Elections législatives au Monténégro, 10 septembre 2006

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 août 2006
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le Monténégro, qui est devenu un Etat indépendant le 3 juin dernier, tiendra ses prochaines élections législatives le 10 septembre prochain. Ce même jour auront lieu également des élections locales dans treize des vingt et une municipalités que compte le pays (Andrijevica, Bar, Berane, Bjelo, Polje, Danilovgrad, Kolasin, Plav, Pluzine, Pljevlja, Rozaje, Ulcinj et Savnik). La capitale Podgorica et les villes de Golubocvi et Tuzi éliront également leur assemblées locales et leurs maires.

Le Président de la République, Filip Vujanovic (Union démocratique des socialistes, DPS), est passé outre les critiques des formations de l'opposition qui auraient souhaité que le scrutin se tienne plus tardivement dans le courant du mois de septembre, voire début octobre. Predrag Bulatovic (Parti socialiste populaire, SNP), avait déclaré que les formations politiques ne pourraient pas être prêtes avant le 24 septembre. Les partis d'opposition déplorent également le manque de moyens financiers ; Branislav Radulovic, président de la Commission électorale du Monténégro, a récemment annoncé qu'environ un million d'euro manquait pour organiser le scrutin.

Le système politique monténégrin

Le 21 mai dernier, les Monténégrins ont voté à 55,5% en faveur de l'indépendance de leur Etat, 44,5% des électeurs s'étant prononcés en faveur du maintien de l'union de leur pays avec la Serbie. Le résultat remplissait les deux conditions imposées par l'Union européenne pour que la consultation populaire soit valide, à savoir une participation d'au moins 50% des inscrits et un résultat rassemblant au moins 55% des votants. La participation s'est en effet élevée à 86,6%, soit le taux le plus élevé enregistré au Monténégro depuis que ce pays organise des élections libres et démocratiques.

L'Union démocratique des socialistes (DPS) du Premier ministre Milo Djukanovic et l'Union démocratique albanaise (DUA-UDSh) étaient favorables à l'indépendance tandis que le Parti socialiste populaire (SNP), le Parti populaire (NS), le Parti démocrate serbe (DSS) et le Parti populaire serbe (SNS) s'étaient prononcés pour le maintien de l'union avec la Serbie.

Uni à la Serbie depuis le 14 mars 2002 dans l'Etat de Serbie et Monténégro, qui avait remplacé la défunte République fédérale de Yougoslavie, le Monténégro possédait cependant dès avant son indépendance sa propre organisation politique et administrative. Son Parlement actuel possède 74 députés élus pour un mandat de quatre ans.

Actuellement, neuf formations politiques sont représentées au Parlement :

- l'Union démocratique des socialistes (DPS), formation du Premier ministre Milo Djukanovic, compte 30 sièges ;

- le Parti social-démocrate (SDP), dirigé par Ranko Krivokapic et allié à l'Union démocratique des socialistes, possède 5 élus ;

- le Parti civique, autre allié de la formation majoritaire, compte un député ;

- le Parti socialiste populaire (SNP), dirigé par Predrag Bulatovic, est la principale formation d'opposition avec 19 sièges ;

- le Parti populaire serbe (SNS), dont le leader est Andrija Mandic, possède 6 députés ;

- le Parti populaire (NS), dirigé par Predrag Popovic, compte 5 élus ;

- l'Alliance libérale (LSCG), dont le leader est Vesna Perovic, possède 4 députés ;

- l'Union démocratique albanaise (DUA-UDSh), un élu ;

- la Ligue démocratique du Monténégro, un député également.

Le code électoral stipulant qu'un député doit être élu par six mille électeurs, en conséquence, le nouveau Parlement monténégrin comptera 81 membres au lieu de 74 actuellement. La première tâche du nouveau Parlement sera d'adopter une nouvelle Constitution.

Le Monténégro, dominé depuis plus de dix ans par l'Union démocratique des socialistes, formation de Milo Djukanovic, Premier ministre depuis le 8 janvier 2003, a, à sa tête, Filip Vujanovic, ancien Premier ministre (1998-2002), élu Président de la République le 11 mai 2003.

La campagne électorale

Au fur et à mesure que se rapproche la date des élections législatives, les alliances électorales éclosent et de nouvelles formations voient le jour. Le 15 juillet dernier à Cetinje, Nebojsa Medojevic, président de l'organisation non gouvernementale Mouvement pour un changement, a modifié les statuts de son mouvement pour en faire un parti politique sous le nom de Mouvement pour le changement (GZP). La nouvelle formation, qui se présentera aux élections locales dans dix municipalités, souhaite voir s'établir un gouvernement d'experts qui serait chargé de revoir le processus des privatisations et d'adopter une nouvelle Constitution. Le parti ne s'inscrit pas uniquement dans l'opposition au gouvernement actuel mais dans un rejet de l'actuel système basé, selon lui, sur des fondations instables et défectueuses, la corruption, le vol et l'ignorance. Selon le nouveau parti, les prochaines élections législatives sont la dernière chance de sauver l'Etat et la population.

Predrag Drecun, ancien ministre du travail et des Affaires sociales, est devenu président du nouveau Parti démocratique du Monténégro (DS). Cette formation, qui souhaite établir des relations privilégiées avec les pays voisins, met l'accent sur les problèmes économiques du pays et les divisions existant au sein de la population. « Le gouvernement et l'opposition souhaitent que rien ne change, préservant ainsi les divisions actuelles alors qu'avec ces divisions, aucun progrès économique n'est possible. Nous allons tenter de réconcilier les Monténégrins car seul un Monténégro civique et tolérant est un concept durable » a déclaré Predrag Drecun affirmant que son nouveau parti se situait à droite sur l'échiquier politique. La formation, qui se présentera alliée à la Ligue du Nord dirigée par Smajo Sabotic aux élections législatives du 10 septembre prochain, pense pouvoir obtenir des sièges aux élections locales dans les villes de Berane, Kolasin et dans la capitale Podgorica.

Enfin, Dragan Hadjukovic, ancien candidat à l'élection présidentielle, a fondé, fin juillet, le Parti vert, une formation qui souhaite supprimer l'armée nationale et interdire la présence de troupes militaires étrangères sur le territoire monténégrin.

Le Parti socialiste populaire, le Parti populaire et le Parti démocrate (DSS) de Ranko Kadic ont décidé de s'unir dans une coalition pour les élections législatives du 10 septembre. De son côté, le Parti populaire serbe d'Andrija Mandic a choisi de s'allier avec le Parti radical serbe (SRS) de Tomislav Nikolic, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle de Serbie le 27 juin 2004 contre Boris Tadic, et avec le Parti démocratique de l'unité (DSJ), récemment fondé par Zoran Zizic, ancien Premier ministre de Yougoslavie après la chute de Slobodan Milosevic (2000-2001) et ancien leader du Mouvement pour le maintien de l'Union de Serbie et Monténégro. L'accord, signé le 7 août dernier, réunit le Parti populaire socialiste (NSS) de Novo Vujosevic, le Conseil national serbe (SNV) dirigé par Momcilo Vuksanovic et l'Alternative académique de Vojin Grubac. La formation présentera des candidats dans les villes de Zabljak, Berane, Bjelo, Polje, Pljevlja, Bar et Podgorica. « Nous souhaitions que l'ensemble des formations unionistes soient sur la même liste mais le Parti socialiste populaire a choisi une autre voie » a déclaré Zoran Zizic. « Une longue lutte pour l'essence serbe nous attend au Monténégro » a déclaré Tomislav Nikolic, ajoutant qu'il comptait utiliser le scrutin pour attirer l'attention sur « toutes les erreurs faites par les autorités monténégrines et les conséquences tragiques de la séparation de la Serbie et du Monténégro ». Les membres du Parti populaire serbe représenteront 40% des dix premiers candidats de cette Liste serbe.

Enfin, le Parti libéral (LP) dirigé par Miodrag Zivkovic a formé une coalition avec le Parti bosniaque (BS) d'Esef Husic et le Forum de Budva, ville située sur la côte Adriatique.

Côté gouvernement, l'Union démocratique des socialistes présente une coalition avec le Parti social-démocrate et a conclu un accord avec la Coalition bosniaque et l'Initiative civique croate (HGI), une alliance de partis qui soutient les valeurs européennes et l'avancée de la démocratie et des réformes économiques pour faciliter l'intégration du Monténégro dans les structures euro-atlantiques. A un peu moins d'un mois du scrutin, le Premier ministre Milo Djukanovic se dit confiant quant à la victoire de ses troupes. « Je suis optimiste. Je pense que la coalition Union démocratique des socialistes-Parti social-démocrate s'imposera et recevra le soutien populaire qui lui permettra de former le prochain gouvernement » a t-il déclaré, affirmant que « les citoyens monténégrins étaient politiquement raisonnables et qu'ils soutiendraient ceux qui les avaient su les conduire là où ils étaient ».

L'Union démocratique des socialistes a également conclu un accord avec l'Union démocratique albanaise (DUA-UDSh) pour les élections locales dans les communes de Ulcinj, Tuzi, Plav et Rozaje où vivent de nombreux albanophones.

En juillet dernier, Predrag Bulatovic, le leader du Parti socialiste populaire, s'est déclaré prêt à participer à un dialogue constructif et à travailler à l'élaboration de la nouvelle Constitution. « Le Parti socialiste populaire maintient son idée que les changements doivent être l'aboutissement d'un dialogue entre tous les Monténégrins et faire l'objet du plus large des consensus » a-t-il souligné. Il a admis que le référendum sur l'indépendance avait préservé la sécurité du pays mais également produit de nouvelles divisions entre les Monténégrins. « Cela doit amener les formations politiques favorables à l'adhésion du Monténégro à l'Union européenne à travailler à la réconciliation » a déclaré Predrag Bulatovic. Le Parti socialiste populaire a déclaré, le 31 juillet, qu'il ne tiendrait pas de grands meetings durant la campagne législative mais qu'il optait pour une campagne de porte-à-porte. Principale force d'opposition, le Parti socialiste populaire fait campagne pour la construction d'un Etat de droit démocratique au Monténégro, l'intégration du pays à l'Union européenne constituant son principal thème de campagne. Une priorité qu'il partage d'ailleurs avec la formation au pouvoir, l'Union démocratique des socialistes.

« L'Europe attend le Monténégro. Le gouvernement et l'opposition sont focalisés sur l'appartenance à l'Union. Ceci peut-il faire que gouvernement et opposition coopèrent au Parlement ? Peut-on aller jusqu'à envisager une coopération au niveau gouvernemental ? Pourquoi pas ? » s'est interrogé, fin juillet, le Premier ministre Milo Djukanovic. Le Parti socialiste populaire a cependant infirmé toute possibilité d'alliance gouvernementale post-électorale avec l'Union démocratique des socialistes de l'actuel Premier ministre Milo Djukanovic.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée du 24 au 29 juin derniers par le Center for monitoring opinion poll agency (CEDEM), l'Union démocratique des socialistes reste de loin la formation la plus populaire, recueillant 38,5% d'opinions positives. Le Parti socialiste populaire obtient 8,2% et le Parti populaire serbe, 9,1%. Par ailleurs, dans ce même sondage, 37,4% des personnes interrogées se déclarent « très satisfaites » ou « plutôt satisfaites » du gouvernement de Milo Djukanovic, contre 43,6% qui sont d'un avis contraire. Selon les dernières enquêtes d'opinion, un Monténégrin sur trois (29,5%) s'apprêterait à voter en faveur de l'Union démocratique des socialistes lors des élections législatives du 10 septembre prochain ; en revanche, son partenaire au sein de la coalition gouvernementale, le Parti social-démocrate, ne devrait pas atteindre les 3% indispensables pour être représenté au Parlement. La campagne officielle s'est ouverte le 12 juillet dernier et se clôturera le 8 septembre prochain.

Rappel des résultats des élections législatives du 20 octobre 2002

Participation 77,2%

source : cesid (centre pour les élections et la démocratie)

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