Élection presidentielle en Finlande le point quelques jours avant le second tour

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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23 janvier 2006
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

À moins d'une semaine du second tour qui verra, le 29 janvier, s'affronter Mme Tarja Halonen, Présidente sortante, candidate du Parti social-démocrate et de l'Alliance des gauches (VAS) et M. Sauli Niinistö, candidat du Parti conservateur, la situation est loin d'être claire. L'ensemble des analystes prévoit - confortés par des sondages - une réélection de Mme Halonen. Mais ils envisagent généralement sa victoire à la marge pour ne pas dire à l'arrachée, la remontée de Sauli Niinistö frappant par son ampleur. Plusieurs facteurs contribuent en effet à obscurcir le paysage.

Les positions des responsables politiques

À l'exception de Mme Hautala (Verts), qui ne s'est pas exprimée à ce jour (en revanche, quelques têtes de file de son groupe et sa présidente, Mme Tarja Cronberg, ont appuyé Mme Halonen, en raison principalement de son programme sur la sécurité et la défense et de ses positions sur l'OTAN), les concurrents éliminés lors du premier tour, y compris l' « indépendant » Arto Lahti, ont pratiquement tous apporté leur soutien au candidat conservateur.

Les principales personnalités du centre et de la droite ont réagi de la même manière, particulièrement au sein du parti du « Centre », où la position du Premier ministre, chef de la formation, Matti Vanhanen en faveur de Sauli Niinistö a été approuvée par les instances dirigeantes. Entre le Centre et les Conservateurs, le principe d'une entente pour ce scrutin de ballottage aurait été posé, il y a plusieurs mois.

Que le Centre soit associé aux Sociaux-Démocrates au sein d'une même coalition gouvernementale depuis 2003 n'a, dans le camp centriste, amené personne à rejeter une telle alliance, pas plus que l'investiture de Tarja Halonen par le VAS -opposition de gauche- n'a créé de problème de conscience à la Présidente, ni à la quasi-unanimité de la gauche finlandaise.

Allant plus loin, certains responsables libéraux ont fait des efforts pour simplifier le sens du vote du 29 janvier prochain. Ils le réduisent à un choix entre une Gauche « archaïque », favorisant les interventions de l'État dans de multiples domaines de la vie économique et sociale et inefficacement « redistributrice », et un regroupement d'inspiration « libérale », plus respectueux des initiatives des individus et des entreprises, et du dynamisme de l'économie de marché, seule à même de donner un nouveau souffle à la croissance finlandaise et d'adapter le pays dans les meilleures conditions aux défis renouvelés de la mondialisation. Pour grossir le trait, ce duel serait également un affrontement classique « Gauche / Droite ».

Une campagne électorale vive mais lourde d'ambiguÏtÉs et d'incertitudes

La campagne électorale elle-même a favorisé les ambiguïtés. Les deux débats télévisés des 18 et 19 janvier derniers n'ont vu les candidats se rejoindre que sur un seul point : leur attachement aux valeurs et aux intérêts du monde rural. Celui-ci avait largement voté pour Matti Vanhanen le 15 janvier. Mais, Premier ministre en exercice et sans doute gêné dans sa campagne par cette fonction, le président du Centre n'avait pas alors fait le plein des suffrages « ruraux » traditionnellement acquis à son parti. Il a sans doute été considéré par certains comme responsable des sacrifices faits ou à venir par les agriculteurs finlandais dans le cadre de la Politique Agricole Commune en raison du récent élargissement de l'UE, et des appréhensions, plus ou moins fondées, suscitées par le Conseil européen de décembre 2005.

Évidemment, la politique intérieure -qui ne relève plus depuis 2000 des compétences du Chef de l'État- a tenu peu de place dans les joutes des concurrents. Tarja Halonen, hostile aux recettes « néo-libérales » des Conservateurs, a rappelé sa préférence pour une croissance économique aux fruits répartis avec justice et ne s'accompagnant pas d'un creusement des inégalités. Sauli Niinistö estime ce creusement inéluctable dans les périodes de forte expansion et de « redémarrage », mais le phénomène est transitoire. Le dynamisme retrouvé, une hausse appréciable des revenus cesse, pour lui, d'être le privilège d'une minorité pour se généraliser à tous les ménages.

C'est donc sur le terrain de la politique de sécurité et des relations extérieures que l'affrontement a été le plus vif. Prenant l'offensive, le candidat conservateur impute à la Présidente le « manque de visibilité accru » du pays au sein de l'Union européenne. Il met en cause le flou de ce que seront les orientations d'Helsinki durant la présidence finlandaise de l'Union au second semestre de l'année 2006, tout comme l'absence -depuis quelques années- d'initiatives nationales dans les enceintes européennes qui contraste avec le dynamisme de la période précédente. Plus généralement, il dresse un parallèle entre le bilan largement positif du prédécesseur de Tarja Halonen, Martti Ahtisaari, et celui de l'actuel Chef de l'État, au désavantage de celle-ci. Il insiste sur le manque de substance concrète de la politique vis-à-vis de la Russie. Il s'en prend vivement au « silence » qui prévaudrait dans les relations avec Washington.

Tarja Halonen estime ces accusations sans fondement, remarquant que, s'agissant de l'Europe -domaine de compétence du gouvernement- l'actuel Premier ministre Vanhanen n'a pas manifesté une créativité ni un allant analogues à ceux de son prédécesseur, le social-démocrate Paavo Lipponen.

Dans le domaine de la défense et de la sécurité, Tarja Halonen s'est efforcée de mettre à nu contradictions et ambiguïtés dans le programme de son rival. Alors qu'elle se réclame du Livre Blanc adopté par le Parlement en 2004 et de lui seul, elle insinue que Sauli Niinistö -qui a mis en avant le concept d'une « OTAN plus européenne »- dissimule son intention de faire progresser la Finlande sur la chemin d'une adhésion à l'Alliance atlantique. Elle l'accuse, en outre, de minimiser la solidarité que les pays de l'Union européenne manifesteraient à l'égard d'Helsinki en cas de menace ou d'agression, et dont le projet de Traité Constitutionnel européen portait témoignage évident.

Face à ces « ripostes », Sauli Niinistö s'est attaché à jouer le plus subtilement possible. Il ne s'est pas prononcé en faveur d'une adhésion finlandaise à l'OTAN, dans les circonstances actuelles. De toutes les façons, « la question ne serait pas tranchée par le Président, mais ferait l'objet d'un référendum ». Mais il a déploré l'absence de garanties de sécurité dont pâtit la Finlande, faisant un parallèle avec l'isolement tragique de 1939-40. Sachant que son parti compte nombre de partisans de l'« adhésion », il s'est présenté comme un homme « libre », capable de contribuer à une réflexion en profondeur et sans préjugés sur les formules les plus adéquates, compte tenu de circonstances, pour assurer au pays la sécurité indispensable et une défense efficace.

Parallèlement, pour Tarja Halonen, se référant au Livre Blanc, l'appartenance à l'Alliance Atlantique n'était pas exclue à tout jamais et par principe. Mais « une guerre classique » ne lui paraît pas actuellement menacer la Finlande. Dans le monde actuel, les « menaces » sont souvent plus sophistiquées, et nécessitent le recours à des procédures -militaires et civiles- de gestion de crises, du type de celles élaborées par l'Union européenne.

Des sondages délicats a interpreter

Les sondages effectués peu après le premier tour, s'ils donnent un avantage limité à la Présidente sortante, restent difficiles à interpréter. On peut simplement en déduire que Tarja Halonen ne réaliserait pas, par rapport à son résultat de 2000, le « bond en avant » spectaculaire envisagé pendant longtemps.

Selon une enquête effectuée les 16 et 17 janvier pour le quotidien Helsingin Sanomat, Mme Halonen bénéficierait de 53 % des intentions de voix et M. Niinistö 47 %. 18 % des personnes interrogées n'ont pas su ou voulu nommer leur candidat.

Au début du mois de janvier, 64 % étaient encore en faveur de Mme Halonen et 36 % de M. Niinistö au second tour.

80 % des partisans du Parti du centre voteraient pour M. Niinistö et 20 % pour Mme Halonen. 93 % des sociaux-démocrates voteraient pour Mme Halonen, 7 % pour M. Niinistö. 93 % des conservateurs seraient favorables à M. Niinistö et 7 % pour Mme Halonen. 97 % des partisans de l'Alliance des gauches choisiraient Mme Halonen et 3 % M. Niinistö. 85 % des partisans de l'Alliance verte seraient favorables à Mme Halonen et 15 % pour M. Niinistö. 63 % de ceux qui n'ont pas voté au premier tour voteraient pour Mme Halonen et 37 % pour M. Niinistö.

76 % des personnes interrogées sont sûres d'aller voter. Les plus sûrs sont ceux qui ont voté pour Mme Halonen ou M. Niinistö au premier tour. Les électeurs de M. Vanhanen ou des candidats des petits partis ne sont pas aussi enthousiastes. Les femmes sont plus sûres d'aller voter que les hommes, ainsi que les électeurs habitant dans la région de la capitale ou dans la province d'Uusimaa.

Selon un autre sondage réalisé entre le 16 et le 18 janvier pour la chaîne de télévision MTV3, Mme Halonen recueillerait 55 % des intentions de voix et M. Niinistö 45 %. 32 % des personnes interrogées n'ont pas su ou voulu nommer leur candidat.

Début janvier, pour cette organisation, 68 % étaient en faveur de Mme Halonen et 32 % de M. Niinistö au second tour.

Dimanche 22 janvier, les résultats d'une enquête faisaient apparaître que près de800 000 électeurs, soit 20 % environ du total, restaient indécis, ou ne voulaient pas nommer leur favori. Par ailleurs, il est risqué de se représenter ce que feront les adeptes, souvent imprévisibles, du « populiste » Timo Soimi, qui a obtenu les voix de 3,4 % des électeurs le 15 janvier dernier et qui reste étonnamment silencieux.

Le jeu demeure donc bien « ouvert » pour le scrutin du 29 janvier prochain.

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