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Les Lettons décideront de l'avenir de leur Parlement le 23 juillet prochain

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 juin 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Les Lettons décideront de l'avenir de leur Parlement le 23 juillet prochain

PDF | 238 koEn français

"Etes-vous pour ou contre la dissolution du parlement ?", telle est la question à laquelle sont appelés à répondre 1,5 million de Lettons lors d'un référendum qui se tiendra le 23 juillet prochain. Cette consultation populaire est la conséquence de l'annonce, le 28 mai dernier, du président de la République sortant Valdis Zatlers, de dissoudre la Saeima (chambre unique du Parlement). Pour être effective, cette dissolution doit impérativement être confirmée par un référendum populaire. Si les Lettons répondent "oui" le 23 juillet, la Saeima sera dissoute et de nouvelles élections législatives seront organisées, probablement en septembre. Dans le cas contraire, le chef de l'Etat devra démissionner et le parlement restera en place.

Aucun quorum de participation minimum n'est exigé pour valider le résultat du référendum qui sera décidé à la majorité simple des suffrages.

Autre conséquence de la décision du président sortant : celui-ci a été remplacé le 2 juin dernier à la tête de l'Etat par Andris Berzins (proche de l'Union des paysans et des Verts, ZZS), élu par 53 des 100 membres du Parlement. Candidat à sa réélection, soutenu par Unité (V), coalition du Premier ministre Valdis Dombrovskis (qui rassemble Nouvelle ère, dirigée par Solvita Aboltina, l'Union civique, présidée par Girts Valdis Kristovskis, et la Société pour une autre politique (SCP), conduite par Aigars Stokenbergs) et par l'Union nationale, coalition qui regroupe Tous pour la Lettonie (VL), Valdis Zatlers n'a obtenu que 41 voix à l'élection présidentielle. Il avait indiqué être conscient des conséquences que sa décision pouvait avoir sur ses chances d'être réélu à son poste.

Le coup de tonnerre de la décision de Valdis Zatlers

Le 28 mai dernier, le président sortant informe ses compatriotes lors d'une intervention télévisée de sa décision de dissoudre la Saiema, conformément aux pouvoirs que lui donne l'article 48 de la Constitution. "Je veux donner l'espoir de changer les choses. Nous devons mettre un point final à des comportements qui vont contre les intérêts de notre peuple et de notre pays. C'est la raison pour laquelle je voulais vous dire en direct que j'ai signé le décret présidentiel demandant la dissolution du parlement et soumis celui-ci à la Cour constitutionnelle. Le décret prend effet immédiatement" a-t-il déclaré.

Valdis Zatlers justifie son geste par le refus des parlementaires, le 26 mai dernier, de lever l'immunité d'un député, Ainars Slesers, leader de "Premier parti de Lettonie-Voie lettone" (LPP-LC), ancien vice-maire de Riga, soupçonné de versement et d'acquisition de pots-de-vin, de blanchiment d'argent, de fausses déclarations et d'abus de pouvoir. Le vote des députés avait empêché le parquet d'effectuer une perquisition à son domicile. Plusieurs entreprises, parmi lesquelles le port commercial de Riga, Euroline et Baltic Aviation System, avaient déjà été perquisitionnées. Ainars Slesers dément cependant que ces entreprises, qui n'apparaissent pas dans sa déclaration d'impôt, lui appartiennent et affirment qu'elles sont la propriété de son associé, Viesturs Koziols.

Le 20 mai dernier, le Bureau de la prévention et du combat contre la corruption (KNAB) avait ouvert une enquête sur des allégations de blanchiment d'argent, corruption, transactions frauduleuses, abus de pouvoir et fausses déclarations mettant en cause plusieurs hommes politiques. Lors d'une perquisition menée au domicile d'Aivars Lembergs (ZZS), maire de Ventspils depuis 1988 et poursuivi par la justice pour corruption et blanchiment d'argent, les forces de police avaient saisi des documents concernant le leader du Parti populaire (TP), Andris Skele, et l'ancien ministre Ainars Slesers. Les partis de ces deux hommes se sont unis le 26 avril 2010 au sein d'un mouvement appelé "Pour une bonne Lettonie".

"Le vote de la Saiema résonne comme une alarme qui révèle un conflit sérieux entre le pouvoir législatif et l'autorité judiciaire, deux des trois pouvoirs sur lesquels notre pays est fondé" a affirmé Valdis Zatlers qui a précisé que ce n'était pas la première fois que la Saeima faisait fi du système judiciaire, allusion à l'opposition des parlementaires en avril 2010 à la réélection de Janis Maizitis au poste de Procureur général. "Le parlement a manqué de respect et fait preuve de méfiance à l'égard de la compétence des autorités judiciaires. Il a davantage défendu les intérêts d'un groupe de personnes que ceux de l'Etat et les gens ont constaté que les députés se défendaient d'abord les uns les autres. Les Lettons ont fait de nombreux sacrifices, était-ce pour autoriser le vol de l'Etat ? Les hommes politiques doivent conclure une nouvelle entente avec le peuple afin d'agir dans l'intérêt public. Les Lettons veulent une classe politique plus propre et moins liée à l'argent" a ajouté le chef de l'Etat.

Le 29 mai, interrogé sur les noms des oligarques qu'il mettait en cause, Valdis Zatlers a cité les noms des "trois A" comme il est coutume d'appeler Aivars Lembergs, Ainars Slesers (vice-Premier ministre, 2002-2004, ministre des Affaires économiques, 1998-1999 et ministre des Transports, 2004-2009) et Andris Skele (Premier ministre, 1995-1997 et 1999-2000), tous 3 à la fois responsables politiques et hommes d'affaires qui font l'objet d'enquêtes policières et judiciaires depuis 20 ans.

Aivars Lemberg a accusé Vladis Zatlers de mensonge et affirmé que cette campagne contre lui était financée par George Soros "qui a reçu le président de la République sortant de façon très cordiale lors de la récente visite de ce dernier à New York".

Ainars Slesers estime que la dissolution du parlement est anticonstitutionnelle. Il n'a cependant pas l'intention d'entamer un recours devant la justice considérant que les tribunaux ne pourront se prononcer avant la tenue du référendum. "Ce n'est pas le premier scandale où mon nom est cité. Chacun d'entre eux laisse des traces mais je pense que nos électeurs sont raisonnables" a-t-il déclaré.

Le 26 mai dernier, la coalition Unité du Premier ministre Valdis Dombrovskis et l'Union nationale, coalition qui regroupe Tous pour la Lettonie (VL) avaient voté en faveur de la levée de l'immunité parlementaire d'Ainars Slesers tandis que l'Union des paysans et des Verts (ZZS), membre du gouvernement, s'y était opposée. Valdis Dombrovskis a assuré avoir eu alors une conversation sérieuse avec ses alliés qu'il a accusé d'avoir également tout fait pour que la loi sur le financement des partis politiques ne soit pas votée. "Nous avons atteint un certain seuil et la coalition gouvernementale pourrait ne pas survivre à un vote similaire. Ceci est un carton jaune et deux cartons jaunes équivalent à un carton rouge" avait indiqué le Premier ministre aux députés du ZZS.

Quelles conséquences pour la Lettonie ?

Plusieurs options s'ouvrent à Valdis Zatlers : il pourrait créer son propre parti politique, rejoindre un parti existant ou encore créer une nouvelle organisation non gouvernementale. Le président sortant devrait révéler ses projets le 8 juillet prochain, jour où Andris Berzins lui succèdera à la tête de l'Etat.

Valdis Zatlers a par ailleurs décidé de remplacer le 3 juillet prochain la traditionnelle réception présidentielle de fin de mandat par un événement public qui se déroulera en plein air dans le jardin Liktendarzs de Koknese. Ce choix n'est pas anodin car ce lieu a une signification particulière pour les Lettons : il symbolise la lutte contre les régimes totalitaires qui ont sévi dans le pays au XXe siècle.

Par ailleurs, la coalition Unité dont les 3 partis fusionneront pour former un seul parti politique le 6 août prochain, une décision saluée par le chef de l'Etat sortant, a invité Valdis Zatlers à la rejoindre.

Selon Andris Ozols, directeur de l'Agence lettone d'investissement et de développement, les derniers événements politiques ont eu peu d'incidence sur le comportement des investisseurs et des analystes économiques. Ces derniers ont récemment félicité le pays pour son retour sur les marchés financiers. La Lettonie vient en effet de lancer une émission d'euro-obligations d'une valeur de 500 millions $ (350 millions €) sur les marchés internationaux dont elle était absente depuis plus de 3 ans. Le journaliste de l'hebdomadaire The Economist, Edward Lucas, a souligné que le pays était sorti de la précarité financière et que la crise politique pourrait être contenue.

L'agence de notation Moody's a d'ailleurs relevé la perspective de la Lettonie de stable à positive (Baa3). Les exportations et les investissements continuent de progresser et la croissance du PIB s'est élevée à 3,4% durant le premier quart de cette année. Enfin, le déficit budgétaire devrait atteindre 4,5% du PIB cette année et passer sous la barre des 3% exigé par le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne en 2012.

Le 16 juin dernier, le gouvernement a mis fin au mandat du chef du Bureau de la prévention et du combat contre la corruption, Normunds Vilinitis, qui avait été nommé à ce poste par le gouvernement du Premier ministre (2007-2009) Ivars Godmanis (Premier parti de Lettonie-Voie lettone, LPP-LC) au début de l'année 2009, confirmant le vote du parlement quelques jours plus tôt. Son adjointe Juta Strike assurera l'intérim jusqu'à la désignation de son successeur.

Les partis politiques semblent désireux de se refaire une virginité politique avant les élections législatives que tous anticipent pour l'automne prochain. La majorité des analystes politiques estiment que les Lettons confirmeront la dissolution voulue par le président sortant. "Les partis qui ont empêché la réélection de Valdis Zatlers pourraient recevoir la monnaie de leur pièce lors du prochain scrutin législatif" a souligné l'analyste économique Aidan Manktelow. Selon les enquêtes d'opinion, des élections législatives anticipées devraient profiter aux forces nationalistes, de droite comme de gauche, ainsi qu'au Centre de l'harmonie. Le 21 juin, une enquête d'opinion attribuait au Centre de l'Harmonie 18.5%, 14.7% à la coalition Unité, 10.5% au ZZS et 8,8% à la coalition Tous pour la Lettonie (VL).

Le 8 juin dernier, 6 000 personnes se sont rassemblées sur une île du centre de Riga pour les "funérailles des oligarques". L'idée maîtresse de la manifestation était d'inciter les Lettons à boycotter les oligarques, c'est-à-dire à décliner leurs faveurs, renoncer à les servir dans les restaurants, cesser toute représentation théâtrale auxquelles ils assisteraient, refuser tout emploi dans des institutions où des oligarques seraient présents, etc. Les personnes présentes ont été invitées à lire la presse et à sortir de leur passivité. Les organisateurs ont créé un site www.manabalss.lv (mana balss signifie "ma voix" en letton) afin de mobiliser la population à l'action publique, notamment à travers la signature de pétitions. Ainsi, plus de 2 000 personnes ont d'ores et déjà voté en faveur d'une proposition d'amendement des règles de procédure de la Saeima qui permettrait d'inscrire à l'agenda du parlement toute initiative publique signée par au moins 10 000 électeurs.

Premier président de la République à utiliser son pouvoir de dissolution du parlement dans l'histoire de la Lettonie, Valdis Zatlers est devenu aux yeux de certains un héros en décidant de convoquer un référendum. D'autres, en revanche, regrettent que le chef de l'Etat ait pris le risque de plonger dans une crise politique un pays fortement ébranlé par la crise économique internationale qui retrouve difficilement le chemin de la croissance. D'autres encore estiment que Valdis Zatlers, qui craignait de ne pas être réélu à son poste, a réalisé un coup politique en utilisant la dissolution comme porte de sortie.

"Valdis Zatlers a brisé 20 ans d'influence des oligarques" a déclaré l'ancienne présidente de Lettonie Vaira Vike-Freiberga (1999-2007). "L'élection d'Andris Berzins marque un immense pas en arrière sur le chemin vers l'indépendance du pays à l'égard des oligarques" a t-elle ajouté. "Je pense que le président de la République Valdis Zatlers a pris une décision importante pour réduire de façon substantielle le rôle des oligarques en politique" a affirmé le Premier ministre Valdis Dombrovskis.

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