Avenir et perspectives
Thibaud Harrois
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Thibaud Harrois
Maître de conférences en civilisation britannique contemporaine, Université Sorbonne Nouvelle
Cinq ans après la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, les travaillistes avaient annoncé dans leur programme électoral de 2024 leur intention de « réinitialiser » (reset) la relation du pays avec l’Union européenne, tout en excluant de revenir dans le marché unique, l’union douanière ou de faire des concessions sur la liberté de circulation. Malgré ces lignes rouges, la nouvelle dynamique vise à dépasser la défiance et les tensions associées à la période des négociations et de l’immédiat après-sortie (Brexit) et à ouvrir la voie à une coopération renouvelée dans des domaines comme le commerce, la sécurité et la défense.
Du côté européen, la volonté britannique d’une relance de la relation a été accueillie positivement, à condition que les discussions ne se fassent pas au détriment de l’application des accords existants : l’accord de retrait et l’accord de commerce et de coopération. Le principe d’un sommet bilatéral a été acté en octobre 2024, mais sans que ses objectifs soient précisément définis. En effet, ce sommet, qui s'est tenu au Royaume-Uni le 19 mai 2025, constitue une étape dans un processus de relance de la relation qui a débuté avant même l’arrivée des travaillistes au pouvoir en 2024. S’il constitue un jalon important, ce sommet ne saurait être vu comme l’avènement de la « réinitialisation » désirée par Keir Starmer. Son objectif est plutôt de clarifier la trajectoire prise par le Brexit qui, loin d’être un événement passé, continue d’être un long processus de redéfinition de la relation entre l’Union européenne et un ancien État membre.
La gouvernance de la relation Union européenne-Royaume-Uni
D’un point de vue formel, les relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sont actuellement régies par un ensemble de traités et de mécanismes négociés dans les années qui ont suivi le référendum de 2016.
L’Accord de retrait de 2020 définit les conditions de la sortie du Royaume-Uni, conformément à l’article 50 du traité sur l’Union européenne (TUE). Les principaux éléments de cet accord portent sur les droits des citoyens (protection des citoyens britanniques résidant dans l’Union et des citoyens européens au Royaume-Uni), le règlement financier (obligations financières du Royaume-Uni envers l’Union) et des dispositions spécifiques relatives à la frontière sur l’île d’Irlande. L’Accord de retrait a mis en place un comité mixte chargé de la supervision de sa mise en œuvre. Le comité mixte se réunit à l’initiative de l’une des deux parties, ou au moins une fois par an. La dernière réunion, la quatorzième depuis 2020, a eu lieu le 29 avril 2025. L’Accord de retrait a aussi établi six comités spécialisés sur : les droits des citoyens ; les autres dispositions relatives à la séparation ; les questions relatives à la mise en œuvre du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord ; les questions relatives à la mise en œuvre du protocole relatif au zones de souveraineté à Chypre ; les questions relatives à la mise en œuvre du protocole sur Gibraltar ; et enfin les dispositions financières. La fréquence des réunions de ces comités spécialisés est variable, les deux comités convoqués le plus souvent étant le Comité sur les droits des citoyens (quinze réunions depuis 2020) et le Comité sur les questions relatives à la mise en œuvre du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, remplacé par le Comité sur les questions relatives à la mise en œuvre du cadre de Windsor en 2023 (huit réunions depuis 2023). Dans les cas où le comité mixte ne parvient pas à régler un litige, l’accord prévoit une procédure d’arbitrage.
L’Accord de commerce et de coopération de 2021 régit les relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Il fixe les règles pour le commerce entre les deux parties, tout en veillant à ce que soient garanties des conditions de concurrence équitable et de respect des droits fondamentaux. Le principal organe de gouvernance mis en place par l’accord est le Conseil de partenariat, auquel s’ajoutent le comité de partenariat commercial et dix comités spécialisés « Commerce », ainsi que huit comités spécialisés, chargés respectivement de l’énergie, du transport aérien, de la sécurité de l’aviation, du transport routier, de la coordination de la sécurité sociale, de la pêche, de la coopération des services de police et de justice, et de la participation aux programmes de l’Union. Par ailleurs, l’ACC a mis en place quatre groupes de travail pour assister les comités spécialisés. Plus généralement, il prévoyait la création d’une Assemblée parlementaire de partenariat (APP) composée de députés européens et de la Chambre des communes, qui se réunit deux fois par an. Enfin, comme l’Accord de retrait, l’ACC prévoit un système complexe de règlement des différends, y compris par la mise en place d’un tribunal d’arbitrage.
Les deux accords prévoient de nouveaux cadres de gouvernance visant à mettre en place une coopération durable entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Les deux parties se rencontrent régulièrement au sein des comités créés par les accords et, à ce titre, la relation avec le Royaume-Uni n’est comparable à aucune des relations de l’Union européenne avec un autre État tiers. C’est pourquoi, du point de vue de l’Union, la priorité doit rester le respect des engagements pris dans le cadre des accords de 2020-2021 avant tout autre objectif. En effet, leur mise en œuvre ne s’est pas faite sans heurt. Dès 2020, le gouvernement de Boris Johnson avait tenté de faire adopter une loi, Internal Market Act, qui incluait dans sa première version des éléments qui violaient le droit international puisqu’ils étaient en contradiction avec l’Accord de retrait et en particulier avec le Protocole sur l’Irlande du Nord. Cette attitude a considérablement nui à la réputation internationale du Royaume-Uni et a contribué à endommager la confiance que l’Union européenne était prête à lui accorder après le Brexit.
Relancer la relation : un lent processus
L’ambition d’une relance de la relation n’est pas nouvelle et n’est pas, en tout cas, l’apanage de l’actuel gouvernement travailliste. Malgré la défiance qui a largement caractérisé la relation avec le gouvernement Johnson pendant et immédiatement après les négociations de l’Accord de retrait et de l’ACC, c’est également pendant son mandat que l’on a pu observer les premiers signes d’une volonté de laisser au Royaume-Uni la possibilité de se rapprocher de l’Union européenne.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a été un facteur déterminant dans ce premier rapprochement. Ainsi, l’invitation de Liz Truss, alors ministre britannique des Affaires étrangères, au Conseil des affaires étrangères extraordinaire du 4 mars 2022, montrait la volonté européenne d’associer d’emblée le Royaume-Uni aux discussions sur la réponse qui serait apportée à la situation en Ukraine. Depuis, le Royaume-Uni a continué de jouer un rôle de premier plan dans le soutien à l’Ukraine et mène, conjointement avec la France, l’effort en vue de construire une « coalition des volontaires » qui participerait à y garantir la paix. Le déplacement commun des dirigeants britannique, français, allemand et polonais à Kiev le 10 mai confirme la proximité entre le Royaume-Uni et ses alliés les plus proches en Europe en ce qui concerne la sécurité du continent. Par ailleurs, la coordination des sanctions à l’encontre des intérêts russes a permis de renforcer leur effet et a démontré la capacité du Royaume-Uni et de l’Union européenne à coopérer dans un domaine qui n’était pas couvert par les traités de 2020 et 2021. Le succès de cette coopération pourrait servir de modèle à d’autres domaines de la relation bilatérale. Par ailleurs, Liz Truss, devenue (brièvement) Première ministre suite à la démission de Boris Johnson, s’était rendue au premier sommet de la Communauté politique européenne, où elle avait insisté sur la nécessité de « travailler avec l’Europe ».
Cependant, la relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni a continué d’être marquée par les difficultés liées à la mise en œuvre du Protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord jusqu’à ce que Rishi Sunak, devenu Premier ministre le 25 octobre 2022, ouvre la possibilité de négocier un nouvel accord. Le cadre de Windsor, signé en février 2023, a permis de trouver des solutions pratiques aux problèmes posés par les nouvelles procédures de douane et de règlementation des échanges commerciaux sur l’île d’Irlande. Cette avancée légale et administrative a surtout été remarquée pour ses retombées politiques. Du côté britannique, la signature était une façon pour le gouvernement conservateur de démontrer qu’il n’était plus impuissant face aux difficultés causées par le Brexit en Irlande du Nord et, incidemment, de faire oublier la tentative de Boris Johnson de violer le droit international. La relance de la relation avec l’Union européenne ne s’est pas arrêtée là, puisque le gouvernement de Rishi Sunak a notamment négocié le retour du Royaume-Uni dans les programmes Horizon Europe et Copernicus en septembre 2023.
Ainsi, tant le changement de discours que la volonté de se rapprocher de l’Union européenne ont existé avant l’arrivée des travaillistes au pouvoir. Il n’en demeure pas moins que les objectifs du gouvernement Sunak ne pouvaient qu’être limités : il devait composer avec un Parti conservateur et une majorité parlementaire divisés et largement responsables de l’attitude de défiance qui avait caractérisé la relation bilatérale pendant le mandat de Boris Johnson. De plus, s’il voulait avoir une chance de se maintenir au pouvoir, Rishi Sunak devait absolument éviter d’insister sur la question de la relation avec l’Union européenne, qui demeurait source de divisions au sein de l’électorat. Inversement, il n’était pas non plus dans l’intérêt de l’Union européenne de trop investir dans la relation avec un gouvernement dont il était attendu qu’il perde les élections législatives en 2024.
Les ambitions contraintes du gouvernement Starmer
Peu de temps après son arrivée au 10 Downing Street en juillet 2024, Keir Starmer a indiqué que la responsabilité des relations du Royaume-Uni avec l’Union européenne passerait du ministère des Affaires étrangères au Cabinet Office, sous la responsabilité directe du Premier ministre. C’est donc Nick Thomas-Symonds, ministre chargé du Cabinet Office, de la Constitution et des Relations avec l’Union européenne, et non le ministre des Affaires étrangères, qui a été chargé de négocier avec l’équipe dirigée par Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne. Ce choix indique la priorité donnée par le Premier ministre à la « réinitialisation » de la relation avec l’Union européenne.
Toutefois, malgré l’emploi d’un vocabulaire ambitieux, les objectifs du gouvernement ont immédiatement été limités par l’annonce de lignes rouges concernant le marché unique, l’union douanière et la libre circulation. Ces limites s’expliquent d’abord par la situation politique dans laquelle se trouvent les Travaillistes au niveau national. Certes, le parti a obtenu une majorité de 411 députés lors des élections législatives du 4 juillet 2024, contre 121 aux Conservateurs. Mais cette large majorité au Parlement ne reflète pas la réalité d’un électorat fragmenté qui s’est aussi tourné vers d’autres partis à l’exemple de Reform UK, parti pro-Brexit et anti-immigration. Le parti n’a obtenu que cinq sièges au Parlement, dont celui de son chef de file, Nigel Farage, mais avec plus de 4 millions de voix et 14,3% des votes, Reform UK s’est imposé comme la troisième force au niveau national, arrivant en deuxième position dans 98 circonscriptions (dans 89 cas derrière les travaillistes). Le 1er mai dernier, Reform UK a confirmé son poids sur la vie politique britannique en gagnant un siège supplémentaire au Parlement lors d’une élection partielle, et en améliorant considérablement son score lors des élections locales organisées en Angleterre, où il a pris le contrôle de dix collectivités. Le parti de Nigel Farage a conforté sa capacité à peser dans les débats, et sa présence médiatique renforcée lui permet de s’ériger en gardien du Brexit en dénonçant tout ce qui lui paraît trahir l’indépendance du pays. L’intransigeance de Reform UK sur la question de la relation avec l’Union européenne a des conséquences directes sur le Parti conservateur, qui doit se reconstruire après sa défaite aux élections de 2024 en prenant en compte la trajectoire de son électorat traditionnel qui s’est reporté sur le parti d’extrême droite. La pression des partisans les plus fermes du Brexit s’exerce aussi sur la majorité travailliste qui, dans l’espoir de protéger son avenir dans les urnes, a évité de donner une place centrale aux questions européennes dans sa stratégie et son discours.
En continuant d’exclure une nouvelle adhésion à l’Union européenne comme tout retour dans le marché unique ou de revenir sur la libre circulation, Keir Starmer cherche avant tout à éviter de rouvrir le débat sur le Brexit et ses conséquences, qui divise encore la société britannique. La participation au marché unique, sur le modèle des pays membres de l’Espace économique européen non membres de l’Union européenne (l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) est exclue car elle induit la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. Or, la libre circulation des personnes, assimilée au débat sur l’immigration, est perçue comme inacceptable pour une partie de l’électorat. Le caractère potentiellement inflammable de tout ce qui a trait à l’immigration explique d’ailleurs le refus initialement opposé par le Royaume-Uni au plan de mobilité pour les jeunes proposé par l’Union européenne, même s’il ne s’agissait pas de liberté de circulation. Il est plus surprenant qu’un gouvernement qui a placé la croissance économique au cœur de ses objectifs ait exclu de débattre d’un éventuel retour dans l’union douanière. Là encore, malgré les bénéfices qu’un retour dans l’union douanière pourrait apporter à l’économie britannique, du fait de la simplification des échanges de biens, le Royaume-Uni n’est pas prêt à accepter le principe d’un alignement, même partiel, de certaines normes avec celles de l’Union européenne, ni à renoncer à la possibilité de négocier des accords commerciaux bilatéraux. L’annonce de la signature d’un accord avec les Etats-Unis le 8 mai dernier confirme que la stratégie commerciale britannique s’écrit désormais indépendamment de celle de l’Union européenne.
La relance de la coopération avec les Vingt-Sept
Si le Brexit signifie bien sortie de l’Union européenne et retrait du Royaume-Uni des institutions européennes, il n’a pas toujours entraîné la déseuropéanisation des politiques britanniques. C’est notamment le cas dans le domaine de la politique étrangère où le Royaume-Uni a activement cherché à continuer de coordonner son approche avec celle des États membres, comme en témoigne le nombre important de déclarations bilatérales signées depuis 2021. En outre, parallèlement à la relance de la relation avec l’Union européenne, les relations bilatérales avec les États membres se sont caractérisées par une volonté d’apaisement et de coopération dans des domaines ciblés.
Les relations franco-britanniques ont ainsi traversé une période de fortes tensions, exacerbées par des différends sur la pêche, les contrôles douaniers à la frontière et la gestion des migrants à Calais. De surcroît, ces relations ont été profondément marquées par la crise déclenchée par la signature des accords AUKUS en septembre 2021. Mais un tournant s’est produit en mars 2023 avec la tenue d’un sommet bilatéral à Paris, au cours duquel le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Rishi Sunak ont affiché une volonté claire de prendre un « nouveau départ ». Une déclaration conjointe ambitieuse a été signée, fixant des objectifs dans huit domaines aussi variés que la coopération sur l’Ukraine, la Communauté politique européenne (le pays a accueilli le quatrième sommet en juillet 2024), la défense et la sécurité, la lutte contre la criminalité organisée, les cybermenaces et le terrorisme, la politique étrangère et les questions mondiales, l’énergie et la décarbonation, les migrations irrégulières et les liens économiques et sociaux. Un nouveau sommet bilatéral est prévu en 2025, afin de dresser un bilan des objectifs fixés en 2023 et d’évoquer notamment l’occasion de relancer la coopération bilatérale dans le cadre des accords de Lancaster House, signés en 2010. La préparation de ce sommet a lieu dans un contexte de coopération renforcée entre la France et le Royaume-Uni autour d’un projet de force de réassurance en Ukraine.
L’Allemagne constitue un autre partenaire essentiel en Europe. Les économies britanniques et allemandes sont étroitement liées, ce qui a conduit les deux pays à rapidement chercher à apaiser les tensions commerciales et à renforcer les partenariats bilatéraux, notamment dans le domaine de l’énergie. L’accord de Trinity House, signé en octobre 2024, vise à renforcer la coopération germano-britannique dans le domaine de la défense. Il s’agit du premier pan d’un accord plus large qui devrait couvrir d’autres domaines comme la politique étrangère, la justice et l’application du droit, la croissance économique, la résilience, la science et la technologie, l’énergie et le climat, l’environnement. Les négociations de ce traité ont été suspendues le temps de la campagne électorale allemande mais le nouveau gouvernement de Friedrich Merz devrait le finaliser avec le gouvernement Starmer.
Mais si la France et l’Allemagne constituent les partenaires principaux du Royaume-Uni en Europe, le pays a cherché à renforcer ses liens avec d’autres États. Ainsi, la coopération avec la Pologne s’est intensifiée, en prenant appui sur une vision partagée des enjeux sécuritaires à l’Est de l’Europe. Cette coopération prendra notamment la forme d’un traité de défense et de sécurité en 2025. Le Royaume-Uni a aussi signé un Memorandum of Understanding avec l’Italie en 2023 et a depuis renforcé sa coopération, notamment en ce qui concerne l’immigration et la lutte contre les réseaux et trafics. Les deux pays coopèrent dans le secteur de l’industrie militaire, avec le programme d’avion de combat de 6e génération GCAP (Global Combat Air Programme). Ces quelques exemples démontrent que la coopération avec les États membres ne s’est jamais arrêtée, malgré la sortie britannique de l’Union européenne. Au contraire, les liens bilatéraux constituent un aspect essentiel de l’européanisation du Royaume-Uni et la relance de la coopération avec l’Union européenne constitue dorénavant un aspect supplémentaire, et complémentaire, d’une dynamique qui existe déjà entre le Royaume-Uni et les Vingt-Sept.
Le sommet du 19 mai : vers plus de coopération
Du côté britannique, les objectifs de la relance de la relation avec l’Union européenne s’organisent autour de trois piliers : la politique étrangère et de sécurité ; la sécurité des citoyens, avec le renforcement de la coopération entre les services de police et la lutte contre la grande criminalité et la criminalité organisée, comme les opérations antiterroristes et la lutte contre l’immigration clandestine ; et, enfin, la croissance et le commerce, avec la négociation d’un nouvel accord sanitaire et phytosanitaire (SPS) et l’amélioration des dispositions relatives à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et aux tournées d’artistes.
De son côté, l’Union européenne ne souhaite pas amender en profondeur l’ACC, dont elle se dit satisfaite. Sa seule attente est la mise en œuvre complète des accords de 2020 et 2021, notamment les dispositions relatives au commerce entre le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, conformément au cadre de Windsor, et à la protection des droits des citoyens de l’Union européenne résidant au Royaume-Uni. Au moment des négociations sur le Brexit, l’Union européenne avait regretté la décision du gouvernement britannique de l’époque d’avoir abandonné le volet sur la défense et la sécurité. Par ailleurs, en 2024, au moment des élections britanniques, la Commission avait cherché à ouvrir des négociations sur un programme de mobilité des jeunes. Enfin, plus récemment, certains États membres, dont la France, ont fait valoir la nécessité d’un accord à long terme sur les droits de pêche, puisque la période de « transition » actuelle contenue dans l’ACC prend fin en juin 2026. Malgré l’importance économique toute relative de la pêche, un tel accord pourrait être considéré comme une condition dirimante pour la signature d’un accord global avec le Royaume-Uni.
Malgré ses réticences initiales concernant un plan de mobilité pour les jeunes, le gouvernement britannique semble désormais prêt à signer un accord « raisonnable » avec l’Union européenne, qui permettrait aux jeunes de 18 à 30 ans de voyager et travailler librement pendant une période définie. Dans le domaine de l’énergie et du climat, le Royaume-Uni et l’Union européenne s’engagent à coopérer davantage pour réduire les frictions dans le commerce de l’électricité et ont pour objectif d’éviter que le Royaume-Uni et l’Union européenne ne se facturent mutuellement des taxes d’ajustement carbone aux frontières.
Des négociations sur un éventuel accord SPS, qui permettrait de réduire les contrôles dans le commerce des produits agroalimentaires, ont eu lieu. Un tel accord est mentionné comme objectif dans l’agenda renouvelé pour la coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni Compréhension commune que les deux parties ont adopté le 19 mai. Il réduirait les tensions sur le commerce entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, qui suit déjà généralement la règlementation SPS de l’Union européenne. De plus, il serait relativement simple à mettre en œuvre puisque le Royaume-Uni dans son ensemble ne s’est encore que rarement écarté de la règlementation européenne. Toutefois, l’Union européenne pourrait insister sur un « alignement dynamique » et sur la supervision de l’accord par la Cour européenne de justice, ce qui ne manquerait pas de soulever des débats sur la trahison du Brexit au Royaume-Uni.
Étant donné le contexte international, notamment la guerre en Ukraine et les incertitudes quant à l’attitude de Donald Trump vis-à-vis de la sécurité en Europe, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont signé un « partenariat de sécurité et de défense ». L’étendue de cet accord a été débattue puisqu’il s’agissait notamment d’autoriser, ou non, le Royaume-Uni à s’associer à l’Agence européenne de défense (AED) – selon l’accord « Les possibilités d’établir un arrangement administratif entre le Royaume-Uni et l’AED seront étudiées » ; à accéder aux acquisitions financées par le programme SAFE (Security Action for Europe), ce qui n’est finalement pas prévu par l’accord ; ou à participer aux opérations militaires de l’Union européenne (dans le cadre de la PSDC), ce que l’accord prévoit comme possibilité. L’Union européenne a déjà signé des accords de sécurité et de défense avec six États tiers (Albanie, Corée du Sud, Japon, Macédoine du Nord, Moldavie et Norvège) et dix-neuf partenaires contribuent aux missions et opérations de la PSDC grâce à des accords-cadres. La participation du Royaume-Uni aux programmes européens s’appuierait donc sur des précédents et ne constituerait pas une exception, même si le statut international du pays - comme la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, membre de l’OTAN, du G7, et puissance nucléaire - n’est pas comparable à celui des autres États tiers. Ce statut constitue à la fois un atout pour l’Europe, poussant les États membres à entretenir des liens bilatéraux forts avec le Royaume-Uni, mais aussi un défi, notamment en ce qui concerne la concurrence potentielle des entreprises britanniques dans le secteur de l’industrie de défense.
Ainsi, au-delà de la sécurité et de la défense, le sommet du 19 mai a surtout débouché sur l’annonce de négociations plus détaillées sur un large spectre de domaines. Les objectifs partagés par les deux parties, ainsi que leurs contraintes respectives, ont fait l’objet d’une déclaration accompagnée d’un calendrier prévisionnel en vue de futurs accords domaine par domaine.
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L’un des bénéfices de ce sommet a surtout été de confirmer la volonté des deux parties d’améliorer leur coopération, dans un cadre institutionnel officiel. Mais, à ce stade, tant les lignes rouges indiquées par le gouvernement que l’absence d’appétence de l’Union européenne pour une renégociation de l’ACC - ou de certains de ses aspects - empêchent d’envisager un changement profond dans ces relations.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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