Comme prévu par toutes les enquêtes d'opinion, le président de la République tchèque sortant Milos Zeman (Parti des droits des citoyens, SPOZ) est arrivé en tête du 1er tour de l'élection présidentielle les 12 et 13 janvier. Il a recueilli 38,56% des suffrages et a devancé Jiri Drahos (indépendant), ancien président de l'Académie des sciences, soutenu par l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL), parti centriste emmené par Pavel Belobradek, et par Maires et indépendants (STAN), parti dirigé par Petr Gazdik, qui a obtenu 26,60% des voix. Les deux hommes s'affronteront lors d'un 2e tour de scrutin qui aura lieu les 26 et 27 janvier prochains.

Pavel Fischer (indépendant), directeur de l'institut d'opinion STEM et ancien ambassadeur de la République tchèque en France (2003-2010), a pris la 3e place avec 10,23% des suffrages ; Michal Horacek (indépendant), entrepreneur, auteur-compositeur, journaliste et producteur de musique, a recueilli 9,18% des voix et Marek Hilser (indépendant), médecin et activiste civique, a obtenu 8,83% des suffrages. Les quatre autre candidats, y compris l'ancien Premier ministre (2006-2009) et homme d'affaires Mirek Topolanek (indépendant), soutenu par le Parti démocrate civique (ODS), ont recueilli moins de 5% des voix.

Les 12 000 électeurs résidant à l'étranger ont placé Jiri Drahos en tête avec 45,20% des voix, devant Pavel Fischer (20,51%) et Marek Hilser (11,50%). Milos Zeman est arrivé en 5e position auprès des Tchèques de l'étranger avec 7,47% des suffrages.

La participation a été quasiment équivalente à celle enregistrée lors du 1er tour de la précédente l'élection présidentielle des 11-12 janvier 2013 (+ 0, 61 point) et s'est établie à 61,92%.

Source : https://www.volby.cz/pls/prez2018/pe2?xjazyk=CZ

"Il n'y quasiment pas eu de campagne électorale jusqu'à maintenant, la véritable campagne commence. Jiri Drahos va devoir faire plus qu'offrir un discours anti-Zeman. Il va devoir se distinguer et se positionner sur les principaux enjeux qui intéressent les Tchèques" a déclaré Stanislav Balik, professeur de science politique à l'université Masaryk de Brno. "Les résultats du 1er tour sont un sévère revers pour Milos Zeman même s'il a formellement gagné. Le président sortant dispose en effet de faibles réserves de voix dans la perspective du vote des 26 et 27 janvier " a souligné Josef Mlejnek, politologue, ajoutant "Les partisans vont maintenant tenter de dépeindre Jiri Drahos en ami des migrants, en agent de l'Union européenne".

"Le 2e tour sera un duel serré. Milos Zeman a un énorme problème car il est clair que les candidats arrivé derrière le duo de tête, c'est à dire Pavel Fischer, Marek Hilser et Michal Horacek, voteront pour Jiri Drahos" a indiqué Jiri Pehe, analyste politique. "Le candidat qui sera opposé à Milos Zeman, au 2e tour devra rassembler tous ceux qui souhaitent inscrire de nouveau la fonction suprême dans la ligné prestigieuse de Vaclav Havel" a précisé Jacques Rupnik, politologue au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po.

Novice en politique, Jiri Drahos défend l'établissement d'un Etat moderne, pro-occidental et l'appartenance de la République tchèque à l'Union européenne et l'adoption de l'euro par Prague. Il est néanmoins opposé au mécanisme de quotas mis en place par Bruxelles pour mieux répartir les réfugiés venus du Moyen-Orient ou d'Afrique entre les Etats membres et souhaite un meilleur contrôle des frontières de l'Union européenne. "L'ancrage euro-atlantique de la République tchèque sera l'un des principaux thèmes de ma campagne électorale du 2e tour à venir" a-t-il déclaré dès l'annonce des résultats.

Jiri Drahos, qui a reçu le soutien du Parti civique-démocrate (ODS) de Petr Fiala pour le 2e tour dès le lendemain du vote, accuse son adversaire Milos Zeman de diviser la société.

Le président de la République sortant est opposé aux sanctions mises en place par Bruxelles contre Moscou et considère l'annexion de la Crimée par la Russie comme "un fait établi". Il soutient également le président américain Donald Trump (Parti républicain) et veut que comme vient de le faire Washington, Prague reconnaisse Jérusalem comme capitale d'Israël. Milos Zeman, qui s'était déclaré fan de Norbert Hofer (Parti de la liberté, FPO), candidat populiste à l'élection présidentielle autrichienne en 2016, a qualifié l'arrivée de réfugiés en Europe "d'invasion organisée" et de "bouillon de culture d'attaques terroristes". Critiqué par les intellectuels et les Tchèques les plus urbains, le chef de l'Etat sortant, qui n'a pas fait de campagne électorale pour le 1er tour de scrutin, se veut le représentant des oubliés de la transition économique. "Je dois être prêt à ce que ma position soit très difficile au 2e tour" a-t-il déclaré, se plaignant du "caractère national tchèque" qui fait que "ceux qui perdent s'unissent pour faire tomber celui qui les devance".

Jiri Drahos a déclaré qu'il souhaitait affronter Milos Zeman " en face-à-face, lors d'un débat" entre les deux tours de scrutin. Ce dernier, qui avait refusé de participer aux débats organisés avant les 12-13 janvier, lui a répondu : "Je n'ai jamais eu peur de participer à un débat, je suis toujours jeune et toujours plein d'énergie et tout débat me fait plaisir. Je viens d'entendre Jiri Drahos à la télévision et je vais satisfaire avec plaisir sa demande".

Toutes les enquêtes d'opinion réalisées avant le 1er tour de scrutin donnaient la victoire à Jiri Drahos le 27 janvier prochain avec environ cinq points d'avance sur Milos Zeman. Si le président tchèque ne dispose pas de pouvoirs très étendus, le duel des 26 et 27 janvier est de la plus haute importance, pour les Tchèques comme pour les Européens, car, comme le dit Jiri Pehe : "Il s'agit en fait d'un conflit entre la partie post-communiste de la société tchèque représentée par Milos Zeman et l'autre partie, disons, moderne, pro-occidentale et qui ne veut tout simplement plus de l'actuel chef de l'Etat ".