Elections législatives en Croatie, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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25 novembre 2007
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Croatie, Le point à une semaine du scrutin

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4,4 millions de Croates, dont 400 000 vivant à l'étranger (principalement en Bosnie-Herzégovine), sont appelés aux urnes le 25 novembre prochain pour renouveler le Hrvatski Sabor, Chambre unique du Parlement. 3 585 candidats issus de 55 partis politiques sont en lice. Les Croates vivant à l'étranger, qui pourront voter dans 52 pays, éliront 12 députés dans la 11e circonscription, les minorités nationales du pays désigneront 8 députés dans la 12e circonscription. Le nouveau Parlement, qui devra être formé dans les 20 jours qui suivent le scrutin, comprendra au maximum 160 députés et au minimum 100, le nombre variant selon les législatures.

L'Union démocratique (HDZ), formation de l'actuel Premier ministre Ivo Sanader, a prévu de dépenser 19,5 millions de kuna pour sa campagne électorale, le Parti social-démocrate (SDP), principal parti d'opposition, 15,8 millions.

S'il est depuis quelques semaines beaucoup question de grande coalition dans les médias, les deux principaux partis, au coude à coude dans les enquêtes d'opinion, se livrent une lutte acharnée.

Le Premier ministre Ivo Sanader s'appuie sur son bilan socioéconomique : 5,6% de croissance du PIB, un taux de chômage passé de 17% en 2003 à 12%, et un taux d'inflation de 2,5%. "Alors que nous sommes à la porte de l'Union européenne (la Croatie espère la rejoindre en 2010) et de l'OTAN (le pays devrait y être admis lors du sommet de Bucarest en avril 2008) et que nous sommes devenu un membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, nos succès en politique étrangère sont une partie de notre programme même si ce n'est pas le principal. Nous nous tournons vers ce qui est le plus important pour les Croates, c'est à dire le niveau de vie " a affirmé Ivo Sanader le 23 octobre. Le salaire moyen est en Croatie de 670 euro.

L'Union démocratique (HDZ) promet, en cas de victoire, une croissance du PIB de 7%, aucun nouvel impôt, l'élimination du déficit budgétaire, l'achèvement de la réforme judiciaire et de la mise en place de nouvelles infrastructures. "Les Croates sont optimistes et confiants, ils ont retrouvé la foi, de Vukovar à Dubrovnik, la dernière enquête d'opinion montre que 60% de la population a confiance dans l'avenir, contrairement à 2003 où seulement 30% manifestaient leur optimisme" a déclaré Ivo Sanader le 13 novembre à Zadar. Il a, de nouveau, accusé le Parti social-démocrate de n'être "intéressé que par les postes". "Ils promettent la croissance économique et nous l'avons déjà, ils parlent de réduire le déficit budgétaire et nous l'avons déjà réduit" a t-il affirmé à propos du programme du SDP. Il a souligné que l'HDZ est le seul parti à proposer un réel programme quand le SDP ne préconise qu'une augmentation des impôts. Ivo Sanader accuse le parti de Zoran Milanovic de vouloir abolir l'éducation religieuse à l'école, décriminaliser les drogues douces et priver les Croates de Bosnie-Herzégovine du droit de vote.

Interrogé sur sa participation à un débat télévisé avec le Parti social-démocrate (SDP) le 19 novembre prochain, le Premier ministre a répondu que le SDP devait, au préalable, clarifier les rôles de Zoran Milanovic et Ljubo Jurcic au sein du parti et que les Croates avaient le droit de savoir qui, des 2 hommes, est le véritable candidat au poste de Premier ministre. Ivo Sanader a comparé le SDP à un "aviron de deux rameurs sans véritable barreur". Zoran Milanovic affirme que le Premier ministre préfère refuser le débat télévisé "parce qu'il ne peut dire aux Croates d'où vient l'argent avec lequel il a pu s'acheter des propriétés ou de belles montres".

Le leadership est, en effet, une question très problématique au sein du SDP. Si Zoran Milanovic est le président du parti, Ljubo Jurcic est le candidat officiel au poste de Premier ministre. A plusieurs reprises, des différends sont apparus entre les deux hommes. Ainsi, Ljubo Jurcic était favorable à ce que le SDP présente une liste dans la 11e circonscription (celle des Croates vivant à l'étranger) dirigée par le maire de Zagreb, Milan Bandic. Zoran Milanovic s'y est opposé et Ljubo Jurcic a dû se ranger à sa décision. Par ailleurs, selon certains observateurs politiques, des membres du SDP tentent de marginaliser Zoran Milanovic et ne seraient pas mécontents qu'Ivo Sanader remporte les élections législatives, la défaite des sociaux-démocrates aurait alors l'avantage de permettre une réorganisation du parti. En outre, les Croates semblent n'avoir guère apprécié que le SDP assigne, avant même les élections législatives, des fonctions ministérielles à certains de ses membres.

Le Parti social-démocrate promet, comme son principal adversaire, d'améliorer le niveau de vie et de lutter contre la corruption. "L'Etat doit être financé par tous ceux qui gagnent de l'argent et pas seulement par ceux qui travaillent pour vivre. Je combattrai la corruption par tous les moyens légaux et je n'aurai aucune compréhension ou pitié pour ceux qui pensent qu'ils peuvent profiter du bien public, c'est la différence essentielle entre nous et l'Union démocratique" a déclaré Zoran Milanovic le 20 octobre dernier. Ljubo Jurcic a indiqué que les ministres du gouvernement qu'il dirigera, en cas de victoire de son parti, ne devront posséder aucun intérêt dans une quelconque entreprise privée qui puissent les rendre suspects de corruption.

Le SDP reproche au gouvernement sortant d'avoir accru la dette nationale (de 53 milliards de kuna en 2003 à 106 milliards). Il promet d'investir dans les secteurs productifs de l'économie, affirmant que seuls 15% des investissements sont destinés à la production, contre 30% en moyenne en Europe. Zoran Milanovic a soulevé un tollé en déclarant que le slogan "Bougeons !" utilisé par le Premier ministre sortant lui rappelait Slobodan Milosevic. "Je n'ai pas dit que Ivo Sanader était comparable à Slobodan Milosevic, bien sûr il ne l'est pas. J'ai juste comparé leurs slogans ridicules" a-t-il répondu aux reproches qui lui étaient faits.

La question du vote des Croates de l'étranger est au cœur du débat électoral. "Il y a 150 bureaux de vote en Bosnie-Herzégovine alors qu'il y a 4 ans, il y en avait 30 et à l'élection présidentielle des 2 et 16 janvier 2005, 60. Qu'est-ce que cela signifie?" s'interroge Zoran Milanovic. Le leader du SDP considère que les Croates de l'étranger, qui ne paient pas d'impôt en Croatie, ne devraient pas être autorisés à voter aux élections nationales. Pour lui, ils n'appartiennent pas à la diaspora. "Je suis moi-même originaire de Bosnie-Herzégovine. Si les Croates de Bosnie-Herzégovine votent aux élections législatives croates, ils affaiblissent leur position par rapport aux deux autres communautés de leur pays. Et il n'est pas bon que des citoyens de pays étrangers influent sur les lois croates" affirme Ljubo Jurcic. "Si le vote des Croates de l'étranger s'avérait déterminant pour le résultat des élections législatives du 25 novembre prochain, la Croatie connaîtrait une crise constitutionnelle" a mis en garde la responsable du Parti populaire (HNS), Vesna Pusic, qui s'est prononcé pour une réforme du système de vote de la diaspora.

Lors des précédentes élections législatives du 25 novembre 2003, seuls 17,78% des Croates de Bosnie-Herzégovine avaient accompli leur devoir civique. Selon les enquêtes d'opinion, la participation devrait considérablement augmenter pour le scrutin du 25 novembre -ne serait-ce qu'en raison du nombre beaucoup plus grand de bureaux de vote (124) - et s'établir à environ 40%. Le vote des Croates de l'étranger est traditionnellement favorable à l'Union démocratique (HDZ). De même, le parti d'Ivo Sanader est soutenu par l'ensemble des représentants des minorités nationales. "L'Union démocratique va battre le Parti social-démocrate de plusieurs points, la 11e circonscription ne fera que renforcer la victoire de l'Union démocratique" répète le Premier ministre sortant qui indique qu'il est "impératif de s'assurer que la Bosnie-Herzégovine soit la patrie des Croates et non des seuls Serbes et Bosniaques".

Du côté des autres partis, le Parti du droit (HSP), qui obtient traditionnellement ses meilleurs résultats dans les 4e et 5e circonscriptions, oscille entre une ligne dure nationaliste et une tentative de se présenter comme un parti respectant les standards européens. Il a ainsi demandé au Premier ministre Ivo Sanader d'user de son influence pour faire admettre le HSP au sein du Parti populaire européen. "Le Parti du droit constitue l'assurance de ne pas voir la Croatie adopter le bipartisme" a déclaré son leader, Anto Djapic. "L'Union démocratique et le Parti social-démocrate n'ont pas de vraies différences et ne pensent qu'à s'unir dans une grande coalition" affirme t-il en appelant les électeurs à voter pour son parti "car c'est un vote pour les valeurs de l'Etat que nous avons créé dans les années 1990". Le Parti du droit, qui compte 8 députés, déclare vouloir tripler son nombre de sièges au Hrvatski Sabor le 25 novembre prochain. Il est cependant en très net recul dans toutes les enquêtes d'opinion depuis plusieurs mois. Anto Djapic, qui ne souhaite pas participer à un éventuel futur gouvernement dirigé par Ivo Sanader, a cependant besoin du soutien de l'Union démocratique à Osijek, ville où il sera candidat à l'élection municipale partielle qui se déroulera le même jour que le scrutin législatif.

Le Parti social-libéral (HSLS), le Parti populaire (HNS) et le Parti démocrate d'Istrie (IDS) sont favorables à un gouvernement social-démocrate. En revanche, le Parti paysan (HSS) semble préférer que l'Union démocrate reste au pouvoir. Quant au Parti démocratique indépendant serbe (SDSS) et au Parti des retraités (HSU), ils s'allieront avec la majorité qui sortira des urnes le 25 novembre prochain. Le 5 octobre dernier à Karlovac, le leader du Parti de l'action démocratique (SDAH), Semso Tankovic, déclarait "la coopération avec l'Union démocratique a été une bonne chose durant les deux premières années du gouvernement, les deux dernières ont été rudes". Le leader du parti représentant la minorité bosniaque a pourtant reconduit son accord avec le Premier ministre sortant Ivo Sanader.

Ces élections législatives arrivent à un moment crucial pour la Croatie. Les négociations avec l'Union européenne avancent à vive allure (14 des 35 chapitres de négociation ont d'ores et déjà été ouverts), l'adhésion à l'OTAN semble de plus en plus à portée de main et le pays a été élu, le 16 octobre dernier, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, "le plus grand succès de la politique étrangère après la reconnaissance de l'indépendance du pays" selon le Chef de l'Etat.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut PULS, l'Union démocratique et le Parti social-démocrate recueilleraient chacun 30,3% des suffrages le 25 novembre prochain. Le parti d'opposition devrait toutefois remporter un plus grand nombre de sièges. L'alliance Parti paysan/Parti social-libéral/Parti des régions côtières du Primorje et du Gorski Kotar (HSS/HSLS/PGS) recueillerait 5,5% des voix, le Parti des retraités et le Parti populaire, 5,3% chacun, le Parti du droit, 4,6%, le Centre démocrate (DC), 2,8% et enfin le Parti démocrate d'Istrie, 1,9%.

La campagne électorale s'achèvera le 23 novembre prochain à minuit.

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