Actualité
Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
-
Versions disponibles :
FR
ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), parti dirigé par l'ancien Premier ministre (2006-2010), Robert Fico, est arrivé largement en tête des élections législatives anticipées qui se sont déroulées en Slovaquie le 10 mars. Il a recueilli 44,41% des suffrages et remporté 83 des 150 sièges du Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky), chambre unique du parlement, soit +15 par rapport au scrutin législatif du 12 juin 2010. Pour la première fois depuis l'indépendance du pays en 1993, un parti parvient à remporter la majorité absolue aux élections législatives.
Le SMER-SD a devancé le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) de Jan Figel et le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO), créé le 28 octobre dernier et dirigée par Igor Matovica, qui ont obtenu respectivement 8,82% et 8,55% des voix et chacun 16 sièges (+ 1 pour le KDH). Most-Hid a recueilli 6,89% des suffrages (13 sièges, - 1). L'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique (SDKU-DS), parti de la Premier ministre sortante Iveta Radicova, a obtenu 6,09% et 11 sièges (-17) et Liberté et solidarité (Sloboda a Solidarita, SaS), 5,88% et 11 sièges (- 11).
La participation a été plus élevée que ne le prévoyaient les enquêtes d'opinion. Elle s'est élevée à 59,11%, soit très légèrement au-dessus de celle enregistrée lors du scrutin de juin 2010 (+ 0,28 point).
"Les résultats m'ont surpris" a déclaré Robert Fico à l'issue du scrutin. "L'essentiel, c'est que nous avons réussi avec le programme que nous avons offert aux Slovaques comme une alternative à la droite" a-t-il ajouté. "Nous sommes hostiles aux privatisations, favorables à une meilleure protection juridique des salariés, nous prônons des investissements publics importants. Voilà le programme que nous nous efforcerons de mettre en œuvre" avait-il souligné. En dépit de sa large majorité, le leader du SMER-SD a indiqué qu'il était prêt à s'allier à d'autres partis qui soutiendraient son programme.
"Plus qu'au triomphe de la gauche, on assiste à l'effondrement de la droite, celle-ci est ravagée" indique Etienne Boisserie, historien spécialiste de la Slovaquie à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Les partis libéraux ont en effet pâti de l'affaire Gorilla, nom donné au scandale politico-financier révélé par la mise en ligne d'enregistrements de conversations sur Internet en décembre dernier qui font état de versements de pots-de-vin et de blanchiment d'argent lors de la privatisation d'entreprises en 2005-2006, période où la droite était au pouvoir. "Environ la moitié des électeurs qui votent traditionnellement pour les partis de droite estiment qu'aucun d'entre eux ne mérite leur confiance. Le scandale Gorilla a aidé les partis protestataires appelant au départ des politiciens corrompus" a indiqué Marian Lesko, journaliste au magazine économique Trend, la veille du scrutin. "C'est clair, nous devons nous en prendre à Gorilla" a déclaré Mikulas Dzurinda, leader du SDKU-DS, ministre des Affaires étrangères sortant et ancien Premier ministre (1998-2006), à l'issue de l'annonce des résultats.
Le scandale a notamment profité à l'opposition de gauche et au nouveau parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes qui fait son entrée au Parlement. Igor Matovic, qui a quitté Liberté et solidarité (SaS) il y a un an, avait déclaré avoir passé (avec succès) un test au détecteur de mensonges pour prouver qu'il était exempt de toute corruption.
Robert Fico a beaucoup critiqué ces deux dernières années la politique de coupes dans les dépenses publiques menée par la Premier ministre sortante Iveta Radicova, qui avait fait du retour de son pays à l'équilibre budgétaire sa priorité gouvernementale. En 2011, celui-ci s'établissait à 4,6% (8,1% un an plus tôt). "Nous sommes contre les privatisations, nous sommes favorables à une meilleure protection des salariés et pour de larges investissements publics" a-t-il affirmé. Il veut supprimer l'impôt à taux unique (flat tax), fixé à 19% (pour la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés) et relever les deux derniers taux d'imposition à 25% pour les Slovaques les plus aisés (personnes percevant plus de 33 000 €) et à 22% pour les entreprises dont les profits dépassent 30 millions € annuels. Robert Fico souhaite instituer une taxe spéciale de 0,7% sur les dépôts bancaires. "Si vous affichez des bénéfices record, vous devez payer des impôts record" a-t-il déclaré lors de la campagne.
En dépit de ces annonces, le bilan du premier gouvernement de Robert Fico (2006-2010) plaide pour une continuité de la politique actuelle. Durant ses années à la tête de l'Etat, le leader de SMER-SD avait en effet su préserver l'héritage de la droite libérale tout en augmentant les dépenses sociales de l'Etat, notamment pour atténuer les effets de la crise économique internationale. "Quel que soit le gouvernement qui sera en charge des affaires, il disposera d'environ 6 semaines pour montrer qu'il peut consolider le budget" a déclaré Peter Kazimir (SMER-DS), probable futur ministre des Finances. "Nous sommes pour la consolidation des finances publiques, mais pas au détriment des gens aux faibles revenus. Notre programme est pro-européen. Nous sommes pour la sauvegarde de la zone euro et pour la sauvegarde de l'euro en tant que monnaie européenne forte" a indiqué Robert Fico.
La situation socioéconomique de la Slovaquie est fragile même si le pays a retrouvé la croissance en 2011 (3,3%). Le chômage affecte 13,3% de la population active. "Quel que soit le vainqueur des élections, le gouvernement ne peut se permettre de laisser filer les finances publiques" a affirmé Lubomir Korsnak, analyste financier de l'UniCredit SpA.
Né il y a 47 ans à Topolcany (ouest du pays), Robert Fico est diplômé de droit de l'université Comenius et de l'Institut d'Etat et de droit de l'Académie slovaque des sciences de Bratislava. Membre du Parti communiste en 1987, puis du Parti de la gauche démocratique (SDL), il entre au Parlement pour la première fois en 1992. Il quitte le SDL après les élections législatives des 25 et 26 septembre 1998 qui voient son parti entrer au gouvernement sans qu'il n'obtienne lui-même de poste ministériel. Un an plus tard, en décembre 1999, il fonde son propre parti, Direction (SMER).
Robert Fico débute sa carrière professionnelle au sein de l'Institut du droit du ministère de la Justice avant d'être nommé, en 1994, représentant de la Slovaquie à la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg, un poste qu'il occupera durant 6 ans. En 2004, Direction absorbe le Parti de la gauche démocratique, le Parti social-démocrate (SDSS) et l'Alternative social-démocrate (SDA). Deux ans plus tard, Robert Fico accède au poste de Premier ministre après la victoire de son parti aux élections législatives du 17 juin 2006. Son parti arrive encore en tête des élections législatives du 12 juin 2010 mais il est dans l'impossibilité de former un gouvernement, faute de proposer une ligne d'action cohérente et capable de rassembler. En octobre dernier, il obtient du gouvernement d'Iveta Radicova l'organisation d'un scrutin législatif anticipé en échange du vote des députés du SMER-SD en faveur de l'adoption du Fonds européen de stabilité financière (FESF).
La victoire de Robert Fico, qui durant son premier mandat à la tête du pays s'était allié au parti d'extrême droite, le Parti national (SNS), et qui n'a pas hésité parfois à prendre à partie la minorité hongroise du pays (environ 10% de la population), pourrait créer une certaine tension entre Bratislava et Budapest où gouverne Viktor Orban (FIDESZ) avec des accents nationalistes.
Sur le même thème
Pour aller plus loin
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
2 décembre 2024
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
2 décembre 2024
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
25 novembre 2024
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
18 novembre 2024
La Lettre
Schuman
L'actualité européenne de la semaine
Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais
Versions :