La journaliste Thora Arnorsdottir, favorite de l'élection présidentielle islandaise du 30 juin prochain

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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29 mai 2012
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Jusqu'à une période récente, la tradition islandaise voulait qu'aucun concurrent ne se présente contre le président de la République sortant lorsque celui-ci sollicitait un nouveau mandat. L'actuel chef de l'Etat Olafur Ragnar Grimsson, élu une première fois le 29 juin 1996 avec 40,9% des voix, a été reconduit dans ses fonctions en juin 2000 sans qu'aucun scrutin ne soit organisé. En 2004, toutefois, la tradition est rompue (pour la deuxième fois depuis 1988) : bien que le président de la République ait annoncé sa volonté d'effectuer un troisième mandat, deux autres personnes concourent contre lui : l'homme d'affaires et militant pacifiste Asthor Magnusson (qui s'était déjà présenté à l'élection présidentielle de 1996 où il avait obtenu 2,6% des voix), et l'homme d'affaires Baldur Agustsson. Olafur Ragnar Grimsson est toutefois largement réélu avec 86,50% des suffrages. En 2008, l'élection présidentielle n'est pas organisée puisqu'aucun candidat ne se présente contre le président sortant.

Le 4 mars dernier, Olafur Ragnar Grimsson a fait part de sa décision de concourir pour un 5e mandat lors de l'élection présidentielle du 30 juin prochain après avoir reçu une pétition signée par 31 733 personnes en faveur de sa candidature. A l'occasion de son discours pour le Nouvel An en décembre 2011, le chef de l'Etat avait affirmé qu'il souhaitait se consacrer à d'autres tâches sans toutefois déclarer officiellement qu'il renonçait à se présenter. "La volonté exprimée par certains que je reste à mon poste résulte de l'incertitude croissante quant à la gouvernance du pays et de la place du président de la République dans la Constitution" a-t-il déclaré. "Il est important de rester vigilants sur la place de notre nation dans le concert international" a ajouté Olafur Ragnar Grimsson.

La fonction présidentielle

La fonction présidentielle est, en Islande, essentiellement honorifique. Le chef de l'Etat, souvent qualifié de "roi sans couronne", est cependant un symbole d'unité nationale et exerce une autorité morale auprès de ses concitoyens. La durée du mandat présidentiel est de 4 ans et le nombre de mandats illimité.

Tout candidat à la fonction présidentielle doit recueillir au moins 1 500 parrainages pour pouvoir se présenter aux suffrages des électeurs. Le scrutin se déroule en un seul tour : le candidat qui recueille le plus grand nombre de suffrages sur son nom est élu président de la République. Habituellement, les électeurs se déterminent davantage sur la personnalité des candidats que sur leur appartenance politique.

Le 2 juin 2004, Olafur Ragnar Grimsson a apposé son veto à une loi sur les médias qui entendait lutter contre les concentrations jugées susceptibles de restreindre la liberté du consommateur aux niveaux économique et politique, votée le 25 mai précédent, par l'Althing, chambre unique du parlement. Ce premier veto présidentiel de l'histoire du pays avait fait l'effet d'un coup de tonnerre sur l'île. Le chef de l'Etat, qui avait rappelé l'importance de la liberté d'expression et la nécessité pour l'Islande d'avoir des médias libres, avait justifié sa décision par le fait que la loi votée par le Parlement était très controversée. Selon l'article 26 de la Constitution, la loi aurait dû être soumise à référendum mais le texte a finalement été abrogé le 22 juillet 2004.

Le 2 janvier 2010, Olafur Ragnar Grimsson a annoncé son refus de signer la loi sur l'accord Icesave votée par le parlement dans la nuit du 30 au 31 décembre 2009. Un référendum est organisé le 6 mars 2010 qui voit les Islandais suivre leur chef de l'Etat et rejeter, par 93% des suffrages, l'accord Icesave. Près d'un an plus tard, le 20 février 2011, Olafur Ragnar Grimsson annonce de nouveau l'organisation d'une consultation populaire sur la nouvelle loi sur l'accord Icesave, votée par l'Althing quatre jours plus tôt. Le 9 avril suivant, 58,9% des électeurs rejettent le texte dans les urnes.

Les candidats en présence

8 personnes sont officiellement candidates à la fonction de président de la République :

– Olafur Ragnar Grimsson, 69 ans, chef de l'Etat depuis 1996, en course pour un 5e mandat ;

– Thora Arnorsdottir, 37 ans, journaliste de la chaîne de télévision publique, a annoncé sa candidature le 4 avril dernier après avoir recueilli les 1 500 signatures nécessaires en un week-end. Première candidate à faire campagne enceinte, elle a pris quelques jours de congé pour accoucher, le 18 mai dernier, d'une petite fille ;

– Asthor Magnusson, homme d'affaires et militant pacifiste au sein de l'organisation internationale Fridur 2000 (Paix 2000). Candidat malheureélectif'élection présidentielle du 26 juin 2004 (1,9% des suffrages), il veut faire de sa présidence un symbole de paix ;

– Herdis Thorgeirsdottir, 58 ans, notaire et professeur de droit à l'université de Bifröst à Northurárdalur. Elle est présidente des Femmes juristes européennes et représentante de l'Islande à la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l'Europe) ;

– Ari Trausti Gudmundsson, 63 ans, écrivain, géophysicien, ancien communiste se déclarant indépendant ;

– Jon Larusson, originaire de Selfoss (Sud), inspecteur de police en charge de la fraude fiscale depuis 2008, il se déclare apolitique et est opposé à l'adhésion de l'Islande à l'Union européenne ;

– Hannes Bjarnason, agriculteur de Skagafjödur résidant en Norvège depuis 14 ans, souhaite mettre la morale au cœur du débat et assure qu'il saura sauvegarder les intérêts de la nation ;

– Adrea Olafsdottir, présidente de l'association Hagsmunasamtök heimilanna (la Coalition des propriétaires) plaide en faveur d'une rémunération au salaire minimum (193 couronnes, soit 1 163 €) du président de la République et des députés.

Un duel Olafur Ragnar Grimsson/Thora Arnorsdottir

Le chef de l'Etat sortant Olafur Ragnar Grimsson justifie sa nouvelle candidature par son désir de travailler dans l'intérêt du peuple dans une période particulièrement trouble. Il a indiqué au quotidien Morgunblathith qu'en cas de réélection, il pourrait quitter son poste avant le terme de son mandat. Si Olafur Ragnar Grimsson était réélu le 30 juin prochain, il deviendrait le président de la République à avoir effectué le plus long mandat à la tête du pays.

L'actuel locataire de Bessastathir, nom de la résidence présidentielle en Islande, rassemble encore sur son nom environ un tiers des électeurs dans les enquêtes d'opinion, un pourcentage élevé après 16 années de pouvoir. La majorité des Irlandais expriment néanmoins leur désir de voir un nouveau visage incarner la fonction présidentielle. C'est pourquoi Thora Arnorsdottir est, à un mois du scrutin, la favorite des sondages. Olafur Ragnar Grimsson l'a bien compris qui concentre sur la journaliste toutes ses attaques. Ainsi, il n'a pas hésité à qualifier son adversaire de "dangereuse pour le pays" et à affirmer qu'elle "ne fera que suivre la volonté du gouvernement, notamment en matière de politique étrangère", alors que l'Islande aura à négocier son adhésion à l'Union européenne (l'actuel gouvernement dirigé par Johanna Sigurdardottir (Parti de l'alliance social-démocrate) y est favorable alors que Olafur Ragnar Grimsson a exprimé ses réserves à ce sujet. Le président sortant accuse les médias islandais de réserver à Thora Arnorsdottir un traitement de faveur.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'Institut des sciences sociales de l'université d'Islande et publiée le 21 mai dernier, la journaliste arriverait en tête de l'élection présidentielle du 30 juin prochain avec 46,2% des suffrages devant le chef de l'Etat sortant qui obtiendrait 37,8% des voix. L'écart a tendance à se resserrer entre les deux, Olafur Ragnar Grimsson a légèrement remonté et Thora Arnorsdottir a perdu quelques points. Il ne faut cependant pas oublier que cette dernière a dû mettre sa campagne électorale entre parenthèses ces derniers jours pour donner naissance à sa fille. Le président sortant a profité de ce retrait pour occuper la totalité du terrain.

Si Thora Arnorsdottir remporte l'élection présidentielle du 30 juin prochain, elle ne deviendra pas la première femme chef de l'Etat dans le pays (Vigdis Finnbogadottir a déjà exercé la fonction entre 1980 et 1996) mais l'Islande se retrouverait dans une situation absolument inédite : les quatre premiers postes dans la hiérarchie politique du pays seraient alors détenus par des femmes : la présidence de la République, la fonction de Premier ministre (Johanna Sigurdardottir), la présidence du parlement (Asta Ragnheithur Johannesdottir, Parti de l'alliance social-démocrate) et enfin la tête de l'Eglise d'Islande (Sera Agnes Sigurdardottir deviendra le 1er juillet prochain la première femme évêque du pays).

Le mandat du président arrive à échéance le 31 juillet prochain.

Source : Site du ministère de l'Intérieur islandais

(http://www.innanrikisraduneyti.is/forsetakosningar/upplysingar/nr/874)

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