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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
L'Irlande a connu un véritable séisme politique lors des élections législatives anticipées du 25 février. Certes, celui-ci était attendu et le véritable enjeu du scrutin résidait à la fois dans le fait de savoir si le principal parti d'opposition, le Fine Gael (FG), réussirait à obtenir la majorité absolue à la chambre des représentants et dans l'ampleur de la défaite du Fianna Fail (FF) au pouvoir. Il n'en reste pas moins que les électeurs ont massivement voté contre les contraintes imposées à la République celtique par le plan de sauvetage du pays en accordant leurs voix aux partis qui s'y sont opposés, soit le Fine Gael, le Parti travailliste (Lab) et le Sinn Fein (SF).
Le Fianna Fail au pouvoir est donc laminé. Le parti du Taoiseach (Premier ministre en gaélique) sortant Brian Cowen a recueilli 17,4% des suffrages et 20 sièges (- 57 par rapport au précédent scrutin législatif du 24 mai 2007), soit le résultat le plus faible de son histoire. Micheal Martin, qui a succédé mi-février au Premier ministre sortant Brian Cowen à la tête du FF, a jugé les résultats de son parti aux élections législatives "décevants". Considéré par beaucoup d'Irlandais comme le responsable de la crise socioéconomique qui a gravement affecté le pays ("Le temps est venu de se débarrasser de ces ripoux qui ont précipité le pays dans la faillite" pouvait-on ainsi lire à la une de l'Irish Daily Star), le Fianna Fail a donc été victime d'un violent vote sanction. Le parti, qui a dominé la vie politique depuis l'indépendance du pays en 1922 et qui a gouverné l'Irlande durant 55 des 74 dernières années, a fortement souffert à Dublin : l'ancien ministre des Finances Brian Lenihan (FF) est en effet le seul des 13 candidats du parti à avoir été élu (Dublin-Ouest).
Principal parti d'opposition, le Fine Gael dirigé par Enda Kenny est le vainqueur du scrutin. Le parti a obtenu 36,1% des voix. Avec 76 sièges (+ 25), il échoue cependant à atteindre la majorité absolue (le Dail Eireann, chambre basse du Parlement compte 166 sièges) et devra donc s'accorder avec un ou plusieurs partenaire(s) pour gouverner le pays. Le Fine Gael devrait faire alliance avec le Parti travailliste d'Eamon Gilmore avec qui il a déjà gouverné à plusieurs reprises. Celui-ci est arrivé en 2e position et a obtenu le résultat le plus élevé de son histoire : 19,4% des suffrages et 37 sièges (+ 17).
Le Fine Gael pourrait également choisir de former un gouvernement en coalition avec les indépendants. Ces derniers, au nombre de 179 sur un nombre record de 566 candidats (soit 31,62%), ont recueilli 12,6% des voix. Le porte-parole aux Finances du Fine Gael (et probable prochain ministre des Finances), Michael Noonan, a cependant déclaré qu'il souhaitait voir s'établir un "gouvernement stable, c'est-à-dire qui n'a pas à compter à chaque vote sur les députés indépendants". Membres du Fine Gael et travaillistes divergent cependant sur plusieurs points. Ainsi, les premiers sont favorables à une baisse des dépenses publiques tandis que les seconds préfèreraient une hausse des taxes.
Le parti nationaliste d'extrême gauche, Sinn Fein, a recueilli 9,9% des suffrages et 14 sièges (+ 10), le résultat le plus élevé de son histoire mais au-dessous de celui qu'espérait son leader Gerry Adams, qui avait démissionné de son poste de député du Parlement britannique pour ces élections législatives. Le Parti vert, membre de la coalition gouvernementale sortante, sort laminé du scrutin, recueillant seulement 1,8% des voix. Il perd donc ses 6 députés au Dail Eireann. Le leader écologiste, l'ancien ministre chargé de l'Environnement, John Gormley, n'est pas parvenu à être élu dans la circonscription de Dublin Sud-Est.
La participation s'est élevée à 70,0%, soit au-dessus de celle enregistrée lors du scrutin du 24 mai 2007 (+ 2,7 points).
"Ce pays a fourni à mon parti un soutien massif pour qu'il lui donne un gouvernement stable et fort" a déclaré Enda Kenny à l'annonce des résultats. Dans une intervention sur la chaîne de télévision nationale RTE, il a aussitôt exigé l'ouverture de négociations immédiates en vue d'un allégement du plan d'aide internationale et en particulier d'une réduction de son taux d'intérêt de 5,8% qu'il juge "punitif". "Je vais étudier toutes les options. Je ne veux pas que les choses traînent. Je vais décider très rapidement" a-t-il souligné. Enda Kenny souhaite réduire le coût du prêt de l'Union européenne en baissant les taux d'intérêt mais également en rachetant une partie de la dette souveraine et en restructurant la dette bancaire non garantie par Dublin. Il entend limiter la contribution aux pertes des banques aux seuls détenteurs de titres de la dette non garantis par l'Etat. "Je cherche coopération et soutien dans toute l'Europe" a-t-il indiqué.
Le Fonds monétaire international (FMI) et l'Union européenne imposent à l'Irlande de réaliser 15 milliards d'économies (soit quasiment 10% du PIB) en 4 ans, les 2/3 par des coupes dans les dépenses sociales (environ 2,8 milliards €) et 1/3 par des hausses d'impôts. Il faut se souvenir que le pays a déjà connu 4 plans d'austérité. Les salaires des fonctionnaires et les aides sociales ont été baissés et les économistes prévoient une faible croissance du pays pour l'année 2011. Un nouvel impôt (de 2% à 10% suivant les revenus) vient d'être créé mais les recettes fiscales sont en baisse. La réduction du déficit public (actuellement de 32% du PIB) à 3% en 2014, qui constitue l'objectif principal du plan de sauvetage, apparaît comme un objectif quasiment impossible à atteindre en si peu de temps. Par ailleurs, le mécontentement de la majorité des Irlandais est alimenté par le sentiment que les banquiers, qu'ils considèrent comme les principaux responsables de la crise socioéconomique, s'en sortent sans dommage ni sanction.
Agé de bientôt 60 ans, Enda Kenny est originaire de Castlebar (ouest de l'Irlande). Il a étudié à la faculté Saint-Patrick de Dublin puis à l'université nationale d'Irlande de Galway et a d'abord exercé la profession d'instituteur. Il est élu député de Mayo en 1975 sous l'étiquette du Fine Gael après le décès accidentel de son père, Henry, lui-même député de ce parti. En 1986, il devient ministre de l'Éducation et du Travail. De 1994 à 1997, il exerce les fonctions de ministre du Tourisme et du Commerce. Enda Kenny, qui est le plus ancien député du Parlement irlandais, a pris la tête du Fine Gael en 2002.
Le nouvel homme fort de l'Irlande, qui se voit comme le "simple coordinateur d'une équipe rassemblant les personnalités les plus compétentes", a donc la lourde tâche de "remettre l'Irlande au travail et sur les rails", selon les termes du slogan du Fine Gael pour le scrutin du 25 février. "Tout le monde va souffrir. Tout le monde va devoir se priver" a-t-il déclaré. Il devra notamment parvenir à redonner confiance à la jeunesse irlandaise qui émigre et fuit son pays de façon massive.
Enda Kenny sera élu Premier ministre par les 166 membres du Dail Eireann le 9 mars prochain.
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