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Elections législatives anticipées au Kosovo après la dissolution du Parlement

Élections en Europe

Corinne Deloy

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12 mai 2014
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Elections législatives anticipées au Kosovo après la dissolution du Parlement

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1,5 million de Kosovars sont appelés aux urnes de façon anticipée le 8 juin prochain pour renouveler les 120 membres de l'Assemblée du Kosovo, chambre unique du Parlement, qui a été dissoute le 7 mai par 90 voix, contre 4 et 3 abstentions. Ce scrutin législatif est consécutif à l'échec du Premier ministre Hashim Thaçi (Parti démocratique, PDK) qui n'est pas parvenu à faire voter par les députés la création d'une force armée nationale.

Il souhaite transformer les forces de sécurité (2 500 personnes équipées d'armes légères) mises en place en 2009 en véritable armée de 5 000 personnes et 3 000 réservistes. Cependant, la minorité serbe (10 000 personnes sur un total de 1,8 million d'habitants) s'oppose à la création de cette nouvelle force de sécurité et préfère que l'OTAN continue à assurer la sécurité du Kosovo. La loi sur la création de l'armée kosovare devant obligatoirement être approuvée par 2/3 des députés, soit 90 personnes, et 2/3 des représentants des minorités de la chambre, elle n'a pas reçu le nombre de voix suffisant pour être adoptée.

Les minorités ethniques avaient tenté d'obtenir, en échange de leur soutien à la création d'une force militaire nationale, le maintien pour deux législatures supplémentaires de leurs sièges réservés au Parlement. Le Parti démocratique était favorable à cette extension mais l'opposition de la Ligue démocratique (LDK) et du Mouvement pour l'auto-détermination (Vetëvendosje, VV) n'a pas permis au Premier ministre Hashim Thaçi d'atteindre le quorum de 2/3 nécessaire pour que la législation spécifique aux minorités soit prolongée.

"Un parlement qui ne peut voter sur l'armée de son pays vide de son sens toute nouvelle procédure parlementaire" a déclaré le Premier ministre Hashim Thaci après son échec à faire accepter la création d'une armée kosovare. "Le parlement ne fonctionne plus ; la seule façon de sortir de cette situation est d'organiser des élections législatives" a indiqué Isa Mustafa, dirigeant de la Ligue démocratique (LDK).

A l'issue de cet échec du gouvernement, la présidente de la République Atifete Jahjaga a annoncé la tenue d'un scrutin législatif anticipé le 8 juin. Pristina dispose donc de peu de temps pour organiser les élections, ce dont se sont plaints plusieurs partis de l'opposition.

Une campagne courte

"Le Kosovo possède l'aéroport et les autoroutes les plus performants des Balkans. Maintenant, nous allons construire le plus grand complexe touristique de la région, qui offrira 4 000 nouveaux emplois aux citoyens du Kosovo. Ma priorité principale est la création d'emplois. Il est temps pour nous de concentrer nos énergies sur cette mission" a déclaré le Premier ministre sortant Hashim Thaçi qui a affirmé que son gouvernement allait investir 500 millions € et créer 50 000 nouveaux emplois dans le secteur agricole. Il a promis de créer une armée kosovare immédiatement après les élections législatives du 8 juin, a annoncé une augmentation de 25% des salaires des employés du secteur public après les élections et la création d'un fonds pour lutter contre le chômage.

Le gouvernement kosovar rassemble le Parti démocratique de Hashim Thaçi, la Coalition du nouveau Kosovo (AKR) et plusieurs partis représentant les minorités.

La Ligue démocratique dirigée par Isa Mustafa et l'Alliance pour l'avenir du Kosovo (AAK), parti conservateur conduit par l'ancien Premier ministre (2004-2005) et ex-commandant de l'Armée de libération du Kosovo (UCK), Ramush Haradinaj, sont les principaux partis de l'opposition. Tous deux se sont déclarés prêts à collaborer avec tous les partis kosovars à l'issue des élections, à l'exception du Parti démocratique. Se débarrasser de Hashim Thaçi et le remplacer à la tête du gouvernement, tel est l'essentiel du programme des forces de l'opposition. Elles font beaucoup de promesses à des Kosovars, très défiants à l'égard de leur classe politique et désillusionnés quant à la capacité de ceux qui les gouvernent d'améliorer leur vie quotidienne alors qu'ils connaissent une situation socioéconomique difficile : 45% d'entre eux sont sans emploi et environ 30% vivent sous le seuil de pauvreté.

Fatmir Limaj, ancien ministre des Transports et des Télécommunications (2008-2010), a quitté le Parti démocratique pour créer l'Initiative pour le Kosovo. Le parti pourrait affaiblir le parti du Premier ministre. Fatmir Limaj a été inculpé il y a quelques jours par la mission EULEX (mission de l'Union européenne visant à promouvoir l'État de droit au Kosovo) pour crime organisé, corruption et détournement de fonds à l'époque ou il était membre du gouvernement. L'homme a été arrêté à plusieurs reprises au cours des dernières années.

Les élections municipales des 3 novembre et 1er décembre 2013

Les Kosovars ont voté il y a six mois pour renouveler leurs représentants locaux. Le pays compte 38 villes, dont 10 où la population d'origine serbe est majoritaire (6 enclaves et 4 localités: Leposavic/Leposaviq, Zubin Potok, Zvecan/Zvecan et Mitrovica Nord). Ce scrutin municipal était le premier auquel la minorité serbe participait depuis l'indépendance du Kosovo le 7 février 2008 (les premières élections législatives organisées sans la supervision et le contrôle des organisations internationales se sont tenues en 2010).

L'accord signé le 19 avril 2013 par Pristina et Belgrade prévoit l'intégration u sein du système électoral kosovar des villes du nord, auparavant contrôlées par la Serbie, et l'extension de leur degré d'autonomie dans le cadre de l'Association des municipalités serbes. Celle-ci comprend 9 villes, dont 8 remportées par l'Initiative Srpska et une conquise par le Parti libéral indépendant (SLS). Au total, la participation au scrutin municipal s'est élevée à 45,79%.

Le Parti démocratique a remporté 10 municipalités. La Ligue démocratique en a gagné 9; l'Alliance pour l'avenir (AAK) 3 ; le Mouvement pour l'autodétermination a conquis Pristina, où Sphend Ahmeti a battu le maire sortant Isa Mustafa (LDK). Enfin, l'Alliance du nouveau Kosovo a remporté Mitrovica Sud.

Le système politique kosovar

Le Parlement kosovar est monocaméral. L'Assemblée du Kosovo rassemble 120 députés, élus pour 4 ans au système proportionnel. 20 sièges sont réservés aux minorités : 10 pour les Serbes, 4 pour les Roms, Ashkali et Egyptiens (supposés venir d'Egypte, ces derniers sont, comme les Ashkali, musulmans et de langue maternelle albanaise), 3 pour les Bosniaques, 2 pour les Turcs et 1 pour les Gorani (communauté slavophone musulmane).

14 partis politiques sont représentés à l'Assemblée du Kosovo:

– le Parti démocratique (PDK), dirigé par le Premier ministre sortant Hashim Thaçi, possède 34 sièges ;

– la Ligue démocratique (LDK), parti de l'ancien président (2008-2010) Fatmir Sejdiu, conduit par l'ancien maire de Pristina (2007-2014), Isa Mustafa, compte 27 députés ;

– le Mouvement pour l'auto-détermination (Vetëvendosja, VV), parti souhaitant le rattachement du pays à l'Albanie et opposé à tout rapprochement avec la Serbie, dirigé par Albin Kurti, possède 14 sièges ;

– l'Alliance pour l'avenir (AAK), parti emmené par Ramush Haradinaj, emprisonné à La Haye et poursuivi pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), compte 12 députés ;

– la Coalition du nouveau Kosovo (AKR), parti libéral de Behgjet Pacolli, possède 8 sièges.

9 partis représentent les minorités au sein du parlement : le Parti libéral indépendant (SLS), le Parti turc (KDTP), la Liste serbe unie (JSL), la Coalition Vakat, le Parti démocratique ashkali (PDAK), le Parti ashkali pour l'intégration (PAI), le Parti serbe (SDSKM), l'Initiative civique de Gora (GIG) et le Parti rom uni (PRBK).

Source: Les élections de 2010 au Kosovo, http://www.fes-prishtina.org/wb...

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