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Corinne Deloy
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La coalition Portugal a frente (Portugal en avant) emmenée par le Premier ministre Pedro Passos Coelho et regroupant le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti populaire (PP), dirigé par Paulo Portas, est arrivée largement en tête des élections législatives qui se sont déroulées le 4 octobre au Portugal. Les deux partis ont recueilli 38,44% des suffrages et remporté 104 sièges (-4 par rapport aux élections législatives du 5 juin 2011) à l'Assemblée de la République, chambre unique du parlement.
Le Parti socialiste (PS), principal parti d'opposition conduit depuis septembre 2014 par Antonio Costa, a obtenu 32,38% des voix et 85 sièges (+ 11).
Les deux partis sont suivis par le Bloc des gauches (BE) de Joao Semedo et Catarina Martins, qui a recueilli 10,22% des suffrages et remporté 19 sièges (+ 11) et qui, pour la première fois, a devancé la Coalition démocratique unitaire (CDU), alliance du Parti communiste (PCP), du Parti écologiste-Les Verts (PEV), conduite par Jeronimo de Sousa, qui a obtenu 8,27% des voix et 17 sièges (+ 1). Les formations de la gauche radicale ont réalisé un résultat nettement plus élevé que celui prévu par les enquêtes préélectorales.
La participation a été inférieure de 2,80 points à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 5 juin 2011: 55,23%.

Victoire de la coalition de droite sortante
"La droite a récupéré une partie des voix de l'électorat du centre, elle a réussi à faire passer le message que le retour au pouvoir des socialistes mènerait le pays à la faillite, comme en 2011" analysait Antonio Costa Pinto, politologue à l'université de Lisbonne, quelques jours avant le scrutin. En effet, le Premier ministre Pedro Passos Coelho a répété durant sa campagne électorale : "Le peuple portugais doit continuer à m'accorder sa confiance afin que nous puissions parachever cet assainissement financier et, fort de cet acquis, nous consacrer à faire de nouveau de la politique majuscule. Si on vote pour la gauche, c'est un scénario à la grecque catastrophique qui l'emportera, avec le chaos à la clé", assimilant le Parti socialiste à la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) grecque et prévoyant le retour de la Troïka (Fonds monétaire international - FMI –, Commission européenne et Banque centrale européenne) dans le pays. "Si nous poursuivons le chemin emprunté jusqu'ici, nous n'aurons pas besoin d'un nouveau plan de sauvetage" avait encore affirmé le chef du gouvernement sortant. La Troïka a officiellement quitté le Portugal le 17 mai 2014.
L'amélioration de la situation économique, et notamment la baisse du chômage, semble avoir convaincu la majorité des Portugais de choisir la voie de la continuité. Le manque d'enthousiasme des Portugais et la forte abstention qui en a résulté expliquent également le résultat élevé de la coalition de droite.
Echec des socialistes
Les socialistes ont fait campagne en dénonçant la politique d'austérité menée par le Premier ministre sortant Pedro Passos Coelho et en promettant beaucoup sans réellement préciser comment ils comptaient financer leurs engagements dans un pays qui connaît encore de grandes difficultés financières. "Vous êtes allés au-delà des exigences de la Troïka et vous avez appliqué une thérapie d'appauvrissement" a affirmé Antonio Costa, qui souhaitait "tourner la page de la rigueur". "C'était une stratégie erronée, car les élections se gagnent toujours au centre" a indiqué José Antonio Passos Palmeira, politologue de l'université de Minho
Au cours de la campagne électorale, le dirigeant socialiste avait cependant modéré son discours affirmant qu'il honorerait les engagements du Portugal et poursuivrait la politique de réduction du déficit s'il accédait au pouvoir à l'issue du scrutin. "Il faut tourner la page de l'austérité sans toutefois entrer en rupture avec les règles de l'Union européenne" avait-il alors indiqué Mais ce discours tantôt à gauche tantôt centriste n'a pas eu les effets escomptés, à savoir rassembler autour de son parti les mécontents de la coalition de droite sortante. Les Portugais n'ont sans doute pas oublié que les socialistes ont été les premiers à mettre en place des mesures d'austérité lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 2005 et 2011.
Enfin, le dirigeant socialiste a également dû se démarquer de son ancien leader, l'ancien Premier ministre (2005-2011) José Socrates, mis en examen (avec six autres personnes) pour corruption, blanchiment d'argent et fraude fiscale aggravée. Antonio Costa a été ministre de l'Administration interne du gouvernement de José Socrates entre 2005 et 2007.
Vers un gouvernement de droite minoritaire
La coalition de droite sortante s'est donc imposée dans les urnes mais sans parvenir à obtenir la majorité absolue au Parlement. "La coalition Portugal en avant a remporté une grande victoire. Nous allons maintenir notre engagement en faveur de la reprise et notre ouverture au dialogue" a déclaré Marco Antonio Costa, vice-président du PSD, à l'annonce des premiers résultats. "Si les résultats se confirment, nous pensons qu'aucun candidat n'obtiendra la majorité lors de ces élections" a souligné le directeur de campagne du dirigeant socialiste, Duarte Cordeiro.
Le Premier ministre Pedro Passos Coelho a immédiatement mis en avant que "plus de 70% du parlement est composé de forces politiques attachées à notre appartenance à l'Union européenne et à la monnaie unique". "La grande partie du Parlement est composée de partis qui ne rejettent pas les plans internationaux, les partis "de la gauche de la gauche" ne sont pas dans la situation de la Grèce ou de l'Espagne. On ne peut pas transformer une défaite dans les urnes en une sorte de victoire" a comme confirmé son partenaire, le dirigeant du Parti populaire, Paulo Portas.
"Le drame, ce serait un résultat moyen. Il faudrait ou bien une claire majorité conservatrice, ou bien une large victoire des socialistes et du Bloc de gauche afin que notre pays ne navigue pas à vue mais s'engage vers un cap précis et lisible" avait déclaré le journaliste Paulo Chitas à la veille du scrutin. Les forces de droite seront donc minoritaires au parlement mais une alliance entre le Parti socialiste et les forces de gauche radicale pour leur barrer la route est très improbable, pour ne pas dire impossible. Les deux partis diffèrent en effet sur des points essentiels, notamment sur la restructuration de la dette et sur le rapport à l'euro.
Reste l'hypothèse d'une grande coalition entre la droite et la gauche. Les deux partis l'ont exclue même si le Premier ministre Pedro Passos Coelho s'est toujours dit ouvert au dialogue avec tous les partis représentés au parlement. Pour sa part, Antonio Costa a affirmé qu'une grande coalition n'était imaginable "que dans une situation extrême comme une invasion martienne".
On semble donc se diriger vers la formation d'un gouvernement minoritaire de droite. "La droite ne peut pas continuer à gouverner comme si rien ne s'était passé" a déclaré Antonio Costa, indiquant également que son parti "ne ferait pas obstacle ni ne constituerait de majorité négative". Un seul gouvernement minoritaire, celui dirigé par le socialiste Antonio Guterres (1995-1999), est allé au bout de son mandat depuis le retour du Portugal à la démocratie en 1974.
En cas de blocage, la décision reviendra au président de la République Anibal Cavaco Silva (PSD). La Constitution portugaise le laisse libre de son choix, soit sans obligation de nommer le dirigeant du parti arrivé en tête des élections législatives au poste de Premier ministre. "Le Portugal ne peut pas se payer le luxe d'ajouter des querelles politiques aux problèmes économiques et sociaux" avait déclaré le chef de l'Etat durant la campagne électorale.
L'absence de majorité politique claire complique la situation encore fragile du Portugal. Il faut savoir que dans tous les cas, les Portugais ne pourront pas être rappelés aux urnes avant le mois de juin de l'année prochaine. La Constitution interdit en effet la dissolution du Parlement dans les six mois précédant ou suivant l'élection présidentielle ; celle-ci est prévue pour janvier 2016.
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