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Politique et démocratie
Question d'Europe n°368

Brexit : un compromis possible
entre le Royaume-Uni et les Etats-membres?

Brexit : un compromis possible
entre le Royaume-Uni et les Etats-membres?
19/10/2015
La relation du Royaume-Uni avec l'Union européenne n'a jamais été un long fleuve tranquille. Deux ans à peine après l'adhésion, en 1975, le gouvernement travailliste d'Harold Wilson consultait les Britanniques par référendum pour leur demander s'ils souhaitaient rester dans la Communauté européenne. La réponse fut alors oui à 67%. Tout au long des 42 ans d'adhésion, la participation à l'Europe a consisté pour les gouvernements britanniques à éviter que les institutions européennes n'aient trop de pouvoirs et à négocier des exemptions ou des dérogations préservant la souveraineté nationale. Le résultat est en 2015 un Royaume-Uni qui échappe à la fois à la monnaie unique et aux accords de Schengen sur la libre circulation des personnes. Il y a trois domaines dans lesquels il a apporté une contribution forte et sans joker à l'Union européenne : la création du marché intérieur, l'élargissement et la défense. Les Britanniques ont toujours été à l'aise avec une Union européenne définie comme un vaste marché, mais beaucoup moins avec celle d'une union politique. Comme un marché n'existe jamais sans régulation, les gouvernements de Londres ont accepté cependant, bon gré mal gré, que l'Union européenne réglemente les échanges, les services financiers et les capitaux. Les élargissements ont de ce fait souvent été vus comme des extensions positives du marché. Disposant, avec la France, de la seule armée capable de se projeter à l'extérieur de l'Union européenne, le Royaume-Uni a également apporté une contribution non négligeable à la défense européenne sans s'engager fortement dans l'institutionnalisation d'une politique européenne de défense qui aurait pu concurrencer l'OTAN.

En 2015, la vie politique britannique est marquée par une vague d'euroscepticisme dont le pays n'a pas le monopole. La plupart des Etats européens connaissent la même tendance. Le Royaume-Uni possède cependant depuis plusieurs années un parti europhobe, l'UKIP, faisant ouvertement campagne pour une sortie de l'Union européenne[1] . Cette perspective est partagée par une part non négligeable des élus du Parti conservateur actuellement au pouvoir. Le Premier ministre, David Cameron, est pour sa part convaincu qu'une sortie de l'Union européenne ne serait pas une bonne option pour le Royaume-Uni. Sous la pression des eurosceptiques de son parti, il s'est engagé néanmoins à tenir un référendum sur le sujet avant la fin de 2017. La question suggérée par la commission électorale indépendante au parlement de Westminster, en septembre 2015, a le mérite de la clarté : " Pensez-vous que le Royaume-Uni doive rester ou quitter l'Union européenne ?".

David Cameron doit gagner ce référendum en ralliant l'opinion britannique au statu quo. Pour cela, il lui faut apporter préalablement des gages en renégociant les conditions du statut déjà très particulier du Royaume-Uni avec ses partenaires de l'Union européenne. Cette renégociation est un jeu complexe qui nécessite de convaincre vingt-sept capitales. Si les Etats membres de l'Union européenne sont ouverts à cette renégociation pour ne pas voir le Royaume-Uni les quitter, tous ont aussi fixé des lignes rouges à ne pas dépasser. Au Royaume-Uni même, l'Ecosse très attachée à l'Union européenne est une contrainte dont David Cameron doit tenir compte : aux mains des indépendantistes, le parlement d'Edimbourg réactivera l'indépendance si les Anglais (et non plus les Britanniques) décident de quitter l'Union européenne. Pris en étau entre les eurosceptiques de l'UKIP et de son parti, les indépendantistes écossais et les autres Etats membres, David Cameron doit donc jouer subtilement pour conduire cette renégociation capable de lui faire gagner l'inévitable référendum.

Dans cette note, un panel d'experts européens réuni par le Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI) et la Fondation Robert Schuman[2] s'interroge sur l'ensemble des jeux qui vont marquer, dans les mois à venir, le devenir britannique au sein de l'Union européenne : que veut le gouvernement britannique ? La réforme voulue par Londres est-elle acceptable ou non ? Quelles sont ses exigences ? Jusqu'où ses partenaires sont-ils prêts à aller pour garder le Royaume-Uni dans l'UE ? Un compromis est-il envisageable et acceptable par l'ensemble des acteurs concernés ? Le cas échéant, quelles en seraient les principales lignes possibles ? L'issue du référendum dépendra en partie des négociations qui s'engagent entre Londres et ses partenaires européens et des réponses apportées à ces questions.

Une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne changerait sans le moindre doute le destin de l'intégration européenne en actant une véritable désunion politique d'une expérience régionale sans équivalent dans le monde.
[1]. La réforme institutionnelle de Lisbonne (2009) a introduit dans le traité sur l'Union européenne l'article 50 qui permet la sortie d'un Etat membre de l'Union européenne.
[2]. Grâce au soutien apporté par le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Ministère des affaires étrangères et du développement international au groupe de recherche " Europe " co-piloté par Thierry Chopin et Christian Lequesne au sein du CERI.
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
ISSN 2402-614X
Versions disponibles
Les auteurs
Louise Borjes
Assistante de recherche du think tank Institute for Government. Elle travaille actuellement sur le projet "UK parliamentary scrutiny of EU affairs.
Luis Bouza Garcia
coordinateur académique du Programme d'études Européennes générales du Collège d'Europe à Bruges. Il a publié "Participatory Democracy Civil Society in the EU: Agenda-Setting and Institutionalisation" (Palgrave Macmillan, 2014).
Piotr Buras
Directeur du bureau du Conseil européen chargé des affaires étrangères à Varsovie. Avant d'intégrer l'ECFR il fut le correspondant du journal polonais Gazeta Wyborcza à Berlin.
Thierry Chopin
Directeur des études de la Fondation Robert Schuman, professeur associé à l'Université catholique de Lille (ESPOL)
Sergio Fabbrini
Professeur de science politique et de relations internationales, et directeur de la School of Government Guido Carli de l'université LUISS (Libera Università Internazionale degli Studi Sociali) à Rome. Il a publié Which European Union? Europe after the Euro Crisis (Cambridge University Press, 2015).
Juha Jokela
Directeur du programme de recherche de l'Union européenne au Finnish Institute of International Affairs, à Helsinki.
Martin Koopmann
Directeur exécutif de la Fondation Genshagen, en Allemagne.
Christian Lequesne
Professeur de science politique à Sciences Po et directeur de recherche au CERI. Il est membre du Comité scientifique de la Fondation Robert Schuman.
Anand Menon
Professeur au King's College de Londres
Pauline Schnapper
Professeur de civilisation britannique contemporaine à l'Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3 et membre de l'Institut universitaire de France. A publié Le Royaume-Uni doit-il sortir de l'Union européenne ?, La documentation française, 2014
Andrew Scott
Professeur d'études européennes, Université d'Edimbourg, Edinburgh Law School. Il a publié, avec Simon Bulmer, Martin Burch et Patricia Hogwood, British Devolution and European Policy-Making: Transforming Britain into Multi-Level Governance (Basingstoke: Palgrave, 2002).
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