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Victoire surprise de l'opposition de droite au deuxième tour des élections législatives

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 octobre 2004
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

A l'issue du deuxième tour des élections législatives lituaniennes, la coalition des deux formations de droite, l'Union de la patrie-Conservateurs (TS-LK) et l'Union libérale-Union du centre (LLC-LSC), a remporté quarante-trois des cent quarante et un sièges du Seimas (Parlement lituanien), s'imposant comme la première force politique du pays. L'Union de la patrie-Conservateurs améliore de quatorze sièges son nombre de sièges gagnés lors du premier tour, l'Union libérale-Union du centre de onze sièges.

Le Parti du travail (DP), emmené par Viktor Ouspaskitch et grand gagnant du premier tour des élections législatives (vingt-deux sièges), remporte trente-neuf sièges et s'impose comme la première formation du Seimas, enregistrant la plus forte progression de l'ensemble des formations en lice pour ce scrutin entre les deux tours (+ dix-sept sièges). « Nous avons encore aujourd'hui la possibilité de lutter pour la majorité absolue au Parlement et pour le poste de Premier ministre. Nous allons consacrer tout notre temps et toute notre énergie pour atteindre ce but » affirmait le leader populiste à la veille du deuxième tour. Un objectif que le Parti du travail n'est pas parvenu à concrétiser ; isolé sur la scène politique et sans soutien d'aucune autre formation, il ne devrait pas être en mesure de participer au futur gouvernement.

La Coalition « Nous travaillons pour la Lituanie », formée par le Parti social-démocrate (LSDP) et le Parti social-libéral (SL), recueille trente et un sièges, soit quinze de plus que lors du premier tour. La Coalition « Pour l'ordre et la justice » formée par l'ancien Président de la République récemment destitué, Rolandas Paksas (Parti libéral démocrate), obtient dix sièges (+ un par rapport au 10 octobre dernier). Enfin, le Parti des paysans-Parti de la nouvelle démocratie (LVP-NDP), emmené par Kazimiera Danute Prunskiene, enverra dix députés au futur Parlement.

La participation a été particulièrement faible pour ce deuxième tour où seuls quatre électeurs sur dix se sont rendus aux urnes (40%), soit 3,29 points de plus que lors du premier tour le 10 octobre dernier. 8,06% des électeurs avaient choisi de voter par correspondance, établissant ainsi un nouveau record pour ce type de vote. Rappelons que 7,60% de Lituaniens avaient voté de cette façon lors du premier tour.

« Mon intuition me dit qu'une coalition avec le Parti du travail n'est pas possible. Nous avons déjà commencé des négociations avec les partis de droite » a déclaré le lendemain du scrutin le Premier ministre sortant, Algirdas Mykolas Brazauskas, évoquant une coalition avec les formations de droite. « Il y a une possibilité pour une large coalition » a affirmé de son côté, le leader de l'Union de la patrie-Conservateurs (TS-LK), laissant entendre qu'il était prêt à discuter avec les formations sociales-démocrates. Jusqu'à la veille du deuxième tour des élections, Andrius Kubilus, qui avait néanmoins proposé que sa formation soutienne les sociaux-démocrates dans les circonscriptions où ceux-ci étaient opposés aux candidats du Parti du travail, s'était pourtant déclaré réticent à toute idée de coalition avec les partis de gauche au pouvoir, déclarant que sa formation n'entrerait au gouvernement que si elle pouvait y « défendre les valeurs de la droite ». « Il y a une possibilité d'une large coalition mais nous n'allons pas abandonner nos valeurs au cours des négociations », a déclaré lundi 25 octobre Andrius Kubilus, ajoutant « Il est évident que les partis de droite ont gagné ces élections, si bien qu'ils devraient avoir la priorité pour former la nouvelle coalition ».

La crainte de voir la Lituanie dirigée par un homme possédant des liens très étroits avec la Russie a donc conduit les partis, effrayés par une éventuelle influence de Moscou dans la République balte, à tenter d'aplanir leurs différences et à faire front commun pour trouver un accord leur permettant de barrer le chemin du pouvoir au leader de la formation populiste.

La désignation du futur Premier ministre ne devrait cependant pas être aisée, Algirdas Mykolas Brazauskas, soutenu par le président du Seimas, Arturas Paulauskas, ayant rappelé à plusieurs reprises qu'il était bien décidé à conserver son poste. Le Président de la République, Valdas Adamkus, a également apporté son soutien au Premier ministre sortant. « Le gouvernement dirigé par Algirdas Mykolas Brazauskas n'a pas été durement sanctionné, il a fait ses preuves et je ne vois pas d'obstacle à ce qu'il continue s'il obtient un mandat de la population lituanienne » a-t-il déclaré. Valdas Adamkus avait annoncé précédemment qu'il n'avait pas l'intention de désigner Viktor Ouspaskitch à la tête du gouvernement, sauf si celui-ci obtenait une victoire écrasante au deuxième tour. Rappelons qu'une enquête d'opinion réalisée mi-octobre par Baltijos Tyrimai indiquait que les deux tiers des Lituaniens (66%) souhaitaient le départ des sociaux-démocrates. Ce sondage mettait également à jour le fait qu'environ un quart des sympathisants des formations de droite (23% des proches de l'Union libérale-Union du centre et 22% de ceux de l'Union de la patrie-Conservateurs) étaient en revanche favorables au maintien du gouvernement sortant. Lundi, Algirdas Mykolas Brazauskas a évoqué l'idée de former un gouvernement minoritaire qui comprendrait le Parti social-démocrate, le Parti social-libéral et l'Union libérale-Union du centre.

Viktor Ouspaskitch ne semble plus croire à la possibilité pour sa formation d'intégrer le futur gouvernement. « Nous ne cesserons pas d'exister en nous asseyant sur les bancs de l'opposition » a t-il déclaré dimanche soir. Le dirigeant populiste a signé lundi 25 octobre un accord avec Kazimiera Danute Prunskiene, présidente du Parti des paysans et du Parti de la nouvelle démocratie, en vue de la formation d'un large groupe parlementaire situé au centre sur l'échiquier politique. Les deux leaders ont invité les autres formations, en particulier l'Union libérale-Union du centre, à les rejoindre. Kazimiera Danute Prunskiene a qualifié une éventuelle coalition arc-en-ciel « d'anormalité politique ». Selon elle, une coalition ne peut s'établir qu'entre des partis partageant les mêmes programmes ; « Une coalition doit être logique du point de vue politique. Une coalition arc-en-ciel pourrait détruire l'ensemble des repères politiques des électeurs comme l'idée de gauche et de droite » a-t-elle souligné.

Une coalition arc-en-ciel à la tête de la Lituanie ne constituerait cependant pas une totale nouveauté au sein de l'Union européenne. La Finlande et l'Estonie sont gouvernées par des coalitions alliant les libéraux du Parti du centre (KESK) et le Parti social-démocrate (SDP) en Finlande et trois partis (Res Publica, le Parti de la réforme ER et l'Union pour la patrie I) en Estonie. Jusqu'en 2003, la Belgique a également eu un gouvernement arc-en-ciel regroupant le Mouvement réformateur (MR), les libéraux et démocrates flamands (VLD), le Parti socialiste wallon (PS), le Parti socialiste flamand (SP.A) et enfin les écologistes d'Ecolo (wallons) et d'Agalev (flamands).

Le nouveau Parlement lituanien, que le Président de la République, Valdas Adamkus, a exhorté à « se tourner vers le peuple » et à « être davantage concentré sur les questions internes », se réunira le 10 novembre prochain. Le Seimas disposera ensuite de deux semaines pour se prononcer sur la composition du gouvernement qui lui sera proposé par le Président.

Résultats du deuxième tour des élections législatives du 24 octobre 2004 en Lituanie

Participation : 40%

Source Commission électorale lituanienne

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