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Coup de théâtre en Serbie où Tomislav Nikolic est élu président de la République

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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21 mai 2012
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Coup de théâtre en Serbie où Tomislav Nikolic est élu président de la République

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La troisième fois aura donc été la bonne pour Tomislav Nikolic (Parti progressiste serbe, SNS). Avec 49,7% des suffrages, il a remporté l'élection présidentielle serbe dont le 2e tour s'est déroulé le 20 mai. Il a devancé le chef de l'Etat sortant Boris Tadic (Parti démocrate, DS), qui a obtenu 47 % des voix et qui échoue donc à remporter son 3e mandat.

Au 1er tour de scrutin le 6 mai dernier, Boris Tadic avait devancé son adversaire d'une courte tête. 10 000 voix (sur un total de près de 4 millions) séparaient les deux hommes : le président de la République sortant avait recueilli 25,31% des suffrages et le leader nationaliste, 25,05%.

Entre les deux tours, Tomislav Nikolic avait accusé Boris Tadic de fraudes électorales sur 500 000 voix au 1er tour et appelé ses concitoyens à manifester pour dénoncer ce vol le 12 mai dernier. "J'affirme que des centaines de milliers de bulletins supplémentaires ont été imprimés et donnés au Parti démocrate et que celui-ci a ainsi manipulé le résultat" avait t-il affirmé. "Il est temps que les citoyens voient à qui ils ont à faire. Les Serbes ne méritent pas un président de la République soupçonné de vol" avait-il ajouté, décrivant le pays comme un "Etat dirigé par des criminels". L'ensemble des observateurs internationaux et nationaux avaient jugé les élections serbes libres et transparentes, conformes aux standards démocratiques internationaux.

La participation au 2e tour a été faible, s'élevant à 46,32%, une forte abstention qui a été favorable à Tomislav Nikolic.

"Ce jour est le plus beau de ma carrière politique et de ma vie" a déclaré Tomislav Nikolic qui a immédiatement tenu à rassurer ses partisans, mais surtout la communauté internationale, sur son engagement européen : "La Serbie maintiendra sa voie européenne. Ce scrutin n'a pas porté sur qui conduira la Serbie vers l'Union européenne mais sur qui réglera les problèmes économiques créés par le Parti démocratique de Boris Tadic" a-t-il déclaré.

L'alliance entre les deux tours de scrutin du leader nationaliste avec le Parti démocratique (DSS) de l'ancien Premier ministre (2004-2008) Vojislav Kostunica, opposé à l'adhésion de Belgrade à l'Union européenne, avait jeté le trouble et été utilisée par les partisans du président Tadic pour mettre en doute son engagement européen. A l'issue des élections législatives du 11 mai 2008, Tomislav Nikolic avait quitté le Parti radical dirigé par Vojislav Seselj pour créer le Parti progressiste, qui se déclare favorable à l'intégration de la Serbie dans l'Union européenne. Tomislav Nikolic se présente comme un nationaliste pro-européen : "Nous voulons rejoindre l'Union européenne. Celle-ci a des projets pour nous et nous apportera des investissements"

"La Serbie doit développer son économie et enrayer la pauvreté. Nous devons nous mettre au travail pour nous débarrasser de la corruption et de la criminalité, pour mettre fin à l'oligarchie politique et rechercher des amis dans le monde entier" a t-il déclaré. Le programme de son parti propose des diminutions d'impôts, la fin des monopoles et des tycoons et annonce une baisse de la corruption (qui, promet-il, permettrait de sauver 62 milliards de dinars, soit environ 2% du PIB du pays). Durant sa campagne électorale, Tomislav Nikolic avait proposé de construire un canal reliant le Danube à la mer Egée, sans toutefois expliquer comment il entendait mettre en œuvre un tel projet qui traverserait nécessairement d'autres pays que la Serbie.

"Je félicite Tomislav Nikolic pour sa victoire méritée. Je lui souhaite du succès à ce poste très difficile" a déclaré Boris Tadic. L'ensemble des enquêtes d'opinion donnaient le chef de l'Etat sortant largement (58% des intentions de vote) réélu encore quelques jours avant le 2e tour. "Il s'agit d'un tremblement de terre électoral, des résultats totalement inattendus" a souligné l'analyste politique Slobodan Antonic. Le leader du Parti démocrate avait, à la fin de sa campagne électorale, qualifié le 2e tour de "référendum pour l'Union européenne". "C'est un jour crucial car nous décidons de la direction que nous allons prendre dans les 5 prochaines années et même dans la prochaine décennie. Et le monde nous regarde pour voir notre degré de maturité démocratique" (...) "En tant qu'ancien président de la Serbie, si mes propos sont encore entendus, j'exhorte au maintien de la stratégie menant vers l'Union européenne" a tenu à indiquer Boris Tadic.

A l'issue des élections législatives du 6 mai dernier, les socialistes emmenés par le ministre de l'Intérieur sortant Ivica Dacic (Parti socialiste, SPS), arrivés en 3e position (14,53% des suffrages et 44 sièges), avaient décidé le 9 mai de poursuivre leur alliance avec le Parti démocrate (DS) de Boris Tadic (22,11% des voix et 67 sièges). Le nom d'Ivica Dacic était alors cité (avec celui du maire de Belgrade, Dragan Dilas (DS)) comme celui du prochain Premier ministre.

Avec l'élection de Tomislav Nikolic à la présidence de la République, le Parti progressiste, qui était arrivé en tête du scrutin législatif avec 24,04% des suffrages et 73 sièges, devrait tenter de former une majorité, peut-être avec le Parti socialiste. S'il n'y parvient pas, la Serbie (où le Premier ministre possède davantage de pouvoirs que le président de la République même si ce dernier peut bloquer les lois) se retrouvera en situation de cohabitation.

Agé de 60 ans, Tomislav Nikolic est originaire de Kragujevac. Il possède une formation de génie en construction et a travaillé pour différentes entreprises de travaux publics. En 1990, il adhère au Parti radical populaire qui, avec le mouvement tchetnik serbe, forme ensuite le Parti radical. En 1991, il devient député de l'Assemblée nationale où il a été régulièrement réélu. En mars 1998, le Parti radical forme une coalition avec le Parti socialiste du président de la République fédérale de Yougoslavie, Slobodan Milosevic, et Tomislav Nikolic devient vice-président du gouvernement de Serbie, puis, fin 1999, vice-président du gouvernement fédéral yougoslave jusqu'à la chute du dictateur en octobre 2000.

Candidat à l'élection présidentielle serbe de 2000, Tomislav Nikolic arrive en 3e position derrière Vojislav Kostunica et Slobodan Milosevic. En 2004, il échoue face à Boris Tadic (45% des suffrages au 2e tour). En 2008, même scénario : il est de nouveau battu à l'élection présidentielle par le chef de l'Etat sortant, recueillant 47,97% des voix au 2e tour. Le 6 septembre 2008, il démissionne du Parti radical (dont il était le président par intérim en l'absence de Vojislav Seselj, inculpé de crimes de guerre contre les populations non-serbes de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Voïvodine par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY), et fonde le Parti progressiste.

L'obstination de Tomislav Nikolic aura fini par payer. Le 20 mai, il est devenu le deuxième président de la République serbe.

"La victoire serrée de Tomislav Nikolic n'est pas un vote d'adhésion. Les électeurs ont voulu sanctionner le Parti démocrate. Une des manières de le faire était de voter pour Tomislav Nikolic" analyse le sociologue et directeur de l'ONG Initiatives citoyennes, Miljenko Dereta. Les Serbes sont en effet très touchés par la crise économique : faible croissance du PIB (0,5% prévus en 2012), taux de chômage élevé (24% de la population active) et fort pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Les électeurs ont donc exprimé leur lassitude et sanctionné ce que certains qualifient de "système Tadic". En choisissant l'alternance, ils vont peut-être également être amenés à faire l'expérience de la cohabitation. Le sociologue Vladimir Vuletic craint une "sérieuse crise politique" et parle de "risques de tensions et de désaccords entre le président de la République et le gouvernement".

Source : Centre pour les élections libre et la démocratie (CeSID) http://www.cesid.org/

Source : Centre pour les élections libre et la démocratie (CeSID)

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