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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Enorme surprise au Royaume-Uni où les résultats des élections législatives ont déjoué toutes les enquêtes d'opinion pré-électorales. Celles-ci prévoyaient en effet un résultat très serré entre les deux principaux partis - le Parti conservateur du Premier ministre sortant David Cameron et le Parti travailliste dirigé par Ed Miliband - et excluaient toute majorité claire au Parlement mais les électeurs britanniques ont accordé une large victoire aux Tories au pouvoir depuis cinq ans. Le Parti conservateur a recueilli 36,9% des suffrages et remporté avec 331 sièges (+ 24 par rapport aux précédentes élections législatives du 6 mai 2010) la majorité absolue à la Chambre des Communes, chambre basse du Parlement. Il a largement devancé les travaillistes, qui ont obtenu 30,4% des voix et 232 députés (- 26), soit leur plus faible résultat depuis 28 ans.
Les Libéraux-démocrates (LibDem), partenaires des conservateurs dans le gouvernement sortant et conduits par le vice-Premier Ministre sortant Nick Clegg, ont subi une déroute : 7,9% des suffrages et 8 sièges (- 49).
Le deuxième vainqueur du scrutin est le Parti national écossais (SNP), conduit par Nicola Sturgeon, qui s'est largement imposé en Ecosse, seule région où le parti est présent et jusqu'à ce jour fief historique des travaillistes, où il a remporté 56 des 59 députés (+ 50) que compte la région du Nord du royaume (4,7% des voix).
Le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), populiste et europhobe, de Nigel Farage, a recueilli 12,6% des suffrages mais n'a remporté qu'un seul siège (- 1 par rapport à la Chambre des Communes sortante). Son dirigeant a été battu dans la circonscription de South Thanet (Kent) où il se présentait, ce qui l'a conduit à abandonner dès le lendemain du scrutin la tête de l'UKIP.
Le Parti vert d'Angleterre et du Pays de Galles conduit par Natalie Bennett, n'a remporté qu'un seul siège (=). Au Pays de Galles, le Plaid Cymru dirigé par Leanne Wood, a obtenu 3 sièges (=) (0,6% des suffrages).
En Irlande du Nord, le Parti démocratique d'Ulster (DUP), favorable au maintien de l'Irlande dans le Royaume-Uni, emmené par Peter Robinson, a remporté 8 sièges (=) ; le Sinn Fein, parti nationaliste conduit par Dawn Doyle, 4 (- 1) ; le Parti travailliste et social-démocrate (SDLP), emmené par Alastair McDonnell, 3 (=) et le Parti unioniste d'Ulster (UUP) de Mike Nesbitt, 2.
En dépit de ce qu'avaient prédit les enquêtes d'opinion, les Britanniques ont donc décerné un satisfecit aux conservateurs aux commandes du pays depuis cinq ans. Par ailleurs, très habitués (et très favorables) à leur mode de scrutin (First past the post), qui donne un large avantage aux " grands " partis, ils ont voté " utile ". Si le SNP a privé les travaillistes de nombreux élus en Ecosse, les pertes du Labour là-bas ne sont pas suffisantes pour expliquer sa défaite. Les travaillistes ont pâti de leur faible crédibilité en matière économique alors que l'économie constituait, selon les sondages, la priorité des Britanniques pour ce scrutin. Ed Miliband a d'ailleurs reconnu que son parti "n'avait pas réalisé suffisamment de progrès en Angleterre". Enfin, la déroute des LibDem a profité davantage aux conservateurs qu'à l'opposition. Finalement, comme lors du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse le 18 septembre dernier, les électeurs ont préféré la continuité au changement.
Conséquence du scrutin, pas moins de 3 dirigeants politiques ont démissionné le lendemain du vote : le travailliste Ed Miliband, le libéral-démocrate Nick Clegg et le dirigeant de l'UKIP, Nigel Farage. Ce dernier n'a toutefois pas exclu son retour dans de prochains mois.
Les 2/3 des Britanniques se sont rendus aux urnes (66%). La participation a été de +0,9 point par rapport au précédent scrutin du 6 mai 2010.
Les Britanniques ont donc plébiscité l'action du Premier ministre sortant David Cameron. Celui-ci a en effet pu mettre en avant un bilan économique indiscutable : retour de la croissance, qui est la plus élevée depuis 2007 (2,6% en 2014 et 3,5% prévus en 2015) et baisse du taux de chômage, qui s'établit à son plus bas niveau depuis juin 2008 (5,5% en janvier 2015). Les conservateurs ont créé deux millions de nouveaux emplois depuis 2010. Le gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux-démocrates avait su réaliser l'essentiel de ses réformes en début de mandat avant de desserrer l'austérité - à partir de 2013 - en équilibrant réduction des déficits et maintien de la croissance, ce qui a conduit à une reprise économique. Si la croissance retrouvée masque une hausse des inégalités, les Britanniques lui ont cependant exprimé leur confiance pour poursuivre sur le chemin tracé durant les cinq prochaines années.
Le Parti travailliste essuie donc une défaite importante. "Le nationalisme écossais nous a submergé." a déclaré Ed Miliband. Le vote des Ecossais, dont une grande partie n'a pas pardonné au Labour sa participation à la campagne du " non " aux côtés des Tories lors du référendum sur l'indépendance le 18 septembre dernier, n'est cependant pas seul responsable du recul des travaillistes. Le projet du principal parti d'opposition, qui avait mené une campagne très à gauche, était, faute de marge de manœuvre, assez proche de celui défendu par les conservateurs. Le Labour promettait sans doute davantage d'égalité sociale, notamment par une taxation des plus riches plus importante, et plaidait pour des coupes dans les dépenses sociales moins drastiques et davantage échelonnées dans le temps que les Tories, mais dépourvu d'un projet alternatif, il ne disputait finalement aux Tories que la méthode ou la péréquation.
Par ailleurs, Ed Miliband, jugé peu charismatique, était considéré comme moins crédible au niveau économique que son principal rival.
Le SNP a donc pris sa " revanche " sur le référendum perdu sur l'indépendance de l'Ecosse le 18 septembre dernier. Il est devenu le 7 mai la 3e force politique de la Chambre des Communes bénéficiant de sa concentration géographique qui lui permet de ne pas pâtir du mode de scrutin.
" Le lion écossais a rugi à travers le pays " s'est félicité Alex Salmond, ancien dirigeant de l'Ecosse (2007-2014). Symbole de ces élections : Mhairi Black, étudiante de 20 ans, est ainsi devenue la plus jeune députée britannique depuis 350 ans, en battant le député sortant, l'ancien secrétaire d'Etat (2005-2011) Douglas Alexander.
En outre, si une majorité de Britanniques votaient en faveur du Brexit (British exit, sortie du pays de l'Union européenne), le Premier ministre David Cameron serait probablement contraint d'organiser un nouveau référendum sur l'indépendance de l'Ecosse dont les habitants sont très majoritairement pro-européens. Nicola Sturgeon a d'ores et déjà formulé cette demande. Dans le discours qu'il a prononcé après s'être entretenu avec la reine Elizabeth II le 8 mai, David Cameron s'est engagé à gouverner pour " rassembler le pays, une nation, notre Royaume-Uni " et a confirmé la poursuite de la devolution (décentralisation) en Ecosse et au Pays de Galles, " notamment en mettant en œuvre aussi vite que possible les délégations de pouvoirs que nous avons promises à juste titre ". " En Ecosse, nous avons l'intention de créer le gouvernement le plus décentralisé au monde en le dotant de pouvoirs importants dans le domaine de la fiscalité" a-t-il indiqué.
" Qu'il s'agisse du SNP ou de UKIP, on assiste à un réflexe de repli sur l'identité nationale face à une menace extérieure même si ces deux partis ont deux conceptions très différentes de l'Etat nation " a déclaré Agnès Alexandre-Collier, professeur de civilisation britannique à l'université de Bourgogne.
Les LibDem ont enregistré une sévère défaite et payé leur participation au gouvernement sortant. " Il s'agit d'un effondrement complet des libéraux-démocrates" a analysé Patrick Dunleavy, politologue à la London School of Economics (LSE).
Si son dirigeant Nick Clegg a conservé son siège dans la circonscription de Sheffield Hallam, Vince Cable, ministre sortant du Commerce, Danny Alexander, ministre sortant du Trésor et Ed Davey, ministre sortant de l'Energie, ont tous été battus.
Agé de 47 ans et originaire de Londres, David Cameron est un pur produit de la haute bourgeoisie. Formé à Eton College, l'un des établissements scolaires les plus réputés au Royaume-Uni (et du monde), il est également diplômé de l'université d'Oxford. Conseiller politique de Margaret Thatcher au début de sa carrière, il devient ensuite conseiller au Trésor, puis à l'Intérieur au sein du gouvernement de John Major. En 1994, il quitte ses fonctions gouvernementales pour rejoindre l'entreprise Carlton Communications. Battu aux élections en 1997, il est élu pour la première fois à la Chambre des Communes en 2001 dans la circonscription de Witney (Oxfordshire). Nommé vice-président du Parti conservateur en 2003, il est élu à la tête du parti le 6 décembre 2005 avec 67,6% des voix, battant David Davis (32,3%). Il mène le Parti conservateur à la victoire aux élections législatives du 6 mai 2010 mais faute de majorité absolue, doit former un gouvernement de coalition avec les Libéraux-Démocrates.
Suite à la victoire des conservateurs, l'Europe se retrouve au cœur des débats politiques. David Cameron avait fait en 2013 la promesse d'organiser un prochain référendum sur la sortie de son pays de l'Union européenne d'ici à 2017 s'il était réélu. Fort de sa majorité absolue, celui-ci sera donc organisé. " Il est temps d'organiser ce référendum. Ce n'est pas seulement dans l'intérêt du Royaume-Uni mais aussi dans celui de toute l'Europe" a indiqué le maire de Londres, Boris Johnson, élu député de la circonscription d'Uxbridge.
La victoire de David Cameron devrait donc rendre quelque peu difficiles ses relations avec ses partenaires européens avec lesquels il cherche à négocier une réforme du fonctionnement de l'Union européenne. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a affirmé récemment qu'il n'excluait pas la possibilité de modifier à la marge certains traités. Les investisseurs et les marchés financiers, qui se réjouissent de la victoire des conservateurs, ont déjà exprimé leurs craintes quant aux conséquences néfastes pour l'économie du Royaume-Uni d'un référendum sur l'avenir du pays dans l'Union européenne.
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