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Election présidentielle une nouvelle fois invalidée en Serbie faute d'une participation suffisante

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

8 décembre 2002
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

En dépit des nombreux appels au vote lancés de toute part durant la campagne électorale, seuls 43,88% des électeurs serbes se sont rendus aux urnes dimanche 8 décembre pour élire le nouveau Président de la République serbe, soit 6,12% de moins que le minimum nécessaire requis par la loi pour que le premier tour de cette élection soit déclaré valide par la commission électorale serbe. Une nouvelle fois, la troisième en cinq ans (élection présidentielle de 1997, du 13 octobre dernier et enfin du 8 décembre), le scrutin est donc invalidé, une invalidation qui ouvre la voie à une crise politique qui, dans un pays politiquement instable et déjà en proie à de nombreuses difficultés économiques et sociales, pourrait avoir de graves conséquences.

Le 4 décembre dernier, un groupe d'intellectuels, comprenant, entre autres, le cinéaste Emir Kusturica, appelait dans plusieurs quotidiens serbes les électeurs à se rendre aux urnes. « Nous donnons notre voix pour une Serbie démocratique. Rejoins-nous, va voter le 8 décembre » proclamait l'annonce. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait également pris la décision d'inciter les Serbes à se rendre aux urnes. « Les yeux de la communauté internationale seront braqués sur vous le 8 décembre » déclarait ainsi Mark Davison. Walter Schwimmer, secrétaire général du Conseil de l'Europe, appelait également le 6 décembre à « une participation massive de l'électorat afin d'exercer la démocratie ». Un appel relayé par Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne. Enfin, le Premier ministre Zoran Djindjic, après bien des tergiversations, s'était résolu à appeler les Serbes à se mobiliser pour l'élection présidentielle.

Le score élevé réalisé par Vojislav Seselj, président du Parti radical (SRS) qui bénéficiait du soutien de l'ex-Président Slobodan Milosevic, confirme l'image d'une Serbie coupée en deux. Si une partie des électeurs souhaite s'intégrer au plus vite au sein de la communauté internationale et voit dans la transition actuelle la meilleure façon de renforcer la démocratie, une grande partie des Serbes fait toujours confiance, après dix années de guerre et d'isolement international, aux plus extrémistes des leaders nationalistes. Ensemble, les deux candidats ultranationalistes totalisent près de 40% de suffrages. Quant à Vojislav Kostunica, il subit un véritable affront, remportant pour la deuxième fois en moins de deux mois l'élection présidentielle sans parvenir à être élu Président de Serbie.

Nombreux sont les électeurs qui se sont abstenus pour exprimer à la fois leur mécontentement face aux candidats en présence et leur lassitude envers leurs incessantes querelles de pouvoir. L'ensemble des acteurs de la scène politique serbe portent, à des degrés divers, la responsabilité de l'échec de ce nouveau scrutin. Et tout d'abord, les deux principales personnalités du pays, le Président de la République Fédérale de Yougoslavie Vojislav Kostunica et le Premier ministre de Serbie Zoran Djindjic, qui, en dépit de leur accord pour résoudre la crise politique, n'ont pas su, faute de l'avoir véritablement souhaité, mettre fin à leurs différends. Zoran Djindjic avait pourtant renoncé à présenter un candidat contre le Président yougoslave mais il n'a mobilisé ni ses partisans ni l'appareil de son parti en faveur de l'élection du seul candidat démocrate.

Vojislav Kostunica a accusé dimanche, après avoir déposé son bulletin dans l'urne, Zoran Djindjic de vouloir faire échouer l'élection en plaidant pour que le Président de la République serbe soit élu par le Parlement. Au même moment, le Premier ministre accusait le Président de Yougoslavie d'être « le seul responsable » de l'éventuel échec du scrutin. « Vojislav Kostunica a reçu une offre lui proposant mon soutien qu'il a rejetée dédaigneusement » a indiqué Zoran Djindjic qui avait pourtant souligné dans la semaine précédant le scrutin qu'il n'était nullement dans son intention de soutenir le Président yougoslave. Le Premier ministre, qui a cru bon de déclarer le jour même de l'élection qu'un éventuel nouvel échec « ne nuirait pas à l'image de la Serbie », risque néanmoins d'être la première victime de la crise politique, la majorité parlementaire dont dispose sa coalition gouvernementale s'effritant jour après jour.

La crise politique serbe pourrait également avoir des conséquences sur l'Etat voisin du Monténégro avec lequel un accord est finalement intervenu il y a quelques jours autour de la Charte constitutionnelle devant régir les relations entre les deux pays au sein du nouvel Etat de Serbie et Monténégro qu'ils formeront dès janvier prochain. Signalons d'ailleurs que, dans ce cadre, le poste de Président de la République fédérale de Yougoslavie actuellement occupé par Vojislav Kostunica est appelé à disparaître, les deux Républiques disposant chacune dans leur nouvelle union d'une autonomie plus grande. Le texte de la Charte constitutionnelle doit cependant encore être approuvé par les trois Parlements de la République fédérale de Yougoslavie, de Serbie et du Monténégro.

Dès dimanche soir, Vojislav Kostunica a contesté les résultats du scrutin. Le Président yougoslave affirme que les listes d'électeurs ont été trafiquées de façon à faire échouer l'élection présidentielle. « La liste des électeurs contient des défunts que Slobodan Milosevic a enterrés et que Zoran Djindjic a ressuscités » a-t-il déclaré ajoutant qu'environ 450 000 personnes présentes sur les listes étaient en situation irrégulière. « Si la liste avait été mise à jour, ne serait-ce que vaguement, la cote des 50% de participation aurait été atteinte » a conclu le Président yougoslave, faisant part de sa décision et de celle de sa formation (Parti démocratique de Serbie, DSS) de se pourvoir en justice. La commission électorale, qui comprend des membres du DSS, a annoncé samedi que 6 525 760 personnes étaient inscrites sur les listes électorales.

Officiellement, la présidente du Parlement, Natasa Micic, proche de Zoran Djindjic, assurera, pendant une période maximale de trois mois, l'intérim de la fonction présidentielle à l'échéance du mandat de l'actuel Président Milan Milutinovic, soit dès le 8 janvier 2003. Une éventualité que Vojislav Kostunica a qualifié de « véritable viol de la Constitution ». Après ce nouvel échec de l'élection présidentielle, plusieurs scénarios sont aujourd'hui possibles. Tout d'abord, une troisième élection présidentielle pourrait être organisée, le scrutin pouvant avoir lieu en février 2003. Deuxième possibilité, le Parlement pourrait voter un nouvel amendement à la loi électorale afin de supprimer, pour le premier tour cette fois, la clause rendant obligatoire une participation minimum de 50% des électeurs. Enfin, dès l'annonce de l'invalidation du scrutin, des proches de Zoran Djindjic ont laissé entendre que le Parlement pourrait rapidement modifier la Constitution et désigner lui-même le futur Président de la République, un mode de scrutin indirect auquel Zoran Djindjic a toujours été favorable. Le Premier ministre serbe a d'ailleurs déclaré à sa sortie du bureau de vote que la réforme politique dont le pays avait besoin de la façon la plus urgente était une modification de la Constitution. Il est vrai que l'actuel texte, rédigé en 1990 pour Slobodan Milosevic constitue un handicap sérieux au vote de nouvelles lois de réformes que le Parlement souhaiterait adopter, celles-ci se révélant très souvent inconstitutionnelles.

Vojislav Kostunica a menacé de provoquer des élections législatives anticipées. Cependant, sa formation, le Parti démocratique de Serbie, ne compte que quarante-cinq députés (sur un total de deux cent cinquante) et devrait donc, pour renverser le gouvernement, s'allier avec l'opposition formée des partisans de Vojislav Seselj et des membres du Parti socialiste de Slobodan Milosevic.

Pour l'heure, une seule chose paraît sûre : le 8 janvier prochain, à l'expiration de son mandat présidentiel, Milan Milutinovic, inculpé de crimes de guerre au Kosovo par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye, devrait faire l'objet d'une procédure judiciaire internationale en vue de son transfert au TPI. Quant au nom de son successeur à la tête de la Serbie, il faudra encore attendre quelques jours, voire quelques semaines, pour connaître les modalités et l'heure de sa désignation tant était grande la confusion régnant à Belgrade au lendemain de la deuxième élection présidentielle organisée en moins de deux mois.

Résultats de l'élection présidentielle serbe du 8 décembre:

Participation : 43,88%, soit une participation inférieure au minimum requis par la loi ; le scrutin est donc invalidé.

Source Commission électorale de Serbie

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