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Corinne Deloy,
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Comme attendu, Mikhail Saakachvili (Mouvement national) a été largement élu Président de la Géorgie, recueillant 85,8% des suffrages. Les deux candidats qui le suivent n'obtiennent que 0,4% des voix chacun et au total, les scores réunis de ses quatre adversaires (Temour Chachiachvili, Kartlos Garibachvili, Roin Liparteliani et Zaza Sikharoulidze) ne dépasse pas 1% des suffrages. Le leader de la « révolution des roses », qui avait acculé l'ancien Président Edouard Chevardnadze à la démission le 23 novembre dernier après trois semaines de manifestations pacifiques durant lesquelles la population avait contesté le résultat des élections législatives du 2 novembre, a donc été véritablement plébiscité à la tête de la Géorgie. En dépit de l'appel au boycott du scrutin par des fidèles d'Edouard Chevardnadze, la participation s'est élevée à 83%. La moitié des électeurs devaient se rendre aux urnes pour que l'élection soit déclarée valide, un résultat atteint deux heures avant la fin du scrutin. Quatre cent cinquante observateurs internationaux ont surveillé cette élection présidentielle pour laquelle aucun problème particulier n'a été recensé.
L'élection présidentielle a été boycottée par la province d'Abkhazie. En Ossétie du Sud, seuls les habitants des zones contrôlées par Tbilissi y ont participé. En Adjarie, fief d'Aslan Abachidze, l'état d'urgence n'ayant été levé qu'au dernier moment, un petit nombre d'électeurs se sont rendus aux urnes. Abachidze contestait l'établissement de nouvelles listes électorales ainsi que la dissolution de la précédente Commission électorale et avait donc suspendu l'organisation de l'élection présidentielle dans sa région.
Agé de trente-six ans, issu d'une famille d'intellectuels (sa mère est professeur d'histoire à l'université de Tbilissi et son père est médecin), Mikhail Saakachvili est avocat de profession. Il a étudié en Ukraine, en France (Strasbourg) et aux Etats-Unis (Université de Columbia à New York). Après avoir travaillé dans un cabinet d'avocats aux Etats-Unis, il est revenu, il y a neuf ans, dans son pays natal. Remarqué par l'ancien président Edouard Chevardnadze en quête de jeunes talents pour rajeunir son équipe, Mikhail Saakachvili devient alors le leader du parti de l'Union des citoyens avant d'être nommé ministre de la Justice en 2000, poste dont il démissionne onze mois plus tard, pour protester contre la corruption régnant au sein du gouvernement et contre l'incapacité du chef de l'Etat à la combattre. Mikhail Saakachvili avait même brandi en pleine réunion ministérielle des documents et des photos montrant les propriétés des ministres corrompus. En 2001, il forme son propre parti, le Mouvement national, qui s'impose rapidement comme la principale formation d'opposition à Edouard Chevardnadze.
« Je voudrais remercier toute la nation, tous mes partisans. Ce n'est pas juste ma victoire, mais la victoire du peuple géorgien. Je voudrais que nous nous unissions pour construire une nouvelle Géorgie » a-t-il déclaré lors d'un meeting réunissant ses supporters dans la capitale Tbilissi à l'issue du scrutin, ajoutant « Il reste énormément de problèmes à régler, mais nous allons reconstruire notre pays ensemble et prendre le chemin de la démocratie ». Le nouveau Président, qui tenait dans les mains un bouquet de roses rouges, symbole du mouvement populaire ayant mis fin au régime d'Edouard Chevardnadze six semaines plus tôt, a promis de rétablir « la paix et la prospérité ». « Nous avons prouvé que nous étions capables non seulement de gagner mais également de conserver notre victoire » a affirmé Nino Bourdjanadze, Présidente par intérim. Enfin, le ministre d'Etat chargé de coordonner l'activité du gouvernement, Zourab Zhvania, a annoncé « C'est une nouvelle ère, une nouvelle époque ».
L'ancien Président Edouard Chevardnadze a avoué avoir voté dimanche en faveur de Mikhail Saakachvili. « Vous avez deviné mon choix, a t-il répondu aux journalistes qui l'interrogeaient, Mikhail Saakachvili a une qualité sûre, le don de parler aux gens, il est jeune, il a beaucoup d'énergie et il est bien éduqué », ajoutant tout de même « Il devrait travailler plus et parler moins. Assez de populisme, il est temps de se mettre au travail ».
Elu pour cinq ans, Mikhail Saakachvili, qui deviendra officiellement le 25 janvier le plus jeune chef d'Etat au monde, aura pour première tâche d'organiser des élections législatives et de composer son gouvernement. Il a indiqué que ses premières décisions concerneraient la lutte contre la corruption, véritable gangrène pour le pays. Le nouveau Président, connu pour ses positions pro-occidentales, souhaite rapprocher son pays de l'Europe et des Etats-Unis, mais devra ménager ses relations avec la Russie qui n'a pas vu d'un très bon œil l'influence croissante des Américains dans un pays qu'elle considère comme son pré carré. En visite à Tbilissi le 5 décembre, le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a affiché le soutien des Etats-Unis à la nouvelle équipe au pouvoir et réitéré la demande américaine d'un retrait des forces russes stationnées en Géorgie. La Géorgie est actuellement le seul pays de l'ex-URSS à être soumis par Moscou à un régime de visas. En outre, la Russie conserve deux bases militaires sur le territoire de la République du Caucase (Batoumi en Adjarie et Alkhalkalaki dans le sud du pays). Le nouveau Président a déclaré qu'il désirait se rendre en Russie pour son premier voyage officiel.
Cette élection présidentielle a également été suivie avec attention par l'ensemble du monde occidental et particulièrement par les Etats-Unis en raison de la place stratégique qu'occupe le pays dans les exportations de pétrole provenant de la mer Caspienne. La République du Caucase doit être prochainement traversée par l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui sera construit par les sociétés pétrolières occidentales avec l'appui des Etats-Unis.
Une lourde tâche attend désormais Mikhail Saakachvili pour répondre aux immenses attentes de son peuple. Le candidat, qui n'a pas mené de véritable campagne électorale, a néanmoins promis de doubler le montant des retraites, de redresser la situation économique du pays et de rendre à la Géorgie les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud d'ici cinq ans. Le nouveau Président devra remettre à flots un pays confronté à une terrible crise économique et à une importante pauvreté. Plus de la moitié des 4,5 millions de Géorgiens (52% selon Nodar Kapanadze, chef du service de recherche au département des statistiques) vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé à soixante-cinq dollars par mois. Les privatisations (particulièrement celles des grandes entreprises) sont largement inachevées et la corruption est omniprésente dans le pays. Les caisses de l'Etat sont vides, les impôts ne sont que partiellement collectés et les fonctionnaires irrégulièrement payés. L'économie parallèle représenterait les deux tiers de l'activité du pays. Le 1er décembre dernier, la communauté internationale s'est engagée à verser 5,33 milliards d'euros pour aider le pays à assurer une transition démocratique pacifique. La Commission européenne versera à elle seule jusqu'à deux millions d'euros.
Première ex République soviétique à gagner son indépendance le 9 avril 1991, la Géorgie était jusqu'à présent le dernier pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) à être gouverné par un ex apparatchik (Edouard Chevardnadze, ancien premier secrétaire du Parti communiste géorgien, a été le ministre des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev). L'élection de Mikhail Saakachvili permet donc à la République du Caucase de tourner définitivement la page de l'ère communiste.
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