Elections législatives en Estonie, 4 mars 2007

Actualité

Corinne Deloy,  

Rodolphe Laffranque

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5 février 2007
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Laffranque Rodolphe

Rodolphe Laffranque

Le 30 novembre 2006, le Président de la République, Toomas Hendrik Ilves, a déclaré, conformément à la Constitution, que les élections de la XIe législature auront lieu le 4 mars prochain. Dans son annonce retransmise sur la chaîne de télévision publique Eesti Televisioon, le Chef de l'Etat a enjoint les hommes politiques à ne pas faire de promesses irréalistes et à mener une campagne électorale honnête. Appelant les électeurs à plus de rigueur, il a déclaré : « Le choix que devra faire chaque citoyen en mars prochain est très simple. Devez-vous signer une transaction ou un contrat ? Dans une transaction, vous pouvez recevoir quelque chose de concret en échange de votre vote, par exemple un salaire plus élevé ou une allocation plus importante. Cependant, attention de ne pas être trompés car ce sont les employeurs et non les candidats qui paient les salaires. Un contrat est porteur d'un plan d'action pour les quatre années à venir. Il décline le pourquoi et le coût des réformes qu'il propose. Lorsque vous délibérerez entre transaction et contrat, je vous recommande de signer le contrat ».

919 268 Estoniens inscrits sur les listes électorales sont ainsi appelés à renouveler la composition de leur Parlement pour la 5e fois depuis la restauration de la souveraineté de l'Estonie en 1991 et la 11e fois depuis son indépendance en 1918. Lors des dernières élections législatives du 2 mars 2003, le nombre d'électeurs était de 859 714, soit 59 554 de moins. La majorité des nouveaux électeurs sont russophones. Lors de ce prochain scrutin, la génération née durant la révolution chantante (à la fin des années 80, les populations des trois Etats baltes se sont rassemblés de nombreuses fois pour interpréter des chants nationalistes interdits jusqu'alors, un mouvement qui a conduit à l'indépendance des trois Républiques de l'ex-Union soviétique) votera pour la première fois. Par ailleurs, 19 000 Estoniens vivant à l'étranger se prononceront pour ces élections législatives. Enfin, il convient d'ajouter que les électeurs auront la possibilité d'utiliser le vote électronique à distance. Plus de 3 600 ont déjà accompli les démarches nécessaires pour être détenteurs d'une carte électorale électronique. Testé pour la première fois à l'occasion des élections municipales du 16 octobre 2005, l'Estonie réitère cette expérience pour le scrutin du 4 mars prochain, ce qui la place indubitablement parmi les États pionniers dans le monde en matière de vote par Internet.

Le système politique

La Constitution, adoptée par référendum le 28 juin 1992, crée un régime démocratique parlementaire dans lequel le Parlement occupe une place prépondérante. Le Parlement (Riigikogu), Chambre unique, dispose de larges compétences en tant que détenteur du pouvoir législatif. C'est lui notamment qui peut adopter le budget de l'État, décider de l'organisation d'un référendum, ratifier les traités internationaux, autoriser le candidat au poste de Premier ministre à former son gouvernement et élire le Président de la République.

Les 101 membres du Riigikogu sont élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 12 circonscriptions plurinominales (de 6 à 13 sièges par circonscription). Toute formation politique doit obtenir un minimum de 5% des suffrages exprimés pour être représentée au Parlement.

Les candidats doivent être âgés d'au moins 21 ans. La condition d'une bonne maîtrise de la langue estonienne pour tout candidat aux élections législatives, qui avait été instituée par la loi en 1998, a finalement été supprimée en 2001. Les députés restent cependant astreints à cette condition linguistique dans la mesure où l'estonien est reconnu comme étant la seule langue de travail du Riigikogu, ce qui n'est pas sans importance dans un pays où vivent un grand nombre de russophones.

Le gouvernement, dirigé par Andrus Ansip (Parti de la réforme, RE) depuis le 13 avril 2005, comprend 13 membres sans compter le Premier ministre. Il est formé par une coalition conclue entre le Parti de la réforme, le Parti du centre (K) et l'Union du peuple (ERL).

Le système partisan est proche du système scandinave, se divisant en quatre courants d'à peu près égale importance: les conservateurs, les libéraux, les sociaux-démocrates et les agrairiens. Le pays ne possède pas de formation extrémiste ou véritablement populiste.

Six formations politiques sont actuellement représentées au Riigikogu :

- le Parti du centre (K), principale formation politique, dirigé par le ministre de l'Economie et des Télécommunications, Edgar Savisaar. Situé à gauche sur l'échiquier politique, le parti, qui est membre de la coalition gouvernementale, compte 21 députés ;

- Res Publica (Res), formation de droite dirigée par Taavi Veskimägi. Vainqueur des dernières élections législatives du 2 mars 2003, le parti a gouverné le pays du 10 avril 2003 au 24 mars 2005 (coalition gouvernementale dirigée par Juhan Parts). Il possède 25 sièges;

- le Parti de la réforme (ER), formation libérale du Premier ministre Andrus Ansip au pouvoir depuis avril 2005, compte 19 députés ;

- l'Union du peuple estonien (ERL), parti membre de la coalition gouvernementale et dirigé par Villu Reiljan (réélu à la tête du parti le 24 novembre dernier). Il possède 12 sièges ;

- l'Union pour la patrie (I), formation chrétienne-démocrate dirigée par Tõnis Lukas, compte 7 députés ;

- le Parti social-démocrate (SDE), ancien Parti populaire des modérés (M), formation du Président de la République Toomas Hendrik Ilves, est dirigé par Ivari Padar. Il compte 6 députés;

11 parlementaires ne sont affiliés à aucun groupe.

Le 4 juin 2006, Res Publica et l'Union pour la patrie ont fusionné en un seul parti dénommé Union pour la patrie-Res Publica (IRL). Tõnis Lukas (I) et Taavi Veskimägi (Res) sont les deux co-leaders de la nouvelle formation.

Deux mois plus tard, le 14 août dernier, le Parti du centre et l'Union du peuple estonien ont signé un accord de coopération stratégique, d'abord en vue de l'élection présidentielle du mois d'août (soutien au Président de la République sortant, Arnold Rüütel), ensuite dans la perspective des élections législatives. L'accord prévoit la formation d'une alliance électorale selon laquelle, en cas de victoire, le poste de Premier ministre reviendra au leader de la formation ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages. Les deux partis souhaitent former un « bloc électoral » jusqu'en 2011. Parmi les dix-huit propositions inscrites dans l'accord, les deux partis préconisent un renforcement de l'Etat, une augmentation du seuil le plus bas de l'impôt sur le revenu, une hausse des pensions de retraite, la restauration d'un impôt sur le revenu plus progressif et une réforme du système de santé.

La situation de la minorité russophone

L'Estonie est la moins peuplée des trois Républiques baltes. Elle compte 1,3 million d'habitants dont 67,9% d'Estoniens, 25,6% de Russes (environ 400 000 personnes), 2,1% d'Ukrainiens et 1,3% de Biélorusses (chiffres recensement 2000). Le pays est d'ailleurs plus nordique que balte, l'estonien ne faisant pas partie des langues indo-européennes mais appartenant à la famille finno-ougrienne qui regroupe également le finnois et le hongrois.

Juste après l'indépendance, la nationalité estonienne a été attribuée automatiquement à toutes les personnes qui résidaient en Estonie avant 1940, ainsi qu'à leurs descendants. Un permis de séjour de trois ans a été octroyé aux autres citoyens qui ont été contraints de passer un examen linguistique et de faire allégeance à la République d'Estonie pour obtenir, à leur tour, la nationalité du pays. En juin 1993, les relations entre Estoniens et Russes se sont dégradées à la suite de l'adoption d'une loi obligeant les personnes ne bénéficiant pas de la nationalité estonienne de choisir entre son acquisition ou son rejet impliquant de rester à jamais étrangers dans le pays où ils résident. En 1995, le Riigikogu a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté, plus exigeante que la précédente pour les personnes souhaitant acquérir la nationalité estonienne. Celles-ci devaient être âgées d'au moins 16 ans et avoir vécu en Estonie au minimum durant les cinq années précédant leur demande et encore une année supplémentaire après celle-ci. Ils devaient également connaître la Constitution et la loi sur la citoyenneté, percevoir un revenu légal et suffisant pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge et enfin prêter serment en déclarant : « Je jure fidélité au système constitutionnel de l'Estonie ». Mais l'exigence la plus contraignante pour les étrangers était et reste linguistique, la loi de 1995 ayant en effet maintenu l'examen obligatoire d'aptitude à l'estonien (article 8 de la Loi sur la citoyenneté). L'Estonie a pris des mesures draconiennes pour protéger sa langue et sa culture asservies durant des dizaines d'années sous le joug soviétique. La connaissance de l'estonien est ainsi obligatoire pour exercer certaines fonctions, notamment dans le secteur public (article 5 de la Loi sur la langue). Nombre d'étrangers considèrent que la loi sur la citoyenneté est un obstacle à la naturalisation, les conditions exigées étant trop sévères, les cours de langue trop onéreux et les professeurs trop peu nombreux. L'Union européenne a beaucoup oeuvré pour que soient assouplis les critères linguistiques requis pour la naturalisation des étrangers ou pour faciliter l'accès de ceux-ci à certaines fonctions. L'estonien est parlé par la grande majorité des citoyens (83,4%), tandis que 15,3% s'expriment en russe. 170 000 personnes ayant perdu la nationalité russe mais n'étant pas considérées comme citoyens estoniens (et donc apatrides) vivent en Estonie, principalement dans les zones urbaines et industrielles du Nord-Ouest du pays.

Le 7 décembre dernier, Amnesty International a publié un rapport sur la situation des minorités dans la République balte intitulé Linguistic Minorities in Estonia : Discrimination Must End. Si des efforts ont été accomplis pour intégrer la minorité russophone, elle dénonce le coût élevé des cours de langue estonienne et préconise leur gratuité (ils ne sont actuellement remboursés qu'à ceux qui réussissent l'examen). Amnesty International propose de modifier les lois obligeant les employés à parler un certain niveau d'estonien, y compris dans les régions russophones. Cette mesure accroît le chômage d'une partie de la population (13% de chômeurs parmi les membres des minorités, contre 5% parmi les Estoniens en 2005). L'organisation souligne que les critères d'embauche concernant la citoyenneté et la langue, tant dans le secteur public que privé, limitent l'accès à l'emploi des russophones. En effet, des russophones n'ont pas accès à certains postes, y compris dans le secteur privé, parce qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment l'estonien dans des zones où la vaste majorité des clients avec lesquels leur profession les mettrait en contact sont russophones (par exemple à Narva où 93% de la population est russophone). Enfin, Amnesty International demande à l'Estonie de réexaminer en profondeur la structure et les méthodes de travail des services chargés d'évaluer les compétences linguistiques, ainsi que de revoir sa décision de ne pas reconnaître sa minorité russophone comme une minorité linguistique. En effet, aux termes de la loi sur l'autonomie culturelle des minorités nationales, seuls les citoyens peuvent être considérés comme membres d'une minorité nationale. Cela a pour conséquence de priver près de 15% de la population estonienne, bien qu'appartenant à la minorité russophone, des droits reconnus expressément aux minorités ethniques dans la Constitution et dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ratifiée par l'Estonie en 1996). Toutefois, les personnes n'ayant pas la nationalité estonienne peuvent jouir des droits et libertés fondamentaux que la Constitution accorde à tout individu, y compris certains droits propres aux minorités ethniques (article 51 : droit pour toute personne de recevoir des réponses de l'administration publique dans une langue minoritaire).

Depuis quelques mois, la classe politique se déchire à propos d'un monument érigé en 1947 en souvenir des soldats de l'Armée rouge tombés au cours de la Seconde Guerre mondiale. Située dans le square de Tõnismägi au centre de la capitale, la statue appelée « Monument des libérateurs de Tallinn » ou, plus communément, « Soldat de bronze » est l'objet d'une discorde entre les nationalistes estoniens et la minorité russophone. La situation s'est particulièrement aggravée depuis, il y a un an et demi, qu'un monument dédié aux combattants de la liberté de l'Estonie indépendante et représentant un soldat en uniforme SS, érigé à l'initiative des responsables de la commune de Lihula sur son territoire, a été démantelée par décision du Premier ministre d'alors, Juhan Parts (Res). A partir de là, plusieurs actes de vandalisme ont été commis sur des monuments aux morts de la Seconde Guerre mondiale, dont celui de Tõnismägi à deux reprises en mai 2005. Le 9 mai de chaque année, des vétérans de l'Armée rouge, vivant en Estonie, se retrouvent devant cette statue qui abriterait les restes de soldats soviétiques et qu'ils considèrent comme un symbole de la résistance au nazisme et un hommage à ses victimes. Pour tenter de résoudre le problème, le Premier ministre Andrus Ansip a demandé le démantèlement et le déplacement du Soldat de bronze gardé jour et nuit par des policiers depuis les évènements de mai 2005 dans un cimetière hors de la ville. La loi sur la protection des sépultures de guerre adoptée par le Riigikogu le 10 janvier dernier et ratifiée le lendemain par le Président de la République Toomas Hendrik Ilves, autorise dorénavant le gouvernement à procéder à des fouilles à l'endroit où se trouve le Soldat de bronze pour, si tel est le cas, récupérer les dépouilles de soldats de l'Armée rouge et les inhumer dans un cimetière et pouvoir ainsi démanteler ladite statue. Si le Parti de la réforme est favorable au déplacement du monument, le Parti du centre y est opposé tout comme la majorité des russophones et le Parti de la Constitution (KP), anciennement Parti du peuple estonien uni (EÜRP) et principale formation politique russophone dirigée par Andrej Zarenkov. « Pourquoi ne pas raser aussi tous les bâtiments construits par les Soviétiques après la guerre ? » interroge Dmitri Klenski, candidat du Parti de la Constitution. Nochnoi Dozor (Veille de nuit), mouvement majoritairement constitué de jeunes russophones, s'est engagé le 15 janvier dernier à protéger la statue du square de Tõnismägi. « Nous, notre mémoire et nos monuments sont inséparables de l'histoire et de la culture estoniennes » peut-on lire dans leur communiqué. « Ce monument a un caractère sacré car c'est une tombe, même si l'on n'est pas sûr que des gens sont enterrés sous la statue. Mais puisqu'il symbolise l'occupation soviétique, il doit être enlevé » a souligné Mart Laar. De son côté, l'ancien Premier ministre (1995-1997) Tiit Vähi, qui a affirmé avoir voté pour le Parti de la réforme lors des élections législatives de 2003, a déclaré qu'il donnerait sa voix au Parti du centre lors du prochain scrutin. « Quand on doit exhumer quelqu'un et l'enterrer de nouveau pour trouver des suffrages, on ne s'intéresse plus à l'Estonie » a-t-il déclaré faisant référence à l'actuelle polémique autour du monument de Tõnismägi.

La campagne et les enjeux des élections législatives

Lors des élections législatives de 2003, Res Publica avait été le premier adversaire du Parti du centre ; dorénavant, celui-ci est principalement opposé au Parti de la réforme du Premier ministre. Les deux formations sont pourtant membres du gouvernement actuel. « La confrontation se fera sur l'idéologie : ou bien on poursuit sur la voie du système d'imposition qui a amené l'Estonie à la réussite ou bien la gauche est victorieuse et engage une politique de redistribution » souligne Kristen Michal, secrétaire général du Parti de la réforme.

L'objectif principal de la formation du Premier ministre, qui sera lui-même candidat dans la circonscription rassemblant les régions de Harjumaa et Raplamaa, est de faire de l'Estonie l'un des cinq Etats les plus prospères de l'Union européenne dans les quinze années à venir. Pour cela, le Parti de la réforme souhaite diminuer les taux d'imposition (en faisant passer de 23% à 18% en quatre ans le taux de l'impôt sur le revenu), poursuivre la politique d'exemption de taxe pour toute entreprise qui investit et de simplifier la procédure pour une entreprise désireuse de s'installer en Estonie, et investir davantage dans les entreprises, la petite enfance, l'éducation et la recherche. Le Premier ministre n'hésite pas à décliner la liste des dangers dont sont porteurs le Parti du centre et l'Union du peuple estonien : augmentation des impôts, accroissement du contrôle de l'Etat sur l'économie du pays, politisation de la société et, enfin, modification des orientations actuelles de la politique étrangère.

Au niveau international, le Parti de la réforme veut resserrer les liens entre les Etats baltes et ceux du Nord de l'Europe. La formation se bat pour abolir le système de visa obligatoire pour les Estoniens voyageant aux Etats-Unis. Enfin, la formation se veut solidaire de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie comme des forces de l'opposition de Biélorussie et souhaite les aider à poursuivre leur chemin vers la démocratie.

Andrus Ansip sera la tête de liste du Parti de la réforme. Il sera suivi du ministre des Affaires étrangères, Urmas Paet. Parmi les dix premiers candidats présentés par la formation se trouve la maire de Tartu, Laine Jänes, le ministre de la Justice, Rein Lang, le secrétaire général du parti, Kristen Michal, la maire de Võru, Ivi Eenmaa ou l'ancien directeur général de la police, Robert Antropov, qui a adhéré au Parti de la réforme en novembre dernier. « Je rejoins le Parti de la réforme non dans l'espoir d'obtenir un poste honorifique mais parce que je crois qu'avec cette équipe, nous serons capables de faire de l'Estonie un pays plus sûr pour chacun » a-il affirmé.

« Au printemps prochain, nous serons capables de prendre notre revanche et d'obtenir la victoire qui nous a été volée lors de l'élection présidentielle de l'automne dernier » a déclaré le leader du Parti du centre et actuel ministre de l'Economie et des Télécommunications, Edgar Savisaar. Le programme de la principale formation d'opposition, qui se pose en porte-parole des Estoniens qui souffrent et qui ont du mal à vivre dans une économie libérale, est centré sur l'établissement d'un Etat fort et protecteur. Le parti promet d'augmenter les salaires du secteur public jusqu'à 25 000 couronnes en quatre ans et d'embaucher davantage d'agents de l'Etat (enseignants, policiers et travailleurs sociaux). « Ce à quoi le Parti de la réforme nous conduit, c'est à un vendredi sans impôts qui aura été précédé d'un lundi sans professeurs, un mardi sans policiers, un mercredi sans médecins et un jeudi sans pompiers. Le Parti de la réforme veut couler l'Etat » a déclaré le secrétaire général du Parti du centre, Kadri Must ajoutant: « Ils promettent de faire de l'Estonie l'un des cinq pays les plus prospères d'Europe mais sont peu disposés à augmenter les salaires au niveau européen. Le Parti de la réforme va tenir ses promesses faites à certains happy few mais pour les travailleurs, la politique du Parti de la réforme sera synonyme de stagnation ».

Edgar Savisaar a exprimé son regret de voir que le Parti social-démocrate ait jusqu'alors préféré collaborer avec des formations de droite et l'a invité à rejoindre sa formation. Le leader du Parti du centre a également affirmé qu'il ne voyait pas de raisons pour que son parti fusionne avec l'Union du peuple estonien. Selon lui, les deux formations, qui sont les deux plus importantes du pays, comptent ensemble plus de 10 000 membres, mais possède chacune leur propre histoire et leurs électeurs.

Fin novembre, l'ancien ministre de l'Environnement, Villu Reiljan, a été réélu président de l'Union du peuple estonien. Il dirige la formation depuis 2000. « Nous sommes le seul parti à avoir tenu nos promesses » a déclaré Agu Uudelepp, attaché de presse de la formation. Pour illustrer son propos, celui-ci a mis en avant l'absence d'imposition sur le revenu des salaires inférieurs à 2 000 couronnes, l'établissement de la pension de retraite à 3 000 couronnes et les allocations familiales dès le deuxième enfant. Sur la liste des candidats de la formation, le leader de la formation est suivi d'Erika Salumäe, double championne olympique de cyclisme sur piste (1988 et 1992).

Située à droite sur l'échiquier politique, l'Union pour la patrie-Res Publica affirme se battre pour que tous les Estoniens profitent des efforts accomplis durant ces 16 dernières années. L'ancien Premier ministre (1992-1994 et 1999-2002) Mart Laar, qui a annoncé en septembre dernier qu'il renonçait à sa retraite politique et était disponible pour les élections législatives, sera le candidat de la formation au poste de Premier ministre. Il a été préféré à l'ancien ministre de l'Education, Jaak Aaviksoo, qui a démissionné de ses fonctions de recteur de l'université de Tartu le 20 septembre dernier pour participer aux élections. Mart Laar a annoncé qu'il conservera son siège au conseil d'administration de la Swedbank jusqu'au scrutin du 4 mars. Swedbank, propriétaire de la première banque estonienne Hansabank, est le premier établissement financier des pays bordant la mer Baltique. Mart Laar se présente dans la première circonscription de Tallinn comprenant les quartiers du centre ville, de Lasnamäe et de Pirita, terrain où il sera opposé, entre autres, à Edgar Savisaar, leader du Parti du centre, et à Jürgen Ligi (ER), actuel ministre de la Défense. Sur la liste des candidats du parti, Mart Laar et Jaak Aaviksoo sont suivis des deux co-leaders de la nouvelle formation, Tõnis Lukas et Taavi Veskimägi, et de l'ancien Premier ministre (2003-2005) Juhan Parts. La liste de l'Union pour la patrie-Res Publica comprend également le champion olympique (2000) de décathlon Erki Nool, les acteurs Merle Jääger, Ago-Endrik Kerge et Elle Kull et l'ancien maire de Tallinn, Tõnis Palts. Y figure aussi, l'ancien commandant en chef des forces de défense, le vice-amiral Tarmo Kõuts, qui a rejoint le parti en décembre dernier.

Le 25 octobre 2006, l'Union pour la patrie-Res Publica a décidé de fusionner avec l'Assemblée des agriculteurs (PK), formation conservatrice possédant 1 441 membres et dirigée par Tõnu Ojamaa. L'Union pour la patrie-Res Publica, dont le slogan de campagne est « Le bonheur n'est pas dans l'argent », a défini quatre enjeux essentiels : la croissance, la santé, l'émigration et l'Europe « Nous devons être plus engagés au sein de l'Union européenne ». A ces quatre enjeux s'ajoutent, selon Mart Laar, deux thématiques primordiales : le vieillissement de la population et le problème de l'énergie. «Il est temps que l'Estonie comprenne que si la politique menée par le gouvernement actuel se poursuit, le pays ne sera bientôt plus compétitif » affirme l'ancien Premier ministre.

Formation de gauche, le Parti social-démocrate veut un Etat plus fort. « L'Etat de droit et la sécurité sociale doivent augmenter aussi vite que la croissance de l'économie estonienne » a déclaré Peeter Kreitzberg, chef du groupe ayant élaboré le programme du parti. Celui-ci met l'accent sur l'éducation, la lutte contre le chômage, l'environnement, la santé, la bonne gouvernance et la lutte contre l'émigration des travailleurs vers d'autres Etats de l'Union européenne. « Le but du parti est de construire un Etat protecteur. L'Estonie ne doit pas devenir un pays où personne ne voudrait vivre. Nous devons faire cesser les flux d'émigration et ramener les Estoniens à la maison en leur versant des salaires décents » a souligné le président du Parti, Ivari Padar. Pour financer ses réformes, la formation propose de geler les impôts sur le revenu et d'instituer un nouveau taux d'imposition. Parmi les cinq premiers candidats de la liste du parti figurent en tête Ivari Padar, suivi d'Eiki Nestor, ancien ministre des Affaires sociales, Andres Tarand, député européen et de Sven Mikser, ancien ministre de la Défense. Loin derrière eux se trouve Ardi Ravalepik, militant homosexuel. Agé de 27 ans, le directeur du centre d'information gay et lesbien a annoncé qu'il souhaitait se battre au Parlement pour les valeurs et contre la haine : « Je ne serai pas le représentant des homosexuels et des transsexuels mais lutterai pour les droits sociaux de tous les Estoniens ».

Une nouvelle formation, les Verts d'Estonie (EER), a été créée le 25 novembre dernier à Tallinn. Issue de l'association à but non lucratif « Groupe d'initiative du Parti Vert », elle compte à ce jour plus de 1 500 membres et est dirigé par quatre personnalités (Peeter Jalakas, Valdur Lahtvee, Maret Merisaar et Marek Strandberg). Les écologistes sont apparus en Estonie au moment de l'indépendance du pays. Le Mouvement vert d'Estonie, fondé en 1988 pour mieux coordonner les efforts dans le combat mené contre le projet de Moscou de production du phosphore dans les années 80, a même été la première alternative politique formelle au Parti communiste. En 1991, le Mouvement vert d'Estonie s'est scindé en deux branches, dont l'une se transforma en un Parti vert en 1995. Finalement, le premier Parti Vert estonien est dissout en 1998 après une division en son sein et l'intégration d'une partie de cette formation au Parti du centre. Pour les élections législatives du 4 mars prochain, le programme des écologistes est centré sur trois thèmes : la protection de l'environnement (développement des énergies renouvelables et forte réduction de l'exploitation du schiste bitumineux, principal combustible local dont l'Estonie est fortement tributaire), une nation saine et, enfin, la démocratie directe (mise en place du référendum d'initiative populaire au niveau local comme au niveau national). Il est à noter que la formation laisse peu de place aux questions européennes. La tendance serait même plutôt de s'opposer à l'approfondissement de l'Union européenne comme l'a souligné un article du quotidien Postimees qui titrait le 1er décembre dernier « Le Parti des Verts flirte avec un léger antieuropéanisme ». L'un des membres du directoire du parti, Anti Poolamets, est un eurosceptique convaincu et a été un fervent défenseur du camp du « non » au référendum du 14 septembre 2003 sur l'adhésion de l'Estonie à l'UE. Les Verts d'Estonie se disent prêts à collaborer avec toute formation politique qui respecterait leur programme. Le leader du Parti du centre, Edgar Savisaar, a mis en garde contre la possibilité d'une coalition rassemblant le Parti de la réforme, l'Union pour la patrie-Res Publica et les Verts d'Estonie. Il a accusé Marek Strandberg, l'un des responsables des Verts d'Estonie, d'être un « camarade d'armes » de Mart Laar et de l'avoir aidé à vendre des roubles aux Tchétchènes après l'introduction de la couronne estonienne en 1992. Les Verts aimeraient réitérer la performance réalisée par Res Publica lors des élections législatives de 2003 (la formation, créée un an avant le scrutin, avait recueilli 24,6% des suffrages et remporté 28 sièges) et espèrent remporter 10 sièges au Parlement. Une enquête d'opinion, réalisée en décembre dernier par l'institut Turu-uuringud, les crédite de 7% des voix. « Le fait que les membres de notre formation n'aient jamais appartenu à d'autres formations politiques et que certains n'aient même jamais voté auparavant nous donnent l'espoir d'attirer vers les urnes des électeurs qui les boudaient jusqu'alors » a déclaré Marek Strandberg. Les Estoniens les plus éduqués, percevant les plus hauts revenus et vivant au centre et à l'Ouest du pays, sont ceux auprès desquels la formation écologiste réaliserait ses meilleurs résultats.

Le Président de la République, Toomas Hendrik Ilves, a exprimé le regret que l'Europe ne soit pas plus présente dans la campagne électorale, reprochant aux formations politiques de ne pas proposer de vision européenne. « J'espère et j'attends du nouveau gouvernement qu'il prenne une position claire sur le rôle de l'Estonie dans l'Union européenne et sur ce que doivent être les priorités du pays » a souligné le Chef de l'Etat.

Selon une enquête d'opinion réalisée en décembre dernier par l'institut Turu-uuringud, 37% des électeurs aimeraient voir Andrus Ansip rester à son poste de Premier ministre, contre 17% qui préfèreraient voir Edgar Savisaar le remplacer. 13% se prononcent en faveur de Mart Laar, 6% d'Ivari Padar et 4% de Villu Reiljan. Le leader du Parti du centre recueillent les suffrages des russophones (43%) et l'actuel chef du gouvernement celui des Estoniens (42%).

Le Président de la République, Toomas Hendrik Ilves, a annoncé qu'il demanderait au leader de la formation arrivée en tête le 4 mars prochain de former le futur gouvernement. Il a rappelé que, selon lui, une erreur avait été faite après les élections du 7 mars 1999 lorsque le Président de la République (1992-2001) Lennart Meri avait demandé à Mart Laar de former une coalition gouvernementale, alors que le Parti du centre mené par Edgar Savisaar avait recueilli le plus grand nombre de voix.

Selon les dernières enquêtes d'opinion, les jeux devraient être serrés entre les deux principaux partis, le Parti de la réforme et le Parti du centre. Mais si, ensemble, les deux formations du Parti du centre et de l'Union du peuple estonien parviennent à rassembler un grand nombre des Estoniens qui se considèrent comme les laissés-pour-compte de la croissance économique du pays, ils pourraient alors arriver en tête des élections législatives et mettre alors un coup de frein à la politique libérale du pays en privilégiant une redistribution des fonds de l'Etat.

Rappel des résultats des élections législatives du 2 mars 2003 en Estonie :

Participation : 58,20%

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