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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Le 31 octobre dernier, le président de la République croate Ivo Josipovic a dissous le Hrvatski Sabor, chambre unique du Parlement, et confirmé que des élections législatives auront lieu le 4 décembre prochain. L'Union démocratique (HDZ), dirigée par la Premier ministre Jadranka Kosor, parti au pouvoir depuis 1991 (à l'exception d'une interruption entre 2002 et 2003), est donnée perdante dans toutes les enquêtes d'opinion.
La loi électorale croate a été modifiée et les circonscriptions ont été redessinées. Le leader de l'opposition, Zoran Milanovic (Parti social-démocrate, SDP), a dénoncé cette modification de la carte électorale moins d'un an avant les élections législatives, la qualifiant d'illégale. Branko Bacic, secrétaire général du HDZ, a rétorqué que la réaction des forces de l'opposition témoignait de leur peur de perdre le scrutin.
Le système politique croate
Le parlement croate est monocaméral depuis 2001 et la suppression de la Chambre des comitats, Son unique assemblée, le Hrvatski Sabor, compte environ 150 députés. Selon la Constitution, leur nombre varie selon les législatures ; il ne peut être inférieur à 100 ni supérieur à 160. Les députés sont élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 10 circonscriptions, chacune d'entre elle élisant 14 personnes. La 11e circonscription rassemble les Croates vivant à l'étranger. Seuls ceux qui possèdent une résidence dans le pays sont autorisés à participer aux élections. Le vote des Croates de l'étranger, traditionnellement favorables au HDZ, est un sujet de débat récurrent. L'influence de la diaspora sur le scrutin est toutefois faible. La 12e circonscription élit 8 députés représentant les minorités nationales. Dans l'actuel Parlement, 145 députés représentent les Croates et 8 les minorités nationales (serbe 3, hongroise 1, italienne 1, tchèque et slovaque 1) et 2 les autres minorités vivant dans le pays (Autrichiens, Bulgares, Bosniaques, Macédoniens, Monténégrins, etc.).
Un parti politique doit obtenir au minimum 5% des suffrages pour être représenté au Hrvatski Sabor.
10 partis politiques sont actuellement représentés au Hrvatski Sabor :
– l'Union démocratique (HDZ), centre-droit, fondée en 1989 et dirigée par la Premier ministre sortante Jadranka Kosor, possède 66 sièges ;
– le Parti social-démocrate (SDP), principal parti d'opposition créé en 1990 et dirigé depuis mai 2007 par Zoran Milanovic, compte 56 députés ;
– le Parti paysan (HSS), dirigé par Josip Frisic et membre de la coalition gouvernementale sortante, possède 8 sièges ;
– le Parti populaire-Libéraux démocrates (HNS), centre-gauche, fondé en 1990 et dirigé par Radimir Cacic, compte 7 députés ;
–l'Alliance démocratique de Slavonie et Baranja (HDSSB), droite, fondée en 2006 et dirigée par Vladimir Sisljagic, possède 4 sièges ;
– le Parti démocrate d'Istrie (IDS), régionaliste, fondé en 1990 pour défendre les intérêts des habitants des régions de l'Istrie et du Kvarner et dirigé par Ivan Jakovcic, compte 3 députés ;
– le Parti des retraités (HSU), fondé en 1996 et dirigé par Silvano Hrelja, possède 1 siège ;
– le Parti du droit (HSP), droite, dirigé par Daniel Srb, compte 1 député ;
– les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR), gauche, créé en 2010 et dirigé par Dragutin Lesar, possède 1 siège ;
– les Sociaux-démocrates (HSD), fondé en 2004 et dirigé par Ivica Pancic, compte 1 député.
Le président de la République est, en Croatie, élu au suffrage universel direct tous les 5 ans. Ivo Josipovic, candidat du Parti social-démocrate soutenu par le Parti populaire-Libéraux démocrates, le Parti démocrate d'Istrie, le Parti des retraités, les Verts, ainsi que par le précédent chef de l'Etat, Stjepan Mesic, a remporté, le 10 janvier 2010, le 2e tour de l'élection présidentielle avec 60,26% des suffrages, battant son adversaire, Milan Bandic, maire de Zagreb exclu du Parti social-démocrate après avoir annoncé sa candidature et soutenu par le Parti démocrate paysan, qui a obtenu 39,74% des voix. La participation avait atteint 50,13% (33,80% lors du 1er tour du 27 décembre).
L'Union démocratique en difficulté
L'Union démocratique (HDZ) a lancé sa campagne électorale le 27 septembre dernier à Zagreb. Jadranska Kosor, Premier ministre sortante, s'est félicitée de l'action de son gouvernement, qui rassemble le HDZ et le Parti paysan. "Le gouvernement est très fier de ce qu'il a réalisé qui constitue la réussite de toute la Croatie" a-t-elle déclaré.
Pourtant, le pays connaît des difficultés socioéconomiques. La reprise est encore incertaine et la croissance du PIB stagne. Elle devrait atteindre 1% en 2011 selon les derniers chiffres de la Banque centrale. Le taux de chômage s'élève à 16,7%. Le gouvernement de Jadranska Kosor a été contraint de voter des mesures d'austérité : coupes budgétaires dans les administrations publiques, hausses d'impôts et baisses des salaires du secteur public et des pensions de retraite. En février 2011, des manifestations, les premières du genre, ont été organisées contre la politique de rigueur de la coalition gouvernementale. Tout au long de l'année, les Croates ont exprimé leur mécontentement dans les rues de Rijeka, Split ou Djakovo.
Au cours des 4 années à venir, Jadranska Kosor promet de relancer la croissance, de réduire le déficit public du pays (à 2,6% en 2013) et de relancer l'emploi des jeunes sans toutefois détailler les moyens par lesquels elle pourrait atteindre ses objectifs. "Zoran Milanovic veut arriver au pouvoir au plus vite car il craint de voir ses chances de victoire s'amoindrir lorsque les négociations avec l'Union européenne seront achevées, que le résultat des réformes économiques sera visible et que la relance économique sera là" a t-elle souligné.
En plus de la crise économique socioéconomique internationale, le HDZ pâtit de diverses affaires de corruption dans lesquelles plusieurs de ses membres, dont l'ancien leader du parti et Premier ministre (2003-2009), Ivo Sanader, sont impliqués. Le 9 décembre 2010, à la demande du parquet, le Hrvatski Sabor a levé l'immunité parlementaire d'Ivo Sanader, qui avait fui la Croatie. Il a finalement été arrêté à Salzbourg (Autriche) où il est incarcéré. Le 18 juillet dernier, Ivo Sanader a été mis en examen pour abus de pouvoir et corruption. Il est accusé d'avoir perçu des fonds illégaux (480 000 €) d'une banque autrichienne (Hypo Alpe Adria) alors qu'il était vice-ministre des Affaires étrangères pendant la guerre de Croatie (1991-1995) et d'avoir perçu un pot de vin de 10 millions € du pétrolier hongrois MOL qui cherchait à s'assurer le contrôle de la compagnie pétrolière croate INA. Ivo Sanader encourt une peine maximale de 10 années d'emprisonnement. Son procès, ajourné une première fois pour des raisons médicales, s'est ouvert le 3 novembre dernier.
Sous le leadership de Jadranska Kosor, les choses se sont améliorées. La Premier ministre a d'ailleurs déclaré qu'elle n'oublierait et ne pardonnerait jamais les déclarations de Zeljko Jovanovic (SDP) qui a accusé le HDZ d'être une "entreprise criminelle". Le renforcement de la lutte contre la corruption et le crime organisé est une exigence de l'Union européenne. Et le procès d'Ivo Sanader aura valeur de test aux yeux de Bruxelles.
Josip Frisic, leader du Parti paysan, allié du HDZ au gouvernement, souhaite la reconduction de la coalition gouvernementale. Il s'est déclaré confiant dans la victoire le 4 décembre prochain. "Nous avons tout fait correctement. Beaucoup pense que la Premier ministre n'a rien fait mais elle a travaillé chaque jour pour amener la Croatie au plus près de l'Union européenne et nous sommes maintenant en situation de signer le traité d'accession de notre pays à l'Union européenne" a t-il déclaré. Jadranska Kosor a également indiqué son désir de reconduire la coalition gouvernementale sortante à l'issue du scrutin.
Les sociaux-démocrates favoris
Le Parti social-démocrate (SDP) a lancé sa campagne électorale le 21 septembre dernier à Varadzin (nord). Zoran Milanovic a présenté un programme de 21 points centré sur 5 mots : investissement, innovation, intégration, industrie et exportations. "Un gouvernement dirigé par le Parti social-démocrate représente la garantie d'une meilleure Croatie" a t-il indiqué. Il promet d'augmenter la croissance du PIB à 5% d'ici à 2015 et de récupérer les 140 000 emplois perdus au cours des 4 dernières années. Le SDP n'hésite pas à affirmer que s'il avait été au pouvoir durant la dernière législature, il aurait réduit le chômage, évité les baisses de salaires et des pensions de retraite, jugulé l'inflation et développé les infrastructures. Il a choisi de faire de la jeunesse l'un de ses thèmes prioritaires de campagne. Les jeunes, qui sont les plus sceptiques quant à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne, sont considérés comme les principaux perdants de la mondialisation. "Ces élections législatives sont une bataille pour qu'ils retrouvent leur confiance, leur optimisme et leurs chances. Nous ne voulons pas d'une Croatie qui serait accrochée comme une moule au rocher de l'Union européenne ; nous voulons faire de notre pays un géant, un petit dragon des Vingt-sept" a déclaré Zoran Milanovic. "En Croatie, l'alternative est claire : d'un côté, l'incompétence, la corruption et la confusion et de l'autre, la chance et l'espoir d'être mieux gouvernés" a-t-il affirmé.
"L'Union démocratique n'a pas besoin de programme ; elle a montré durant les 8 dernières années ce qu'elle avait à offrir" a souligné Vesna Pusic, ancienne leader du Parti des retraités, allié du SDP pour la campagne électorale. Elle a également qualifié l'adhésion de son pays à l'Union européenne de "trophée que l'Union démocratique veut accrocher à un mur".
Le SDP est en tête de toutes les enquêtes d'opinion depuis 2009. Le parti a déclaré qu'il s'allierait au Parti démocrate d'Istrie, au Parti populaire-Libéraux démocrates et au Parti des retraités pour les élections législatives. Si Zoran Milanovic remporte son pari le 4 décembre prochain, la Croatie connaîtra sa première alternance politique depuis 2000.
Entrée dans l'Union européenne : le compte à rebours est commencé
La Croatie devrait rejoindre l'Union européenne le 1er juillet 2013. Après 6 années de négociations, le traité d'accession à l'Union devrait être ratifié par au moins les 2/3 des membres du Hrvatski Sabor le 9 décembre prochain. Selon la Constitution croate, le texte doit être soumis à référendum dans les 30 jours suivant son adoption par le Parlement.
Le président de la République Ivo Josipovic, a émis le souhait que le référendum d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne soit organisé après les élections législatives. Le chef de l'Etat espère que le vote en faveur de l'adhésion de Zagreb rassemblera au moins 6 à 7 électeurs sur 10. Selon lui, les Croates qui déclarent qu'ils voteront "non" au référendum d'adhésion ont peur de l'inconnu et les partis politiques doivent les informer et les aider à surmonter cette peur. L'ensemble des partis croates sont favorables à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne à l'exception du Parti du droit de Daniel Srb et de 3 partis non représentés au Parlement: Seulement la Croatie dirigé par Milovan Sibl, l'Action pour une meilleure Croatie de Zeljko Sasic et le Parti démocrate-chrétien de Petar Kacunko qui, le 5 octobre dernier, se sont unis dans l'Alliance pour la Croatie.
L'avancée des négociations avait été ralentie par les différends existant entre Zagreb et Bruxelles en matière de poursuites des criminels de guerre, de lutte contre la corruption ou encore du tracé des frontières avec la Slovénie. L'Union européenne a longtemps reproché à la Croatie de ne pas suffisamment collaborer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) et à trop tarder pour réformer son système judiciaire, considéré comme trop dépendant du pouvoir en place. Toutefois, l'Union européenne a estimé que des progrès considérables ont été accomplis et les négociations d'adhésion ont été clôturées le 30 juin dernier.
Le différend frontalier avec Ljubljana a entraîné la suspension des négociations entre la Croatie et l'Union européenne en décembre 2008. Le différend entre les deux Etats portait sur quelques kilomètres de côtes et quelques miles marins de la mer Adriatique situés dans la baie de Piran et constituant l'unique accès de la Slovénie aux eaux internationales. En effet, le pays est entouré par des eaux nationales, italiennes au nord et croates au sud. Ljubljana souhaitait donc une extension de ses eaux territoriales de façon à posséder son propre accès aux eaux internationales, ce à quoi Zagreb s'est longtemps opposée avant de revenir sur sa position en 2009. Le tracé de la frontière maritime entre les 2 pays fait l'objet d'une procédure d'arbitrage international.
La Croatie devrait donc être la deuxième République issue de l'ex-Yougoslavie à rejoindre l'Union européenne. "La porte est désormais ouverte, la Croatie revient en Europe" a déclaré la Premier ministre Jadranska Kosor qui espère que ce succès confortera son parti à quelques semaines du scrutin.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut CRO Demoskop et publiée le 3 novembre dernier, la coalition de l'Alliance pour le changement, qui rassemble le Parti social-démocrate, le Parti populaire-Libéraux démocrates, le Parti des retraités et le Parti démocrate d'Istrie, recueillerait 37,2% des suffrages. L'Union démocratique obtiendrait 18,3% des voix. Parmi les autres partis en lice, seuls les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR) atteindraient les 5% de suffrages indispensables pour être représentés au Parlement.

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