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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 14 septembre dernier, Gerhard Schröder et Joschka Fischer s'affichaient ensemble au pied de la porte de Brandebourg à Berlin. Cette première dans l'histoire allemande, où jamais deux partis alliés au gouvernement n'ont tenu de meeting commun lors d'une campagne électorale, apparaît comme un signe annonciateur de l'évolution politique de l'Allemagne que dessinent les résultats des dernières élections législatives. En réalisant le meilleur score de leur histoire (8,6% des suffrages), les Verts, grands vainqueurs de ce scrutin, apportent en effet au chancelier les voix qui lui permettent de reconduire in extremis la coalition SPD-Verts à la tête du pays. Joschka Fischer apparaît donc comme le sauveur de Gerhard Schröder. Le Parti social-démocrate (SPD) accuse la plus forte baisse en nombre de voix, 38,5% des suffrages, soit 2,4% de moins qu'en 1998, mais reste in extremis la première formation politique au Bundestag. A droite, l'Union chrétienne-démocrate (CDU-CSU) progresse, recueillant 38,5% des suffrages, soit 3,4% de plus qu'il y a quatre ans, et gagne trois sièges supplémentaires à la Chambre basse. Le vrai perdant de ce scrutin législatif est le Parti libéral démocrate (FDP) qui devient la quatrième formation politique du pays, devancé par les Verts, obtenant 7,4% des voix, un peu mieux qu'en 1998 où le Parti libéral avait obtenu 6,2%, mais bien loin de l'objectif de 18% qu'il s'était fixé. Enfin, le Parti du socialisme démocratique (PDS) échoue à franchir la barre des 5%, ainsi qu'à obtenir trois sièges directs et perd donc son groupe parlementaire au Bundestag.
Le Bundestag compte désormais six cent trois membres, soit cinq de plus que le précédent, deux partis ayant obtenu dans les Länder plus de mandats directs qu'ils n'ont eu de sièges par le scrutin proportionnel. Le SPD a ainsi récupéré quatre sièges et la CDU/CSU un siège.
« Votez Joschka » proclamaient les affiches de la formation écologiste. Les Verts ont été entendus. La campagne du parti, entièrement centrée sur son leader Joschka Fischer, l'homme politique le plus populaire d'Allemagne, a permis au parti écologiste de réaliser le meilleur score de son histoire. Notons que les écarts considérables du point de vue de la popularité ne se retrouvent pas dans les résultats électoraux. Les Verts ont également remporté leur premier mandat direct avec l'élection de Christian Ströbele à Berlin. Pourtant, au cours de ces dernières années, le parti a connu de nombreuses crises internes, les « fondamentalistes » s'opposant aux « réalistes » sur la nouvelle ligne politique défendue par Joschka Fischer. Cinq mille adhérents de la formation écologiste l'ont ainsi quittée depuis 1998. Les électeurs, quant à eux, semblent avoir apprécié la mue du parti vert qui sort finalement renforcé de ses quatre années de présence au gouvernement. Grands vainqueurs du scrutin, les écologistes ont été ovationnés dimanche soir au quartier général du SPD à Berlin.
8 864 voix, tel est l'écart séparant les deux principales formations. L'Allemagne a donc connu le scrutin le plus serré de son histoire. Si les sociaux-démocrates se maintiennent au pouvoir, ils sortent cependant affaiblis du scrutin législatif. Leur score s'effrite et la coalition SPD-Verts ne dispose plus que d'une faible majorité au Bundestag (onze sièges). Par ailleurs, les chrétiens-démocrates, ragaillardis par leur score, devraient être très actifs au sein de l'opposition. « Le gouvernement Schröder ne pourra rester que très peu de temps au pouvoir » déclarait ainsi Edmund Stoiber. Le chancelier devra également compter avec une Chambre haute, le Bundesrat, acquise à l'opposition et cependant indispensable pour la mise en œuvre de toute réforme importante, telles que celles concernant la lutte contre le chômage ou le régime d'assurance maladie qui figurent aujourd'hui sur l'agenda de Gerhard Schröder.
Le Chancelier va également devoir regagner la confiance des Etats-Unis, malmenés par ses déclarations catégoriques contre l'éventualité d'une guerre contre l'Irak et surtout par les propos plus que maladroits que son ex-ministre de la Justice, Herta Daeubler-Gmelin, a tenu dans un journal local. « Bush veut détourner l'attention des problèmes de politique intérieure. C'est une méthode appréciée. Hitler l'a déjà fait » déclarait-elle la semaine dernière, suscitant la colère du Président américain. D'ailleurs, le département d'Etat américain a pris acte de la réélection du chancelier allemand d'une façon froide et laconique, le porte-parole Richard Boucher évitant même de prononcer son nom.
Edmund Stoiber ne sera donc pas le premier Bavarois à accéder à la chancellerie. Le candidat chrétien-démocrate échoue de peu, réalisant un score honorable mais néanmoins insuffisant pour s'imposer. « Nous sommes de nouveau là » a déclaré le leader de la CDU-CSU à l'issue de l'annonce des résultats. Si le parti conservateur enregistre effectivement une belle progression, Edmund Stoiber n'est cependant pas parvenu à convaincre les Allemands qu'il représentait une véritable alternative à la politique menée par les sociaux démocrates. Au sein de l'Union CDU/CSU, le ministre Président de Bavière pourrait-il se voir prochainement remplacer par Angela Merkel, évincée de la course à la chancellerie en janvier de cette année et qui s'est imposée comme une figure incontournable durant la campagne ? Celle-ci vient d'obtenir la présidence du groupe parlementaire CDU-CSU en remplacement de Friedrich Merz. L'Union chrétienne-démocrate a réalisé son meilleur score dans le Land natal de son candidat, recueillant 58,6% des suffrages, un résultat toutefois inférieur à celui réalisé par Franz-Josef Strauss en 1993 (59,5%). Le SPD a, quant à lui, réalisé un score élevé à Hanovre (Basse-Saxe) dans le fief du chancelier, recueillant 50,9% dans la première circonscription et 49,9% dans la seconde. En outre, les sociaux-démocrates ont progressé de 4,2% à Grimma, ville dévastée par les crues de la Mulde en août dernier où le chancelier s'était rendu et avait annoncé ses mesures d'indemnisation.
Si Schröder doit sa victoire à son allié Vert, symétriquement, l'échec de Stoiber trouve son explication dans la mauvaise performance de son allié potentiel, le FDP. « Jürgen Möllemann a nui de manière massive à la campagne du parti » a affirmé le Président du FDP Guido Westerwelle. On a reproché au vice-président du FDP de chercher à flatter l'électorat d'extrême droite. Boycotté durant les derniers jours de la campagne par le chef de son parti, Jürgen Möllemann a finalement démissionné lundi 23 septembre de ses fonctions de vice-président du FDP. Cependant, les dérapages et polémiques ne peuvent suffire à expliquer le mauvais résultat des Libéraux. Chassés du pouvoir en 1998 après vingt-deux années de participation à des coalitions gouvernementales de gauche et de droite, le Parti libéral avait, pour la première fois de son histoire, décidé de présenter son propre candidat à la chancellerie et refusé de choisir la formation politique avec laquelle ils seraient prêts à faire alliance. Cette stratégie opportuniste a dérouté les électeurs qui ne semblent pas avoir apprécié les relents populistes du discours des dirigeants, prêts à tout pour atteindre l'inaccessible objectif de 18% des suffrages qu'ils s'étaient fixés. En outre, le FDP a été complètement absent des deux derniers débats de la campagne électorale, à savoir les inondations et l'éventualité d'une guerre contre l'Irak.
Pour la première fois depuis la réunification de l'Allemagne, le Parti du socialisme démocratique (anciens communistes) ne disposera pas de groupe parlementaire faute d'avoir atteint la barre fatidique des 5% et d'être parvenu à décrocher trois mandats directs. Sur les quatre mandats directs obtenus par le PDS il y a quatre ans dans la partie Est de Berlin, seuls deux ont été reconquis dimanche. C'est d'ailleurs dans la partie orientale du pays que le PDS enregistre son plus fort recul, totalisant 16% des suffrages, alors que les communistes avaient recueilli 21,6% des voix lors des élections législatives de 1998. A l'Ouest de l'Allemagne, le PDS totalise 1,1% des voix. « Nous ne pouvons contester cette dure défaite, ni les programmes ni les personnes n'ont été suffisamment convaincants » a déclaré le secrétaire national du parti Dietmar Bartsch. L'absence de Gregor Gysi, ex-leader du PDS, démissionnaire en juillet dernier après sa mise en cause dans une affaire d'abus de biens sociaux, explique en grande partie la déroute du PDS. Gregor Gysi a d'ailleurs reconnu « sa part de responsabilité » dans la défaite. La formation peut à peine se consoler avec la victoire de la coalition SPD-PDS reconduite dans le Land de Mecklembourg-Poméranie (cette élection régionale se tenait parallèlement au scrutin national). En effet, les communistes perdent 8% de leurs voix, recueillant 16,4% des suffrages, alors que leurs partenaires sociaux-démocrates enregistrent une progression et atteignent 40,6% des voix.
Enfin, le Parti pour l'offensive de l'Etat de droit s'est effondré dans ce scrutin législatif, ne recueillant que 0,8% des voix (4,2% à Hambourg) et l'extrême droite (Républicains, Parti néonazi, Union du peuple allemand) perd les deux tiers de ses voix, obtenant 1% des suffrages contre 3,3% il y a quatre ans.
Les Verts abordent donc les négociations avec leurs partenaires sociaux-démocrates en position de force. Dans le précédent gouvernement, les écologistes disposaient de trois portefeuilles, les Affaires étrangères, l'Environnement et l'Agriculture. Ils sont désormais intéressés par le ministère de la Justice où Herta Daeubler-Gmelin, battue dans sa circonscription, ne sera pas reconduite. Selon la Constitution allemande, le mandat du chancelier prend fin lors de l'ouverture de la première session parlementaire qui doit intervenir dans les trente jours suivant les élections législatives. Les Verts font pression pour que le nouveau gouvernement soit formé avant le 18 octobre, date de leur congrès annuel.
Chômage, finances publiques, croissance, éducation, assurance maladie, Union européenne : les chantiers qui attendent le futur gouvernement SPD-Verts sont nombreux. L'Allemagne a un besoin urgent de réformes. « Des temps difficiles nous attendent » a d'ailleurs averti Gerhard Schröder, qui a tenu à « assumer personnellement » le recul électoral de sa formation, dès le résultat définitif des élections. Le chancelier est maintenant condamné à agir vite, l'étroitesse de sa majorité étant là pour lui rappeler que les Allemands sont loin de lui avoir signé un chèque en blanc.
Résultats des élections législatives du 22 septembre :
Participation : 79,1%
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