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Catherine Connolly remporte l’élection présidentielle irlandaise

Élections en Europe

Corinne Deloy

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27 octobre 2025
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Catherine Connolly remporte l’élection présidentielle irlandaise

PDF | 145 koEn français

La candidate indépendante, mais soutenue par les partis de gauche, Catherine Connolly, est arrivée en tête de l’élection présidentielle le 24 octobre en Irlande. L’ancienne vice-présidente (Leas-Cheann Comhairle) du Dail Eireann, chambre basse du parlement (2010-2024), a recueilli 63,36% des votes de première préférence devançant Heather Humphreys (Fine Gael, FG) qui en a obtenu seulement 29,46%. Catherine Connolly remporte donc l’élection avec la plus grande marge jamais enregistrée à la présidence d’Irlande. Le nombre de candidats n’est pas la seule explication de cette avance puisque seuls deux candidats avaient déjà concouru pour le scrutin présidentiel en 1959, en 1966 et en 1973. Catherine Connolly succèdera à Michael D. Higgins à la tête de l’Etat. Le président sortant, en poste depuis deux mandats, ne pouvait pas en effet à se représenter.

La participation a été faible, légèrement supérieure à celle enregistrée lors de la précédente élection présidentielle du 26 octobre 2018. Elle s’est élevée à 45,83%, soit +1,96 point. Selon de nombreux analystes politiques, cette faiblesse s’explique par la frustration éprouvée par les Irlandais devant le nombre restreint de candidats à la magistrature suprême. 2 candidates seulement étaient en lice le 24 octobre. Si un troisième candidat, Jim Gavin, a dû renoncer à sa candidature le 5 octobre[1], son nom était néanmoins présent sur les bulletins de vote[2]. Ayant recueilli 7,18% des suffrages, il ne peut toutefois être remboursé de ses dépenses de campagne car seuls les candidats en ayant obtenu 12,5% peuvent y prétendre. 

Un nombre important de bulletins nuls ont été enregistrés, notamment dans les régions les plus pauvres de la République celtique : 12,89% du total des suffrages (1,2% en 2018). Un niveau jamais atteint dans l’histoire de l’Irlande. Cela marque indéniablement le fort mécontentement d’une partie des Irlandais, insatisfaits du choix qui leur était offert entre une candidate positionnée à droite et soutenue par les partis qui composent l’actuel gouvernement (Fine Gael et Fianna Fail (FF)) et sa rivale sur l’autre bord de l’échiquier politique ou, plus largement, défiants à l’égard de la classe politique. « Cette journée d'élection a été désastreuse pour le Fine Gael et le Fianna Fail (les 2 partis qui dominent la vie politique en Irlande depuis l’indépendance du pays en 1922, le second étant celui de l’actuel Premier ministre (Taoiseach) Micheal Martin) » a affirmé l'éditorialiste politique du quotidien The Irish Times, Pat Leahy.
« Catherine Connolly est le vainqueur incontestable » après que le scrutin « est devenu un référendum sur le gouvernement » a déclaré Eoin O'Malley, professeur de science politique de l'université de Dublin, ajoutant  « La grande nouvelle, et la mauvaise nouvelle pour tous les partis, c'est le nombre de personnes qui vont invalider leur vote, qui pourrait atteindre 10 % (…) Cela reflète une profonde colère et un profond mécontentement à l'égard de tous les partis, qui refusent de discuter de questions telles que l'immigration ».
« La campagne a été relativement terne et le nombre de candidats suscite une certaine frustration » a souligné Kevin Rafter, directeur de l'Ecole de communication de l'université de Dublin, ajoutant « La campagne a été décevante en raison de son manque d'enthousiasme intellectuel et d'ambition. Elle n'a pas inspiré les électeurs. Aucun des 2 candidats n'a vraiment identifié de thème particulier. Sur les questions importantes pour la société irlandaise, telles que le logement, les questions raciales, le changement climatique ou l'unification, ils n'ont eu que très peu de choses intéressantes à dire ».

Résultats de l’élection présidentielle du 24 octobre 2025 en Irlande
Participation : 45,83%

Source : https://www.presidentialelection.ie 

« Ce sera un immense privilège de vous servir (…) A ceux qui n'ont pas voté pour moi et à ceux qui ont rendu nul leur vote, laissez-moi vous dire que je serai une présidente inclusive, à votre écoute » a déclaré Catherine Connolly. L’ancienne membre du Parti travailliste avait répété durant sa campagne électorale vouloir être « une présidente pour tous les citoyens, en particulier pour ceux qui sont souvent exclus et réduits au silence ».« C'est une victoire éclatante de l'optimisme et de l'espoir sur le cynisme et la négativité. C'est une victoire de l'opposition unie sur la politique usée et éculée du Fianna Fail et du Fine Gael » a déclaré la), Mary Lou McDonald, dirigeante du Sinn Fein (SF).

Catherine Connolly s'est engagée à être « une voix pour la paix, une voix qui s'appuie sur notre politique de neutralité et qui insiste sur la menace existentielle que constitue le changement climatique ». En matière de politique étrangère, elle s’est vu reprocher plusieurs de ses propos comme d’avoir déclaré que le réarmement de l’Allemagne « présentait certaines similitudes avec les années 1930 » ou encore que le Hamas fait « partie intégrante du tissu social du peuple palestinien ». De même, si elle se dit pro-européenne, elle a tenu des propos ambigus en 2016, après le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni en soulignant que les électeurs britanniques avaient « exposé l’Union européenne pour ce qu’elle est ».
Durant la campagne électorale, Heather Humphreys a critiqué Catherine Connolly pour ne pas avoir condamné la Russie après l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de Vladimir Poutine le 24 février 2022. « Je n’ai jamais hésité. Ce que je dis, c’est qu’un pays neutre comme le nôtre devrait dénoncer l’abus de pouvoir par quiconque – par la Russie mais aussi par l’Amérique » a-t-elle répondu.

« Catherine sera une présidente pour nous tous et elle sera ma présidente » a déclaré Heather Humphreys reconnaissant sa défaite. La future cheffe de l’Etat a été félicitée par le dirigeant du Fine Gael et vice-Premier ministre (Tanaiste) Simon Harris. « Je lui souhaite tout le succès possible. Son succès sera celui de l'Irlande ». Nombreux sont cependant les commentateurs politiques qui anticipent une montée des tensions et des conflits à venir entre la future présidente et le gouvernement

Agée de 68 ans et originaire de Galway, ouest de l’Irlande, Catherine Connolly est diplômée de psychologie clinique de l'université de Leeds et de droit de l'université de Galway. Elle a exercé en tant que psychologue clinicienne avant de devenir avocate en 1991.
En 1999, elle est élue au conseil municipal de Galway. En 2004, elle est élue maire de la ville. Membre du Parti travailliste, elle en démissionne en 2006 lorsqu'on lui refuse l'investiture pour succéder à Michael D. Higgins. Elle échoue ensuite à revenir au Dail Eireann aux élections législatives de 2007 comme de 2011 alors qu’elle se présente comme candidate indépendante. Elle sera élue lors du scrutin de 2016. Reconduite en 2020, Catherine Connolly devient alors vice-présidente du Dail Eireann jusqu’en 2024. Elle est la première femme à occuper ce poste en Irlande.

Après sa victoire à l’élection présidentielle, Catherine Connolly devient la troisième femme à accéder à la présidence d’Irlande. Les chefs d’Etat irlandais ont un rôle symbolique. Toutefois, les trois derniers chefs de l’Etat Mary Robinson (1990-1997), Mary McAleese (1997-2011) et Michael D. Higgins (depuis 2011) ont transformé et modernisé leur fonction à laquelle ils ont su donner une nouvelle dimension. « La présidence de Mary Robinson a marqué un tournant. Elle n'était pas particulièrement idéologique mais elle avait une visibilité beaucoup plus importante que ses prédécesseurs et était considérée comme un symbole de l'Irlande moderne. Son rôle est perçu comme unificateur » a précisé Gail McElroy, professeur de politique comparée du Trinity College de Dublin. 

Catherine Connolly sera investie présidente d’Irlande le 11 novembre. Parmi les premiers changements à venir : une plus grande utilisation du gaélique, deuxième langue nationale de l’Irlande, qui deviendra langue de travail à Aras an Uachtarain, résidence officielle du président d'Irlande.

[1] Après la révélation par le quotidien The Irish Independent du 4 octobre que Jim Gavin avait, à la fin des années 2000, d’une part, omis d’enregistrer un bien immobilier qu’il louait auprès de la commission des locations résidentielles et, d’autre part, jamais rembourser le trop-perçu de 3 300 euros qu’il avait reçu d’un de ses locataires. 

[2] Jim Gavin s’étant retiré de la course présidentielle après l’enregistrement officiel des candidatures, sa campagne électorale a été suspendue mais pas sa candidature. Il était donc possible de voter pour le candidat du Fianna Fail le 24 octobre, un choix qui était totalement valide.

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