Les Irlandais se prononceront par référendum le 31 mai 2012 sur le pacte budgétaire européen

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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7 mai 2012
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le pacte budgétaire européen, appelé traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, a été signé le 2 mars 2012 à Bruxelles par les chefs d'Etat et de gouvernement de 25 Etats membres de l'Union européenne (tous sauf le Royaume-Uni et la République tchèque). Le texte vise à une plus grande convergence de l'union économique et monétaire, et notamment de la zone euro. Il pose (hors circonstances exceptionnelles) l'équilibre (ou l'excédent des budgets des administrations publiques) de chaque pays en principe et limite le déficit structurel national de chaque Etat membre à 0,5% du PIB (1% pour les Etats dont la dette publique est inférieure à 60% du PIB). Si ces seuils ne sont pas respectés, des mécanismes de correction seront automatiquement déclenchés. Ces éléments, appelés règle d'or budgétaire, doivent être introduits dans les législations nationales dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur du traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles.

Le pacte budgétaire européen entrera en vigueur dès sa ratification par au moins 12 États membres. Il deviendra une loi de l'Union européenne en 2017.

Le 29 février dernier, le procureur général d'Irlande a déclaré que le traité ne relevait pas de l'organisation générale de l'Union européenne et devait donc donner lieu à une consultation populaire. L'Irlande est le seul Etat européen qui soumettra le pacte budgétaire européen à référendum. Celui-ci se déroulera le 31 mai. Fait notable : ce vote sera unique. Dublin ne disposera en effet d'aucun droit de veto sur ce traité européen car le texte entrera en vigueur dès qu'au moins 12 pays l'auront ratifié. Les Irlandais n'auront donc pas, en cas de rejet du pacte, de deuxième chance pour l'adopter comme cela a été le cas lors de l'adoption des traités de Nice (2002) et de Lisbonne (2009).

L'Irlande a déjà connu 8 référendums sur des questions européennes : le premier en 1972 portait sur l'adhésion du pays à la Communauté économique européenne (83,10% s'y déclaraient favorables) ; le deuxième en 1987 concernait l'adoption de l'Acte unique (69,90% l'avaient approuvé) ; le troisième portait sur le traité de Maastricht en 1992 (69,10% se prononçaient pour le "oui") ; le quatrième, en 1998, sur l'adoption du traité d'Amsterdam (61,74% de "oui"). Lors du cinquième en 2001, les Irlandais avaient, dans un premier temps, rejeté le traité de Nice (53,87% avaient voté "non") avant de l'approuver par 62,89% lors d'un nouveau référendum en 2002. De même, les Irlandais ont rejeté le traité de Lisbonne (53,40% de "non") lors d'une première consultation populaire en 2008 avant de l'approuver l'année suivante par 67,13% de "oui".

La campagne du "oui"

"La place de l'Irlande se situe au sein de l'Union européenne et de la zone euro. Le référendum nous offre l'opportunité de dire au monde que l'Irlande croit dans l'avenir de l'euro, que l'Irlande est un pays central pour l'avenir de la zone euro, que l'Irlande est en accord avec l'Europe pour construire un système qui permette une gestion budgétaire responsable dans toute la zone euro. Quelle crédibilité aurait l'Irlande si elle était le seul pays de la zone euro à ne pas ratifier le traité européen ? Je suis confiant dans le fait que le peuple irlandais comprendra l'importance de cette décision difficile et rejettera l'idée d'une Irlande hors de l'Europe" a déclaré le Taoiseach (Premier ministre) Enda Kenny (Fine Gael, FG).

Le ministre des Finances Michael Noonan (FG) a mis en garde les électeurs en indiquant qu'en cas de rejet du pacte budgétaire européen, Dublin ne pourrait plus avoir recours au fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui remplacera, le 1er juillet prochain, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou à de nouveaux prêts de la part de ses partenaires européens. Il a souligné que les pays qui ont investi en Irlande et qui aident le pays à retrouver la croissance perdront tout intérêt à le faire si les électeurs rejettent le traité européen le 31 mai prochain. "L'Irlande ne peut se permettre de connaître la période d'incertitudes qui découlerait d'un rejet du nouveau pacte fiscal de l'Union européenne" a-t-il déclaré, ajoutant "L'électorat irlandais est conservateur et il aime voter pour la certitude. La certitude est du côté du "oui", le plongeon dans le noir, le saut dans l'inconnu sont tous du côté du "non" ".

L'Irlande a évité la faillite en 2010 grâce à l'aide du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne qui lui ont versé 85 milliards € au total dont une aide extérieure de 67,5 milliards € (45 milliards € de l'Union européenne et des prêts bilatéraux du Royaume-Uni, de la Suède et du Danemark et 22,5 milliards € du FMI). Ce prêt devra être remboursé par Dublin en une décennie. Chacun des versements est conditionné à un examen des progrès réalisés par le pays.

A la fin du mois d'avril dernier, le FMI, la Commission et la Banque centrale européennes ont publié leur dernier rapport sur la situation de l'Irlande. Les trois institutions ont souligné les points positifs : redressement de la confiance des marchés, objectif de déficits atteints "avec une marge confortable", réforme du marché de l'emploi et du secteur de la santé. Mais elles ont noté que demeuraient "des défis considérables ", notamment la faible croissance économique (0,5% prévus en 2012), la baisse de la demande intérieure qui ne compense pas les gains de productivité et surtout des faiblesses du côté du secteur financier. L'Irlande est donc toujours un pays convalescent, une réalité que vivent ses habitants.

La dette du pays attient 107% du PIB et devrait continuer à augmenter. Le déficit budgétaire s'élevait à 10% l'an passé et s'établirait à 8,6% en 2012. Il ne devrait être ramené à 3% qu'en 2016. Dublin s'est fixé pour objectif de retourner sur les marchés financiers dans le courant de l'année 2013 même s'il est impossible, à ce stade, d'exclure toute possibilité que le pays ait besoin d'un deuxième plan de sauvetage.

Eamon Gilmore, ministre des Affaires étrangères et du Commerce et leader du Parti travailliste (Lab), partenaire gouvernemental du Fine Gael, a enjoint ses compatriotes à adopter le traité européen pour "apporter de la stabilité à la zone euro et aider l'Irlande à émerger de la crise de la dette ". La ministre des Affaires européennes, Lucinda Creighton (FG), a indiqué qu'il fallait envoyer un signal positif de confiance et de stabilité. "Les électeurs ont l'obligation morale de voter "oui" pour assurer notre avenir économique et nous offrir les opportunités qui permettront aux familles de rester unies et aux jeunes Irlandais de pouvoir vivre à la maison. Plus tôt nous ratifierons ce traité, meilleur sera le signal que nous enverrons aux marchés internationaux" a-t-elle affirmé.

La Confédération des patrons irlandais a appelé à voter "oui" au référendum du 31 mai.

"Cet engagement est un investissement pour l'avenir de nos enfants et de notre pays. Plus jamais un gouvernement ne sera capable de se comporter imprudemment et de façon arrogante avec l'argent du peuple" a déclaré le ministre des Finances Michael Noonan. Enda Kenny a également mis l'accent sur les mécanismes correctifs que prévoit le pacte budgétaire européen (ceux-ci se déclenchent automatiquement dans les cas où les règles sont prêtes à être enfreintes). "Il est logique qu'en ces temps difficiles, ceux qui sont prêts à offrir une aide financière aux autres puissent obtenir l'assurance que ceux qui reçoivent leur aide sont prêts à mener des politiques saines et sensées" a-t-il déclaré.

Le principal parti d'opposition, le Fianna Fail (FF), est favorable à la ratification du pacte budgétaire européen qu'il décrit comme "bon pour l'Irlande et bon pour la zone euro". "Dans 2 ans, l'Irlande devra lever 18 milliards €. Nous voulons que notre pays puisse emprunter à des taux d'intérêt abordables sur un marché ouvert. Si cela n'est pas possible, nous voulons que l'Irlande ait une option alternative. Les deux choses exigent un contrôle du budget et un accès au Mécanisme européen de stabilité. Si les investisseurs savent que nous disposons d'un budget solide et que nous sommes soutenus par l'Europe, ils accepteront de nous prêter de l'argent à des taux d'intérêt minimum " a déclaré le leader du parti Micheal Martin.

La Commissaire européenne en charge de la Recherche et de l'Innovation, Maire Geoghegan-Quinn (FF), a affirmé qu'un vote "oui" signalerait "le retour de l'Irlande".

Les opposants au pacte budgétaire européen

Le camp du "non" au pacte budgétaire européen regroupe les partis d'extrême gauche que sont le Sinn Fein (SF) et l'Alliance de la gauche unie (UL) qui rassemble le Parti socialiste (SP), le mouvement du Peuple avant les profits et plusieurs députés indépendants.

L'Alliance de la gauche unie affirme que le pacte budgétaire européen va mettre l'Irlande dans un état de rigueur permanente et instituera de nombreuses années de coupes dans les dépenses publiques et de hausse des impôts. Le mouvement se dit convaincu qu'une approbation du traité ferait plonger l'Irlande dans une nouvelle crise économique.

Le leader du Parti socialiste, Joe Higgins, y est opposé pour les mêmes raisons. Selon lui, les obligations du texte obligeront Dublin à faire 5,7 milliards € de coupes budgétaires et d'impôts supplémentaires. Joe Higgins a demandé au gouvernement de demander une renégociation du pacte budgétaire et notamment de la clause qui prévoit d'apporter une aide aux seuls Etats membres qui ont ratifié le traité. Il a affirmé que cette clause était une arme pour forcer les gens à voter "oui" au référendum et utilisée comme un moyen de chantage. Le député socialiste Paul Murphy voit également dans le vote "non" une opportunité pour l'Alliance de la gauche unie de développer une option alternative anticapitaliste.

Les indépendants Boyd Barrett et Joan Collins ont chiffré à 5,7 milliards € le montant des impôts supplémentaires et des coupes budgétaires que les Irlandais devront supporter en cas de victoire du "oui". Ils ont affirmé que quelque soit le résultat du référendum du 31 mai, l'Union européenne viendra toujours au secours de Dublin si cela s'avère nécessaire.

Le Peuple avant les profits assure que l'Irlande peut trouver des moyens de financement pour régler ses problèmes économiques. Selon le mouvement, 40% de la dette irlandaise est en réalité celle des banques et des institutions financières privées. Il préconise donc de créer un impôt pour les personnes qui perçoivent plus de 100 000 € annuels ainsi qu'une taxe sur la santé pour les très riches, ce qui, selon le Peuple avant les profits, rapporterait 10 milliards € au pays.

De la même façon, le Sinn Fein est hostile à un texte qui, selon lui, institutionnalise l'austérité. Celle-ci reproche à l'Union et à la Banque centrale européennes d'avoir fait payer aux Irlandais la dette des banques privées pour maintenir la stabilité financière de la zone euro. La vice-présidente du parti, Mary Lou McDonald, a accusé le gouvernement de "chantage".

Quant à Declan Ganley, homme d'affaires millionnaire fondateur de l'organisation Libertas et figure de proue des adversaires du traité de Lisbonne en 2008 et 2009, il a indiqué qu'il voterait "oui" seulement si étaient introduits dans le texte les idées de formation des Etats-Unis d'Europe, l'élection d'un leadership au niveau de l'Union et la création d'eurobonds soutenus par un impôt européen.

Le député du Fianna Fail, Eamon O'Cuiv, s'est opposé au pacte budgétaire et répète que le gouvernement a "d'autres choix pour aider l'Irlande à retrouver la croissance". Après sa prise de position, il a dû quitter son poste de leader du groupe parlementaire du parti. Le député a demandé la régulation des secteurs financiers et bancaires au niveau européen et un engagement de l'Union à ne plus autoriser la formation de gouvernements technocratiques dans l'Union européenne et s'est déclaré opposé à toute harmonisation fiscale et a proposé une réforme de la Banque centrale européenne pour que celle-ci puisse acheter des eurobonds. Eamon O'Cuiv a également choqué son parti en affirmant que le Sinn Fein, parti nationaliste d'extrême gauche, était le meilleur partenaire du Fianna Fail dans un futur gouvernement.

Enfin, certains opposants au pacte budgétaire mettent en avant la défense de la démocratie et s'insurgent du fait que le pacte budgétaire européen accorde à la Cour européenne de justice le droit de superviser les choix économiques des Etats membres.

La Confédération des syndicats irlandais (Irish Congress of Trade Unions, ICTU), qui regroupe 55 syndicats et compte 600 000 membres, s'est pour la première fois abstenue de voter une consigne de vote pour le référendum du 31 mai. L'organisation avait soutenu tous les traités européens au cours des 20 dernières années. "L'Irlande se trouve entre le marteau et l'enclume. Au point où en sont les choses, l'Etat n'aura plus d'argent d'ici la fin de l'année 2013 ou début 2014. A moins que nous ne soyons en mesure de retourner sur les marchés pour emprunter, nous aurons besoin d'un 2e plan d'aide" a déclaré son secrétaire général, David Begg.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Red C pour le journal The Sunday Business Post et publiée le 2 mai dernier, une majorité d'Irlandais (47%) s'apprêteraient à voter en faveur du "oui" quand un peu plus d'un tiers d'entre eux (35%) le rejetteraient. Environ 18% des électeurs sont toujours indécis.

Source : Internet site of the elections in Ireland

(http://electionsireland.com)

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