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I – UN DOMAINE STRATEGIQUE
Avec l'espace, la difficulté ne réside pas dans l'éloignement mais dans l'énergie indispensable pour s'extraire du « puits » gravitationnel. Pour ce faire, il convient d'élaborer un système technique complexe reposant sur une dépense d'énergie particulièrement importante.
Ce dispositif technique est au centre d'un processus de production et de diffusion de l'information, d'accès à/et de circulation de la connaissance. L'espace, de facto, doit être appréhendé comme un domaine stratégique parce qu'il comporte des enjeux tout à la fois politiques, économiques, scientifiques et juridico-éthiques.
Des enjeux politiques
Parce qu'il est un instrument de souveraineté, le financement de l'effort spatial mondial est pour une large part d'origine militaire, à l'exception de…. l'Europe ! En effet, ce sont des budgets civils qui alimentent pour l'essentiel la dépense spatiale européenne. Les programmes de défense ne représentant qu'un sixième de l'effort budgétaire, nonobstant les enjeux liés à la politique étrangère de sécurité commune (P.E.S.C.). Cette singularité européenne signifie que les applications de défense sont financées majoritairement par la Recherche Développement civile. Une exception dans le paysage des grandes puissances spatiales !
Des enjeux économiques
La nature de l'activité spatiale exige un investissement public important. En 2003, l'effort public mondial était estimé à 42,4 milliards de dollars dont 57 % de budgets civils et 43 % de budgets militaires.
L'investissement public caractérise ainsi le temps de développement du produit spatial. Force est de constater qu'il en ait de même pour le marché. Qu'il s'agisse des lanceurs et des satellites, la demande qui s'exprime est essentiellement publique. Seuls 20 % des produits de l'industrie spatiale sont exploités dans le secteur marchand.
Des enjeux scientifiques
La maîtrise de l'espace constitue une avancée majeure dans l'acquisition des connaissances. Tout d'abord, l'espace extra-atmosphérique offre un seuil, une distance fondamentale dans l'observation et donc dans la compréhension du système Terre. Ensuite, l'espace extra- atmosphérique assure un point d'observation de notre univers à nul autre pareil : il permet un progrès essentiel dans l'investigation et la découverte de l'espace profond. Enfin, conséquence de ces deux caractéristiques, les sciences spatiales fournissent des réponses aux grandes questions relatives à l'origine de la vie, aux mécanismes de l'univers et au devenir de l'humanité.
Des enjeux juridiques et éthiques
Les activités spatiales engendrent un questionnement éthique. La réflexion dans ce domaine implique la mise à jour de plusieurs principes fondateurs comme la non appropriation de l'espace, la liberté d'accès aux données et la recherche au service de l'humanité. La protection des données, le développement des activités spatiales et les avancées consacrées par l'industrie spatiale impliquent une évolution du droit de la propriété intellectuelle.
II – UN EMBLEME DE L'AFFIRMATION DE L'EUROPE
La dynamique de la construction européenne érige progressivement l'espace comme l'un de ses éléments les plus novateurs et les plus stratégiques. Les récentes décisions concernant tant GALILEO, le système de navigation par satellites que l'initiative G.M.E.S. (Global Monitoring for Environment and Security) sont des illustrations spectaculaires de cette montée en puissance.
La structure institutionnelle en Europe
La collaboration spatiale européenne s'est imposée comme une évidence dès lors que les Etats-Unis et l'ex URSS rivalisaient d'exploits et de prouesses dans l'accès à l'espace. Ce rapprochement des efforts nationaux s'est effectué autour de deux axes : l'axe scientifique et l'axe technologique.
Aujourd'hui, la politique spatiale en Europe est portée par l'Agence spatiale Européenne (E.S.A), les agences nationales et l'Union européenne dont l'implication va croissante. Bien que l'ESA et les agences nationales demeurent les principaux « financiers » de l'effort spatial européen, l'Union gagne en influence. Son rôle en amont (réflexion stratégique) et en aval (applications et services) s'inscrit inéluctablement dans l'élaboration et la conduite de la politique spatiale.
La France dans l'Europe spatiale
Depuis l'origine, la France dispose d'un rôle particulier de leader dans ce secteur. Dans le domaine des lanceurs et des satellites, comme dans celui des missions scientifiques, l'ambition spatiale est au cœur de la stratégie de souveraineté de la France. De facto, l'espace entretient des relations étroites avec la politique de défense. Ainsi, la France est pionnière dans l'effort militaire européen en matière spatiale, auquel elle contribue à plus de 60 %.
Avec le CNES, elle dispose d'une agence de programmes forte qui recèle quelques uns des principaux centres techniques en Europe (Evry pour les lanceurs, Toulouse pour les systèmes orbitaux). C'est également sur le territoire français que se trouvent les principaux sites industriels du domaine. L'industrie spatiale française contribue à 43 % de l'activité spatiale européenne ; elle représente 42 % des emplois.
De ce potentiel technico-industriel résulte une Europe spatiale indissociable de l'effort particulier de la France. De facto, celle-ci constitue, comme le note le rapport, la troisième puissance spatiale mondiale. Avec un budget annuel de 1,6 milliard d'euro en 2002, elle contribue à près de 40 % de l'effort européen. En outre, le centre spatial de Guyane, port spatial de l'Europe et établissement du CNES, renforce ce poids spécifique de la France dans l'ensemble spatial européen.
Pour autant, la France n'est pas une puissance spatiale sans l'Europe. Financièrement, les programmes spatiaux requièrent la dimension critique de l'Europe. Les applications, parce qu'elles exigent un haut niveau d'intégration dans un contexte de plus en plus mondialisé, valident cette tendance.
Nonobstant l'influence naturelle de quelques pays leaders – dont la France mais aussi l'Allemagne ou l'Italie – la dynamique de l'Europe spatiale est multilatérale.
Tout l'enjeu vise à parvenir à une meilleure articulation entre la politique spatiale française avec le processus européen. L'Europe fournit une envergure plus large aux programmes spatiaux : ARIANE hier, GALILEO aujourd'hui, GMES demain, démontrent la force intrinsèque de l'européanisation des programmes spatiaux. Comme le rapport le recommande : « l'effort spatial doit aussi être partagé entre tous les partenaires. La continuité de l'effort spatial français devrait être le moteur d'une plus grande implication dans l'effort européen des partenaires de premier rang ».
III – UN SECTEUR EN MUTATION
C'est une crise d'ordre institutionnel mais également d'ordre économique qui a frappé le secteur spatial en 2003.
Une année charnière dans le domaine institutionnel
2003 fut marqué par plusieurs événements, qui traduisent l'évolution de la construction spatiale en Europe. Il s'agit du processus livre vert/livre blanc et de la signature de l'accord-cadre ESA/UE ; de la première rédaction du « plan directeur de la technologie spatiale européenne » de l'ESA et des travaux de la convention européenne inscrivant l'espace au rang des « compétences partagées » de la future Constitution de l'Union européenne.
La question du maintien de l'autonomie d'accès à l'espace est au cœur du chantier institutionnel de l'Europe spatiale. L'adoption du Plan EGAS (« European garanteed access to space ») en mai 2003 y répond pour une part ; la redistribution des rôles et des compétences des différents acteurs nationaux, supranationaux et industriels y contribue également.
Une industrie en restructuration
L'industrie spatiale européenne est concentrée autour de trois grands groupes : ALCATEL SPACE, EADS SPACE, FINMECANICA contrôlant plus de 70 % du marché accessible à l'industrie européenne. En 2004, la restructuration du secteur bat son plein et les trois groupes visent à rapprocher les deux secteurs essentiels que sont les lanceurs et les satellites.
ARIANESPACE et l'avenir du Centre Spatial Guyanais
Créée en 1980, ARIANESPACE est chargée de commercialiser le lanceur ARIANE. Les performances techniques du lanceur ARIANE 4 ont permis à ARIANESPACE de devenir leader sur plus de la moitié du marché des lanceurs commerciaux. Depuis 2002, ARIANESPACE est néanmoins confrontée à une triple difficulté : un marché commercial des télécommunications en baisse ; la montée en puissance de la concurrence des opérateurs de lancements américains qui ont divisé par deux les prix ; l'instabilité du lanceur ARIANE 5 dans sa phase d'apprentissage.
A terme, l'avenir d'ARIANESPACE repose sur la stabilisation de la version 10 tonnes d'ARIANE 5. Face à l'offre américano-russe, et au regard de la configuration à venir du marché des satellites de télécommunications, le retour en vol d'ARIANE 5-10 tonnes constitue « un impératif catégorique ». L'avenir du Centre Spatial Guyanais est tributaire de cette qualification et de cette stabilisation du « navire amiral » de la gamme des lanceurs européens, même si les mises en service du petit lanceur VEGA et l'installation du Soyouz densifieront, à coup sûr, les cadences.
IV – PROPOSITIONS : L'ESPACE COMME VECTEUR D'AFFIRMATION DE L'EUROPE ET DE LA FRANCE
L'espace est un élément déterminant du rôle que l'Europe entend jouer dans le concert international. Dans ce but, il convient de définir une stratégie spatiale intégrée (1), de préciser et de redéfinir les articulations institutionnelles (2), de renforcer le pôle européen de recherche et industriel spatial (3), de promouvoir et de maintenir le rôle historique de la France (4), de profiler nos partenariats internationaux (5).
Définir une stratégie spatiale européenne
Le Conseil Economique et Social estime que la définition de la stratégie spatiale européenne passe par un ciblage précis des priorités (a), par la promotion d'un fort investissement public (b) et par la ré-évaluation dans sa dimension stratégique de l'instrument spatial (c).
a) Le ciblage des priorités
L'objectif matriciel est de renforcer l'intégration de l'espace dans la politique de l'Union européenne. Quatre axes majeurs se profilent :
• le développement d'une base technologique correspondant aux besoins de l'Europe :
L'ESA doit conserver sa fonction de support de développement technologique à l'assise spatiale européenne. De ce point de vue, le plan directeur européen de la technologie spatiale (E.S.T.M.P.) va dans ce sens et doit servir de socle à la politique spatiale européenne.
• le renforcement des systèmes satellitaires au service des besoins européens :
Le caractère onéreux des systèmes satellitaires exige de réduire la fragmentation des efforts. Le Conseil Economique et Social se prononce pour des initiatives communes à l'image de GALILEO et de GMES. GALILEO annonce d'autres grands programmes spatiaux réalisés dans le cadre de l'Union. « Son succès est indispensable note le rapport. Il ne sera possible que si le système technique est solide et si la concession est exploitée efficacement ». Pour GMES, le Conseil Economique et Social en appelle à l'urgence de définir des services pilotes aptes à créer un socle stable de clients utilisateurs.
• préservera l'autonomie d'accès à l'espace :
Le système lanceur, caractérisé par les différentes versions d'ARIANE, doit demeurer central dans les priorités de l'Europe spatiale. Afin de rester compétitif et fiable dans un contexte concurrentiel accru, une cadence de tir suffisante doit être maintenue grâce à la non dispersion des commandes européennes. Cet objectif pourrait être assuré par l'instauration d'une préférence communautaire, équivalent du système préférentiel américain du « buy american Act ».
• la technique spatiale comme outil pour la recherche fondamentale :
Reposant essentiellement sur le programme obligatoire scientifique de l'ESA, l'espace constitue et demeure un outil incontournable de la recherche scientifique. Au-delà de la planétologie et de l'astrophysique, la science spatiale doit, recommande le rapport, entretenir des liens étroits avec les applications opérationnelles dans les domaines de l'environnement et de la météo.
b) Un investissement public fort
Le budget spatial européen est à ce jour légèrement inférieur à 5 milliards d'euro. 90 % des ressources y sont civiles. L'espace est un secteur sous tutelle quasi exclusive des ministères en charge de la Recherche. Dans son avis, le Conseil Economique et Social se prononce pour un engagement fort des Etats membres de l'Union et de l'ESA et considère l'émergence de nouvelles sources budgétaires visant à financer les programmes spatiaux comme indispensable. Pour ce faire, il conviendrait d'élargir les tutelles institutionnelles de l'espace dans la mesure où les applications investissent désormais un large champ social au-delà des seules sciences et technologies. En tout état de cause, les ressources actuelles consacrées à l'espace sont insuffisantes et des investissements accrus sont nécessaires.
c) Réévaluer l'Espace dans sa dimension stratégique
En Europe, à l'opposé de ce qui s'opère aux Etats-Unis en particulier, le financement spatial est quasi-exclusivement d'origine civil. Il s'agit d'une exception au sein du cercle des grandes puissances spatiales. L'Europe devra en conséquence réévaluer son analyse de l'importance du dispositif spatial dans sa dimension stratégique et de sécurité. A ce stade, elle se trouve en situation de dépendance stratégique, ne contrôlant pas de manière autonome l'accès aux données fournies par les satellites de navigation américains ou russes.
Définir une stratégie spatiale européenne
La politique spatiale européenne est entrée dans une phase de maturation accélérée : la signature de l'accord ESA/UE constitue une première étape ; l'inscription d'une « compétence partagée » dans le Traité Constitutionnel à venir en est une seconde. Le Conseil Economique et social se déclare favorable à la tenue d'une Conférence spatiale européenne en 2005, reprenant l'une des préconisations de la Commission de réflexion sur la politique spatiale française présidée par Roger-Maurice BONNET.
a) Le cadre communautaire rénové
Les usages de l'espace doivent être étendus afin de développer l'utilisation des technologies spatiales dans le cadre communautaire. Dans cette perspective, une plus grande implication de l'Union européenne s'impose. Les efforts de celle-ci devront se concentrer en amont (soutien à la recherche fondamentale) et en aval (déploiement et utilisation des services issus de l'infrastructure spatiale). Ces objectifs supposent une structuration vouée à assurer la coordination entre plusieurs entités de la Commission (les directions générales : recherche, transports, société de l'information, environnement etc….mais également les structures militaires) afin de favoriser la consolidation des besoins transversaux pour mieux y répondre. Par ailleurs, le Conseil Economique et Social prône la nomination d'un Commissaire responsable pour l'espace à la Commission Européenne.
b) L'espace : une compétence partagée
La reconnaissance constitutionnelle d'une « compétence partagée » démontre l'importance accordée au plus haut niveau européen au secteur spatial. Pour autant, le rapport estime que la Constitution, en érigeant l'espace au rang des « compétences partagées », ne procure pas l'ancrage législatif à la réduction des duplications et à la rationalisation de l'effort spatial européen. Néanmoins, dans le cadre de l'élargissement de l'Union, la « compétence partagée » offre, éventuellement aux Etats membres qui ne peuvent pas souscrire à un programme de l'Agence, parce qu'ils ne répondent pas aux critères du retour géographique, la possibilité d'y participer à travers l'Union. Enfin, le principe de « compétence partagée » élargit le spectre des instruments budgétaires.
c) Le principe de subsidiarité dans la relation UE/ESA
La distribution des rôles entre l'ESA et les agences nationales doit passer au filtre du principe de subsidiarité. Les applications spatiales dépassent le simple cadre national. A la différence des Etats-Unis ou de la Russie, la formulation d'un « besoin national » en Europe n'atteint pas la taille critique. Au regard de ce contexte, le Conseil Economique et Social se déclare favorable à la reconnaissance et au renforcement du rôle de chef d'orchestre de l'ESA du programme spatial européen.
d) L'avenir du « juste retour »
Le « juste retour » vise à maintenir la correspondance entre les industries nationales et les financements nationaux. Si le principe freine les dynamiques industrielles et techniques du secteur, il garantit l'allocation et le dimensionnement budgétaire. Le rapport se prononce pour une évolution du principe du « juste retour » en principe de « juste contribution ». Il s'agit de distinguer le financement du développement de la capacité spatiale – réparti en fonction de l'intérêt des fournisseurs du système – du financement des activités opérationnelles – réparti en fonction des intérêts respectifs des utilisateurs.
e) L'articulation des centres techniques
La répartition de l'activité des centres techniques s'avère un enjeu structurant du chantier institutionnel de l'Europe spatiale. Le Conseil Economique et Social avance une solution originale et novatrice : il propose l'organisation des centres techniques nationaux et européens dans un Groupement européen d'intérêt économique (GEIE) susceptible de fédérer à l'échelle de l'Europe les activités techniques relatives aux programmes pour différents clients dont l'ESA et l'Union Européenne.
Ce dispositif découple les fonctions d'agence de programmes et de centres techniques. Dans ce but, l'établissement d'une cartographie des compétences des centres techniques européens s'avère urgent afin de dégager les « compétences-clés » ainsi que les synergies susceptibles de favoriser « l'européanisation ».
f) L'Union européenne éclaireur d'une éthique de la politique spatiale
L'un des grands enjeux éthiques du XXIème siècle réside dans l'usage des technologies et des applications spatiales. Initialement destinées à des fins militaires, l'espace doit désormais servir l'humanité. La non-appropriation de l'espace, la liberté d'accès, la recherche au bénéfice de l'humanité constituent autant de principes fondateurs d'une éthique de l'espace. Afin de veiller au respect de ce corpus éthique, le Conseil Economique et Social se déclare favorable à la création d'une Haute Autorité internationale sur le modèle de l'Autorité des fonds marins et océaniques.
Renforcer le pôle européen de recherche et industriel spatial
L'Union européenne doit veiller à la maîtrise de l'outil spatial dans toutes ses composantes et applications.
a) Des compétences scientifiques à préserver et à développer
L'effort de recherche obéit à une double nécessité : le maintien du niveau international des équipes et la mise au point des outils qui permettront la réalisation des systèmes spatiaux du futur. Les programmes communautaires de recherche et développement (PCRD) devraient être en priorité affectés à ce type de recherche. Le champ d'investigation est vaste : avec les satellites où la gamme des systèmes satellitaires du futur se caractérisera avec des évolutions aux deux extrémités de la chaîne : les très gros comme les mini, micro, nano ou pico satellites ; avec la préparation des lanceurs du futur.
b) Un pôle industriel affermi
La garantie d'accès aux technologies spatiales est indissociable de l'existence d'un pôle industriel fort sur territoire européen. La question cruciale est constituée par la garantie d'approvisionnement de source européenne pour les composants et équipements (gyroscopes, composants électroniques, perchlorate d'ammonium, etc…). Cette préoccupation exige la mise en œuvre d'un cadre règlementaire susceptible d'assurer l'indépendance stratégique de l'Europe.
Par ailleurs, la politique industrielle qui doit combiner les activités rentables à court terme et le long terme préparatoire de l'avenir a pour mission aussi de permettre l'émergence de systèmes techniques stables adaptés aux besoins de l'Europe.
De ce point de vue, la confirmation d'un architecte industriel unique pour le système ARIANE répond à cette exigence.
Enfin, les institutions européennes devront utiliser le lanceur stratégique de l'Europe en contribuant au développement des systèmes spatiaux dans le domaine des télécommunications militaires, des programmes duaux d'observation de la Terre, d'environnement planétaire, etc…Pour autant, conscient des difficultés rencontrées à ce jour, le Conseil Economique et Social en appelle à la responsabilité des industriels qui ne peuvent plus « se considérer comme point de passage obligé des financements publics sans limitations financières. Des relations contractuelles claires entre agents et industries doivent être établies dans ce sens ».
Promouvoir et maintenir le rôle historique de la France
Contribuant à 40 % de l'effort financier, la France est le moteur de l'Europe spatiale.
a) La structure du secteur institutionnel national
Premier contributeur de l'ESA, première agence spatiale en Europe, le CNES gère près de 90 % de la dépense spatiale nationale. Le Conseil Economique et Social propose dans son rapport plusieurs axes de réforme qui ne manqueront pas de nourrir la réflexion des décideurs de la politique spatiale, à commencer par la suggestion visant à affranchir le CNES de la tutelle « Recherche» au bénéfice « d'une tutelle plus largement industrielle ».
Cette évolution de la tutelle contribuerait à assurer la mise à disposition des centres techniques au service des réalisations indispensables dans le cadre d'un programme spatial de défense et de sécurité à l'échelon européen. Par ailleurs, le rapport prône un renforcement de l'ancrage européen du CNES par le biais d'un rapprochement des principaux centres techniques européens dans le but de parvenir à une meilleure structuration des capacités. Enfin, l'instauration d'un dispositif national au sein duquel CNES, DGA et industries coordonneraient leurs efforts est avancé par le Conseil Economique et Social afin de rationaliser dans le sens d'une plus grande efficacité la dépense publique.
b) Le pôle industriel
La préservation sur le territoire national d'un tissu industriel spatial s'avère une priorité. Il convient néanmoins de l'articuler avec les impératifs d'une politique spatiale européenne progressivement intégrée. La France dispose du spectre complet des capacités d'intégration de satellites et de lanceurs au travers de sa chaîne industrielle. Tout l'enjeu consiste à parvenir à une plus grande européanisation de ce tissu, de ses compétences, en explorant les voies envisageables de coopérations. Le rapprochement d'ALCATEL SPACE avec l'Italien ALENIA SPAZIO comme l'évolution de la SNECMA ouvrent des pistes dans ce sens. La structuration de l'ensemble industriel européen, porteur de nouveaux marchés et d'emplois, est une ardente nécessité.
c) La place spécifique du Centre Spatial Guyanais (CSG)
Avec le site de Kourou, l'Europe dispose d'un port spatial équatorial idéal pour la mise en orbite de transfert géostationnaire. En dehors de son rôle-clef dans le maintien de l'autonomie européenne d'accès à l'espace, le CSG constitue un moteur de l'activité économique de la Guyane française. Sans une cadence suffisante de lancements, les structures développées en support de l'activité du port spatial ne demeureront pas viables.
Il revient à l'Union européenne de s'investir plus avant sur la maintenance du CSG et de s'approprier le site de Kourou, sur le plan de l'utilisation et des adaptations techniques, particulièrement dans la perspective des mises en service des lanceurs VEGA et SOYOUZ.
Quelles coopérations internationales ?
La question spatiale est indissociable de l'exploitation de coopérations approfondies. Les relations de la France et de l'Europe avec les autres puissances spatiales doivent être précisées.
a) Le champ de l'exploration scientifique
Le Conseil Economique et Social engage à une réévaluation de la participation européenne à la station spatiale internationale. Par ailleurs, il est nécessaire de réfléchir à une implication du secteur industriel à l'installation d'un observatoire habité sur la Lune, annoncée par les Etats-Unis. Enfin, l'exploration de l'Univers reste une priorité européenne à conduire cependant dans le contexte de partenariats internationaux.
b) De grandes initiatives fédératrices
Les programmes européens ont pour vocation d'avoir une portée mondiale : GALILEO par exemple peut ouvrir la voie à de nouveaux partenariats internationaux (avec la CHINE entre autres) et contribuer à reformater les équilibres géostratégiques. Parallèlement, l'initiative GMES, dans le domaine de la diplomatie et de la surveillance environnementale, se prête à des modèles novateurs de coopérations internationales où l'Europe, grâce à une utilisation inédite de l'outil spatial, disposera d'un rôle fondateur et structurant.
Le rapport du Conseil Economique et Social dessine la carte d'une Europe renforcée, réformée et relancée : renforcée parce qu'il affirme le rôle de l'Union Européenne comme organe de décision politique : réformée parce qu'il propose la refonte d'un certain nombre de principes (« le juste retour », la mise en réseau des centres techniques à travers des GEIE, les rapprochements industriels, etc….) qui sont au cœur de la politique spatiale européenne ; relancée parce qu'il fait de l'espace un outil politique majeur du positionnement de l'Europe dans une société internationale multilatérale.
[1] « La politique spatiale de recherche et de développement industriel », Alain Pompidou, http://www.ces.fr/rapport/doclon/04063019.pdf
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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