Elections législatives en Albanie, le point quelques jours avant le scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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3 juillet 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

A quelques jours des élections législatives qui se dérouleront le 3 juillet prochain en Albanie, les deux principales formations politiques, le Parti démocratique (PD) dirigé par l'ancien Président de la République (1992-1997) Sali Berisha, et le Parti socialiste (PSSH) du Premier ministre Fatos Nano sont au coude à coude dans les enquêtes d'opinion. Le dernier sondage, réalisé par l'institut Gallup international et publié le 19 juin, crédite le Parti démocratique de 35% des intentions de vote, contre 34% au Parti socialiste. La formation de Sali Berisha est en recul par rapport aux précédentes enquêtes d'opinion de mai, les socialistes se maintenant à leur niveau d'il y a un mois. Le Mouvement socialiste pour l'intégration (MSI), formation créée par l'ancien Premier ministre Ilir Meta, recueillerait 10% des suffrages. Plusieurs hommes politiques et intellectuels se sont élevés contre la publication de sondages à la veille des élections législatives craignant qu'un mécontentement populaire se fasse jour au cas où ces derniers ne refléteraient pas la réalité des urnes.

Le Parti socialiste est touché par l'usure du pouvoir. Selon les enquêtes d'opinion, la moitié des Albanais se déclarent « déçus » par le gouvernement de Fatos Nano. Il mène une campagne agressive contre Sali Berisha, leader de la principale formation d'opposition, qu'il accuse d'avoir ruiné le pays lorsqu'il était au pouvoir. En février 1997, l'Albanie a connu une situation de quasi guerre civile après la révolte populaire contre l'effondrement du système de pyramides financières, système encouragé par Sali Berisha et qui offrait des placements à des taux d'intérêt atteignant 100%. Environ 70% des familles albanaises y avaient placé leurs économies. « Il faut défendre votre avenir et ne pas oublier qu'il y a huit ans des milliers de soldats étrangers sont venus pour sauver l'Albanie du gouffre et de la guerre fratricide où nos adversaires politiques et Sali Berisha l'avaient presque englouti. Nous avons franchi le précipice, nous avons reconstruit les institutions, nous avons rendu aux Albanais l'espoir d'un pays démocratique qui aspire à l'Union européenne et à l'OTAN » a déclaré Fatos Nano. Le Premier ministre promet, en cas de victoire aux élections législatives, de créer de nouveaux emplois, de favoriser les investissements étrangers et d'assurer une plus grande sécurité. « Berisha, c'est sans toi que l'avenir de ce pays européen sera garanti » répète le Premier ministre. La rivalité entre Fatos Nano et Sali Berisha rythme la vie politique albanaise depuis de nombreuses années mais pour beaucoup d'analystes politiques, les deux hommes se comportent beaucoup plus en chefs de clans qu'en véritables hommes politiques

Le Parti socialiste est également mis en difficulté par le Mouvement socialiste d'intégration, formation dissidente créée en septembre 2004 par Ilir Meta, opposant de toujours au Premier ministre Fatos Nano et qui pourrait devenir, à l'occasion de ces élections législatives, la troisième force politique du pays. Se voulant hors des conflits opposant ses deux principaux rivaux, Ilir Meta est, comme d'ailleurs le très populaire maire de la capitale Tirana, Edi Rama (Parti socialiste), apprécié des socialistes comme des proches du Parti démocratique.

De son côté, Sali Berisha appelle les Albanais à voter pour le changement et pour « l'avenir européen » du pays. « Il est temps de changer et de remplacer le système de corruption par un système d'Etat de droit. Il est temps de marcher vers l'avenir européen de l'Albanie » a t-il déclaré. Comme son principal rival, le leader de l'opposition a promis de créer de nouveaux emplois, de lutter contre la corruption -« Mains propres et égalité devant la loi, telle est notre promesse »- et enfin de réformer dans un sens plus libéral le système d'imposition.

Les Etats-Unis ont rappelé aux hommes politiques albanais leur promesse d'organiser des élections législatives véritablement démocratiques. Le 27 avril dernier, l'ensemble des formations politiques ont signé, en présence du Président de la République, Alfred Moisiu, un pacte éthique afin d'éviter les tensions ou autres contestations qui, depuis la chute du communisme, ont très souvent émaillé les élections albanaises dont les résultats ont systématiquement été contestés par le perdant. Les formations se sont engagées à « ne pas inciter à la violence et à la haine par des discours ou des actes qui pourraient nuire à la paix et à la stabilité du pays » et à déclarer l'origine des fonds utilisés lors de la campagne électorale qui devra être « transparente et honnête ». « Il est essentiel que toutes les parties respectent et adhèrent aux règles du code de bonne conduite électorale, notamment en s'engageant à respecter les résultats d'un scrutin juste et libre » a déclaré le porte-parole adjoint du Département d'Etat américain, Adam Ereli.

Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Terry Davis, s'est rendu à Tirana où il a rencontré le Président de la République Alfred Moisiu et le Premier ministre Fatos Nano ainsi que les représentants de la commission électorale et de l'ensemble des formations politiques. Par ailleurs, une délégation de quatre parlementaires du Conseil de l'Europe en visite en Albanie a demandé aux autorités du pays de mettre en place des mécanismes de correction des listes électorales afin de combler « les très nombreuses omissions ou données incomplètes qui pourraient écarter du scrutin une part importante de l'électorat ». « Il reste encore beaucoup à faire pour garantir que toutes les voix seront correctement comptées dans les délais fixés par la loi électorale » ont déclaré les parlementaires, regrettant que « le discours politique, encore extrêmement marqué par les antagonismes entre les formations politiques, ne traite pas les questions qui permettraient aux électeurs de faire un choix éclairé ». Enfin, les quatre parlementaires ont déploré « l'absence de transparence du financement de la campagne électorale ».

Plus de quatre cents observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et environ trois mille cinq cents observateurs albanais sont chargés de surveiller le déroulement des élections législatives du 3 juillet prochain, considérées comme un test essentiel pour une intégration éventuelle de l'Albanie au sein des structures euro-atlantiques. Les deux principales formations albanaises sont, depuis 1991, favorables à une adhésion de leur pays à l'Union européenne et à l'OTAN.

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