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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Le rejet de la candidature de la Macédoine par l'OTAN les 3 et 4 avril derniers, alors que l'OTAN a invité la Croatie et l'Albanie à la rejoindre et a convié la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie à passer du Partenariat pour la paix au dialogue intensifié, a conduit à la dissolution du Parlement macédonien et à l'organisation d'élections législatives anticipées. La crise politique couvait dans le pays depuis plusieurs semaines.
A l'OTAN, la candidature de la Macédoine a été bloquée par la Grèce qui refuse à son voisin le droit d'utiliser le nom de Macédoine qui est aussi celui d'une province grecque située au nord du pays. La Grèce prétend que l'utilisation de ce nom pourrait conduire Skopje à revendiquer certains territoires de la province grecque. La dispute entre la Grèce et la Macédoine dure depuis 17 ans. Athènes souhaite que son voisin conserve son appellation provisoire d'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). "La Macédoine remplit toutes les conditions pour intégrer l'OTAN mais à cause du comportement irresponsable de la Grèce n'a pas été invitée à rejoindre l'Alliance atlantique" a déclaré le Premier ministre Nikola Gruevski (VMRO-DPMNE).
La crise politique
Le 13 mars dernier, le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh) de Menduh Thaci décidait de quitter la coalition gouvernementale pour protester, entre autres, contre le refus du gouvernement de reconnaître l'indépendance du Kosovo. Le parti, albanophone, accusait les autorités de ne pas avoir mis en place la législation sur la langue albanaise, d'avoir échoué à augmenter le nombre d'Albanophones au sein de l'administration et à clore, comme elles s'y étaient engagées, 4 dossiers judiciaires concernant des crimes de guerre dont est accusée l'UCK (Ustria Clirimtare Kombetäre) qui avait mené une guérilla en 2001 contre les forces macédoniennes et parvenant à contrôler le nord et le nord-ouest du pays. Les affrontements avaient duré 7 mois et entraîné l'exode de plus de 800 000 personnes avant que le 13 mai 2001, les 4 principaux partis politiques, membres depuis juin d'un gouvernement d'union nationale (VMRO-DPMNE, SDSM, PDA-PDSh et PPD-PDP) signent un accord mettant fin aux violences entre les deux communautés.
"La première raison de notre décision est la non reconnaissance du Kosovo. La question du Kosovo est arrivée à son terme, nous devons être prudents et ne pas gâcher le processus le plus significatif et historique de la nation albanaise" soulignait Menduh Thaci en mars dernier. "Deuxièmement, nous attendons une invitation à rejoindre l'OTAN. Nous ne voulons pas manquer ce moment historique et renoncer aux droits qui sont les nôtres sur ce territoire" avait-il ajouté. Le PDA-PDSh avait finalement rejoint les bancs de la coalition gouvernementale après 10 jours, conditionnant son retour à l'établissement de groupes de travail sur la question du statut de la langue albanaise en Macédoine, à la poursuite de la mise en œuvre de l'accord d'Ohrid, à la mise en place d'un statut des victimes du conflit de 2001 et de la loi sur l'usage des drapeaux par les minorités lors de certaines cérémonies. Il avait précisé qu'il soutiendrait le gouvernement jusqu'au sommet de l'OTAN des 3 et 4 avril.
Le 8 avril, soit 4 jours après le sommet de l'OTAN, un autre parti albanophone, l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), dirigé par Alija Ahmeti, proposait au Parlement de se dissoudre pour cause "d'incapacité institutionnelle". Les désaccords au sein du gouvernement sur la poursuite des réformes, ainsi que sur la question des droits accordés à minorité albanaise, s'étaient accumulés depuis plusieurs semaines, le Premier ministre Nikola Gruevski accusant, en outre, les partis de l'opposition de bloquer le travail du Parlement. Le 12 avril, le Parlement a voté sa dissolution par 70 voix pour (un minimum de 61 suffrages étaient indispensables). Les députés du VMRO-DPMNE, du PDA-PDSh et du BUI-DBI ont approuvé la proposition, tandis que l'Union sociale-démocrate (SDSM) et le Parti libéral démocrate (LDP) n'ont pas participé au vote. Le Premier ministre Nikola Gruevski a donc décidé de convoquer des élections législatives anticipées pour le 1er juin. Selon la loi électorale, celles-ci doivent obligatoirement être organisées dans les 60 jours suivant la dissolution du Parlement. Il s'agira du premier scrutin législatif anticipé depuis l'indépendance du pays (8 septembre 1991).
Le système politique
Le Parlement (Sobranie), monocaméral, compte 120 membres élus au scrutin proportionnel (méthode d'Hondt) pour 4 ans. Pour les élections législatives, le pays est divisé en 6 circonscriptions élisant chacune 20 députés. Le système électoral garantit la représentation des minorités (albanophone, turque, serbe, rom, etc.) de même que celles des femmes puisque les listes électorales doivent obligatoirement comprendre au moins 30% de candidats du sexe opposé. Les partis politiques, les coalitions de partis et les groupes comprenant au moins 500 électeurs sont autorisés à concourir aux élections législatives.
17 partis politiques sont représentés dans l'actuel Parlement :
- l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE), située à droite sur l'échiquier politique, fondée en 1990 par l'ancien Premier ministre (1998-2002) Ljubco Georgievski et dirigée depuis 2005 par le Premier ministre Nikola Gruevski. Principale formation du gouvernement, elle compte 38 élus ;
- l'Union sociale-démocrate (SDSM), premier parti d'opposition dirigé depuis novembre 2006 par Radmila Sekerinska, possède 23 élus ;
- le Parti libéral-démocrate (LDP), créé en 1997 et dirigé par Risto Penov, compte 5 députés ;
- le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), membre de la coalition gouvernementale, créée en 1995 par Arben Xhaferi et dirigée par Menduh Thaci, possède 11 élus ;
- l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), dirigée par Alija Ahmeti, a succédé à l'UCK (officiellement démantelée en 1999), compte 14 élus ;
- le Parti libéral (LPM), créé en 1999 et dirigé par Stojan Andov, possède 2 élus ;
- le Parti de la prospérité démocratique (PPD-PDP), membre de la coalition gouvernementale et dirigée par Abduladi Veiseli, compte 3 élus ;
- l'Organisation révolutionnaire-Parti populaire (VMRO-NP) possède 6 élus ;
- le Nouveau Parti social-démocrate (NSP), née d'une scission de l'Union sociale-démocrate et membre de la coalition gouvernementale, dirigée par Tito Petkovski, compte 7 députés ;
- le Parti pour un avenir européen (PEI), fondé par des intellectuels et des hommes d'affaires et qui se définit comme une formation centriste, possède 1 siège ;
- le Parti socialiste (SPM) dirigé par Ljubisav Ivanov-Dzingo, compte 3 élus ;
- l'Union démocrate (DS) possède 1 siège ;
- l'Union des Roms de Macédoine (SRM) compte 1 député ;
- le Parti démocrate turc (DPT) possède 1 siège ;
- le Parti uni des Roms (OPRM) compte 1 élu ;
- Le Parti démocratique des Serbes (DPS), dirigé par Ivan Stoilkovic, possède 1 siège ;
- le Renouveau démocratique de Macédoine (DOM) compte 1 élu.
La campagne électorale
Pour le gouvernement, les élections anticipées sont nécessaires afin de ressouder la majorité et permettre au Parlement de fonctionner. Le PDA-PDSh a, en effet, plusieurs fois menacé de quitter la coalition gouvernementale. De plus, les relations entre Tito Petkovski, leader du NSP, partenaire de la coalition gouvernementale, et le Premier ministre Nikola Gruevski se sont tendues au cours des dernières semaines. "Il y a beaucoup de raisons à ces élections anticipées mais la principale est l'inefficacité du Parlement et l'incapacité de réaliser nos promesses. La Macédoine a besoin d'une nouvelle majorité qui pourra mener à bien les réformes nécessaires à l'intégration euro-atlantique du pays" a déclaré le Chef du gouvernement. "Il n'y a pas de meilleure solution pour le pays que ces élections anticipées parce qu'elles nous donneront un nouveau Parlement plus efficace et avec la capacité d'accomplir les réformes" a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Antonio Milososki (VMRO-DPMNE). "Il est temps que cesse l'intimidation des citoyens macédoniens par ceux qui ne défendent que leurs partis et leurs propres positions politiques. Les élections anticipées sont habituelles et se tiennent dans toutes les démocraties, il n'a rien d'inconvenant à en organiser" a précisé Nikola Gruevski.
Radmila Sekerinska, leader du SDSM, a accusé le VMRO-DPMNE de fuir ses responsabilités. "Le pays n'a pas été invité à rejoindre l'OTAN. Il n'y a pas de date fixée pour les négociations avec l'Union européenne. L'économie est toujours faible et la population ne vit pas mieux alors que l'amélioration des conditions de vie faisait partie des promesses électorales eu VMRO-DPMNE" affirme-t-elle ajoutant "Nikola Gruevski est un lâche, il fuit ses responsabilités au moment où il devrait prendre des décisions cruciales". Le SDSM, qui répète que les élections législatives anticipées vont entraver les efforts du pays pour adhérer à l'OTAN, avait émis le souhait de mettre en place un gouvernement chargé de sortir le pays de la crise qu'il traverse actuellement.
Le Président de la République, Branko Crvenkovski (SDSM), s'est également élevé contre ce scrutin anticipé. "L'initiative d'élections anticipées aura des conséquences désastreuses pour l'Etat. Si elles ont lieu, cela signifie qu'aucun débat sérieux n'aura lieu sur l'enjeu du nom et que nous allons perdre toutes nos chances d'appartenir à l'OTAN ainsi que de commencer les discussions avec les 27 et cela aura pour conséquence de n'obtenir en 2008 ni invitation à entrer dans l'OTAN et ni date d'ouverture des négociations d'adhésion à l'Union européenne. Ce n'est pas le moment d'organiser des élections mais plutôt celui de résoudre le problème que pose le nom de la Macédoine. On aura toujours le temps pour les élections alors que l'occasion de négocier risque d'être à tout jamais perdue" a-t-il souligné.
Pourtant, le Premier ministre ne cesse de le répéter : "Les priorités demeurent l'intégration dans l'OTAN et au sein de l'ensemble euro-atlantique. Les élections anticipées permettront d'accélérer les opérations. Le VMRO-DPMNE, le gouvernement et moi-même, comme les intellectuels et les experts continueront à nous battre pour l'adhésion de la Macédoine à l'OTAN et à l'Union européenne et à faire le maximum pour le pays et les intérêts nationaux".
A un mois des élections législatives ; le pouvoir d'achat et le chômage, élevé dans le pays, constituent les préoccupations principales des électeurs. La situation socio-économique reste fragile, les investissements étrangers sont inférieurs à ceux des autres Etats voisins des Balkans et les infrastructures ont grand besoin d'être rénovées. Par ailleurs, la fiscalité, lourde, et la bureaucratie, très contraignante, continuent à décourager les entrepreneurs.
La dernière enquête d'opinion, réalisée les 24 et 25 avril par le Centre de recherche et de politique, révèle que le VMRO-DPMNE recueillerait 26% des suffrages lors du scrutin du 1er juin, contre 12% pour son principal adversaire, le SDSM, l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI) obtiendrait 10,7% de et le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh) 7%.
13% des électeurs se déclarent indécis et 27,7% affirment qu'ils ne se rendront pas aux urnes le 1er juin prochain. En outre, à la question "pour quel leader politique avez-vous le plus de respect ?" posée par l'institut Ifimes mi-avril, 44,20% des personnes interrogées donnent le nom du Premier ministre Nikola Gruevski, et 17,60% citent Radmila Sekerinska.
La campagne électorale pour les élections législatives débutera officiellement le 11 mai prochain.
Rappel des élections législatives du 5 juillet 2006 en Macédoine
Participation : 55,98%
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