Analyse

Election présidentielle, élections législatives et élections sénatoriales en Roumanie, 28 novembre

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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28 novembre 2004
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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Grande année électorale pour les Roumains qui, après avoir voté les 6 et 20 juin derniers pour élire leurs représentants locaux, sont de nouveau appelés aux urnes le 28 novembre prochain pour désigner leur Président de la République, leurs députés et leurs sénateurs. En un peu plus de cinq mois, la Roumanie aura donc renouvelé l'ensemble de son personnel politique, l'actuel Président de la République, Ion Iliescu, ne pouvant se présenter pour un quatrième mandat. Ce triple scrutin s'avère d'une extrême importance, compte tenu de l'entrée prochaine de ce pays au sein de l'Union européenne (prévue à ce jour en janvier 2007). La prochaine majorité gouvernementale aura en effet la lourde et exaltante charge de clore les négociations sur les trente chapitres de l'acquis communautaire et de faire de la Roumanie Etat membre de l'Union européenne.

Le système politique roumain

Il est proche du système politique français tout en étant plus parlementaire que ce dernier, le Président de la République disposant de pouvoirs plus limités en Roumanie qu'en France. Le Parlement roumain comprend deux Chambres, le Sénat et la Chambre des députés (Camera diputatilor) qui, toutes deux, sont élues pour quatre ans au scrutin proportionnel. La répartition des mandats s'effectue en deux étapes : tout d'abord par circonscription et dans un deuxième temps au niveau national. La loi électorale de juillet 1992 a fixé la représentation à un député pour 70 000 habitants et un sénateur pour 160 000. La Chambre des députés compte trois cent quarante-six membres et le Sénat cent quarante-trois. Le seuil minimum pour être représenté au Parlement est de 5% des suffrages exprimés (+ 3% pour la deuxième formation en cas de coalition et 1% pour chacun des autres partis sans toutefois pouvoir dépasser les 10%). Signalons que les minorités nationales disposent d'un nombre de sièges réservés à la Chambre des députés (neuf en 1990, treize en 1992, quinze en 1996, dix-huit en 2000).

Le Président de la République est également élu tous les quatre ans, son élection coïncidant toujours avec celle des députés et des sénateurs. Onze personnalités sont officiellement candidates à cette fonction. Il s'agit de :

Adrian Nastase, 54 ans, actuel Premier ministre et candidat du Parti social-démocrate (PSD). Ministre des Affaires étrangères entre 1990 et 1992, Adrian Nastase a été ensuite président de la Chambre des députés avant de devenir chef du gouvernement ;

Traian Basescu, 52 ans, maire de la capitale Bucarest et candidat de l'Alliance Justice et vérité (DA), rassemblant les deux principales formations d'opposition, le Parti démocrate (PD) et le Parti national libéral (PNL). Il a été ministre des Transports de 1996 à 2000 ;

Corneliu Vadim Tudor, candidat du parti de la Grande Roumanie (PRM), formation d'extrême-droite ;

Aurel Radulescu, candidat de l'Alliance Populaire chrétienne-démocrate (ANCD) ;

Ovidiu Tudorici, 35 ans, candidat de l'Union pour la Reconstruction de la Roumanie (URR) ;

Marko Bela, candidat de l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR) ;

Gheorghe Ciuhandru, candidat du Parti national paysan chrétien-démocrate (PNtcd) et maire de Timisoara ;

Gheorghe Becali, candidat du Parti de la nouvelle génération (PNG) ;

Petre Roman, candidat de Force démocrate de Roumanie (FD), une formation qu'il vient tout juste de créer ;

Marian Milut, 49 ans, homme d'affaires, président de l'Union nationale du patronat roumain (UNPR) et candidat de l'Action Populaire (AP), formation dirigée par l'ancien Président de la République Emil Constantinescu ;

Raj Tunaru, candidat du Parti de la Jeunesse Démocrate (PTD) dont il est l'actuel Président.

La situation politique de la Roumanie

Les deux formations, constituant l'Alliance Justice et vérité, ont largement remporté les dernières élections locales qui se sont tenues en Roumanie en juin 2004 et auxquelles ont participé la moitié des Roumains.

Traian Basescu (Parti démocrate) a été brillamment réélu au premier tour à la tête de la mairie de Bucarest, recueillant 54,9% des suffrages, contre 29,7% à son principal adversaire qui n'était autre que Mircea Geoana, le très populaire ministre des Affaires étrangères qui avait démissionné de ses fonctions pour ce scrutin. Le Parti démocrate a également obtenu la majorité au Conseil municipal de la ville avec 51,2% des voix, contre 31,1% au Parti social-démocrate et 6,4% au Parti de la grande Roumanie.

A Cluj, dans la quatrième ville du pays, Emil Bloc a créé la surprise en éliminant dès le premier tour le nationaliste Gheorghe Funar (PRM), premier magistrat de la ville depuis douze ans. Au deuxième tour, Emil Bloc s'est imposé devant le ministre de l'Intérieur, Ioan Rus (PSD), qui lui aussi avait renoncé à ses fonctions au sein du gouvernement pour se présenter à ces élections locales.

L'opposition a remporté les villes de Arad, Oreada, Brasov, Suceava et Piatra-Neamt tandis que le Parti au pouvoir s'imposait à Constanta (dès le premier tour), Iasi, Focsani, Ploiesti, Pitesti et Galati. Le Parti national libéral (PNL) et le Parti démocrate (PD) ont recueilli 43,60% des suffrages et remporté 650 mandats de maires, contre 42,74% mais un plus grand nombre de mandats (799), en raison du grand nombre de mandats ruraux, pour le Parti social démocrate et 2,5% au Parti de la grande Roumanie (121 mandats). L'opposition remporte dix-neuf chefs-lieux départementaux, soit treize de moins que lors des précédentes élections locales de 2000.

Ces élections locales ont confirmé l'ancrage territorial des principales forces politiques. Le Parti social-démocrate reste bien implanté dans les campagnes, où vivent 45% des Roumains ainsi qu'à l'Est du pays, en Moldavie, en Dobrodja et en Olténie ; l'opposition est dominante dans la capitale Bucarest comme dans la plupart des grandes villes.

La campagne présidentielle

Adrian Nastase a été le premier candidat à s'inscrire auprès du Bureau électoral central, une opération importante puisque selon la loi électorale, l'ordre des candidats sur les bulletins de vote reprend celui du dépôt des candidatures. Le Premier ministre candidat a promis d'être « un Président qui unira les gens » et de sortir la Roumanie de la pauvreté. « Notre objectif sera de consolider les progrès réalisés par la Roumanie durant ces quatre dernières années » a t-il déclaré lors de son investiture officielle par sa formation politique.

L'actuel Président de la République, Ion Iliescu, briguera le 28 novembre prochain un siège de sénateur et devrait redevenir, à l'issue de son mandat, président du parti social-démocrate. Le Président de la République jouit d'une forte popularité auprès de ses concitoyens et sa présence sur les listes du Parti social-démocrate devrait être certainement un atout considérable pour la formation au pouvoir. L'ancien ministre des Affaires étrangères et candidat malheureux aux dernières élections municipales à Bucarest, Mircea Geoana, est fortement pressenti pour devenir le Premier ministre d'Adrian Nastase en cas de victoire de ce dernier. Il serait secondé par un vice-Premier ministre en la personne de Codrut Seres, conformément à l'accord intervenu entre le Parti social-démocrate et le Parti humaniste roumain (PUR), les deux formations ayant formé, en septembre dernier, une union nationale.

Adrian Nastase a dû faire face aux luttes intestines qui ont eu lieu au sein de sa propre formation et a finalement cédé devant l'autorité du Président de la République, Ion Iliescu. Ainsi, le Premier ministre a accepté sur ses listes, en lieu et place des vainqueurs des élections locales des 6 et 20 juin dernier, plus jeunes et représentant l'avenir du parti, des candidats plus proches de l'ancienne équipe du parti et jugés plus expérimentés, conseillers et proches du Président. Les compromis acceptés par Adrian Nastase ont fait dire à de nombreux analystes politiques que le Premier ministre ne contrôlait pas sa formation. Ajoutons que sa campagne présidentielle sera coordonnée par un autre proche de Ion Iliescu, Octavian Stireanu, le directeur de campagne qu'il avait lui-même choisi ayant été nommé manager de campagne.

Désigné immédiatement après le retrait de la course présidentielle le 2 octobre dernier de Theodor Dimitriu Stolojan pour raisons de santé, Traian Basescu se présente comme le candidat unique de l'opposition. Theodor Dimitriu Stolojan, ancien Premier ministre (1991-1992), président du Parti national libéral et candidat malheureux à l'élection présidentielle du 26 novembre 2000, avait fait son retour sur la scène politique roumaine en 2000 après avoir travaillé aux Etats-Unis au sein de la Banque mondiale de 1992 à 1998. Personnalité populaire, il a également décidé de quitter la présidence du Parti national libéral.

Traian Basescu a promis aux Roumains une nette amélioration de leur niveau de vie, annonçant qu'il ferait passer le salaire moyen de 195 euro à 312 euro en 2008 et qu'il augmenterait les pensions de retraite, le salaire minimum et le salaire moyen des fonctionnaires. Le programme du candidat de l'Alliance Justice et vérité prévoit également de distribuer une aide financière aux jeunes mariés et de doubler le montant de l'allocation universelle familiale. Afin de financer ces nombreuses mesures, Traian Basescu envisage de réformer le régime d'imposition (baisse de 25 à 16% de l'impôt sur le profit et introduction d'un quota unique d'imposition de 16% avec des mesures spéciales en faveur des petits revenus). Pour le candidat de l'opposition, la lutte contre la corruption est une priorité, elle « suppose, à long et à moyen terme, l'adoption de loi qui ne prévoit pas d'exceptions, la réduction de la fiscalité, qui permet aux sociétés de l'économie souterraine de monter à la surface et une incrimination de l'évasion fiscale dans le cadre de la criminalité économique ».

Le maire de Bucarest souhaite également travailler à l'amélioration des relations de la Roumanie avec ses voisins, notamment l'Ukraine et l'Etat de Serbie-Monténégro. Calin Popescu Tariceanu, homme d'affaires, directeur général de Citroën et président par intérim du Parti national libéral depuis le départ de Theodor Dimitriu Stolojan, a été officiellement désigné pour occuper, en cas de victoire de Traian Basescu, le poste de Premier ministre. « Le programme que je vais proposer vise surtout la consolidation de l'économie de marché et du secteur privé. Je veux redonner aux Roumains l'espoir du bien-être » a t-il affirmé.

Traian Basescu a été inculpé le 10 août dernier « d'abus de pouvoir, faux et escroquerie » pour la vente, dans les années quatre vingt dix, de seize navires dans des conditions jugées « défavorables » à l'Etat. « Cette inculpation fait suite à une commande politique qui vise à discréditer un adversaire avant les élections législatives du 28 novembre prochain » a t-il déclaré.

« En cas de victoire, je vais liquider la mafia en quarante-huit heures, bloquer les fonds illégaux et confisquer les avoirs des gangsters » déclarait Cornéliu Vadim Tudor le 27 mars dernier, jour de l'annonce de sa candidature à l'élection présidentielle. « Je serai un adepte de l'intégration dans l'Union européenne et je respecterai tous les traités diplomatiques signés par la Roumanie ainsi que les accords avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale » a t-il ajouté. Soutenu par la centrale syndicale Bloc National Syndical (BNS) dirigé par Dumitru Costin, le leader du Parti de la grande Roumanie souhaite « rendre le pouvoir au peuple roumain », son élection à la Présidence de la République faisant « partie du plan de Dieu pour le peuple roumain ».

Cornéliu Vadim Tudor tente, depuis quelques années, de lutter contre son image d'antisémite et de xénophobe et de resituer sa formation au centre de l'échiquier politique. Il est allé jusqu'à faire ériger dans le Parc des roses de Brasov un buste de l'ancien chef d'Etat israélien, Itzhak Rabin. Il a récemment fait inscrire dans les statuts de sa formation un paragraphe interdisant « toute position antisémite ou négationniste ». Il a également, pour la première fois, reconnu la responsabilité du maréchal Ion Antonescu, qu'il qualifiait auparavant de « héros national », dans la mort de 400 000 Juifs envoyés dans les camps de la mort pendant la Deuxième Guerre mondiale alors qu'il avait jusqu'alors toujours nié toute participation de la Roumanie à l'holocauste. Enfin, il a annoncé que sa campagne électorale serait dirigée par une société de relations publiques israélienne, Arad communications, qui a contribué à la victoire d'Ariel Sharon aux élections législatives de février 2001 en Israël.

Selon l'ensemble des enquêtes d'opinion, le Premier ministre Adrian Nastase devrait arriver en tête, au premier tour de l'élection présidentielle, devant Traian Basescu. Un sondage réalisé par Data Media et publié le 4 novembre, révèle qu'Adrian Nastase recueillerait 40% d'intentions de vote, contre 31% à Traian Basescu et 15% à Corneliu Vadim Tudor. Selon la même enquête, le Parti social-démocrate serait en tête pour le scrutin législatif, recueillant 39% des intentions de vote, contre 32% pour l'Alliance Justice et vérité et 14% au Parti de la grande Roumanie. Mais la campagne électorale pour ces triples élections à l'enjeu décisif ne fait que commencer et de nombreux analystes politiques estiment qu'un renversement d'opinion reste encore possible.

Rappel des résultats des élections législatives du 26 novembre 2000

Participation : 56,5%

Source Le Courrier des pays de l'Est, Europe centrale et orientale 2003-2004, Retrouvailles européennes, n°1 044, Paris, La Documentation française, 2004.

Rappel des résultats des élections sénatoriales du 26 novembre 2000

Participation : 56,5%

Source Le Courrier des pays de l'Est, Europe centrale et orientale 2003-2004, Retrouvailles européennes, n°1 044, Paris, La Documentation française, 2004.

Rappel des résultats de l'élection présidentielle des 26 novembre et 10 décembre 2000

Participation : 56,5% au premier tour et 50,4% au deuxième

Source Le Courrier des pays de l'Est, Europe centrale et orientale 2003-2004, Retrouvailles européennes, n°1 044, Paris, La Documentation française, 2004.

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