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Le président sortant Andrzej Duda est réélu de justesse à la tête de la Pologne

Élections en Europe

Corinne Deloy

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13 juillet 2020
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Le président sortant Andrzej Duda est réélu de justesse à la tête de la Pologne

PDF | 147 koEn français

Le président de la République sortant Andrzej Duda (Droit et justice, PiS) a remporté d'une courte tête le deuxième tour de l'élection présidentielle organisé en Pologne le 12 juillet. Il a recueilli 51,22% des suffrages et donc devancé Rafal Trzaskowski, actuel maire de Varsovie et ancien ministre de l'Administration et du Numérique (2013-2014), candidat de la Plateforme civique (PO) dirigée par Grzegorz Schetyna, qui a obtenu 48,78% des voix. Moins de 500 000 suffrages (sur un total de plus de vingt millions) séparent les deux hommes. Jamais un scrutin présidentiel n'a été aussi serré en Pologne[1].

Du fait de ce résultat, beaucoup s'attendent à de nombreuses contestations devant la Commission électorale.

Andrzej Duda s'est imposé dans les sept provinces de l'est de la Pologne quand Rafal Trzaskowski a remporté les neuf provinces de l'ouest. De même, les électeurs de plus de 50 ans ont majoritairement voté en faveur du président sortant quand les plus jeunes lui ont préféré Rafal Trzaskowski.

Andrzej Duda était arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle le 28 juin avec 43,5% des suffrages et 30,46% à Rafal Trzaskowski.

Le scrutin présidentiel a fortement mobilisé les Polonais. La participation s'est élevée à 68,9% au deuxième tour, soit 24,27 points de plus que lors du précédent scrutin du 24 mai 2015.

Résultats de l'élection présidentielle du 28 juin et du 12 juillet 2020 en Pologne

Participation  : 64,51% (1er tour) et 68,90% (2e tour)

Source : https://wybory.gov.pl/prezydent20200628/pl/wyniki/pl

"Remporter l'élection présidentielle alors que près de 70% des Polonais se sont rendus aux urnes est fantastique. Je veux remercier tous mes compatriotes (...) Je veux poursuivre sur la voie qui a été la mienne lors de mon premier mandat. Je dialoguerai avec mes compatriotes comme je l'ai toujours fait" a déclaré le chef de l'Etat sortant à l'issue des résultats.

Andrzej Duda est le premier président de la République à s'être rendu dans chacune des 380 circonscriptions électorales que compte la Pologne au cours de son mandat. Le chef de l'Etat sortant aime montrer l'intérêt et l'estime qu'il a pour les "Polonais ordinaires" qui vivent dans de petites villes et dans les zones rurales du pays. Ces derniers, qui se sentent parfois considérés comme des citoyens de seconde zone, apprécient son attitude à leur égard.

Durant la campagne électorale, il s'est sans cesse positionné en homme "soucieux de la famille traditionnelle et des intérêts de la nation" et il a proposé d'amender la Constitution pour y introduire l'interdiction d'adopter un enfant pour les couples de même sexe.

Agé de 48 ans et originaire de Cracovie, Andrzej Duda est diplômé de la faculté de droit et d'administration de l'université Jagellonne de Cracovie. Conseiller juridique, il a été vice-ministre de la Justice dans le gouvernement dirigé par Jaroslaw Kaczynski (PiS) entre 2006 et 2007. Proche collaborateur du président de la République Lech Kaczynski (PiS), tué dans un accident d'avion le 10 avril 2010, il sera le porte-parole du PiS durant quelques mois entre novembre 2013 et janvier 2014. Andrzej Duda est entré à la Diète le 9 octobre 2011 puis il est élu député européen lors des élections européennes du 25 mai 2014.

Choisi par Jaroslaw Kaczynski pour être le candidat du PiS à l'élection présidentielle des 10 et 24 mai 2015 alors qu'il est quasiment inconnu du grand public, il s'impose d'une courte tête déjà (518 000 voix d'écart) avec 51,55% des suffrages devant le chef de l'Etat sortant Bronislaw Komorowski (PO) (48,45%).

Reconduit à la présidence de la République le 12 juillet, Andrzej Duda débutera son deuxième mandat le 6 août.

Candidat inattendu de ce scrutin présidentiel, Rafal Trzaskowski avait été désigné le 16 mai dernier et il avait remplacé la vice-présidente du Parlement Malgorzata Kidawa-Blonska, qui avait chuté à moins de 5% des suffrages dans les enquêtes d'opinion, après l'annonce du report de l'élection initialement prévue les 10 et 24 mai en raison de l'épidémie de coronavirus.

En très peu de temps, il a réussi à se positionner comme une force alternative mais il a finalement échoué à s'imposer lors du deuxième tour. Le pari était difficile : Rafal Trzaskowski accusait en effet un retard de 13 points sur son adversaire et il devait, en outre, parvenir à mobiliser des électeurs très disparates parmi ceux qui étaient opposés à Andrzej Duda pour l'emporter le 12 juillet.

"Même s'il a été défait, Rafal Trzaskowski a réalisé une bonne performance qui ressemble au début de quelque chose, qui donne une nouvelle dynamique à l'opposition" a indiqué Andrzej Rychard, professeur de sociologie à l'université de Varsovie. "Pour la première fois depuis 2015, nous ne débattons pas de l'ampleur de la victoire du PiS mais nous nous interrogeons sur la probabilité d'une défaite du PIS" a souligné Rafal Chwedoruk, professeur de science politique de l'université Jan Kochanowski de Kielce. "Andrzej Duda a remporté une petite victoire. Il a certes remporté le scrutin mais le vrai succès revient à Rafal Trzaskowski et à l'opposition qui regagne du terrain" a-t-il ajouté. "Indépendamment du résultat, nous avons gagné car nous avons donné de l'espoir aux gens. Nous avions contre nous tout l'appareil d'Etat, ses manipulations et sa propagande. Nous avons de notre côté la société civile... Ce n'est qu'un début !" s'est réjoui Rafal Trzaskowski.

A l'issue de ce scrutin présidentiel, la Pologne apparaît plus divisée que jamais entre une partie conservatrice et très religieuse et une autre libérale et proeuropéenne. "C'est une Pologne divisée en deux qui sort de ces élections et il sera difficile d'apaiser la situation et de renouer les liens entre les deux camps" a affirmé Kazimierz Kik, professeur de sciences sociales de l'université Jan Kochanowski de Kielce.

Le PiS conserve donc la présidence de la République de Pologne. Les dernières élections parlementaires, remportées par ce parti, datant de moins d'un an (elles ont eu lieu le 13 octobre 2019), le parti peut désormais gouverner le pays sans réel obstacle jusqu'à la fin de 2023.

"Si Andrzej Duda l'emporte, nous assisterons à la poursuite de l'érosion de la démocratie en Pologne" a déclaré Mikolaj Czesnik, de l'université SWPS de Varsovie, en amont de l'élection présidentielle.
[1] 518 000 voix séparaient également Andrzej Duda de Bronislaw Komorowski (PO) lors du deuxième tour de la dernière élection présidentielle de 2015 mais le nombre total de votants était moindre (16,7 millions).

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