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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 27 juin dernier, le Président portugais Anibal Cavaco Silva (Parti social-démocrate, PSD) annonçait avoir choisi la date du 27 septembre pour l'organisation des élections législatives. La majorité des partis politiques consultés avait plébiscité ce jour. Le 26 juin, le gouvernement de José Socrates (Parti socialiste, PS) avait annoncé que les élections municipales auraient lieu le 11 octobre prochain. Seul le Parti social-démocrate, principal parti d'opposition, avait exprimé son souhait de voir les 2 scrutins se dérouler le même jour.
Le système politique portugais
Le Parlement portugais est monocaméral. Son unique Chambre, l'Assemblée de la République, compte 230 membres élus pour 4 ans au scrutin proportionnel de liste au sein de 20 circonscriptions.
Actuellement, 5 partis politiques sont représentés au Parlement :
- le Parti socialiste (PS) du Premier ministre José Socrates. Fondé en 1973, le parti détient la majorité absolue au Parlement avec121 sièges ;
- le Parti social-démocrate (PSD), principal parti d'opposition créé en 1974 dirigé depuis un an par l'ancienne ministre des Finances, Manuela Ferreira Leite, compte 75 députés ;
- le Parti populaire (PP), ancien Centre démocrate social/Parti populaire (CDS/PP), membre de l'opposition et dirigé par Paulo Portas, possède 12 sièges ;
- le Parti communiste (PCP), emmené par Jeronimo de Sousa, compte 14 députés ;
- le Bloc des gauches (BE), dirigé par Francisco Louca, séduit les électeurs jeunes et urbains notamment ceux vivant à Lisbonne et à Porto. Il possède 8 sièges.
Les Portugais élisent également leur Président de la République au suffrage universel tous les 5 ans. Anibal Cavaco Silva (PSD) a été élu le 22 janvier 2006 dès le 1er tour de scrutin avec 50,59% des suffrages, devenant le premier Président libéral depuis la Révolution des œillets du 25 avril 1974 qui avait marqué la chute de la dictature établie par Antonio Oliveira Salazar en 1932. Il a succédé à José Sampaio (PS).
Les enjeux des élections
Le gouvernement du Premier ministre José Socrates a survécu durant la législature qui s'achève à 4 motions de censure, la dernière ayant été déposée le 17 juin, soit 3 mois avant les élections législatives. En cette année électorale chargée pour le Portugal (européennes, législatives et municipales) et de crise économique internationale, le gouvernement a dû mettre sa politique de rigueur entre parenthèses et prendre des mesures sociales.
Comme son voisin espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero (Parti socialiste ouvrier, PSOE), José Socrates a contribué durant les 4 dernières années à faire bouger la société portugaise. Le 11 février 2007, 59,25% des électeurs ont ainsi voté en faveur de la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse lors d'un référendum organisé par le gouvernement. Jusqu'à cette date, l'avortement était interdit et passible, à l'exception des cas de viol, de danger pour la vie de la mère et de malformation du fœtus, d'une peine allant jusqu'à 3 ans de prison pour les femmes qui y avaient recours. Le 8 mars 2007, le Parlement a voté la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse.
La défense du mariage homosexuel constitue l'un des autres combats du Chef du gouvernement. En janvier dernier, José Socrates s'est engagé à inscrire le mariage homosexuel dans son programme électoral pour les élections législatives du 27 septembre. "Je pense que nous rendrons les gens plus heureux, même s'il s'agit d'une minorité, nous serons tous plus heureux" déclarait le Premier ministre au Parlement en février dernier. "Vu que certains pays ont déjà franchi ce pas, je ne vois aucune raison pour que nous ne le fassions pas ici. Lorsque l'on met fin à une discrimination, c'est toute la société qui est meilleure, pas seulement ceux qui font l'objet de cette discrimination" avait-il ajouté. Le Parlement a rejeté en octobre 2008 deux propositions de loi autorisant le mariage homosexuel (17 députés l'ont approuvé). Les partis d'opposition, mais également le Parti socialiste, qui estime que la société portugaise "n'est pas encore mûre" sur ce sujet, ont voté contre. De son côté, la Conférence épiscopale (CEP) a appelé les électeurs chrétiens à respecter les valeurs morales qu'elle défend, et notamment l'opposition au mariage homosexuel, lors du scrutin législatif. "L'électeur chrétien ne peut trahir sa conscience lors du vote. Les options politiques des catholiques doivent être conformes aux valeurs de l'Evangile" peut-on lire dans la note publiée fin avril dernier par la Conférence épiscopale.
Toujours dans le domaine sociétal, le gouvernement de José Socrates a fait voter une loi sur le divorce sans consentement de l'un des conjoints qui est entrée en vigueur en décembre 2008.
Donné gagnant par les instituts d'opinion jusqu'aux élections européennes du 7 juin dernier, le Premier ministre se bat pour le renouvellement de son mandat à la tête du gouvernement. Lors de son arrivée au pouvoir en février 2005, il avait immédiatement mis en oeuvre une politique d'austérité, effectuant des coupes dans certains budgets sociaux, poursuivant les privatisations et faisant voter des mesures impopulaires comme la hausse de la TVA, le gel des carrières des fonctionnaires ou encore le relèvement de l'âge de la retraite. Le gouvernement socialiste avait en partie atteint son objectif, à savoir le redressement des finances publiques, en réduisant le déficit public, supérieur à 6% en 2005, à 2,2% en 2008. La crise économique internationale a malheureusement réduit à néant pratiquement tous les efforts des Portugais depuis 3 ans. Pour l'heure, la volonté de réduction du déficit public a été suspendue. Selon les estimations des économistes, celui-ci devrait toutefois rester stable en 2009, c'est-à-dire inférieur à 3% et donc conforme à ce qu'exige le Pacte de stabilité et de croissance européen.
La campagne électorale
Les questions socioéconomiques figurent au cœur des débats. La croissance du PIB, égale à 0% en 2008, devrait être négative cette année (- 4,1%) ainsi qu'en 2010 (- 0,3%). L'Institut national des statistiques (Ine) a indiqué, le 13 août dernier, que contrairement aux prévisions et après 3 trimestres consécutifs de baisse, le Portugal avait enregistré une légère croissance lors du 2e trimestre 2009 (+ 0,3%). "Le Portugal est l'un des premiers pays européens à sortir de la récession économique" a déclaré le Premier ministre José Socrates.
Les analystes économiques se montrent toutefois inquiets pour le long terme, le pays souffrant de déficits publics élevés, d'un fort endettement et d'une faible compétitivité. "Pour la période 20011-2017, l'Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) prévoit une croissance du PIB de 1,5%, largement au-dessous de la moyenne de l'Union européenne" selon Jeremy Lawson, économiste en charge du Portugal au sein de l'OCDE. Le taux de chômage atteint 9,3%, soit son taux le plus élevé depuis 1987, alors que la protection sociale est notoirement insuffisante et l'emploi particulièrement précaire. Le Portugal souffre de la concurrence des Etats d'Europe centrale et orientale dans lesquels les entreprises sont plus proches de leurs marchés (le Portugal est desservi par sa situation géographique) et la main d'œuvre plus qualifiée. Moins d'un quart des Portugais ont achevé le cycle d'enseignement secondaire pour environ les 2/3 en moyenne de l'Union européenne.
Le Parti socialiste a tenté de reprendre l'initiative politique en présentant, début août, son programme électoral qui comprend plusieurs mesures sociales (aide aux handicapés et aux familles vivant sous le seuil de pauvreté, réduction de moitié du salaire minimum requis pour qu'un immigré ait droit à une carte de résident) et un accroissement des investissements publics dans des projets d'infrastructures (trains à grande vitesse et aéroports). La mesure la plus remarquée est le versement d'une allocation chômage à 25 000 personnes actuellement sans emploi et qui ne bénéficient d'aucune aide sociale (en majorité des jeunes). L'application du programme du Parti socialiste est cependant mise à mal par l'ampleur de la détérioration des finances publiques.
Le Parti social-démocrate a préféré repousser la présentation de son programme électoral au mois de septembre. Il a cependant d'ores et déjà indiqué qu'il souhaitait mettre un frein aux investissements publics afin de ne pas faire augmenter la dette. Le Premier ministre José Socrates a ironisé sur l'absence de programme de son principal rival à un mois du scrutin et qualifié son message de "triste et misérable". Il a déclaré que l'opposition était dominée par "le pessimisme, la résignation et la paralysie". "Sur l'avenir, ils n'ont rien à dire aux Portugais" a déclaré José Socrates. Le Chef du gouvernement a enfin reproché à "la droite conservatrice et la gauche radicale" d'avoir pour seul objectif "d'attaquer le Parti socialiste". La question de sa (ses) future(s) alliance(s) gouvernementale(s) est cependant centrale pour le Parti socialiste qui, dans l'éventualité où il arriverait en tête des élections législatives du 27 septembre, devra trouver des partenaires avec lesquels former le gouvernement. La gauche portugaise est divisée et le Parti communiste et le Bloc de gauche semblent peu enclins à se rapprocher du PS actuellement au pouvoir.
Contre toute attente et contrairement à ce qu'avaient annoncé l'ensemble des instituts d'opinion, le Parti social-démocrate est arrivé en tête aux élections européennes du 7 juin dernier, recueillant 31,71% des suffrages (8 sièges au Parlement de Strasbourg), tandis que le Parti socialiste, donné gagnant par tous les sondages la veille du scrutin, obtenait 26,58% des voix (7 sièges). Le Parti populaire, qui avait fait liste commune avec le Parti social-démocrate lors du précédent scrutin européen du 13 juin 2004, a recueilli 8,37% des suffrages (2 sièges). Ces élections ont été marquées par une poussée de l'extrême gauche : la Coalition Parti communiste-Verts a obtenu 10,70% des voix et 3 sièges et le Bloc des gauches a recueilli 10,65% des suffrages et 2 sièges.
A l'issue de l'annonce des résultats qu'il a qualifiés de "très en deçà des attentes", le Premier ministre José Socrates a indiqué que ceux-ci "rendaient la tâche plus difficile pour les élections législatives". Il s'est néanmoins refusé à envisager toute modification de la politique de son gouvernement. "Ce n'est pas mon genre d'adapter ma politique en fonction des difficultés. Nous allons maintenir notre cap et notre stratégie " a-t-il indiqué. "C'est une défaite personnelle de José Socrates" a déclaré la tête de liste du PSD aux élections européennes, Paulo Rangel, ajoutant que "cette victoire est la première d'un nouveau cycle électoral". "Ces élections européennes étaient des primaires et le parti au pouvoir ne peut ignorer la part très significative du vote protestataire" a souligné le politologue Manuel Meirinho, affirmant que "le Parti socialiste doit assumer le changement".
Le PS a été traversé par de multiples tensions durant les mois précédant le scrutin européen. Certains de ses membres ont dénoncé la droitisation du parti et sa mauvaise gestion des conflits sociaux, notamment ceux qui ont agité l'éducation et de la santé, secteurs qui rassemblent de nombreux sympathisants socialistes. Le soutien du Premier ministre José Socrates à un deuxième mandat de José Manuel Barroso (ancien Premier ministre du Portugal entre 2002 et 2004 et membre du PSD) à la tête de la Commission européenne a également été dénoncé par de nombreux socialistes et a nui à la clarté du message et de la campagne électorale du PS. Contrairement au Chef du gouvernement, la tête de liste socialiste de ces élections européennes, Vital Moreira, avait indiqué qu'en cas de victoire des socialistes européens, il voterait en faveur du candidat que devait "logiquement" présenter le Parti socialiste européen (PSE). "Le Parti socialiste s'est tiré une balle dans le pied. Cette décision (le soutien à José Manuel Barroso) est d'une extraordinaire irresponsabilité et va inciter à l'abstention" avait déclaré l'ancien Président de la République (1986-1996) et fondateur du Parti socialiste, Mario Soares ajoutant "Il est incroyable qu'un Parti socialiste soutienne un représentant du Parti populaire européen (PPE) et surtout José Manuel Barroso, ami de George Bush et hôte du "sommet de la honte" qui, en 2002, aux Açores, a décidé de la guerre en Irak contre la volonté écrasante d'une majorité de la population".
"Cela ne sera pas facile pour les socialistes de remporter les élections législatives. Ils savent maintenant qu'ils ne pourront obtenir la majorité absolue au Parlement" déclarait l'éditorialiste de la station de radio Renascenca, Francisco Sarsfield Cabral. Cependant, un scrutin n'est pas l'autre et la forte abstention (62,97%) brouille quelque peu la lecture du résultat des élections européennes. José Manuel Fernandes, directeur du quotidien Publico, affirme que le scrutin de juin dernier a été "l'occasion de faire passer un message sans en payer le prix ". Les élections législatives ne seront probablement pas une simple copie des européennes de juin dernier.
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