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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Les élections législatives hongroises qui se sont déroulées les 7 et 21 avril 2002 ont été marquées par une participation record : 70,43% au premier tour et 73,47% au second. Jamais encore depuis les premières élections libres de 1990, les Hongrois ne s'étaient déplacés si nombreux pour aller voter. A titre de comparaison, on rappellera que seuls 56,26% de la population s'était déplacée pour les précédentes élections législatives de mai 1998. Une participation extraordinaire donc qui, selon les mots de Peter Medgyessy, tête de liste de l'opposition socialiste vainqueur des élections et futur Premier ministre, « donnera une forte légitimité au prochain gouvernement ».
Le système politique hongrois
Les Hongrois renouvelaient cette année leur Assemblée nationale, chambre unique du Parlement composée de 386 députés élus pour quatre ans. L'Assemblée élit le Président de la République (Ferenc Madl, candidat des trois partis du centre droit jusque là au pouvoir, a été élu le 6 juin 2000) et le Premier ministre mais également les membres de la Cour Constitutionnelle, les porte-paroles des minorités nationales et ethniques, le président de la Cour suprême et le procureur général de la République. Le système politique hongrois est l'un des plus complexes de toute l'Europe. Trois voies sont possibles pour être élu à l'Assemblée nationale : la circonscription individuelle, la liste régionale ou la liste nationale des partis politiques. Chaque citoyen effectue ainsi un double vote : il choisit d'une part l'un des candidats présentés dans sa circonscription et, d'autre part, une formation politique dans la liste régionale. La liste nationale est en fait une liste de compensation, les candidats étant élus en fonction du surplus de voix après les deux votes effectués par les électeurs. Enfin, pour être représenté au Parlement, un parti doit obtenir au minimum 5% des suffrages exprimés.
Huit partis nationaux étaient en lice pour le premier tour des législatives du 7 avril.
- Le FIDESZ-MPP (Fédération des jeunes démocrates-Parti civique hongrois) du Premier ministre Viktor Orban, au pouvoir depuis quatre ans et disposant de 147 sièges dans le Parlement sortant. Créé en 1988 par des étudiants anti-communistes, la FIDESZ est aujourd'hui un parti conservateur de centre droit.
- Le MSZP (Parti socialiste) est issu du parti communiste au pouvoir jusqu'à la chute du communisme et constitue la principale force d'opposition. Au pouvoir de 1994 à 1998, le parti a procédé à la libéralisation de l'économie et réussi à attirer 40% du total des investissements en Europe centrale.
- Le SZDSZ (Alliance des démocrates libres) regroupe les libéraux de gauche et est l'allié naturel du Parti socialiste.
- Le MIEP (Parti de la justice et de la vie hongroise) est une formation nationaliste d'extrême droite, comptant 14 députés dans le Parlement sortant. Le parti a soutenu le gouvernement du FIDESZ sans toutefois y participer.
- Le FKGP (Parti des petits propriétaires indépendants) faisait partie de la coalition sortante avant que son leader Jozsef Torgyan, mêlé à plusieurs scandales, ne démissionne de son poste de ministre de l'Agriculture.
- Le Centrum est une formation récente créée en novembre 2001 et regroupe des démocrates chrétiens et des Verts.
- Le Munkaspart (Parti travailliste) représente les communistes, son programme est anti OTAN et anti Union européenne.
- Le Uj Baloldal (Parti de gauche), créé en septembre 2001, défend les idées démocratiques et soutient le FIDESZ.
La campagne
A la veille du premier tour, le gouvernement et l'opposition étaient au coude à coude dans tous les sondages d'opinion. Soutenu par des conservateurs de l'Union européenne comme Silvio Berlusconi, José Maria Aznar, le Bavarois Edmund Stoiber et l'Autrichien Wolfgang Schüssel, le Premier ministre Viktor Orban a centré sa campagne sur les (bons) résultats économiques de son gouvernement : durant les quatre ans de son mandat, le taux de croissance a été de 4% en moyenne, le taux de chômage a baissé jusqu'à 5,7%, l'inflation a été ramenée sous la barre des 6% et la monnaie nationale, le florint, s'est appréciée de 8% depuis un an. De son côté, les socialistes et l'Alliance des démocrates (MSZP et SZDSZ) ont tenté de convaincre qu'ils pouvaient faire mieux que les conservateurs, notamment en portant la croissance de 4 à 6% d'ici 2005 une fois la Hongrie entrée dans l'Union européenne et en réduisant les inégalités sociales tout en menant à son terme la libéralisation de l'économie. L'opposition a reproché à Viktor Orban d'avoir divisé le pays en assimilant les socialistes aux communistes au pouvoir avant 1990 et d'avoir terni l'image de la Hongrie à l'étranger en flattant le vote nationaliste. En juin 2001, le Parlement a en effet adopté un texte offrant aux quelques 3,5 millions de « Hongrois de souche » vivant hors du pays différents avantages tels que le droit de travailler annuellement pendant trois mois en Hongrie et de recevoir des soins médicaux ainsi que l'accès gratuit aux universités du pays. Après de nombreuses protestations des pays voisins, cette loi a finalement été étendue en décembre à l'ensemble des Roumains. Une mesure qui n'a cependant pas calmé l'inquiétude de la population hongroise. Début 2002, Viktor Orban s'est également brouillé avec la République Tchèque en demandant la révision des décrets Benes, adoptés par la Tchécoslovaquie après la deuxième guerre mondiale et qui ont déchu de leur nationalité et exproprié des millions d'Allemands des Sudètes et de « Hongrois de souche » .
A l'issue du premier tour, l'opposition socialiste est arrivé d'une courte tête devant le FIDESZ : le MSZP recueillant 42,04% des voix contre 41,11% aux conservateurs. L'événement de ce premier tour reste toutefois le faible score du parti d'extrême droite le MIEP qui avec 4,36% des voix ne franchit pas la barre fatidique des 5% et ne peut donc être représenté à l'Assemblée. En revanche, avec 5,5% des voix, le SZDSZ (Alliance des démocrates libres) est en mesure de former un groupe parlementaire et de s'allier avec les socialistes.
Résultats du premier tour des élections législatives (7 avril 2002)
participation : 70,43%

Toutefois, si les sondages donnaient (de peu) la victoire à l'opposition lors du deuxième tour, les choses étaient loin d'être jouées compte tenu de la complexité du système politique hongrois. La voie choisie par Viktor Orban d'élargir sa base de son parti a finalement affaibli les petites formations de droite avec lesquelles il aurait pu envisager de former une coalition. Si la droite recueille au premier tour le plus grand nombre de voix de son histoire, abordant le deuxième tour sans possibilité d'alliance, ses chances de l'emporter étaient toutefois réduites.
Entre les deux tours, la campagne s'est nettement durcie, le cabinet du Premier ministre reconnaissant qu'il était à l'origine de l'envoi d'un courrier électronique invitant à diffuser des rumeurs contre l'opposition. La Bourse, séduite par le programme économique des socialistes prévoyant la privatisation des dernières parts détenues par l'Etat dans l'industrie pétrolière et pharmaceutique, a réservé un accueil enthousiaste aux résultats du premier tour enregistrant une hausse de trois cents points dès le 8 avril. Les investisseurs avaient par ailleurs fort peu appréciés le blocage des prix du gaz de chauffage et des médicaments décidés par le Premier ministre Viktor Orban quelques mois plus tôt. De même, le « patriotisme économique » du gouvernement qui a permis la renationalisation de certaines sociétés a fini par inquiéter les investisseurs étrangers. Situation paradoxale donc et propre aux pays de l'Europe centrale où les marchés apportent leur soutien au Parti socialiste pour son programme économique préconisant privatisations et développement des fonds de pension privés et se positionnant contre les forces conservatrices plus étatistes. Jusqu'au dernier moment, le FIDESZ a tenté de mobiliser les électeurs ruraux et surtout axé de plus en plus sa campagne sur le nationalisme accusant l'opposition de manquer de patriotisme. « Notre patrie, c'est davantage que les dix millions de Hongrois vivant à l'intérieur de nos frontières » a déclaré Viktor Orban le 13 avril faisant allusion au Traité de Trianon de 1920 qui a privé la Hongrie des deux tiers de son territoire. La défense de l'identité magyare a détérioré les relations de la Hongrie avec ses pays voisins et fini par inquiéter l'Union européenne.
Néanmoins, le nationalisme de Viktor Orban ne lui a pas permis de rassembler autour le lui une majorité de Hongrois. Avec 51,3% des voix, le MSZP (Parti socialiste) et son allié le SZDSZ (Alliance des démocrates libres) remportent finalement le deuxième tour des élections législatives, le FIDESZ réalisant pour sa part un score de 48,7%. Et ratant de cinq sièges seulement la majorité Les socialistes héritent d'un pays divisé comme il ne l'a jamais été depuis la chute du communisme mais qui reste l'un des leaders économiques de l'Europe centrale et le plus florissant des pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne. Aujourd'hui, la Hongrie a déjà réglé vingt-quatre chapitres de négociation avec Bruxelles sur les vingt-neuf ouverts et, selon les sondages, les Hongrois sont à 70% favorables à l'intégration de leur pays dans l'Union. Vice-Premier ministre du dernier gouvernement communiste de 1987 à 1990 et membre du comité central du parti reconverti dans la banque, Peter Medgyessy, 59 ans, sera le prochain Premier ministre hongrois. Ministre des Finances de 1996 à 1998 sous le gouvernement de coalition socialiste-libérale de Gyula Horn, il n'est membre d'aucune formation politique et se présente comme un social-démocrate proche de Tony Blair et Gerhard Schröder. Son équipe devrait d'ailleurs compter plusieurs ministres n'appartenant pas au Parti socialiste.
Les Hongrois ont une nouvelle fois choisi l'alternance et éconduit le gouvernement sortant faisant dire à certains analystes qu'il n'existe pas encore de formations politiques stables dans les pays de l'Europe centrale et orientale. Si les partis, tous récents, connaissent quelques difficultés à définir leur identité, il reste que les Hongrois en se rendant massivement aux urnes lors des deux tours des élections législatives ont montré leur fort attachement à la démocratie. Une démocratie récemment acquise que le Premier ministre sortant Viktor Orban a tenu à plébisciter dimanche en reconnaissant sa défaite et en demandant à ses partisans d'accepter le résultat du vote : « La Hongrie est démocratique et je veux que vous en preniez conscience, calmement, en silence et avec dignité » a t-il déclaré à l'issue de sa défaite.
résultats du deuxième tour des élections législatives (21 avril 2002)
Taux de participation : 73,47%

Rappel des résultats des élections législatives des 10 et 24 mai 1998
Taux de participation : 56,26%

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