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Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Le candidat a changé… mais pas le résultat. L'extrême droite est arrivée largement en tête du 1er tour de l’élection présidentielle le 4 mai en Roumanie. Avec 40,96% des suffrages, George Simion (Alliance pour l'unité des Roumains, AUR) a renforcé le résultat obtenu par Calin Georgescu le 24 novembre 2024 lors du 1er tour du scrutin présidentiel, une élection qui a été invalidée par la Cour constitutionnelle le 6 décembre, soit deux jours seulement avant la date prévue du 2e tour. Le 9 mars 2025, la Cour constitutionnelle a interdit à Calin Georgescu de se (re)présenter à l’élection présidentielle au motif qu'il n'avait pas respecté les règles lors du scrutin précédent, qu’il ne remplissait pas les conditions de légalité et qu’il avait enfreint les règles démocratiques d’une élection honnête et impartiale. L’ancien candidat a également été mis en examen fin février et placé sous contrôle judiciaire.
Les Roumains ont néanmoins, le 4 mai, confirmé leur vote d’il y a 6 mois. La diaspora roumaine a fortement voté en faveur de George Simion et notamment les personnes vivant en Europe occidentale. Le candidat d’extrême droite a ainsi obtenu plus de 70% des suffrages en Allemagne, en Italie ou en Espagne.
George Simion affrontera lors du 2e tour le 18 mai Nicusor Dan, qui se présentait en candidat indépendant mais qui était soutenu par Justice et respect pour tous en Europe (DREPT), le Parti du mouvement populaire (PMP), la Force de la droite (FD) et Renouvelons le projet européen de la Roumanie (REPER). Le maire de Bucarest depuis 2020 a recueilli 20,99% des voix
Il a devancé d’une courte tête Crin Antonescu (Parti national-libéral, PNL), qui était le candidat de la coalition au pouvoir Roumanie en avant (A.Ro) formée par les trois partis du gouvernement dirigé depuis juin 2023 par Ion-Marcel Ciolacu (PSD) : le PNL, le Parti social-démocrate (PSD) et l’Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR). Crin Antonescu a obtenu 20,07%, c’est un sévère revers pour les deux partis qui se partagent les rênes du pays depuis plus de 30 ans.
Victor Ponta (Pro Romania), ancien Premier ministre (2012-2015), a pris la 4e place avec 13,05% devant Elena-Valeria Lasconi (Sauvez la Roumanie, USR), qui a recueilli 2,68%. La candidate, arrivée en 2e position au scrutin de novembre, a été « lâchée » par son parti qui a décidé de soutenir Nicusor Dan au motif que la présidente du parti ne bénéficiait pas du soutien nécessaire pour atteindre le 2e tour.
Les 6 autres candidats ont recueilli chacun moins de 1% des suffrages.
La participation a été quasiment équivalente à celle enregistrée lors du 1er tour de l’élection présidentielle (invalidée) du 24 novembre. La moitié des Roumains se sont rendus aux urnes : 53,21%, soit +0,65 point qu’il y a 6 mois.
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 4 mai 2025 en Roumanie
Participation : 53,21%
Source : https://prezenta.roaep.ro/prezidentiale04052025/pv/romania/results
« Ensemble nous avons écrit une page d'histoire » a triomphé George Simion à l’annonce des résultats. « Il ne s’agit pas seulement d’une victoire électorale, c’est une victoire de la dignité roumaine, c’est la victoire de ceux qui n’ont pas perdu espoir, de ceux qui croient encore en la Roumanie, un pays libre, respecté et souverain » ajoutant « Dégagez les voleurs, les patriotes arrivent ».
George Simion s’est autodésigné successeur de Calin Georgescu. Il a fait campagne sur la défense de ce dernier, avec lequel il a d’ailleurs rempli son devoir citoyen le 4 mai et dont il a promis de faire son prochain Premier ministre.
S’il refuse l’étiquette d’extrême droite, George Simion défend des vues nationalistes et très conservatrices notamment en matière de mœurs. Il est ainsi opposé à toute aide militaire à destination de l'Ukraine : il a déclaré qu’il souhaitait interrompre l’aide de Bucarest à Kiev et revoir les conditions d’accueil des réfugiés ukrainiens en Roumanie. Il se montre très critique à l’égard de l’Union européenne et, enfin, il se veut dans la lignée du mouvement MAGA (Make America great again) du président américain Donald Trump.
Pour Sergiu Miscoiu, professeur de science politique de l’Université de Cluj, le discours de George Simion parle à « un électorat assez dormant, un électorat formé des marginalisés, des gens qui s’insurgent depuis longtemps contre le système politique, contre le système de valeurs, contre le manque de perspectives et d’horizons de la politique et de la société roumaine (…) Des Roumains qui se vivent comme les perdants de l’européanisation, de la transition, de la mondialisation et qui pendant longtemps n’ont pas eu d’intérêt pour la vie politique, se contentant de critiquer de loin et qui ont été hyperpolitisés par les messages très radicaux de Calin Georgescu ».
Nicusor Dan, qui a décidé de se présenter à cette élection présidentielle après le « choc » qu’a constitué pour lui le scrutin du 24 novembre 2024, sera donc le rival de George Simion lors du 2e tour. Réformateur et pro-européen, il porte néanmoins un discours dénonçant la corruption de la classe politique.
« La peur de l’extrémisme et l’opposition au Premier ministre Ion-Marcel Ciolacu ont tiré Nicusor Dan vers le second tour car voter pour Nicusor Dan signifiait voter contre le gouvernement » a indiqué Emilian Isaila, rédacteur en chef du site internet Spotmedia.ro. Une opinion partagée par Gelu Dominica, sociologue, « C’est une importante défaite pour Ion-Marcel Ciolacu, même si celui-ci ne s’est pas lui-même présenté à cette élection ».
Le maire de Bucarest a appelé à un « nouveau départ », demandant à l’ensemble des forces pro-occidentales à soutenir. Il dit vouloir « garder la Roumanie dans la direction de l’Ouest, les yeux tournés vers l’Occident ». « Un 2e tour difficile s'annonce face au candidat isolationniste. Ce ne sera pas un débat entre des individus mais un débat entre une voie pro-occidentale et une orientation anti-occidentale pour la Roumanie. Notre tâche est de convaincre les Roumains que le pays a besoin d'une orientation pro-occidentale et c'est sur cela que notre campagne se concentrera pendant les deux semaines à venir » a déclaré Nicusor Dan.
Il a également promis, en cas de victoire le 18 mai prochain, de travailler avec le gouvernement en place, en dépit de son impopularité et des soupçons de corruption qui pèsent sur lui. « Il sera très difficile de construire des ponts avec l’électorat d’Ion-Marcel Ciolacu alors que le principal message de Nicusor Dan depuis 15 ans est d’attaquer le Parti social-démocrate » a affirmé Remus-Ion Stefureac, directeur du think tank Strategic Thinking Group et fondateur de l’institut d’opinion INSCOP Research, ajoutant. « Il ne parle qu’aux électeurs de Bucarest ».
Sergiu Miscoiu décrit ainsi l’électorat de Nicusor Dan : « en très grande majorité des habitants des grandes villes, des élites urbaines, des gens plus éduqués que la moyenne (…) Le pourcentage des gens ayant des études supérieures est double, voire triple parmi les électeurs de Nicusor Dan par rapport aux autres candidats. Son électorat est formé aussi d’une partie des mécontents du système qui n’ont pas de vision nationaliste ou populiste et qui espèrent avoir trouvé quelqu’un qui soit un combattant constant contre la corruption, non lié à un groupe politique, à une mafia immobilière ou à une autre source de contamination du système politique ».
Si George Simion dispose de faibles réserves de voix pour le 2e tour de l’élection présidentielle, il reste que son résultat du 4 mai devrait le faire bénéficier d’une dynamique propre à le porter jusqu’à la victoire. A moins que la classe politique roumaine, extrêmement désunie, ne parvienne à surmonter ses profondes divisions pour s’unir afin de faire chuter celui qui est devenu le favori du scrutin présidentiel.
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