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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 28 juillet dernier, la Commission électorale centrale annonçait que la prochaine élection présidentielle se tiendrait le 15 octobre en Azerbaïdjan. Conformément à la Constitution, celle-ci doit être fixée 75 jours avant la fin du mandat du Chef de l'Etat sortant et se dérouler le 3e mercredi du dernier mois de la Présidence en cours. 4 834 584 électeurs sont appelés aux urnes. La Commission électorale centrale a décidé de faire du jour du scrutin un jour férié.
Le 2 juin dernier, le Milli Majlis (Chambre unique du parlement) a modifié, par 100 voix contre 3 voix et 1 abstention, la loi électorale en vigueur. Cette dernière a porté à 40 000 le nombre de signatures requises pour pouvoir se porter candidat à la magistrature suprême (le chiffre était auparavant de 45 000), modifié les conditions des interventions médiatiques des candidats et réduit la campagne électorale de 120 à 75 jours, une décision que les autorités justifient par le fait qu'elle s'apparente à la durée en vigueur dans de nombreux pays (72 jours en Hongrie, 45 en Roumanie, 90 en Serbie et au Kazakhstan par exemple).
"Il est important d'améliorer la loi électorale mais il est nécessaire de faire preuve de réelle volonté politique et de parvenir à ce que tous - les autorités, l'opposition et la société civile - adhèrent aux valeurs démocratiques" a indiqué la Commission de Venise consultée sur la nouvelle loi électorale. La Commission s'est déclarée satisfaite du fait que la fraude électorale, la violation du secret du vote, le bourrage des urnes et la falsification de documents électoraux soient désormais reconnus comme des actes criminels. Le Centre de contrôle des élections (SMM), organisation non gouvernementale travaillant à l'amélioration du système électoral et à la démocratisation de la société, a en revanche regretté que les réformes demandées par l'Organisation de la coopération et de la sécurité en Europe (OSCE) n'aient pas été retenues, notamment celle portant sur la formation des commissions électorales.
La dynastie Aliev
Au pouvoir depuis 2003, année où il a succédé à son père Heydar, qui était en fonction depuis 1993, Ilham Aliev est le grand favori de l'élection présidentielle du 15 octobre. Celui en qui de nombreux analystes politiques ne voyaient en 2003 qu'une simple figure de transition a su s'imposer durant son mandat à la tête du pays comme au sein de sa majorité et perpétuer la politique de son père. En Azerbaïdjan, le pouvoir politique est concentré dans les mains du Président de la République. En 2005, Ilham Aliev a également remplacé son père à la tête du Parti du nouvel Azerbaïdjan (YAP), fondé par son père en 1992.
Plusieurs organisations internationales, dont le Conseil de l'Europe, ont régulièrement critiqué la lenteur de la démocratisation en Azerbaïdjan et le non-respect des droits de l'Homme par les autorités. Le 29 mai dernier, les Etats-Unis ont publié un rapport dans lequel ils constataient une détérioration de la situation des droits de l'Homme depuis 2007 en Azerbaïdjan. "L'élection présidentielle est importante pour l'Azerbaïdjan et pour l'Union européenne. Elle sera la première qui suit la signature du plan d'action entre Bakou et Bruxelles et elle constituera la base sur laquelle seront fondées nos futures relations" a indiqué le représentant de l'Union européenne pour le Caucase du Sud, Peter Semneby. "Il est indispensable de créer des conditions égales pour tous les candidats au scrutin notamment dans l'accès aux médias" a-t-il ajouté assurant que Bruxelles faisait de la liberté des médias un enjeu essentiel et était extrêmement concerné par le sort des journalistes emprisonnés dans le pays. Trois d'entre eux sont actuellement sous les verrous : Ganimat Zakhidov, rédacteur en chef d'Azadlyg, Sakit Zakhidov, journaliste satiriste et frère du précédent et Einulla Fatullaev, rédacteur en chef du journal Le réel Azerbaïdjan.
"L'élection présidentielle est une chance pour l'Azerbaïdjan de prouver que le pays est un leader démocratique dans la région et d'augmenter son influence dans le monde" a affirmé Anne Derse, ambassadeur des Etats-Unis à Bakou. 450 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) seront présents pour surveiller le déroulement du scrutin présidentiel du 15 octobre.
Ilham Aliev a centré sa campagne électorale sur ses succès économiques : il affirme avoir, en 5 ans, augmenté de 96% la croissance économique du pays, fait passer la pauvreté de 49% à 16% au sein de la population et créé 650 000 emplois. Les ressources naturelles de l'Azerbaïdjan (notamment le pétrole) sont, en effet, à l'origine de la croissance du PIB qui s'est élevé à 24,7% en 2007 (16,7% prévus pour 2008). Le pétrole représente plus de 50% du PIB, 60% du budget de l'Etat et près de la totalité (95%) des recettes des exportations. La manne pétrolière a permis au Président de développer les infrastructures et d'augmenter les salaires. La hausse des dépenses publiques a entraîné celle de l'inflation qui devrait atteindre 23% en 2008. Les analystes financiers prévoient toutefois une baisse pour l'an prochain (18%). Le futur Chef de l'Etat devra donc parvenir à trouver les moyens de maintenir la stabilité de la croissance économique dans un contexte international qui devrait rester marqué par la forte hausse des matières premières.
Enfin, Ilham Aliev, qui entretient des relations cordiales tant avec la Russie qu'avec les Etats occidentaux, devrait également profiter des tensions actuelles entre la Géorgie et la Russie, toute menace extérieure rassemblant inéluctablement le pays autour de son leader.
Le 2 août dernier, les 650 délégués du Parti du nouvel Azerbaïdjan ont désigné à l'unanimité Ilham Aliev comme le candidat du parti à l'élection présidentielle. "Ces 5 dernières années, j'ai essayé d'être digne de la confiance du peuple qui m'accordera de nouveau sa confiance lors du prochain scrutin. Et si je suis réélu, je défendrai les intérêts nationaux de l'Azerbaïdjan et je travaillerai à renforcer l'Etat" a déclaré Ilham Aliev ajoutant "L'élection présidentielle doit être juste et transparente et elle le sera". Le 6 août dernier, il a ordonné le retrait des rues des villes de tous les portraits le représentant ; "Ils ne sont pas nécessaires. Je me sens mal par rapport à ces portraits dont je n'ai pas besoin".
Le Président sortant est soutenu par les 2 partis gouvernementaux que sont Ana Vatan (Mère patrie) dirigé par Fazil Aghamaly et le Parti de la prospérité sociale, ainsi que par le Parti du bien-être social. Si Ilham Aliev devrait aisément remporter la prochaine élection présidentielle, le nombre de suffrages qu'il obtiendra permettra de mesurer sa légitimité.
L'élection présidentielle
Outre le Chef de l'Etat sortant, 9 autres personnes sont candidates à l'élection présidentielle du 15 octobre prochain (toutes n'ont pas encore été enregistrés par la Commission électorale centrale) :
1 Mais Gulaliev, leader du Parti vert ;
2 Gudrat Hasanguliev, président du Parti du front populaire de l'Azerbaïdjan unifié ;
3 Hafiz Hajiev, président du Parti Muasir Musavat ;
4 Fouad Aliev, président du Parti libéral démocrate ;
5 Igbal Agazade, président du Parti Umid (Espoir) ;
6 Gulamhusein Aliev, ancien président du Parti du front populaire de l'Azerbaïdjan qui l'a quitté le 8 août dernier pour se présenter en candidat indépendant ;
7 Alisa Agaiev, directeur du Centre de recherches juridiques, économiques et sociales ;
8 Sevinj Gulieva, infirmière à l'hôpital de Sumgayit ;
9 Fazil Gazanfaroghlu, président du Parti de la grande création, soutenu par la formation Adalat dirigée par Ilyas Ismavilov ;
10 Ilham Aliev, Président sortant.
L'opposition est très divisée et affaiblie par les ambitions personnelles de ses différents leaders. Aucun d'entre eux ne s'est jusqu'à présent montré capable de rassembler au-delà de son propre parti. Il est vrai que les forces d'opposition sont également soumises à de fortes pressions de la part des autorités en place, que l'accès aux médias leur est extrêmement difficile et qu'elles manquent cruellement de ressources financières. Le nombre élevé de candidats apparaît comme une garantie supplémentaire de succès pour le Président sortant.
"Notre but est de consolider les positions du parti dans la société. Si nous parvenons à sensibiliser une partie de la population à notre programme durant cette élection présidentielle, nous aurons gagné" a déclaré Mais Gulaliev, président du Parti vert. "Nous ne nous battons pas pour gagner cette élection" a-t-il ajouté affirmant qu'un résultat compris entre 7% et 10% constituerait une grande victoire.
Contrairement au parti écologiste, un grand nombre de partis politiques ont choisi de protester contre l'élection présidentielle qu'elles qualifient d'anti-démocratique en boycottant le scrutin. Isa Gambar, principal opposant à Ilham Aliev lors de la dernière élection présidentielle du 17 octobre 2003 (il avait obtenu 14% des suffrages, contre 76,80% pour Ilham Aliev) et président du parti Musavat (Egalité), a ainsi décidé de se retirer. "Participer au scrutin dans les conditions actuelles n'a aucun sens" a-t-il indiqué, dénonçant une compétition injuste. "L'Azerbaïdjan n'est pas un pays démocratique, les forces politiques ne sont pas égales, les amendements de la nouvelle loi électorale sont réactionnaires et la possibilité de transformer le régime en une démocratie est impossible" affirme le parti d'opposition. Musavat demande que l'opposition soit représentée à parité avec les autorités actuelles dans les commissions électorales. Ali Oruiev, leader du Parti de l'indépendance nationale, a fait un choix similaire tout comme le Parti du front populaire classique de Mirmakhmud Miraliogla, le Parti de la société ouverte fondé par Rasul Guliev en avril 2007 et dirigé par Akif Shahbzov, le Parti démocratique de Sardar Jalaloglu, le Parti de la solidarité civile, le Parti de l'établissement, le Parti de l'indépendance nationale, le Parti social-démocrate, le Forum public Pour l'Azerbaïdjan d'Eldar Namazov et Azadlig (Liberté) qui regroupe le Parti du front populaire d'Azerbaïdjan d'Ali Kerimli, le Parti des citoyens et du développement et Unité nationale.
Le Parti du nouvel Azerbaïdjan (YAP) voit dans le boycott l'expression de la peur d'une partie de l'opposition d'affronter Ilham Aliev. De nombreux observateurs internationaux tels que Heikki Talvitie, président de la mission de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), et Peter Semneby, représentant de l'Union européenne pour le Caucase du Sud, regrettent la décision des partis d'opposition.
Evénement notable toutefois : à l'initiative de Fouad Mustafaiev du Parti du front populaire qui a, cet été, lancé les négociations, plusieurs partis - Parti libéral, Parti du front populaire, Parti de la solidarité civile, Musavat et Forum public Pour l'Azerbaïdjan - se sont donc rassemblés au sein d'une nouvelle structure, le Centre démocratique des élections. Ensemble, ces partis ont signé le 5 septembre un document dans lequel ils reconnaissent le caractère illégitime de l'élection présidentielle du 15 octobre prochain. Le Parti de l'indépendance nationale, le Parti de la société ouverte et le Parti classique du front populaire ont refusé de se joindre à cette initiative.
Les analystes politiques émettent cependant de sérieux doutes sur la pérennité d'une union des partis d'opposition. "Les leaders de l'opposition ne sont pas capables de mettre leurs ambitions personnelles de côté et de s'unir" affirme le politologue Rasim Musabayov. "L'opposition arrive trop tard. Ce n'est plus le moment de discuter. L'opposition ne dispose d'aucune ressource, d'aucun moyen financier et d'aucun soutien de la population" déclare Zardusht Alizade, analyste politique. Leyla Alieva, politologue, se montre plus confiante et estime que l'union de l'opposition peut avoir un impact sur le scrutin, voire parvenir à créer une alternative. "Le problème, c'est que l'opposition n'a pas de réelle base sociale" indique t-elle. "L'opposition de droite est, dans la majorité des pays, soutenue par les agriculteurs, les milieux d'affaires et les groupes religieux. Mais ce n'est pas le cas en Azerbaïdjan où elle se tient à l'écart des groupes religieux pour ne pas être suspectée d'islamisme. Par conséquent, l'opposition est dépourvue de toute base sociale et ne bénéficie d'aucun soutien du peuple. Les forces de gauche connaissent le même problème" affirme Rasim Musabayov.
Selon l'enquête d'opinion réalisée par le Centre de recherche indépendant (ELS) et publiée le 2 septembre dernier, 88,9% des électeurs s'apprêtent à se rendre aux urnes le 15 octobre. 78,3% d'entre eux affirment qu'ils voteront en faveur d'Ilham Aliev. Une grande majorité des personnes interrogées déclarent avoir confiance dans le caractère démocratique du scrutin (70,9%) et la quasi-totalité estime vivre dans un pays stable tant au niveau politique que sur un plan socioéconomique (91,7%). Interrogés sur les enjeux qui leur semblent les plus importants, 68,2% citent le conflit du Nagorny Karabakh (territoire azerbaïdjanais occupé par l'Arménie depuis 1993 à la suite d'une guerre qui a opposé Bakou à Erevan ; les deux pays ne sont pas parvenus depuis lors à signer un accord de paix), 59,1% la lutte contre l'inflation, 52,2% les salaires et les retraites et 48,7% l'emploi.
Le nombre élevé de candidats tout comme l'absence de véritable alternative au pouvoir en place devraient permettre à Ilham Aliev, très populaire auprès de la population, de remporter haut la main l'élection présidentielle du 15 octobre prochain.
Rappel des résultats de l'élection présidentielle du 5 octobre 2003 en Azerbaïdjan
Participation : 71,50%
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