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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Les Lettons ont approuvé massivement la dissolution de la Saeima, chambre unique du parlement, lors d'un référendum qui s'est tenu le 23 juillet. Plus de neuf électeurs sur dix (94,30%) ont répondu "oui" à la question suivante : "Etes-vous pour ou contre la dissolution du parlement ?" et 5,48% s'y sont opposés. Cette consultation faisait suite à l'annonce, le 28 mai dernier, par l'ancien président de la République, Valdis Zatlers, de dissoudre la Saeima. Cette décision devait impérativement être confirmée par référendum. La majorité des Lettons ayant voté "oui", de nouvelles élections législatives seront organisées, probablement au mois de septembre.
En approuvant massivement la décision de leur ancien chef de l'Etat, les Lettons ont surtout exprimé leur lassitude face à la corruption qui mine leur pays depuis de longues années. "Le référendum est un précédent important pour la vie politique lettone dans le sens où désormais, aucun parlement ne pourra plus être assuré de gouverner durant les quatre années de la législature" a indiqué Aivars Ozolins, éditorialiste politique de l'hebdomadaire Ir. Le directeur de l'institut d'opinion SKDS, Arnis Kaktins, a souligné que les électeurs utiliseraient le scrutin pour exprimer leur profond mécontentement. "Cependant, penser que le vote ne sera qu'une protestation contre les oligarques serait une simplification. Nos enquêtes révèlent depuis longtemps la méfiance et l'insatisfaction des Lettons à l'égard de leur parlement, sans même parler des oligarques" avait-il ajouté.
Moins de la moitié des inscrits se sont rendus aux urnes ; le taux de participation s'est élevé à 44,73%. Nils Muiznieks, directeur de l'Institut de recherche avancée en sciences sociales et politiques de l'université de Lettonie à Riga, avait anticipé cette forte abstention "la participation sera peu importante mais les électeurs utiliseront l'opportunité du référendum pour exprimer leur frustration. Les Lettons ont une incroyablement mauvaise opinion de leur gouvernement et de leurs députés" avait-il déclaré.
Le leader du principal parti d'opposition, le Centre de l'harmonie, Janis Urbanovics, avait appelé ses compatriotes à participer au référendum. "Les citoyens lettons n'ont pas si souvent l'opportunité d'exprimer leur opinion sur ce qui se passé dans le pays" avait-il déclaré. En revanche, l'ancien président de la République (1993-1999) Guntis Ulmanis avait annoncé qu'il ne se rendrait pas aux urnes le 23 juillet. "C'est au peuple de décider, pas aux députés" avait-il souligné.
Aucun quorum de participation minimum n'était exigé pour valider le résultat de la consultation populaire sur la dissolution du parlement.
"Je voudrais remercier tous ceux qui ont participé au referendum. Ils ont clairement dit qu'ils souhaitaient un changement. Il y aura un changement en Lettonie et il modifiera nos vies de manière significative" a déclaré l'ancien président Valdis Zatlers à l'annonce des résultats. "J'ai ouvert la porte au changement. Maintenant c'est à vous de la franchir et de sentir que vous pouvez prendre le contrôle de votre propre destin" avait-il indiqué la veille du référendum, soulignant qu'il en avait assez de "vivre dans un pays basé sur le mensonge, le cynisme et l'avidité".
Le ministre des Affaires étrangères Girts Valdis Kristovskis, leader d'Unité (Vienotiba, V), coalition dirigée par le Premier ministre Valdis Dombrovskis et formée par Nouvelle ère (JL), l'Union civique et la Société pour une autre politique (SCP) ainsi que Raivis Dzintars, leader de Tous pour la Lettonie (VL), et le leader du Centre de l'harmonie, Janis Urbanovics, avaient affirmé s'apprêter à voter "oui" le 23 juillet.
Andris Skele, leader du Parti populaire (TP), membre de la coalition électorale Pour une bonne Lettonie, ancien Premier ministre (1995-1997 et 1999-2000) et l'un des trois oligarques (avec Aivars Lembergs et Ainars Slesers) nommément mis en cause par Valdis Zatlers, avait déclaré qu'il voterait "non", qualifiant la dissolution du parlement d'"amorale". Il a affirmé que l'ex-chef de l'Etat s'est servi de son pouvoir de dissolution pour lancer sa carrière politique. Aivars Lembergs (Union des Verts et des paysans, ZZS), maire de Ventspils depuis 1988 et poursuivi par la justice pour corruption et blanchiment d'argent, avait également précisé qu'il s'opposerait à la dissolution.
"Le référendum est positif pour la Lettonie parce qu'il participe au développement de la démocratie dans le pays" avait souligné Toms Silins, vice-président du Conseil pour l'investissement étranger dans le pays.
Le 9 juillet dernier, Valdis Zatlers a officiellement annoncé la création de son parti politique, le Parti de la réforme de Zatlers (ZRP), positionné au centre-droit de l'échiquier politique. L'ex-chef de l'Etat a également créé un think tank de la réforme pour conseiller son nouveau parti. Environ 1000 personnes ont fait une demande pour adhérer au ZRP.
Une enquête d'opinion réalisée par l'institut TNS Latvia pour la chaîne de télévision LNT et publiée le 22 juillet dernier crédite le ZRP de 17,5% des suffrages, soit autant que le Centre de l'harmonie. Les deux partis seraient en tête d'un éventuel scrutin législatif suivis d'Unité, créditée de 9% des voix. "Le Parti de la réforme de Zatlers voit en Unité un partenaire potentiel" ont déclaré Daiga Holma et Reinis Tukiss, porte-paroles du ZRP. Valdis Zatlers a par ailleurs refusé par avance toute collaboration avec l'Union des Verts et des paysans, parti membre du gouvernement actuel dirigé par Valdis Dombrovskis.
Le ZRP a tenu son congrès le 23 juillet, jour même du référendum.
De leur côté, les trois partis de la coalition Unité ont décidé de fusionner en un seul parti politique (Unité) le 6 août prochain. Les partis d'opposition rassemblés dans la coalition Union nationale, soit Tout pour la Lettonie ! de Ratvis Dzintars et l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) de Roberts Zile, ont également choisi la fusion. Leur rassemblement prendra le nom de Tout pour la Lettonie !-Pour l'Union pour la patrie et la liberté et aura un double leadership (Ratvis Dzintars et Roberts Zile). Les deux partis se seront néanmoins encore présentés sous la forme de leur coalition lors des prochaines élections législatives, l'enregistrement d'un parti politique demandant entre deux et trois mois en Lettonie.
"L'un des principaux buts des prochaines élections législatives sera d'assurer que les oligarques et les partis qui les soutiennent ne disposent pas de la majorité au parlement" a déclaré le Premier ministre Valdis Dombrovskis. "Si cela devait arriver, alors l'initiative de l'ancien président aurait été inutile" a-t-il ajouté. "L'influence des oligarques va au-delà des trois hommes désignés par Valdis Zatlers. Je pense que la Lettonie compte de nombreuses personnes fortunées directement ou indirectement engagées en politique. Et toutes ne sont pas de nationalité lettone" a précisé l'ancienne chef de l'Etat, Vaira Vike-Freiberga.
Le prochain scrutin législatif marquera certainement le recul des partis dirigés par les oligarques (le Parti populaire de l'ancien Premier ministre d'Andris Skele ; Premier de Lettonie-Voie lettone (LPP-LC) dirigé par Ainars Slesers et l'Union des Verts et des paysans à laquelle appartient Aivars Lembergs) mais la formation de la future coalition gouvernementale pourrait s'avérer difficile car les anciens électeurs de ces partis ne seront certainement pas prêts à soutenir le parti du Premier ministre Valdis Dombrovskis ou le tout nouveau Parti de la réforme de Zatlers.
Le président de la Commission électorale centrale (CVK), Arnis Cimdars, a proposé que les élections législatives anticipées soient organisées le 17 septembre prochain.
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