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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Comme leurs voisins ukrainiens, les Roumains ont défilé dimanche soir sous des drapeaux oranges place de l'Indépendance à Bucarest et dans les rues de Timisoara, Brasov et Cluj pour fêter l'élection du candidat de l'Alliance Justice et vérité (DA), Traian Basescu, à la Présidence de la République.
Contrairement à ce que prévoyaient l'ensemble des enquêtes d'opinion, qui donnaient Adrian Nastase, Premier ministre, vainqueur avec environ cinq points d'avance sur son rival, Traian Basescu est devenu dimanche 12 décembre, avec 51,23% des suffrages, le nouveau Président de la République roumaine. « C'est la volonté du peuple roumain qui m'a donné cette solide victoire » a déclaré le leader de l'opposition à l'annonce des résultats proclamés seulement lundi matin, ils étaient en effet restés serrés durant toute la nuit.
Traian Basescu a su mobiliser les électeurs de grandes agglomérations, et principalement ceux de la capitale Bucarest, dont il est le maire, Adrian Nastase ayant visiblement fait le plein de ses voix dès le premier tour le 28 novembre dernier. Il semble également que le candidat de l'Alliance Justice et vérité a profité d'un bon report de voix des électeurs du Parti de la grande Roumanie. Environ les trois quarts des personnes s'étant prononcés en faveur de Corneliu Vadim Tudor lors du premier tour auraient voté pour Traian Basescu dimanche 12 décembre. Celui-ci avait d'ailleurs publiquement sollicité les électeurs de la formation populiste entre les deux tours. « Je n'ai aucune réserve à accepter les voix des électeurs de l'extrême droite, tout au contraire, je sollicite ces voix. Je veux être le Président de tous les Roumains et je tiens à souligner qu'il n'y a pas de différence entre les citoyens de ce pays » avait-il déclaré.
Le Premier ministre Adrian Nastase, candidat du Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir, a recueilli 48,77% des voix et reconnu sa défaite. « C'est la décision du peuple roumain et je la respecte » a t-il déclaré. Enfin, l'actuel Président de la République, Ion Iliescu s'est félicité de la tenue du scrutin qu'il a qualifié de « correct » et du bon fonctionnement de la démocratie roumaine.
Rappelons que le Parti de la grande Roumanie (PRM) de Corneliu Vadim Tudor avait appelé au boycott du deuxième tour de l'élection présidentielle, l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR) ayant, de son côté, appelé ses électeurs à voter en faveur d'Adrian Nastase. Aucune irrégularité n'a été signalée lors de ce deuxième tour de l'élection présidentielle roumaine supervisé par quelques trois mille observateurs indépendants. Le Bureau central électoral avait pris entre les deux tours des mesures pour limiter les possibilités de fraude. Le taux de participation s'est élevé à 55%, soit deux points de moins que lors du premier tour du 28 novembre dernier.
Cette élection présidentielle a révélé un pays coupé en deux. D'un côté, une classe moyenne, plutôt jeune, diplômée, urbaine mais également les entrepreneurs et les intellectuels défendent les réformes promises par Traian Basescu ; de l'autre, une classe paysanne, plus âgée, moins éduquée est favorable à Adrian Nastase et au Parti social-démocrate. L'Ouest (Timisoara), le Centre du pays (Transylvanie) et la capitale Bucarest se sont prononcés en faveur du candidat de l'Alliance Justice et vérité tandis que l'Est (Moldavie) et le Sud (Valachie) ont voté en faveur du candidat social-démocrate.
Surnommé « Popeye » en raison de son passé de capitaine de vaisseau, le maire de Bucarest, âgé de cinquante-trois ans, possède également le caractère du célèbre marin. Franc parler et sens de l'humour constituent deux traits essentiels du personnage qui a su brillamment les mettre en avant lors de l'unique débat télévisé qui l'a opposé à Adrian Nastase le 8 décembre dernier. Ministre des Transports une première fois en 1991, puis entre 1996 et 2000, il a été élu maire de la capitale Bucarest en 2000 et reconduit à ce poste dès le premier tour des élections municipales de juin dernier en battant, avec 54,9% des suffrages, le ministre des Affaires étrangères, Mircea Geoana.
Son élection à la tête de la Présidence de la République ressemble d'ailleurs beaucoup à son accession à la mairie de la capitale. Candidat tardif au poste de premier magistrat de la ville, Traian Basescu ne l'avait emporté en 2000 que par quelques voix d'avance et avait été élu à la tête d'une ville dans laquelle les institutions étaient tenues par le Parti social-démocrate. Rappelons que le candidat de l'alliance Justice et vérité a pu accéder à la candidature à l'élection présidentielle grâce à la défection, pour raisons de santé, de Theodor Dimitriu Stolojan le 2 octobre dernier. Il remporte de nouveau une victoire étroite à l'élection présidentielle et devra cohabiter avec un Parlement où les membres du Parti social-démocrate sont majoritaires.
La première tâche du nouveau Président de la République sera de former un gouvernement chargé de mener à bien l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. En effet, la désignation du Premier ministre revient, selon la Constitution roumaine, au Président de la République, cette nomination devant ensuite être approuvée par le Parlement.
Rappelons que le Parti social-démocrate a remporté les élections législatives et sénatoriales qui se sont déroulées le même jour que le premier tour de l'élection présidentielle le 28 novembre dernier. Le PSD détient 189 sièges au sein de la Chambre des députés, contre 161 pour l'Alliance Justice et vérité. Minoritaire au Parlement, Traian Basescu devra donc composer pour former le futur gouvernement.
Le leader de l'Alliance Justice et vérité a sollicité le soutien de deux petites formations, l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR) et le Parti humaniste (PUR). Le leader de l'UDMR, Marko Bela, a esquissé un pas vers le nouveau Président en déclarant « Si la formule actuelle, qui permet d'avoir une majorité, évolue, alors nous devrons faire évoluer notre position ». « Nos principes restent les mêmes : la stabilité politique, une majorité parlementaire et un programme gouvernemental qui soit acceptable pour les Hongrois » a t-il ajouté. Quant au PUR, qui avait conclu une alliance avec le Parti social-démocrate pour les élections législatives et pour le scrutin présidentiel, il a réaffirmé son « indépendance politique et doctrinaire » et s'est dit favorable à une gouvernement « de large concentration nationale et pro-européenne ». En s'alliant, les trois formations seraient majoritaires au Parlement, avec deux cent quarante et un Parlementaires sur les quatre cent soixante-neuf que comptent les deux Chambres.
De son côté, l'actuel Président de la République Ion Iliescu a jugé une éventuelle majorité AD-UDMR-PUR « trop fragile, particulièrement au moment où la Roumanie doit faire des efforts pour intégrer l'Union européenne ». Le Président sortant privilégie un gouvernement d'union nationale composé de l'Alliance Justice et vérité et du Parti social-démocrate. Cette hypothèse a néanmoins été rejetée par Calin Popescu Tariceanu, Premier ministre désigné par Traian Basescu. « Un gouvernement incluant le PSD serait contraire au vote des Roumains contre la corruption » a t-il affirmé. De son côté, Adrian Nastase s'est déclaré prêt à « soutenir le nouveau Président dans la mission consistant à poursuivre sur la voie de l'Union européenne ».
Traian Basescu a de nouveau exclu l'idée d'une alliance avec le Parti de la grande Roumanie de Corneliu Vadim Tudor. Enfin, les dix-huit députés, issus des minorités ethniques, devraient très prochainement décider de leur position à l'égard du nouveau Président.
Le nouveau Président a repris dès lundi ses promesses de campagne concernant la lutte contre la corruption. « La corruption au plus haut niveau sera considérée comme une menace contre la sécurité nationale » a affirmé le leader de l'Alliance Justice et vérité qui a promis de rompre avec le système mis en place par le Parti social-démocrate. « Si je suis élu, ils devront payer leurs dettes à l'Etat, sinon ils auront le choix entre la faillite et la prison » avait t-il déclaré avant de rajouter « Mon principal objectif est d'unifier la nation roumaine, les Roumains d'ici et ceux de l'étranger, afin de remplir notre objectif majeur en matière de politique étrangère qui est l'adhésion de notre pays à l'Union européenne le 1er janvier 2007 ». L'adhésion pourrait être reportée d'un an en cas de non-respect par la Roumanie de ses engagements et s'il s'avère que le pays n'est manifestement pas prêt à remplir ses obligations, notamment en matière de concurrence et d'indépendance de la justice.
Traian Basescu s'était prononcé durant sa campagne électorale en faveur de la renégociation de deux des chapitres de l'acquis communautaire, ceux concernant l'énergie et la concurrence. « Le gouvernement a commis une grave erreur en acceptant d'aligner le prix de l'énergie sur celui des pays de l'Union européenne dès janvier 2007. En Roumanie, le prix de l'énergie est situé actuellement à près de la moitié de celui pratiqué dans les autres pays de l'Union. Pourtant, beaucoup de Roumains arrivent difficilement à payer leurs factures d'énergie » a-t-il affirmé.
Le Commissaire européen à l'Elargissement, Olli Rehn, a déclaré mardi qu'il n'était ni possible ni envisageable de rouvrir certains chapitres des négociations d'adhésion. « Il serait tentant de répondre par l'affirmative aux propositions de Traian Basescu car nous n'étions pas à l'origine satisfaits du résultat, principalement, parce que celui-ci est trop généreux pour la Roumanie » a t-il affirmé.
Invité à assister au Conseil européen des 16 et 17 décembre prochains qui entérinera officiellement la candidature de la Roumanie, Traian Basescu passera donc en fin de semaine son premier examen auprès de ses pairs européens.
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