Les Démocrates 66 (D66), parti libéral de centre gauche dirigé par Rob Jetten, sont arrivés en tête des élections législatives anticipées aux Pays-Bas le 29 octobre. Comme l’avaient anticipé les enquêtes d’opinion, D66 n’a cessé de croître dans les intentions de vote tout au long des derniers jours de campagne et a finalement devancé le Parti pour la liberté (PVV), parti radical de droite de Geert Wilders. D 66 a obtenu 16,89% et 26 sièges (+17 par rapport aux précédentes élections législatives du 22 novembre 2023) et le PVV, 16,75% et 26 sièges (- 11).

Geert Wilders, qui avait provoqué une crise politique en obligeant les ministres du PVV à quitter le gouvernement le 3 juin 2025, a donc perdu son pari. Il est défait dans les urnes et il a perdu sa position de chef d’orchestre de la scène politique néerlandaise.  Le scrutin législatif, anticipé de deux ans, était consécutif à la démission des ministres du PVV après que les partenaires de la coalition gouvernementale avaient refusé de souscrire au plan de réduction de l'asile et de l’immigration présenté par Geert Wilders.
Les partis de droite radicale (PVV, Forum pour la démocratie (FvD), conduit par Thierry Baudet et Juiste Antwoord 2021 (Réponse juste, JA21)) ont obtenu ensemble 26,57% des voix et 42 sièges, soit près d’un tiers de la chambre basse du Parlement. Juiste Antwoord 2021 a fait un bond en avant avec 5,95% des suffrages (+8). « Le résultat est plus fragmenté mais l'extrême droite reste un bloc important » a indiqué Benjamin Biard, chercheur au Centre de recherche et d'information socio-politiques (CRISP) de Bruxelles. En outre, la rhétorique anti-immigrés de Geert Wilders s’est diffusée dans le paysage politique et a été reprise par de nombreux partis. « La droite traditionnelle a adopté une vision des problèmes sociaux caractéristique de l’extrême droite. Elle met l’accent sur les différences culturelles entre les « Néerlandais » et les citoyens issus de l’immigration, qui sont désormais présentées comme la cause profonde de plusieurs de ces problèmes. C’est par exemple le cas pour la crise du logement attribuée aux demandeurs d’asile, aux expatriés et aux étudiants internationaux » a déclaré Sarah de Lange, professeur de science politique de l’université d’Amsterdam. 
Le dirigeant de D66, Rob Jetten, s'est engagé à consacrer davantage de fonds aux programmes d'intégration et à lutter contre l'immigration illégale en autorisant les demandes d'asile en dehors de l'Union européenne.

Les 2 partis traditionnels de droite – le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), dirigé par Dilan Yesilgoz, et l'Appel chrétien-démocrate (CDA), conduit par Henri Bontenbal, - sont à la peine. Le premier se maintient avec 14,24% des suffrages et 22 sièges (- 2). Le deuxième progresse en recueillant 11,79% et 18 sièges (+ 9), mais il avait obtenu le résultat le plus faible de son histoire lors des précédentes élections de novembre 2023 et il profite de l’effondrement du Nouveau Contrat social (NSC), créé par un ancien membre du CDA et dirigé par Nicolien van Vroonhoven, qui a obtenu 0,38% des suffrages et ne sera donc plus représenté à la chambre basse (- 20).

La situation n’est pas meilleure sur la gauche puisque la coalition formée par la Gauche verte et le Parti du travail (GL-PvdA) conduite par Frans Timmermans recule avec 12,67% des voix et 20 sièges (- 5). Frans Timmermans, ancien Commissaire européen à l'Action pour le climat (2019-2023), a démissionné de la tête de la coalition à l’annonce des résultats. Plus à gauche, le Parti socialiste (SP) emmené par Jimmy Dijk a obtenu 1,89% des suffrages et 3 élus (- 2) et Denk (DENK) de Stephan van Baarle, 2,42% des voix (3 députés, =).

Le Parti politique réformé (SGP) de Chris Stoffer et l'Union chrétienne (CU) dirigée par Mirjam Bikker ont recueilli respectivement 2,28% et 2,06% des voix. Les 2 partis ont remporté chacun 3 sièges (=). Le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), conduit par Caroline van der Plas, est en recul avec 2,66% des suffrages et 4 élus (- 3). 

La Deuxième chambre (Tweede Kamer der Staten-Generaal) est donc très fragmentée à l’issue du scrutin. 14 partis et 1 coalition (rassemblant 2 partis) y sont désormais représentés. « Il n'y a jamais eu une élection où pas un seul parti ne passe la barre des 30 sièges » a souligné l'historien Christophe de Voogd. D66, qui a remporté le résultat le plus élevé dans un scrutin législatif, a néanmoins obtenu le résultat le plus faible pour un parti arrivé en tête d’un tel scrutin. D66 arrive en tête dans les plus grandes villes du pays comme La Haye, Rotterdam, Utrecht ou Groningue, la coalition La Gauche verte-Parti du travail s’est imposée à Amsterdam et le PVV dans la majorité des zones rurales.
La participation a été légèrement supérieure à celle enregistrée lors des élections du 22 novembre 2023 : 78,40%, soit +0,8 point.

Résultats des élections législatives du 29 octobre 2025 aux Pays-Bas
Participation : 78,40%

Source : https://app.nos.nl/nieuws/tk2025/ 

« Nous l’avons fait ! » s’est réjoui Rob Jetten à l’annonce des résultats. « Je suis heureux que nous soyons devenus le premier parti de ces élections législatives. Un résultat historique pour les Démocrates 66. En même temps, je ressens une grande responsabilité (…) Nous avons montré non seulement aux Pays-Bas mais aussi au monde entier qu’il est possible de vaincre les mouvements populistes et d’extrême droite en faisant campagne avec un message positif pour notre pays » a-t-il déclaré, ajoutant « Des millions de Néerlandais ont voulu tourner la page Geert Wilders et dire adieu à une politique de négativité et de haine ». 

« Je veux ramener les Pays-Bas au cœur de l'Europe, car sans coopération européenne, nous ne sommes nulle part » avait souligné Rob Jetten après avoir voté. Il a mené une campagne électorale optimiste, progressiste et proeuropéenne avec un programme « aux antipodes de celui de Geert Wilders » selon les mots du politologue français Jean-Yves Camus. « Rob Jetten a pris à contre-pied la stratégie de nombreux partis traditionnels en Europe vis-à-vis de l’extrême droite » affirme Benjamin Biard. « La remontée des Démocrates 66 s'est jouée dans les deux dernières semaines de campagne. Les gens n'ont pas aimé le chaos créé par le précédent gouvernement et ils ont montré qu'ils aspirent à plus de stabilité » a analysé Sam van der Staak, directeur Europe de l’organisation intergouvernementale d'International Idea. 

Agé de 38 ans et originaire de Veghel, située dans le sud du pays, dans la province du Nord-Brabant, Rob Jetten est diplômé d’administration publique de l’université Radboud de Nimègue. Il a d’abord travaillé pour la compagnie ProRail, organisme public gérant le réseau ferroviaire néerlandais avant de se lancer dans une carrière politique. Il a été élu député lors des élections législatives du 15 mars 2017. Il est devenu chef du groupe parlementaire de D66 l’année suivante. En 2022, il est nommé ministre du Climat de de l’Energie dans le gouvernement de Mark Rutte (VVD), poste qu’il exercera durant 2 ans. En 2025, il a mené son parti à une victoire historique qui devrait lui permettre de devenir le prochain Premier ministre.

Rob Jetten a déclaré que sa priorité était désormais de former un gouvernement « stable et ambitieux ». La coalition la plus probable aux yeux des observateurs politiques rassemblerait D66 (26 élus), le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (22), l’Appel chrétien-démocrate (18 sièges) et la coalition Parti du travail-Gauche verte (20 élus), soit 86 députés au total. La majorité absolue à la Deuxième chambre du parlement est de 76 sièges.
Le VVD a exclu de collaborer avec la coalition emmenée par Frans Timmermans qu'elle considère trop radicale. La démission de ce dernier pourrait cependant faire évoluer sa position.
Les négociations pour former le futur gouvernement pourraient prendre un certain temps. Après les précédentes élections législatives du 22 novembre 2023, 223 jours avaient été nécessaires pour constituer une coalition gouvernementale.