Elections législatives en Bulgarie, 25 juin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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25 juin 2005
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 25 juin prochain, les Bulgares sont appelés aux urnes pour élire leur quarantième Parlement. Les vainqueurs de ces élections législatives formeront le gouvernement qui fera entrer la Bulgarie dans l'Union européenne (adhésion prévue pour le 1er janvier 2007).

Le système politique

L'Assemblée nationale constitue la Chambre unique du Parlement. Elle compte deux cent quarante députés, élus tous les quatre ans au scrutin proportionnel au sein de trente et une circonscriptions électorales. La constitution des circonscriptions est fondée sur les résultats du recensement de 2001 publiés après les précédentes élections législatives. Parmi les plus importantes, les trois circonscriptions de la capitale Sofia comptent respectivement onze, douze et treize sièges, Varna en compte quatorze, Plovdiv-région et Stara Zagora, onze, Plovdiv-ville, Pleven et Blagoevgrad, dix. Un minimum de 4% des suffrages exprimés est indispensable à une formation politique pour être représentée au Parlement.

Actuellement quatre formations sont représentées à l'Assemblée nationale. Il s'agit de :

- Le Mouvement national Siméon II (NDS II), au centre de l'échiquier politique, est le parti du Premier ministre Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha. Il comptait cent vingt députés aux dernières élections législatives du 17 juin 2001 ;

- La Coalition pour la Bulgarie (KzB) est une alliance de différentes formations de gauche dont la principale est le Parti socialiste bulgare (BSP), dirigé par Serguei Stanichev. La Coalition a remporté quarante-huit sièges ;

- L'Union des forces démocratiques (ODS) est le plus grand parti de droite du pays. Dirigé par l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Nadejda Mihaïlova, il a remporté cinquante et un sièges au Parlement ;

- Le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), dirigé depuis 1989 par Ahmed Dogan, est une formation membre de l'actuelle coalition gouvernementale et représentant la minorité turque du pays (environ 8% des Bulgares). Allié à l'Union libérale (LS) et au mouvement de défense des Roms, Euroroma (E), il a remporté vingt et un députés.

En avril dernier, la loi électorale a été modifiée par le Parlement. Les changements effectués et acceptés par l'ensemble des formations politiques ont pour but de rationaliser la procédure électorale. Ainsi, il a été décidé d'abandonner les bulletins aux couleurs des partis en faveur du bulletin unique (blanc avec le nom du parti, des candidats et de la circonscription). Les formations politiques doivent désormais présenter une liste de soutien d'au moins cinq mille électeurs et surtout une caution financière qui s'élève à vingt mille leva (dix mille euro) pour un parti, quarante mille pour une coalition et cinq mille pour un comité de soutien. Celle-ci est remboursée si le parti, la coalition ou le comité de soutien obtiennent au moins 1% des suffrages exprimés. Le but de cette modification est d'éviter la multiplication de formations politiques créées dans le seul but de prendre des voix aux adversaires. La nouvelle loi électorale permet aux étudiants de voter dans la ville où ils effectuent leurs études et non pas uniquement dans celle du domicile de leurs parents. Enfin, une commission spéciale vérifiera désormais l'absence de liens des candidats avec les services de sécurité de l'ancien régime communiste. Les résultats des investigations de cette commission ne seront communiqués qu'aux seuls responsables de la formation politique à laquelle le candidat appartient. Cette dernière modification de la loi électorale intervient cependant un peu tardivement, les archives ayant été expurgées de tout document compromettant. En outre, l'opinion publique est peut-être moins sensible au passé des candidats ; ainsi, lors des dernières élections législatives du 17 juin 2001, les nombreuses dénonciations dont certains de ses candidats avaient fait l'objet n'avaient pas empêché le Mouvement national Siméon II de s'imposer largement.

Les suffrages de l'étranger seront comptabilisés différemment des années précédentes où ils étaient imputés à une circonscription donnée (celle de Dobrich). Les voix seront désormais décomposées et ajoutées aux suffrages de chacune des formations puis réparties dans la même proportion que les voix recueillies dans l'ensemble de la Bulgarie.

La Bulgarie dépensera quinze millions de leva (un peu plus de sept millions d'euro) pour les élections législatives du 25 juin prochain, soit quatre millions de plus qu'il y a quatre ans. Cette hausse est due essentiellement à l'augmentation du nombre de bureaux de vote à l'étranger qui seront quatre fois plus nombreux cette année qu'ils ne l'étaient en 2001.

Les enjeux des élections législatives

Lors des dernières élections législatives du 17 juin 2001, le chômage, qui touchait alors 18% de la population active, constituait la première préoccupation des Bulgares. Actuellement, ce sont les questions de sécurité, l'amélioration de leur niveau de vie et le fonctionnement de la justice qui inquiètent les électeurs. La Cour constitutionnelle a d'ailleurs décidé, devant les dysfonctionnements récurrents du système judiciaire, d'élire une assemblée constituante qui procéderait à une réforme de la structure de l'ensemble du système.

La Bulgarie se classe au niveau économique à l'avant-dernier rang des pays candidats à l'Union européenne, juste devant la Turquie mais distancée par la Roumanie et la Croatie. Cependant, le pays a connu, entre 1997 et 2004, six années de croissance (4,2% de moyenne) ininterrompue et une baisse de son taux de chômage même si celui-ci reste encore élevé (13%), notamment au sein des minorités ethniques et dans les campagnes. L'inflation est descendue au-dessous de 10% depuis 2001. Le niveau de vie par habitant reste toutefois très faible, ne représentant que 28% de la moyenne de l'Union européenne. La stabilité économique et financière du pays, certes consolidée, reste donc encore fragile.

En 2004, la Bulgarie est devenue membre à part entière de l'OTAN et, le 25 avril dernier à Luxembourg, le pays a signé le traité d'adhésion à l'Union européenne. Sept Bulgares sur dix sont favorables à l'entrée de leur pays dans l'Union, une entrée qui devrait être effective le 1er janvier 2007. Le Président de la République, Gueorgui Parvanov (Parti socialiste), souhaite qu'un référendum soit organisé sur cette question.

En février dernier, l'échec de la privatisation du groupe Bulgartabac a déclenché une crise politique. La culture du tabac, qui emploie trois cent mille personnes, est réalisée par la minorité turcophone qui souffre d'un fort taux de chômage. Son représentant politique, le Mouvement pour les droits et les libertés, membre de la coalition gouvernementale, a fait échouer le rachat de trois des vingt-deux usines du groupe Bulgartabac (celles de Sofia, Plovdiv et Blagoevgrad) par British-American Tobacco (BAT) pour deux cent cinquante millions d'euro. Le Mouvement pour les droits et les libertés a demandé qu'un débat soit organisé au Parlement, les formations de l'opposition - l'Union des forces démocratiques et le Parti socialiste – l'ont immédiatement accepté, histoire de mettre le gouvernement en difficulté. A l'initiative des Temps nouveaux, groupe dissident du Mouvement pour les droits et les libertés, les partis de l'opposition ont voté, le 4 février, la révocation du président du Parlement, Ognian Guerdjikov (NDS II), accusé d'avoir retardé la privatisation de Bulgartabac. Forts de cette réussite, les formations de l'opposition et Temps nouveaux se sont unies pour déposer une motion de censure contre le gouvernement. Au pied du mur, le Premier ministre Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha n'a dû sa survie qu'à la négociation d'un compromis avec ses partenaires du Mouvement pour les droits et les libertés et a dû procéder le 23 février à un important remaniement ministériel. L'un des dirigeants des Temps nouveaux, Miroslav Sevlievski, a été nommé ministre de l'Energie. Milko Kovatchev, qui occupait ce poste, a remplacé à l'Economie Lidia Chouleva, tenue responsable avec le ministre de l'Agriculture, Mehmed Dikme, de l'échec de la privatisation de Bulgartabac. Lidia Chouleva a été chargée par Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha de la campagne électorale de sa formation pour les élections législatives du 25 juin. Mehmed Dikme a cédé sa place à Nihat Kabil, un autre membre du Mouvement pour les droits et les libertés. Enfin, Nina Chilova a remplacé au ministère de la Culture, Bojidar Abrachev (NDS II), dont l'inaction était très critiquée par les médias.

La campagne électorale

Le 30 mars dernier, la présidente de la principale formation de droite, les Forces démocratiques unies, Nadejda Mihaïlova, a présenté le programme de son parti. Parmi celles-ci figurent les libertés économiques (soutien aux entrepreneurs), l'augmentation des revenus, la réduction des impôts et des cotisations sociales, l'optimisation des dépenses de l'Etat, la transparence des privatisations (le recours systématique aux appels d'offre) et le développement du système privé des pensions de retraite.

Le 9 avril dernier, c'était au tour du Parti socialiste de présenter son programme. Serguei Stanichev, son président, s'est déclaré prêt à « porter la responsabilité du gouvernement au cours des quatre prochaines années ». Il a promis de faire une « campagne réaliste » afin d'informer les Bulgares sur « les risques d'une économie insuffisamment compétitive ». Le programme du Parti socialiste prévoit une hausse des salaires d'environ 20% « pour combler les écarts des revenus avant l'adhésion à l'Union européenne » et des augmentations de salaires bisannuelles en fonction de l'évolution du PIB et de l'inflation. Le programme prévoit une baisse de la TVA sur le lait, le pain et les médicaments, une prise en charge par l'Etat des enfants de moins de six ans des familles les plus pauvres et la gratuité des manuels scolaires.

De son côté, le Mouvement national Siméon II s'appuie sur son bilan et promet de poursuivre son action. Celle-ci, appréciée par les institutions économiques internationales, ne fait pas la même unanimité parmi des Bulgares de plus en plus fatigués par les années de transition.

Les différents partis sont également entrés en compétition sur les personnalités qu'ils présenteront sur leurs listes électorales. Ainsi, le Parti socialiste compte, parmi ses candidats, la double championne olympique de tir, Marija Grozdeva, les Forces démocratiques unies souhaitent investir le footballeur Christo Stoïchkov et le Parti des démocrates pour une Bulgarie forte, formation de droite dirigée par l'ancien Premier ministre Ivan Kostov, la cantatrice Aleksandrina Pendatchanska. Celle-ci, candidate dans la troisième ville du pays, Varna, sera opposée au chanteur vedette de la chanson tchalga (variété pop-folk volontairement provocatrice et de mauvais goût) Vassil Boïanov, plus connu sous le nom d'Aziz et qui représentera la formation Euroroma, parti dirigé par Tsveletlin Kantchev et représentant les Roms de Bulgarie. Le Mouvement national Siméon II a fait appel au secrétaire général du ministère de l'Intérieur, Bojko Borisov, connu pour sa fermeté à l'égard de la criminalité et ses critiques du système judiciaire national et qui est l'homme le plus populaire de Bulgarie. Bojko Borisov sera, comme la loi électorale le permet, tête de liste dans deux circonscriptions.

Les dernières élections locales des 26 octobre et 2 novembre 2003 avaient donné l'image d'une Bulgarie éclatée. A l'occasion de ce scrutin, le Parti socialiste était devenu la première force politique du pays (36,5% des maires élus), le Mouvement national Siméon II ne parvenant à rassembler qu'un Bulgare sur dix (4,9% des maires élus). Cependant, la participation avait été exceptionnellement faible à ces élections : seul un tiers des électeurs se sont rendus aux urnes lors du premier tour et 38,65% une semaine plus tard.

Environ 30% des électeurs expriment, dans les enquêtes d'opinion, leur volonté de ne pas se rendre aux urnes le 25 juin prochain. Le ministre de l'Administration publique, Dimitar Kaltchev, a annoncé qu'une somme de 1,25 million de leva (six cent vingt mille euro) serait débloquée pour encourager la participation aux élections législatives. Pour inciter les électeurs à se rendre aux urnes, le gouvernement a prévu d'organiser une grande loterie. Quatre millions de leva (deux millions d'euro) ont été débloqués pour acheter des lots, notamment des téléphones portables et des ordinateurs. Les cadeaux seront distribués après un tirage au sort. Selon un sondage, réalisé par Sova Harris et publié le 3 juin dernier, sept Bulgares sur dix désapprouvent cette idée de loterie. Le vice-président du Parti socialiste, Roumen Petkov, accuse le gouvernement d'essayer d'empêcher par ce moyen son parti, dont l'électorat est traditionnellement le plus mobilisé, d'obtenir la majorité absolue le 25 juin et a déposé une requête auprès de la Cour administrative à propos de cette tombola. Le Parlement se réunira, le 9 juin prochain, en session extraordinaire pour décider si cette loterie est constitutionnelle.

Selon l'enquête d'opinion, réalisée par l'agence Baromètre info et publiée le 2 juin, 22,8% des électeurs s'apprêteraient à voter en faveur du Parti socialiste, contre 14,2% pour le Mouvement national Siméon II et 7,9% pour les Forces démocratiques unies. Le parti au pouvoir semble avoir les faveurs des habitants de la capitale Sofia et des villes, la population rurale privilégiant le Parti socialiste. Le Mouvement national Siméon II a d'ailleurs décidé de s'investir dans les circonscriptions remportées par le Parti socialiste lors des dernières élections locales de 2003.

L'écart entre les deux formations, toujours favorable à la formation d'opposition, se resserre toutefois au fur et à mesure que la date du scrutin approche. Interrogés sur la personnalité qu'ils souhaiteraient voir à la tête du gouvernement, 22% des enquêtés citent Serguei Stanichev et 18,5% Siméon de Saxe Cobourg-Gotha. Pour de nombreux analystes politiques, le choix du Premier ministre constituera l'élément essentiel qui motivera le vote des personnes encore indécises pour le scrutin du 25 juin prochain.

Rappel des résultats des élections législatives du 17 juin 2001

participation : 66,7%

source Commission électorale centrale bulgare

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