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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Quatrième scrutin législatif et toujours aucune issue claire pour la Bulgarie de sortir de la crise politique dans laquelle le pays se trouve depuis plus de deux ans. Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), dirigés par l'ancien Premier ministre (2009-2013, 2014-2017 et 2017-2021) Boïko Borissov, sont arrivés en tête des élections législatives le 2 octobre en Bulgarie avec 25,36% des suffrages. Ils sont suivis de Poursuivons le changement, coalition de l'ancien Premier ministre (2021-2022) Kiril Petkov, qui a obtenu 20,20%. Le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), parti représentant la minorité turcophone et dirigé par Mustafa Karadayi, a pris la troisième place avec 13,71%. Il est suivi par Renaissance (Vazrazhdane, V), parti nationaliste, favorable à la sortie de la Bulgarie de l'Union européenne comme de l'OTAN et à un rapprochement du pays avec la Russie, conduit par Kostadin Kostanidov, qui a enregistré une forte progression et qui a recueilli 10,17%, et par le Parti socialiste (BSP), emmené par Korneliya Ninova, qui a obtenu 9,31%.
Bulgarie démocratique, coalition libérale qui rassemble Oui Bulgarie, les Démocrates pour une Bulgarie forte et les Verts et dirigée par Hristo Ivanov, est arrivée en 6e position avec 7,45%. Enfin, l'Essor bulgare (BV), parti fondé par Stefan Yanev, ancien Premier ministre d'un gouvernement d'experts (mai-décembre 2021) et ministre de la Défense (décembre 2021-mars 2022), limogé par Kiril Petkov en raison de sa tiédeur à soutenir l'Ukraine, fait son entrée à l'Assemblée (Narodno sabranie), chambre unique du Parlement avec 4,62%.
Avec 7 partis politiques, le prochain parlement bulgare sera aussi fragmenté que l'était le précédent.
La participation a été très faible, ce qui s'explique en partie par une certaine fatigue électorale après quatre scrutins législatifs (et une élection présidentielle) en 18 mois. Un quart seulement des Bulgares se sont rendus aux urnes (25,58%), soit -12,85 points par rapport au précédent scrutin législatif du 14 novembre 2021.
Résultats des élections législatives du 2 octobre 2022 en Bulgarie
Participation : 25,58%
Source : Commission électorale bulgare
Les élections législatives du 2 octobre consacrent le maintien de la popularité de Boïko Borissov qui a promis à ses compatriotes de "vaincre le chaos et de travailler pour la stabilité du pays" lors de son dernier meeting à Plovdiv, deuxième ville de Bulgarie située au sud du pays. Il sera néanmoins très difficile au GERB de former une majorité de gouvernement, la quasi-totalité des partis ayant déclaré qu'ils refusaient de s'allier avec le parti de Boïko Borissov. Le GERB pourrait envisager de travailler avec le Mouvement pour les droits et les libertés et Renaissance, "une coalition mathématiquement possible mais socialement inacceptable" a indiqué Boriana Dimitrova, directrice de l'institut d'opinion Alpha Research, compte tenu des importantes divergences existant entre ces trois partis.
Boïko Borissov a appelé les hommes politiques à la raison et il s'est déclaré ouvert à tous ceux qui "veulent défendre la place de la Bulgarie dans l'Union européenne et au sein de l'OTAN". "Devant cette agression, devant cette guerre dans laquelle Vladimir Poutine est clairement l'agresseur - je n'ai rien contre le peuple russe -, avec cette farce que sont les référendums organisés dans le Donbass, la Bulgarie doit être très claire, catégorique et précise quant à sa place dans l'Union européenne et dans l'OTAN" a- t-il déclaré.
"Le défi consiste à choisir entre une Bulgarie européenne, progressiste et transparente et un retour aux années de corruption politique" a répété Kiril Petkov durant la campagne. Il n'a pas été tout à fait entendu. "Poursuivons le changement et ses alliés, le Parti socialiste et Bulgarie démocratique n'auront pas assez de députés pour former un gouvernement" a déclaré Boriana Dimitrova à l'annonce des résultats. Kiril Petkov refusant toute alliance avec Boïko Borissov qui incarne à ses yeux "le passé corrompu de la Bulgarie".
L'invasion de l'Ukraine par les forces armées russes le 24 février 2022 avait considérablement ébranlé le gouvernement formé par Kiril Petkov qui s'était fortement divisé sur le soutien à apporter à Kiev, le Parti socialiste s'opposant par exemple à toute livraison d'armes à l'Ukraine. Poursuivons le changement avait fortement condamné Moscou et s'était engagé aux côtés de l'Ukraine. Le Premier ministre avait refusé d'ouvrir un compte en roubles pour payer ses livraisons de gaz. Conséquence : la Russie avait coupé le robinet du gaz vers la Bulgarie qui importe 90% de son gaz de son voisin oriental. Cette décision avait provoqué une rupture complète des relations entre le Premier ministre Kiril Petkov et le président de la République de Bulgarie Roumen Radev.
Le GERB a vu dans les divisions du gouvernement une opportunité à saisir et a déposé une motion de défiance à l'égard de la coalition de Kiril Petkov, pointant la forte hausse des prix de l'énergie et dénonçant "l'échec de la politique économique et financière du gouvernement". Le gouvernement a chuté sur le vote de cette motion le 22 juin dernier, une première dans l'histoire de la Bulgarie : 123 députés avaient voté la motion de défiance et 116 s'y étaient opposés.
La condamnation par Kiril Petkov de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, son refus de payer le gaz russe en roubles qui avait entraîné l'arrêt des livraisons de gaz par Moscou, l'expulsion de dizaines de diplomates russes ont également divisé la population bulgare. "La Bulgarie est écartelée entre d'un côté la nostalgie de l'URSS, de l'autre l'attrait pour l'Union européenne et la modernité" résume le politologue Gueorgui Kiriakov. "La guerre en Ukraine a provoqué un nouveau clivage dans la politique bulgare, entre les pro-Européens et les pro-Atlantistes d'un côté et les pro-Russes de l'autre. Certains partis politiques exploitent la position traditionnellement favorable des Bulgares à l'égard de la Russie et cherchent ainsi à attirer de nouveaux électeurs" a déclaré Dimitar Ganev, sociologue de l'institut d'opinion Trend Research Center. "Ce sont les prix qui préoccupent les électeurs, beaucoup plus que les sujets géostratégiques qui agitent les partis" a indiqué Antony Todorov, professeur de science politique de la Nouvelle université bulgare. "Lors des précédents scrutins législatifs, le clivage se faisait sur le modèle de gouvernance des dix dernières années incarné par l'ancien Premier ministre Boïko Borissov et par son parti. Cette fois-ci, les principaux enjeux concernent la stabilité et le maintien des prix bas, et la gestion des conséquences de la guerre. La principale division du pays se situe désormais entre l'Est et l'Ouest plutôt qu'entre le statu quo et le changement" a également précisé Parvan Simeonov, analyste politique au sein de l'institut d'opinion Gallup International.
Si les élections législatives du 2 octobre ne permettent pas de former un gouvernement stable, un nouveau scrutin devra être organisé en 2023, une perspective catastrophique dans un contexte de forte inflation et de stagnation économique.
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