi, dans ceux-ci, la pression revendicatrice pour des réformes, sur fond d'extension des conflits où la Russie étend son influence.

Siloviki, Spetsnaz[1] et Cyberattaques : la Russie étend son influence

Il a été montré dans ces colonnes[2] combien la Russie avait perçu l'expansion de l'OTAN, entre autres, comme un acte hostile, alors que le Pacte de Varsovie était dissous et que la Charte de Paris proclamait en 1990 que " la division en Europe est révolue " (article 1er). La Russie a vécu les années 1990 et 2000 " dans le sentiment de sa défaite ... l'Occident dans l'euphorie et le narcissisme "[3]. Les " révolutions de couleur " ont renforcé ce sentiment. Et le chaos économique créé par la " shock therapy " des conseillers occidentaux - source d'oligarchies puissantes - a permis à Vladimir Poutine d'asseoir un pouvoir fort en restaurant l'ordre.

" Nous avons décidé que ces pays (Géorgie, Ukraine) deviendront membres de l'OTAN " : par cette déclaration (point 23) à Bucarest le 3 avril 2008, l'Alliance atlantique a renforcé les craintes de Moscou. On se souvient de la suite : profitant d'une provocation des troupes géorgiennes en août 2008, l'armée russe envahit l'Ossétie du Sud dont elle reconnaît l'indépendance, ainsi que celle de l'Abkhazie. Ces conflits, gelés depuis lors, empêchent la Géorgie d'adhérer à l'OTAN puisque la " résolution des conflits avec les voisins " en est une condition. N'était-ce pas l'objectif de Moscou, comme Dmitri Medvedev s'était laissé aller à le déclarer devant des troupes en 2011[4] ? Comment ne pas penser que c'était aussi l'un des objectifs de l'intervention dans le Donbass en 2014 ? La Moldavie reste partagée avec la République du Dniestr, région autonome russophone de Transnistrie, non reconnue, et enclave russe de fait.

Quant au conflit du Haut-Karabagh, il trouve son origine dans l'attribution de ce territoire à l'Azerbaïdjan par Moscou en 1923, alors qu'il était peuplé d'Arméniens à 94%. Sa déclaration d'indépendance en 1992 déclencha une guerre où l'armée de Bakou s'est effondrée en 1994. Les solutions proposées par le groupe de Minsk (co-présidé par la Russie, les États Unis et la France) animé par l'OSCE n'ont jamais abouti. L'Azerbaïdjan a reconquis en octobre 2020 le territoire perdu en 1994. L'imposition d'un cessez-le-feu le 10 novembre 2020 a redonné à la Russie le rôle central qu'elle avait dans cette région au sein de l'URSS, avec ses 1960 soldats pour y maintenir la paix.

La Russie a donc recréé un glacis aux frontières avec ses voisins, pour protéger son " étranger proche ", en déployant ses Siloviki et autres Spetsnaz en symbiose avec des communautés russophones. Ces communautés sont demandeuses du soutien de Moscou à leurs langues et droits, dans ces nouvelles républiques peu portées à les reconnaître dans leur propre élan nationaliste d'indépendance retrouvée. Réveil des nationalités que la Russie de Vladimir Poutine a utilisé opportunément à grand renfort de propagande.

Cette politique, combinée à la désinformation, à l'utilisation des réseaux oligarchiques et aux cyberattaques, complète le retour d'influence de la Russie, comme le chef d'État-major, Valery Gerasimov, l'avait théorisé en 2013. L'annexion de la Crimée en 2014 a été une pièce clé dans la réalisation de ce plan. Dernier acte, Moscou a renforcé son influence sur la Biélorussie après l'appel à l'aide d'Alexandre Loukachenko face à la " Révolution bleue " post-août 2020. Le pays avait pourtant gardé son autonomie en refusant l'annexion de la Crimée, en ne reconnaissant pas l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie et, surtout, une forme d'intégration avec la Russie. Pour l'heure, le soutien total de Moscou, la fourniture de gaz bon marché et d'un prêt de 1,5 milliard € ont fait basculer le régime dans le camp russe lors de la rencontre Poutine-Loukachenko de Sotchi en février 2021.

On est loin de la stabilité que la politique de voisinage prétendait assurer. Elle a sans doute créé un malentendu par l'utilisation des outils de l'élargissement et suscité des attentes que l'Union européenne n'était pas en mesure de satisfaire. Les accords avec le Trio y ont peut-être contribué tant ils ont alors été perçus à Moscou comme hostiles dans des zones d'influence partagée. On se souvient du président de la Commission, José Manuel Barroso, demandant à l'Ukraine en novembre 2013 de choisir entre la Russie et l'Union européenne. Si chaque peuple doit assurément avoir le libre choix de son destin, l'histoire et la géopolitique auraient pu le guider sur un chemin moins hasardeux.

Que peut maintenant faire l'Union européenne face à ces conflits qui ont fracturé les sociétés, bridé leur développement et profondément accru l'insécurité ? Rien, est-on tenté de répondre face à la double pesanteur de l'histoire : en Russie, redevenue hostile à l'Ouest et néo impériale dans ses actions extérieures ; dans l'Union divisée, où des États membres restent hantés par l'URSS sous les habits du pouvoir russe. Face à une introuvable politique étrangère commune, l'Union est cantonnée à la promotion des valeurs et droits humains, pendant que ses États membres défendent leurs propres intérêts, comme l'explique Marc Franco. Ce que Moscou a compris depuis longtemps et illustré agressivement lors de la visite du Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité (PESC) de l'Union, Josep Borrell, les 4-6 février 2021.

Tout comme l'OSCE, l'Union européenne assiste, impuissante, à ces conflits, pas toujours gelés d'ailleurs comme le montrent le Donbass et le Haut-Karabagh. Elle a été absente lors du cessez-le-feu entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Dans ses déclarations à l'issue des sommets du Partenariat, l'Union ne fait d'ailleurs que soutenir " l'intégrité territoriale, l'indépendance et la souveraineté des partenaires " ainsi que " les efforts et médiations pour mettre fin aux conflits ", mais sans esquisser une approche.

La mauvaise gouvernance est-elle soluble dans l'acquis ?

Démocratie, État de droit, bonne gouvernance et droits humains sont au cœur du Partenariat oriental, comme conditions pour la transition réussie des pays et pour l'intégration à l'Union. Si l'acquis communautaire a fait progresser l'économie, il n'a pas encore assuré l'avènement de la bonne gouvernance. La corruption reste à des niveaux fort élevés en Moldavie et en Ukraine[5] et le pouvoir judiciaire est loin d'être indépendant. A l'inverse, des juges utilisent leur " indépendance " formelle pour bloquer les réformes, voire pour déclarer inconstitutionnel un gouvernement légitimement élu, comme en Moldavie en juin 2019.

L'évolution récente de l'Ukraine est révélatrice de cette situation. Le programme du gouvernement Porochenko en Ukraine en 2014 tenait en quatre mots : dérégulation, décentralisation, débureaucratisation, déoligarchisation. Le succès des deux premières politiques n'a pas été compensé dans les deux autres, de sorte que corruption et clientélisme ont continué à fleurir, provoquant la lassitude des citoyens. La tentation était alors grande de verser dans le populisme durant la campagne électorale de 2019. C'est ce que fit Porochenko avec comme slogan " l'armée, la langue et la foi ". Mais c'est une autre facette du populisme qui porta au pouvoir Volodymyr Zelinsky, animateur d'une série télévisée " Serviteur du Peuple ", où la lutte contre la corruption figurait comme priorité. Pourtant, un an plus tard, il limogeait son gouvernement réformiste. Quelques mois plus tard, la Cour Constitutionnelle démantelait l'arsenal anticorruption pour inconstitutionnalité.

On assiste ainsi au mariage incestueux de l'oligarchie, de l'information - largement aux mains d'oligarques - avec la politique, qui trop souvent bloque ou abolit les réformes essentielles. Il s'ensuit des régimes " hybrides "[6], pris entre forces post-soviétiques aux méthodes éprouvées et encore souvent liées à Moscou, et réformateurs qui luttent avec les outils des accords européens et leur conditionnalité.

D'aucuns soutiennent que c'est l'absence d'une promesse d'adhésion à l'Union qui bride sa conditionnalité. Les Balkans occidentaux auxquels cette promesse a été faite il y a vingt ans apportent la preuve du contraire. Penser que l'acquis communautaire porté par la conditionnalité puisse transformer un pays lorsque les préconditions sont absentes " relève de l'hubris fonctionnaliste et de la myopie politique "[7]. Ce n'est qu'un outil au service d'une transformation démocratique nécessairement endogène et qui requiert large consensus et détermination politique. Le libre choix des pays et leur appropriation des réformes sont désormais au cœur du Partenariat.

La comparaison entre les Balkans occidentaux et le Partenariat oriental est d'ailleurs édifiante : les pays du Trio affichent une performance proche de celle des Balkans sur les critères politiques et économiques de l'Union, voire les dépassent, bien que l'adhésion ne leur ait pas été promise et que l'insécurité régionale soit élevée. Les conditions intrinsèques d'un pays sont donc déterminantes et surtout la volonté politique d'utiliser au mieux les instruments de l'Union mis à disposition par les accords. D'ailleurs, bien que la transition en Ukraine reste difficile et dure depuis longtemps, confortant les résistances, " la population fait le compte de ses désillusions sans remettre en cause la démocratie et son choix européen que le conflit avec la Russie a plutôt renforcé "[8]. Il en va de même en Géorgie, qui a perdu 20% de son territoire après les ingérences russes. Et c'est le seul pays du Trio à avoir réduit significativement la petite corruption[9].

En Géorgie, la polarisation politique reste forte et source de tensions. Le parti dominant depuis 2012, le Rêve Géorgien, a succombé à la tentation de contrôler la scène politique, y compris en arrêtant un leader de l'opposition. Face aux risques de déstabilisation politique, le président du Conseil européen a lancé une médiation entre le gouvernement et l'opposition en mars 2021. Si le jeu démocratique est abusé en Géorgie, il est captif en Moldavie d'un système oligarchique dont la Cour Constitutionnelle est partie prenante. Le pays reste partagé entre pro-russes emmenés par l'ancien président Igor Dodon, et pro-européens sous le leadership de la nouvelle présidente Maïa Sandu. On a pourtant vu les deux camps unis pour faire barrage à la Cour en 2019 ! Il s'agissait alors d'évincer un puissant oligarque, Vladimir Plahotniuc, soupçonné d'être lié au détournement d'un milliard $ de la Banque centrale, et donc néfaste pour les deux camps. Elue présidente le 24 décembre 2020, Maïa Sandu devra toutefois trouver une majorité parlementaire pour conduire sa politique de réformes proeuropéennes. L'activisme d'Igor Dodon, soutenu par Moscou, et l'antagonisme entre les deux camps ne lui faciliteront pas la tâche.

L'Arménie s'est distinguée doublement en 2018. En signant un accord avec Bruxelles qui ménage ses liens privilégiés avec Moscou. Et surtout en portant un journaliste au pouvoir, Nikol Pachinian, résolu à moderniser le pays. Si sa " Révolution de Velours " a inquiété Poutine, il fut assez habile pour rassurer ce dernier. Mais la défaite militaire face à l'Azerbaïdjan a sonné le glas de ses promesses tout en plaçant le pays en débiteur de Moscou. Si certains chefs militaires ont pu être tentés par une action politique, l'armée est restée dans ses casernes. Elle fait maintenant pression, avec l'opposition, pour obtenir la démission de Nikol Pachinian. L'issue de cette crise serait dans des élections anticipées, signant ainsi la maturité du pays malgré une déroute militaire. A l'inverse, la victoire militaire de l'Azerbaïdjan a conforté le régime autoritaire du président Ilham Aliyev. Conflit qui a permis à la Turquie, grâce à son soutien armé, de prendre pied solidement dans ce qu'Erdogan considère comme une zone d'influence naturelle.

Polarisation excessive, campagnes électorales dominées par les réseaux oligarchiques, réformateurs en butte à des forces obscures, cette situation pourrait faire douter de l'avenir des réformes. Ce serait oublier un peu vite que la tradition démocratique y fait défaut. Les pays du Partenariat sortent d'un long étouffement des libertés politiques et d'un assujettissement de leur souveraineté. Les perspectives d'intégration qu'offre le Partenariat, avec la conditionnalité des réformes, en font dorénavant un outil clé pour aider les pays à dépasser les pesanteurs de leur histoire.

La résilience au cœur du Partenariat oriental

Le Partenariat oriental inclut donc quatre pays à régime " hybride " dont une partie du territoire est occupée par la Russie ou sous son influence, et deux à régime autoritaire, dont l'un, la Biélorussie, dépend du soutien de Moscou face à une contestation qui ne faiblit pas. Comment promouvoir des réformes profondes dans des pays à souveraineté limitée où de telles forces contradictoires s'exercent ?[10].

En 2016, prenant acte des bouleversements du monde et des menaces, la Haute représentante pour la PESC, Federica Mogherini, présentait une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité. Trois des priorités concernent directement le Partenariat : sécurité de l'Union, résilience des États et sociétés dans le voisinage oriental et méridional, approche intégrée des crises et conflits. La résilience y est définie comme " la capacité des États et des sociétés à se réformer afin de résister et de récupérer des crises internes et extérieures ". La Commission précisa en 2017 que la résilience englobe tous les individus, communautés, régions et pays, et la société dans son ensemble, et qu'elle repose sur la démocratie, la confiance dans les institutions et le développement durable, pour renforcer la capacité à faire face aux crises et à se réformer.

La résilience est devenue le fondement des cinq objectifs du Partenariat au-delà de 2020 : " des économies résilientes, durables et intégrées ; des institutions comptables de leurs actes ; l'État de droit et la sécurité ; une résilience environnementale et climatique ; une transformation numérique résiliente ; des sociétés résilientes, justes et inclusives. " Ces objectifs se déclinent en vingt programmes approuvés par le Conseil le 11 mai 2020 et soutenus par l'aide de l'Instrument de Voisinage. Programmes très concrets, tels que déclaration des avoirs pour les hauts fonctionnaires, performance des magistrats, connections importantes de transports ou encore réduction de 20% des émissions urbaines de CO2.

L'Union a alloué 3,4 milliards € aux pays du Partenariat, dont 82% au Trio, et 1,4 milliard pour des projets horizontaux dans le cadre financier 2014-2020. L'aide sera sensiblement la même en euros constants dans le cadre financier 2021-2027. Face à la pandémie de Covid-19, l'Union a réagi dès avril 2020 en apportant un soutien de 1,1 milliard € pour les mesures sanitaires et des plans de relance, complété par une assistance macro-financière de 1,4 milliard €. Outre les aides non remboursables, l'Union accorde en effet des prêts à taux bas, soit directement (assistance macro-financière) soit par la Banque européenne d'investissement, notamment pour les infrastructures et les PME.

C'est l'Ukraine qui a mobilisé des financements exceptionnels depuis 2014 avec quelque 16 milliards € d'aide budgétaire et de prêts, à la hauteur des besoins économiques et des enjeux politiques. La persistance du conflit au Donbass et la lenteur de certaines réformes freinent les investissements et accroissent donc les besoins de financements extérieurs. D'où un cercle vicieux où les bailleurs de fonds, las et inquiets, se résignent pourtant à soutenir Kiev puisque leur abandon signerait l'échec du choix européen et la victoire de Moscou.

Dans son aide, l'Union met l'accent sur les transports, avec la construction de plus de 10 000 km de routes et de chemins de fer prévue d'ici à 2030. Si les besoins sont immenses, la concurrence est forte puisque la Chine vise aussi, par une modernisation des réseaux à travers son initiative Belt and Road (BRI), à importer rapidement produits miniers et agricoles et à exporter ses produits manufacturés. Les échanges commerciaux de la Chine progressent au détriment de ceux de l'Union européenne et de la Russie. Si la Géorgie a vu ses espoirs déçus de devenir un hub, la Biélorussie est l'une des routes de la BRI. Depuis 2000, la Chine lui a accordé plus de 9 milliards € d'aide et surtout de prêts, pour les infrastructures, un parc industriel et l'équilibre budgétaire. Contestée par la Russie, l'Union européenne fait donc face à l'influence croissante de la Chine, grandement facilitée par son absence de conditionnalité politique.

Plus de dix ans après son lancement, le Partenariat n'a évidemment pu résoudre les conflits. De plus, des réformes disparates ont laissé des pouvoirs oligarchiques et la corruption dominer encore trop la scène politique et économique. Il a en revanche promu la pluralité des opinions et la modernisation, lancé les réformes et poussé les citoyens à y prendre part. Et l'alternance politique qui résulte de l'exercice de la démocratie, même imparfaite, est un puissant facteur de changement. En stimulant la société civile, le Partenariat a développé un réseau de contacts, terreau fertile pour une appropriation des réformes et une participation à la vie de la cité. Un nouveau parti politique vient d'ailleurs d'être créé en Ukraine, la Plateforme nationale, dont la leader, Kataryna Odarchenko, affirme qu'il est soutenu exclusivement par des citoyens et non par des oligarques.

Les potentialités du Partenariat restent pourtant bridées par la souveraineté limitée des pays du Trio sur leur territoire et les ingérences de la Russie. L'exercice du pouvoir et le fonctionnement des institutions y sont donc exclus dans les régions séparatistes. Dans le Donbass, un protocole d'accord avait été signé à Minsk le 5 septembre 2014 par la Russie, l'Ukraine et les Républiques sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk, sous l'égide de l'OSCE. Peu respecté, il avait été renouvelé le 12 février 2015 sous l'impulsion de l'Allemagne et de la France. Outre un échange de prisonniers, les progrès restent rares sur le terrain où l'OSCE publie quotidiennement les violations de cessez-le-feu qu'elle enregistre.

La sécurité reste donc un enjeu majeur, puissant facteur de nationalisme et de populisme. S'y ajoutent la gestion et les conséquences de la pandémie de Covid-19. Comme partout en Europe, les citoyens ont questionné la capacité de leur État à y faire face. L'aide financière rapide de l'Union dès avril 2020 a été appréciée. Mais le sentiment se fait jour que l'obtention de vaccins ne suscite pas la même attention. Treize États membres ont d'ailleurs demandé à Bruxelles, en février 2021, d'en faciliter la délivrance. Tout cela sur fond de campagne russe et chinoise pour affaiblir la confiance dans les institutions démocratiques et dans la capacité de l'Union à gérer la pandémie et à aider ses voisins. Tout cela pourrait laisser des traces sur la crédibilité de l'Union, avec une sortie de crise sanitaire qui risque d'être tumultueuse.

Dans ces conditions, la résilience serait-elle en mesure de permettre aux États et sociétés de résister aux chocs possibles ? Oui, si les citoyens ont accès aux services essentiels, ont confiance dans les institutions et acceptent l'autorité comme légitime. D'où l'importance cruciale des réformes promues par les accords avec l'Union dans ce qu'elle nomme les " fondamentaux " : démocratie, État de droit, justice et droits humains, lutte contre la corruption, institutions efficaces et autorités acceptées.

Quel avenir pour le Partenariat oriental : " tout sauf les institutions " ?

Ce n'est pas un secret : les représentants du Trio ont été déçus par le 10ème anniversaire du Partenariat en 2019 et par les objectifs agréés au Conseil un an plus tard. Si la résilience est un objectif totalement partagé, il reste cependant, à leurs yeux, trop limité pour faciliter leurs aspirations européennes, sans cadre temporel ni vision à long terme, alors que leurs besoins sont grands et l'insécurité régionale forte. Les ministres des Affaires étrangères du Trio ont écrit à Bruxelles et aux États membres, le 2 février 2021, pour leur demander une coopération approfondie dans des domaines comme l'énergie, le numérique, l'économie verte, la cybersécurité, la justice et la sécurité. Ainsi que des outils additionnels pour une intégration au marché intérieur de l'Union. Le Parlement européen a souhaité une stratégie claire et une vision long terme, de même qu'Euronest, l'Assemblée parlementaire mixte du Partenariat.

Les accords avec le Trio pourraient être enrichis suite aux progrès de leur intégration et surtout mis en adéquation avec les politiques adoptées par l'Union depuis 2009. Les idées ne manquent pas dans des domaines aussi divers que le commerce, l'énergie, l'environnement ou la sécurité. Répondant à la demande du Trio, la Commission européenne envisage d'ailleurs de lui proposer un nouvel agenda de réformes pour 2025 lors du sommet prévu à l'automne 2021, dans cinq domaines prioritaires sous le thème de la résilience : transformation numérique, transition verte, sociétés justes et inclusives, économies qui profitent à tous, " fondamentaux " renforcés. Cette proposition devrait être accompagnée d'un plan d'investissement, indispensable face aux montants limités de l'instrument de voisinage. Il sera d'autant plus nécessaire qu'un pays comme l'Ukraine pourrait être victime du Pacte vert par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union.

Au-delà d'une adaptation souhaitable des accords, une question demeure : quel est l'objectif ultime du Partenariat oriental ? Dès son origine, ce fut un compromis entre les États membres qui souhaitaient offrir au Trio, comme aux Balkans occidentaux, la promesse d'une adhésion à l'Union, et ceux qui s'y opposaient pour des raisons tant intérieures à celle-ci que liées à une extension de ses frontières dans une géopolitique difficile. Une association politique étroite et une intégration à des politiques de l'Union fut le fruit de ce compromis. Démarche qui pose la question d'une intégration plus poussée.

Les pressions du Trio en ce sens sont fortes, encouragées par des États membres, Lituanie, Pologne et Suède en tête. La présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, a même annoncé que son pays se préparait à déposer sa candidature à l'Union en 2024. Et lors de sa première visite à Bruxelles le 7 juin 2019, le président ukrainien a déclaré que l'adhésion de l'Ukraine à l'Union était sa priorité. Le Parlement européen a rappelé dans une résolution, le 11 février 2021, que " l'Ukraine a une perspective européenne selon l'article 49 (TUE) et peut postuler pour devenir membre de l'Union ".

Les arguments des opposants à une perspective d'adhésion sont d'autant plus recevables que l'Union fait face à des problèmes profonds que l'extension de ses frontières à l'Est accroîtrait et que la Russie est devenue hostile. Comment ne pas penser aussi que des groupes de citoyens s'y opposeraient ? Comme aux Pays Bas lors d'un référendum d'initiative populaire en avril 2016, où seulement 430 000 signataires ont bloqué l'accord avec l'Ukraine, pourtant ratifié par tous les États membres, y compris le parlement néerlandais. Ils craignaient que cet accord n'ouvre la porte à une aide militaire et n'augmente ainsi l'insécurité. Une déclaration du Conseil fut nécessaire pour que La Haye confirme sa ratification.

Comme l'a écrit Pierre Hassner, " la puissance par la norme ne peut jamais s'imposer seule et par elle-même, elle dépend des intérêts et du poids respectif des acteurs en même temps que de leurs valeurs ". Les intérêts sont ici contradictoires et le poids géopolitique de l'Union relatif. Les valeurs portées par l'Union peuvent-elles compenser sa " non-puissance " alors que les sociétés vont davantage revendiquer leur autonomie, comme en Biélorussie ? Peut-être, à moins que ces dernières ne succombent, pour un temps, à un nationalisme agressif sous les appareils de répression.

Bien qu'il ne soit pas dans la nature du projet européen de déterminer a priori ses frontières sur le continent, une Union réaliste devrait donc dire clairement que ses frontières s'arrêtent là où le Partenariat oriental commence. Pour cesser d'entretenir une illusion et de générer des frustrations, tout en alimentant les discours eurosceptiques. Mais l'Union est trop divisée pour définir une vision à long terme. Les autorités du Trio doivent donc se concentrer sur la mise en œuvre des accords, complexes, avec l'adoption d'une centaine de directives européennes. Puis négocier des ajouts progressifs comme le sommet de l'automne 2021 devrait le confirmer. Ces accords sont en effet ambitieux puisqu'une fois mis en œuvre, ce sont quelque 70% de l'acquis communautaire que les pays auront intégré dans leur ordre juridique national. C'est l'attitude que le Conseil a suivie jusqu'alors.

C'est donc vers une intégration progressive du Trio à l'espace économique européen que l'Union doit tendre. Projet de grande envergure, il concrétiserait l'idée initiale de la politique de voisinage avec l'Est résumée alors par le président de la Commission, Romano Prodi, comme " tout sauf les institutions ". Cette perspective ne peut toutefois se réaliser que si le Trio garde pleine confiance dans l'Union, de sorte que la Russie ne renforce pas son hégémonie.

Or, le rappel régulier de la perspective d'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine à l'OTAN n'est pas de nature à apaiser les tensions avec la Russie. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, déclarait ainsi en recevant le Premier ministre ukrainien le 9 février 2021 : " L'OTAN a décidé sur l'adhésion de l'Ukraine en 2008. Nous nous y conformons. Nous continuerons à la soutenir dans ses aspirations euro-atlantiques ". Sans l'abandon de cette perspective, aucun espoir de réduire les tensions et d'engager la sécurité du continent sur une autre voie.

La Russie détient pourtant la clé des solutions aux différents conflits. Un dialogue serait donc hautement souhaitable, même si le ministre Sergueï Lavrov a fermé cette voie en raison du questionnement sur les droits humains. L'attitude récente de Moscou laisse augurer des temps difficiles alors que le pouvoir semble y avoir été " accaparé par les structures de force "[11]. D'autant que son agressivité est amplifiée par la faiblesse intrinsèque du régime et sa crainte face aux oppositions internes. Bien que la Russie connaisse un lent déclin démographique et économique, il serait hasardeux de tabler sur un changement à Moscou où la répression, aidée par l'autoritarisme numérique, n'en est peut-être qu'à ses débuts.

Face à cette situation, l'appel dans certains cercles à un endiguement de la Russie à travers une politique dure, risquerait fort de conduire à une nouvelle guerre froide en l'absence d'autonomie stratégique de l'Union, comme le souligne Marc Franco. Or, l'Union européenne et la Russie partagent nombre d'intérêts communs. Éviter que Moscou ne devienne encore plus dépendant de Pékin n'est pas le moindre. Il est donc temps pour l'Union européenne de s'engager de façon " sélective " sur des questions d'intérêt commun, selon le principe établi par le Conseil pour la politique envers la Russie en mars 2016. Après tout, si elle a pu signer un pré-accord sur les investissements avec la Chine en dépit de la situation des Ouïghours et de Hong Kong, elle devrait a fortiori pouvoir trouver un consensus, même a minima, pour ouvrir un dialogue avec Moscou. Au-delà, c'est d'une nouvelle conférence d'Helsinki dont le continent européen aurait besoin.

Visegrad Insight a esquissé quatre scénarios pour le Partenariat : une intégration pragmatique à l'Union, une hégémonie russe renforcée, une émancipation civique et une Union qui reconnaîtrait les intérêts de la Russie sur ses marches. En l'état actuel des choses, excluons ce dernier scénario. Quant à l'influence russe, elle est effectivement plus grande à Minsk et pourrait le devenir ailleurs à la faveur de difficultés que Moscou utiliserait opportunément. L'émancipation civique pourrait peut-être la contrebalancer. L'intégration progressive à l'Union reste le scénario le plus plausible. Car le Partenariat, tournant le dos à la politique de voisinage initiale, est un cadre flexible où chaque pays peut choisir sa voie de façon différenciée et adaptée. Ainsi avec la Biélorussie où ni la leader de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, ni l'Union européenne n'appellent Minsk à choisir entre deux camps mais à ouvrir un dialogue national.

Dans ces conditions, l'Union européenne doit donc plutôt continuer à renforcer son assistance, y compris ses programmes de sécurité - découplés de l'OTAN - et à les étendre à ses partenaires. Faute de réduire ses divisions, elle risque de laisser la main à Moscou longtemps encore. Pour en sortir, la " méthode Barnier " lors du Brexit pourrait être tentée, comme l'a proposé Elvire Fabry avec la Chine. Une Task Force établirait un dialogue transparent avec les États membres pour créer une communauté d'intérêts et définir, dans la confiance, une stratégie commune. Et construire une autonomie stratégique pour réduire sa marginalisation géopolitique dans son Partenariat oriental.


[1] Les 'hommes en uniforme' et les forces spéciales
[2] Maxime Lefebvre : " La Russie et l'Occident, dix contentieux et une escalade inévitable ", Questions d'Europe n°379, janvier 2016. Pierre Mirel : " Union européenne-Russie : après trois décennies perdues, vers une cohabitation nouvelle ? ", Questions d'Europe n°483, septembre 2018.
[3] Fiodor Loukianov: " La Russie a une peur panique de la faiblesse ", Le Monde, 1er août 2017.
[4] " If you soldiers had faltered back in 2008, a number of countries which NATO tried to deliberately drag into the alliance, would have most likely already been part of it", Agence Reuters 21 November 2011. sans que cela soit justifié. L'Allemagne a conservé son rabais inchangé.
[5] Respectivement 120e et 126e dans le monde selon Transparency International en 2019.
[6] On désigne ainsi les régimes en transition entre autoritarisme et démocratie où, entre autres, les élections ne sont pas toujours équitables, l'État de droit est en devenir, la justice non indépendante et où les pressions du gouvernement sur l'opposition et les médias peuvent être fortes.
[7] Sandra Lavenex, "The Neighbourhood policy's functionalist hubris and political myopia", The British Journal of Politics and International relations, 2017, Vol 19.
[8] Annie Daubenton, " Les échéances démocratiques en Ukraine : une société entre les réformes et la guerre ". In Études du CERI, n° 241-242, février 2019.
[9] Au 44e rang mondial en 2019 selon Transparency International.
[10] Voir: "Limited Statehood and Conflicting and Competing orders" in EU-ListCo project.
[11] Kirill Martynov, Le Monde 23 février 2021.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

Le Partenariat oriental entre résilience et ingérences

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