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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Recueillant 31% des suffrages, le Parti socialiste (BSP) arrive en tête des élections législatives bulgares devant le Mouvement national Siméon II (NDS II) qui obtient 19,88% des voix. S'il devance assez largement la formation du Premier ministre sortant Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha qui perd 22,82 points par rapport au précédent scrutin du 17 juin 2001, le Parti socialiste peut légitimement être déçu de ne pas obtenir la majorité absolue d'autant plus que les dernières enquêtes d'opinion le créditaient d'environ 40% des voix. Sa victoire a en fait été érodée par le résultat obtenu par la formation d'extrême droite Ataka (Attaque) qui a créé la surprise en arrivant en quatrième position et en obtenant 8,16% des suffrages.
Fondée il y a tout juste deux mois, Ataka est une formation xénophobe (anti-turcs et anti-tziganes, ces minorités représentant à elles deux environ 16% des Bulgares) qui se pose en défenseur de la pureté de l'Etat et de la nation bulgares, des valeurs de l'Eglise orthodoxe et de l'identité slave. Le parti lutte contre la corruption et pour la fin de la mise sous tutelle du pays par le Fonds monétaire international (FMI). Ataka se déclare opposée à l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne et à son appartenance à l'OTAN. L'ascension de cette formation est une première dans un pays qui compte d'importantes minorités mais avait jusqu'alors évité les tensions ethniques à l'origine des guerres qui ont ensanglanté les Balkans après la chute du communisme dans les années quatre vingt dix. Leader charismatique et populiste, Volen Siderov, journaliste, n'hésite pas à affirmer que la Bulgarie est gouvernée par une « mafia politique ». « Ce gouvernement est impliqué dans le trafic de stupéfiants et d'armes alors que des Bulgares meurent faute de médicaments » a-t-il déclaré lors de la campagne électorale. « La Bulgarie est un pays monolithique et uninational. Les différences de religion et d'ethnie ne doivent pas se manifester» a-t-il continué, ajoutant que le Mouvement pour les droits et libertés (MDL), membre de la coalition gouvernementale sortante, était « inconstitutionnel ».
Le parti d'extrême droite rassemble des personnalités et des mouvements éclectiques : Petar Beron, ancien membre fondateur des Forces démocratiques unies (ODS) en 1990, actuellement vice-président du nouveau mouvement ; Petar Manolov, ancien dissident et poète, ou enccre des mouvements à gauche sur l'échiquier politique, comme l'Union des officiers retraités. Ancien rédacteur en chef du premier quotidien anti-communiste de Bulgarie, Demokratija, et auteur de plusieurs livres dans lesquels il pourfend « la conspiration juive contre les Bulgares orthodoxes », Volen Siderov anime désormais une émission de télévision sur la chaîne privée Scat. « La première chose que je ferai quand je serai député? Je me battrai pour que les programmes en langue turque soient interdits dans les journaux télévisés des chaînes publiques. Il s'agit d'un véritable génocide contre les Bulgares dans les zones où habitent les Turcs et où il n'est plus possible de parler bulgare » a-t-il déclaré.
Ataka semble avoir cristallisé sur son nom le vote de ceux qui se sentent les grands perdants de la transition économique, qui souffrent de voir leurs conditions de vie se dégrader et pour qui l'adhésion à l'Union européenne est synonyme de nouvelles difficultés à venir. « La classe politique a constamment sous-estimé la fracture qui court dans la société bulgare » analyse ainsi Mira Yanova, directrice de l'institut de marketing et d'études sociales (MBMD). « Si une partie de la population a su profiter de la transition vers l'économie de marché engagée depuis la chute du communisme en 1989, notamment grâce à la corruption, beaucoup de gens, souvent parmi les humbles, se sentent privés des bénéfices de la croissance. Avec son discours populiste, Volen Siderov exprime les rancoeurs des sans-voix auxquels il prétend rendre leur dignité » souligne également le politologue Andrei Raitchev.
Le Mouvement pour les droits et les libertés (MDL), formation dirigée par Ahmed Dogan et représentant la minorité turque du pays (environ 8% des Bulgares), recueille 12,68% des suffrages, soit 5,48 points de plus qu'il y a quatre ans.
Les Forces démocratiques unies (ODS), parti dirigé par l'ancienne ministre des Affaires étrangères Nadejda Mihaïlova et situé à droite sur l'échiquier politique, obtient 7,70% des suffrages.
Le Parti des démocrates pour une Bulgarie forte, formation de droite dirigée par l'ancien Premier ministre Ivan Kostov, recueille 6,45% des voix et l'Union nationale bulgare, dirigée par le maire de la capitale Sofia, Stefan Sofianski, 5,20%.
La participation est en recul par rapport au dernier scrutin de 2001, s'élevant à 56% (- 10,7 points). La fameuse tombola, mise en place par le gouvernement de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha et destinée à inciter les Bulgares à se rendre aux urnes pour ce scrutin, n'a donc pas eu le succès escompté. Deux millions d'euro avaient été débloqués pour acheter des voitures, des ordinateurs ou encore des téléphones portables distribués par tirage au sort aux électeurs ayant accompli leur devoir civique.
Sans majorité absolue, le Parti socialiste, arrivé en tête des élections législatives, se voit dans l'obligation de former rapidement une coalition gouvernementale capable de mettre en œuvre les réformes nécessaires à l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne le 1er janvier 2007. Sept formations sont désormais représentées à la Narodno sabranie (Assemblée nationale), Chambre unique du parlement, contre quatre auparavant. Le pays ne peut cependant se permettre aucune instabilité politique, sous peine de voir son entrée dans l'Union reportée d'un an (les Vingt-cinq se sont réservés par une clause de sauvegarde la possibilité de retarder celle-ci d'un an dans le cas où les engagements pris par la Bulgarie n'auraient pas été tenus). Le président du Parti socialiste, Serguei Stanichev, s'est dit prêt à « engager des consultations avec toutes les forces démocratiques du pays pour garantir la stabilité du pays », à l'exception notable d'Ataka, formation avec laquelle l'ensemble des partis politiques, tous favorables à l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, ont déclaré exclure de collaborer. «Nous avons gagné la confiance du peuple et nous sommes prêts à former un gouvernement. Nous ferons le nécessaire pour que la Bulgarie ait un gouvernement stable» a déclaré Serguei Stanichev. «L'unité nationale doit prévaloir pour résoudre les problèmes de la Bulgarie qui doit donner d'elle l'image d'un pays stable avant d'entrer dans l'Union européenne» a affirmé Roumen Petkov, vice-président du PSB. Le Parti socialiste pourrait former une coalition avec le Mouvement pour les droits et les libertés (MDL) ainsi qu'avec certains membres du Mouvement national Siméon II qui accepteraient de participer à un gouvernement dirigé par Serguei Stanichev ; il pourrait également s'allier avec le Mouvement pour les droits et les libertés et l'ensemble du Mouvement national Siméon II, dans ce cas, une personnalité non partisane capable d'obtenir l'assentiment de tous serait alors nommée Premier ministre. « Je ne vois aucun autre troisième partenaire que le mouvement national Siméon II pour former une majorité au Parlement» a déclaré Roumen Petkov à la chaîne de télévision privée BTV, précisant que des négociations étaient en cours avec le Mouvement national Siméon II et le Mouvement pour les droits et les libertés.
Agé de trente-neuf ans, Serguei Stanichev est né d'un père bulgare et d'une mère soviétique. Il a renoncé, il y a cinq ans, à sa citoyenneté russe, le premier alinéa de l'article soixante-cinq de la Constitution bulgare interdisant aux députés de posséder une double nationalité. Toutefois, sa volonté de conserver la russification de son patronyme –Dmitrievitch- alors que son père s'appelle Dimitar choque de nombreux Bulgares. Docteur en histoire de l'Université Lomonosov de Moscou, Serguei Stanichev exerce brièvement le métier de journaliste avant de rejoindre en 1995 le Parti socialiste à l'invitation du vice-président de l'époque, Krasimir Premianov. Elu député de la dix-neuvième circonscription de Roussé lors des élections législatives du 17 juin 2001, il devient président du groupe parlementaire de la principale formation d'opposition du pays, la Coalition pour la Bulgarie (KzB), alliance de différentes formations de gauche dont la principale est le Parti socialiste. Il succède ensuite à Gueorgui Parvanov à la tête du Parti socialiste lors de l'élection de ce dernier à la Présidence de la République le 18 novembre 2001. Si pendant la campagne électorale, le Parti socialiste a promis de relever les salaires de 20% et contesté « l'approche libérale » menée par le gouvernement de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, la formation ne devrait cependant pas rompre avec la politique menée par leurs prédécesseurs.
Accusant certes un recul important, le Mouvement national Siméon II peut cependant être satisfait du résultat obtenu après quatre années de pouvoir. Si depuis quinze ans, aucune formation gouvernementale n'a été réélue, principalement en raison des réformes mises en œuvre, souvent très douloureuses pour une grande partie de la population, le parti du Premier ministre sortant obtient, avec son allié le Mouvement pour les droits et les libertés, un pourcentage de suffrages supérieur à celui du Parti socialiste. « Les électeurs n'ont pas tourné le dos aux sortants, ce qui est un succès majeur et reflète le développement régulier de ces quatre dernières années » souligne Kancho Stoichev de l'agence BBSS Gallup. « Les idéaux libéraux qui ont dirigé le pays durant ces quatre dernières années ont obtenu un soutien populaire considérable » affirme le vice-Premier ministre, Plamen Panayotov.
Avant même de connaître le résultat des élections, le Mouvement pour les droits et des libertés, allié au Mouvement Siméon II dans la précédente législature, s'est déclaré, par la voix de son leader Ahmed Dogan, favorable à la formation d'un gouvernement de « centre gauche ». Mais ce soutien ne suffira cependant pas aux socialistes pour atteindre la majorité absolue de 121 sièges. « Il sera difficile au Parti socialiste et au Mouvement pour les droits et libertés de former un gouvernement sans le Mouvement national Siméon II » a souligné le ministre des Transports sortant, Nikolaï Vassilev. Lors de la soirée électorale, le Premier ministre Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, qui avait rejeté toute alliance avec la principale formation d'opposition durant la campagne électorale, a reconnu qu'il était nécessaire de «trouver une langue commune dans l'intérêt du pays», estimant que « plus le prochain gouvernement sera large, mieux cela vaudra ». Certains membres du Mouvement national Siméon II se sont toutefois aussitôt déclarés hostiles à toute participation à une coalition gouvernementale dirigée par Serguei Stanichev. «Une alliance où le Premier ministre sortant serait reconduit dans ses fonctions est la seule solution pour éviter un blocage institutionnel» a affirmé le ministre des Finances sortant, Milen Veltchev.
Si le Parti socialiste ne parvenait pas à former un gouvernement dans les deux prochaines semaines, le Président de la République, Gueorgui Parvanov, confierait alors à la formation arrivée en deuxième position aux élections législatives, soit le Mouvement national Siméon II, le soin de constituer l'exécutif. Celui-ci disposerait d'une semaine pour former un gouvernement. La Constitution bulgare ne fixe toutefois aucun délai au Président de la République pour clore ses consultations avec les partis politiques. Néanmoins, tous les leaders politiques sont conscients du fait que le pays ne peut pas se permettre de faire durer les négociations en vue de la formation du prochain gouvernement. La Bulgarie doit en effet convaincre la Commission européenne de son aptitude à intégrer l'Union européenne. Pour cela, elle doit obligatoirement parachever les réformes de son système judiciaire et de son administration publique, progresser en matière de lutte contre le crime organisé et parvenir à améliorer les conditions de vie de la population tzigane. Plus tôt le futur gouvernement s'attellera à cette lourde tâche, plus ses chances de réussir seront grandes.
résultats des élections législatives du 25 juin 2005
participation : 56%

source: commission électorale centrale bulgare
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