Le 24 octobre prochain, les Irlandais sont appelés aux urnes pour désigner le successeur de Michael D. Higgins à la présidence de la République. Le chef de l’Etat sortant, qui a d’ores et déjà gouverné durant 14 années, ne peut en effet pas se représenter pour un troisième mandat. 
L’élection présidentielle doit impérativement avoir lieu au cours des 60 jours précédant la fin de son mandat, soit le 11 novembre. 

Deux femmes sont en lice pour le scrutin présidentiel du 24 octobre, soit le plus petit nombre de candidats depuis 1990. La dernière enquête d’opinion publiée le 7 octobre, réalisée par l’institut RED C pour Business Post et qui ne prend en compte que les seuls votes de première préférence (voir ci-dessous), donne l’indépendante Catherine Connolly en tête avec 36% des suffrages devant Heather Humphreys (Fine Gael, FG) 25%. Un autre sondage de ce même institut incluant les transferts de seconde préférence publié dans Business Post accorde la victoire à la candidate de gauche (49,3%) devant celle du Fine Gael (34,2%). 

Les candidates en lice

Heather Humphreys (Fine Gael, FG), ancienne ministre du Développement rural et ministre de la Protection sociale (2020-2025), a été désignée candidate par 55 parlementaires de de son parti dirigé par Simon Harris.
Catherine Connolly (indépendante), ancienne présidente du Dail Eireann (Chambre des Représentants), chambre basse du parlement (2010-2024), est soutenue par 32 députés, dont 12 issus du Parti travailliste (Lab) de Ivana Bacik, 12 des Sociaux-démocrates (SD) de Holly Cairns, deux du Peuple avant les profits (PBP), un de Solidarité (S) et enfin un élu de 100% Redress de Tomas Sean Devine, ainsi que de 4 indépendants.

Jim Gavin (Fianna Fail, FF) a renoncé à être candidat le 5 octobre suite à la révélation par The Irish Independent qu’il avait, à la fin des années 2000, d’une part, omis d’enregistrer un bien immobilier qu’il louait auprès de la commission des locations résidentielles et, d’autre part, qu’il n’avait pas remboursé le trop-perçu de 3 300 € qu’il avait reçu d’un de ses locataires. « J'ai commis une erreur qui ne correspond pas à ma personnalité et aux valeurs qui sont les miennes » a déclaré Jim Gavin qui a donc choisi de se retirer de la course présidentielle. Le parti du Premier ministre, Micheal Martin, se retrouve donc sans représentant pour ce scrutin.
Le renoncement de Jim Gavin a renforcé la candidate de gauche Catherine Connolly dans les enquêtes d’opinion.

Un duel de femmes

Heather Humphreys s’appuie sur sa biographie et sur sa personnalité pour convaincre ses compatriotes de l’élire à la présidence de la République. Elle peut mettre en avant son expérience et s’appuyer sur une équipe de campagne du Fine Gael stable qui n’a pas changé depuis le début de la campagne même si la candidate initialement choisie, Mairead McGuinness, ancienne commissaire européenne, a renoncé à briguer la magistrature suprême au mois de septembre pour raisons de santé. 
Heather Humphreys est de confession presbytérienne. Certaines personnes lui reprochent les liens de sa famille avec l’ordre orange, société protestante d’Irlande du Nord qui travaille à favoriser le protestantisme. Une partie des Irlandais déplorent également que la candidate du Fine Gael ne parle pas couramment le gaélique et ce alors qu’en 2016, elle a exercé la fonction de ministre des Arts, du Patrimoine et des Sports. 
Heather Humphreys a annoncé qu’elle renoncerait à sa pension de retraite de députée et de ministre en cas de victoire le 24 octobre. Le président de la République sortant Michael D. Higgins l’a fait durant ses deux mandats. Il a aussi renoncé à une partie de son salaire jusqu’en 2022, année où il a perçu la totalité de sa rétribution. 

Catherine Connolly est soutenue par une large coalition de partis de gauche. Ancienne membre du Parti travailliste, elle en a démissionné en 2006 et est restée très critique à l’égard de ce parti. Elle est désormais considérée plus proche du Peuple avant les profits (PBP) que des travaillistes.
Le principal parti de gauche, le Sinn Fein (SF) a décidé de ne pas présenter de candidat pour cette élection et soutient donc Catherine Connolly. « Elle n’est pas représentante du Fianna Fail ni du Fine Gael et je pense que cela compte pour les électeurs » a déclaré la dirigeante du Sinn Fein, Mary Lou McDonald, qui a indiqué que l’ancienne présidente du Dail Eireann avait toute sa confiance.

Catherine Connolly fait campagne sur Gaza, la neutralité de l’Irlande, l’anti-impérialisme, le logement, l’équité, le sentiment communautaire, l’inclusion, l’unité irlandaise et la langue gaélique.
Heather Humphreys critique Catherine Connolly pour ne pas avoir condamné la Russie après l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de Vladimir Poutine le 24 février 2022. La candidate de gauche se voit également reprocher plusieurs de ses propos comme d’avoir déclaré que le réarmement de l’Allemagne « présentait certaines similitudes avec les années 1930 » ou encore que le Hamas fait « partie intégrante du tissu social du peuple palestinien ».  
Les deux candidates se sont affrontées lors d’un débat radiophonique le 12 octobre, notamment sur les sujets de la défense et de l’Europe.

Signalons que le nom de Jim Gavin figurera sur les bulletins de vote, son retrait de la course présidentielle étant intervenu après l’enregistrement officielle des candidatures (sa campagne électorale est suspendue mais sa candidature ne peut l’être). Il sera donc possible de voter pour le candidat du Fianna Fail le 24 octobre, un choix qui sera …valide. Les suffrages qu’il recueillerait seront répartis entre Heather Humphreys et Catherine Connolly et ils pourraient, hypothèse non absurde, décider in fine du résultat de l’élection présidentielle.

Une seule chose est certaine : le prochain président de la République d’Irlande sera une femme. Mary Robinson a été la première femme (et la première personne non issue du Fianna Fail) à accéder à ce poste en Irlande le 7 novembre 1990. Elle avait contribué à moderniser la fonction. 

La fonction présidentielle 

Le président de la République ne possède qu'un pouvoir de représentation, il peut cependant renvoyer un projet de loi à la Cour suprême s'il le juge inconstitutionnel et refuser de dissoudre le Dail Eireann (Chambre des Représentants). En effet, d'après la Constitution, le Taoiseach doit démissionner s'il perd l'appui de sa majorité parlementaire. Il peut toutefois demander au Chef de l'Etat de dissoudre la Chambre des Représentants. Ce dernier est alors autorisé à refuser cette demande, auquel cas le Premier ministre est contraint à la démission.

Le président de la République est élu au scrutin dit de vote alternatif (vote unique transférable où l’électeur peut exprimer une première préférence, puis une deuxième préférence) pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois. Le poste est accessible à tout citoyen irlandais âgé d'au moins 35 ans. Tout candidat à la magistrature suprême doit obligatoirement obtenir la signature d'un minimum de 20 membres de l'Oireachtas (parlement) ou le soutien d'au moins 4 des 34 conseils de comtés que compte la République celtique. Les anciens chefs de l'Etat (ou le président de la République sortant) sont les seules personnes exemptes de cette obligation. 

Rappel des résultats de l’élection présidentielle du 26 octobre 2018 en Irlande
Participation : 43,87%

Source : https://www.presidentialelection.ie/2018-presidential-election/