Union économique et monétaire
Frédéric Allemand
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Frédéric Allemand
1. Le Marché unique européen est le plus grand marché intérieur au monde
Cela semble aujourd'hui une évidence, mais l'on ne rappellera jamais assez les progrès économiques considérables que les Etats européens ont accompli en l'espace de quelques décennies. Dans une directive de juillet 1945 transmise au commandant des forces armées américaines en Allemagne, Harry Truman, président des Etats-Unis, s'inquiète ainsi du risque de pénurie de matières premières en Allemagne et en Europe :
« A moins que d'importantes quantités de charbon ne soient mises à la disposition de l'Europe libérée dans les prochains mois, il y aura une menace de chaos politique et économique suffisamment grave pour entraver le redéploiement des troupes alliées et compromettre la restauration de la stabilité économique qui est la base nécessaire d'une paix assurée et juste » [5].
De fait, au sortir de la guerre, le continent européen est exsangue, la pénurie est omniprésente. La production industrielle a reculé de moitié par rapport à 1938, la production agricole d'un tiers. Quant aux infrastructures essentielles (transport, communication), la majorité d'entre elles doivent être reconstruites.
L'aide américaine accordée dans le cadre du plan Marshall permet aux Etats européens qui l'acceptent de couvrir leurs besoins les plus pressants et de financer les déficits considérables de leur balance des paiements. Mais elle ne constitue qu'une aide de première urgence. Comme le suggèra notamment la commission économique pour l'Europe de l'ONU dans un rapport de 1948, la relance de l'Europe suppose « une profonde transformation de l'économie européenne » [6].
Cette transformation est aujourd'hui incontestable. Avec 458 millions de consommateurs (dont le niveau de vie est l'un des plus élevés au monde), l'Union européenne (UE) est l'espace économique le plus grand et le plus riche au monde. Le PIB par habitant s'élève à 24 200 €/hab en parité de pouvoir d'achat, soit un niveau comparable à celui du Japon (28 700 €/hab) mais encore en deça du niveau de vie des Etats-Unis (38 200 €/hab).
Sur le plan commercial, l'UE est le 1er exportateur mondial de marchandises (976 milliards d'euros en 2003), devant les Etats-Unis (732 milliards d'euros) et le Japon (440 milliards d'euros). Les exportations européennes représentent 20% des exportations mondiales (contre 15% pour les Etats-Unis).
S'agissant des importations, l'UE est le second importateur mondial derrière les Etats-Unis : les importations européennes représentent 19% des importations mondiales (989 milliards d'euros en 2002) contre 24% pour celles nord américaines (1270 milliards d'euros).
Depuis le début de la réalisation effective du grand marché (1993), l'UE a multiplié par trois la valeur de ses exportations et a doublé la valeur de ses importations.
Dans ce cadre, la France a largement su profiter des nouvelles opportunités économiques que présente ce grand marché. Entre 1992 et 2002, le solde de la balance commerciale française (différence entre le montant des importations et des exportations de marchandises) a été multiplié par 21 pour passer de 0,2 milliard à 4,2 milliards d'euros.
Il est également utile de rappeler que l'UE est leader mondial en matière de services. Le total de ses échanges (exportations et importations) représente 24,6% du total des échanges de services au niveau mondial, contre 21,5% pour les Etats-Unis (et seulement 4,8% pour l'Allemagne et 3,1% pour la France). La France a bénéficié de ce dynamisme puisqu'en vingt ans, notre pays a doublé ses exportations de services (45,5 milliards d'euros en 1985 contre 91,2 milliards en 2002).
L'importance du marché européen a permis aux entreprises européennes et notamment françaises d'être moins dépendantes de la conjoncture internationale. La très grande majorité d'entre elles privilégient ainsi les exportations dans le reste des Etats membres de l'UE. C'est notamment le cas pour la France dont 61% des exportations se réalisent au sein du marché intérieur européen. Depuis 1993, les échanges de produits industriels vers nos partenaires européens ont progressé de plus de 10%.
Avec l'adhésion des 10 nouveaux Etats membres au 1er mai 2004, le marché intérieur a vu ses frontières étendues. Avec une croissance économique en moyenne de 4%, les nouveaux adhérents représentent un marché potentiel de 75 millions d'habitants, exprimant de larges besoins pour couvrir leur demande de consommation en produits finis. Ces nouveaux marchés représentent autant de nouveaux débouchés pour les industries ouest-européennes et françaises.
Preuve en est dans le secteur automobile : en 10 ans, la région d'Europe centrale et orientale est devenue la première zone hors UE pour les exportations automobiles françaises, avec 22% du total en valeur (véhicules et pièces détachées) et un solde commercial excédentaire de 1,5 Mrds € en 2004.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le formidable succès de la Renault Logan. Lancée en septembre 2004, la Logan connaît un démarrage considérable avec près de 40000 commandes enregistrées. A l'issue des cinq premiers mois de commercialisation, Logan s'est vendue à plus de 20000 exemplaires sur son marché domestique, la Roumanie, où elle est devenue dès la fin de l'année 2004 la voiture la plus vendue. Et dans le même temps, le groupe Renault a annoncé que, grâce à ces bons résultats notamment dans l'Europe centrale et orientale, il recrutera en 2005 10000 personnes dans le monde (dont 5000 en France).
2. Les apports du marché intérieur a la croissance, la création d'emploi en Europe, ainsi qu'à l'élévation du niveau de vie des Européens
Depuis l'orirgine, les traités communautaires ont assigné comme « but essentiel » à l'action de l'Union et de ses Etats « l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples » [7]. Dans ce contexte, la Communauté reçoit pour mission « de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie (…) » [8]
Selon les estimations de la Commission européenne, la création du grand marché intérieur a permis, depuis 1993, une augmentation du revenu de l'Union européenne de l'ordre de 1,1 à 1,5% par an et la création de 2,5 millions d'emplois. De fait, entre 1969 (date de la réalisation effective de l'union douanière) et aujourd'hui (2004), la masse salariée française a augmenté de 24,3%. Durant la même période, la population française n'a progressé que de 19,1% (passant de 51,7 millions d'habitants à 61,6 millions).
Par ailleurs, toujours sur cette même période (1969-2004), le niveau de vie des Français a fait un véritable bond, puisqu'il a augmenté de 60% ! Signe tangible de cette évolution : en 1950, l'on décomptait 36 voitures pour 1000 habitants … contre 486 pour 1000 habitants en 2005.
Autre exemple de l'impact positif du grand marché pour le consommateur : le secteur des télécommunications. Son ouverture à la concurrence à partir de 1995 a permis un accès du plus grand nombre à des services modernes de téléphonie à un coût abordable. Ainsi, de 1995 à 2003, le nombre d'abonnements de téléphonie mobile a progressé de 42% par an en moyenne dans l'UE à 25. En 2003, on comptait plus de 364 millions d'abonnements dans l'UE, contre seulement 22 millions en 1995 (soit en moyenne 80 abonnements de téléphonie mobile pour 100 habitants dans l'UE en 2003, contre seulement 5 en 1995).
Sur la même période, le nombre d'abonnements de téléphonie mobile en France a été multiplié par 30 pour passer de 2,3 abonnements à 69,9 pour 100 personnes [9].
Pour le grand public, sur la période 2000-2003, les prix de France Télécom ont baissé de :
• 5,2 % pour les communications locales ;
• 12,4 % pour les communications longue distance ;
• 6,7 % pour les communications internationales ;
• 30,2 % pour les communications fixe vers mobile
En complément du marché intérieur, il faut noter que l'adoption d'une monnaie unique par douze Etats européens (qui représentent à eux seuls 74% du PIB total de l'UE et 67,4% de la population européenne totale) a permis de supprimer les difficultés liées aux variations des cours des monnaies européennes entre elles, lesquelles étaient particulièrement coûteuses pour les entreprises. Il est estimé que l'adoption de l'euro et donc la suppression des coûts de transaction dans les échanges de biens et services au sein de l'UE a permis un gain de croissance de 0,3 à 0,5 point du PIB.
3. La création d'un grand espace intérieur a également favorisé la création de grands champions industriels nationaux et européens.
L'Europe n'a pas détruit nos champions industriels. L'importance du marché intérieur européen a constitué la « base arrière » à partir de laquelle de très nombreuses entreprises françaises et européennes ont pu conquérir des marchés hors de l'Union européenne et devenir des leaders mondiaux dans leur secteur.
Ainsi, entre 1993 et 2004, la production industrielle française a augmenté de plus de 15% en volume ! [10] Et si l'Europe a perdu des salariés dans ces secteurs, cela réside notamment dans l'évolution des désirs des consommateurs, des méthodes de fabrication (intégration de plus en plus de services) et d'une augmentation sensible de la productivité des travailleurs (notamment grâce aux nouvelles technologies).
Plusieurs exemples suffisent à percevoir le dynamisme européen dans le secteur industriel. Airbus, qui est le résultat d'une coopération fructueuse entre des industries françaises, allemandes, espagnoles et allemandes, est le 1er constructeur mondial d'avions civils, devant le concurrent américain Boeing. Depuis sa création en 1970, ce sont plus de 5200 aéronefs qui ont été commandés ou livrés par le géant européen … dont ¼ l'ont été en Europe !
Sur le modèle de cette réussite, la France et l'Allemagne ont annoncé le 26 avril 2005 la création d'un consortium dans le domaine de la santé et des multimédias [11] afin de rattraper leur retard terchnologique en ces domaines.
Que dire également de Vinci et Bouygues, n°1 mondiaux du BTP ; de Daimler-Chrysler, en matière automobile ; de Nokia en matière de téléphonie ; de Suez, dans le secteur de l'environnement ; de Sanofi-Aventis, en matière pharmaceutique ; de Total-Elf, dans le secteur pétro-chimique ; … En fait, le classement 2004 des 50 plus grandes firmes multinationales réalisés annuellement par la CNUCED révèle que parmi ces dernières … 31 sont européennes ! La première est le géant britannique des télécommunications, Vodaphone.
Malgré ces réussites industrielles individuelles ou dans le cadre d'une initiative de plusieurs Etats (Airbus), l'insuffisance d'une véritable politique industrielle européenne a été regrettée. Face aux défis actuels (avance technologique des industries nord-américaines, industrialisation et concurrence à grande échelle de la Chine ou l'Inde), l'idée d'une coordination des politiques industrielles nationales au niveau de l'Union tend cependant à progresser. L'Union a ainsi décidé de financer la création de son propre système de navigation par satellites (Galiléo, concurrent direct du système américain GPS). La création de 100000 emplois serait liée à ce projet.
Par ailleurs, dans le cadre de l'initiative pour la croissance adoptée par les chefs d'Etat et de gouvernement en décembre 2003, l'Union s'est également engagée à réaliser des grands projets d'infrastructures en transport et en télécommunication pour un montant de 220 milliards d'euros d'ici 2020. Un certain nombre de ces projets devraient être réalisés ou engagés d'ici 2010 (pour un montant total de 60 milliards d'euros). Ces investissements très importants permettraient une augmentation de la croissance européenne de l'ordre de 0,5-0,75 point du PNB dans les 5 à 10 prochaines années.
Enfin, la Constitution européenne reconnaît à l'Union une compétence d'appui dans la politique industrielle signifiant que l'Union et les Etats membres pourront agir de concert et mutualiser leurs ressources.
En dernier lieu, il importe de rappeler que le droit communautaire et le droit de la concurrence en particulier n'ont pas pour objet de « casser » les géants industriels. Les entreprises européennes peuvent, sous certaines conditions, recevoir des aides publiques, afin d'être soutenues. Depuis 1992, la France a été autorisée à verser 83 milliards d'euros d'aides publiques, soit 7,6 milliards d'euros par an ! Dernier exemple en date : l'autorisation par la Commission européenne d'une aide exceptionnelle de l'Etat français à la SNCF pour un montant de 800 millions d'euros [12].
4. L'Europe, expression de la solidarité et de la redistribution
La création d'un grand marché intérieur ne s'est pas réalisée contre les individus, qu'il s'agisse des citoyens, des salariés, d'une catégorie socio-professionnelle spécifique ou des entrepreneurs. C'est tout le contraire : d'une part, l'Europe et son grand marché se sont construits à destination de ses peuples pour leur assurer la paix et la prospérité. D'autre part, on retrouve une préoccupation constante dans les différents traités communautaires d'assurer la solidarité par le jeu de systèmes de péréquation financière des Etats et régions les plus riches vers les plus pauvres, des secteurs économiques les plus développés vers ceux en retard. La répartition des dépenses du budget de l'Union est à cet égard révélatrice de sa nature redistributrice : sur les 99 milliards d'euros du budget 2003 de l'Union, seuls 4,9 milliards ont concerné les dépenses administratives [13]. C'est dire que 95% du budget de l'Union a servi à financer les actions de l'Union prises dans le domaine de la politique agricole commune, de la politique de la pêche, de la politique régionale, …
A ce niveau, l'exemple le plus manifeste du caractère redistributeur du budget de l'Union est fourni par la politique agricole commune. Depuis 1962, les agriculteurs français ont été les premiers bénéficiaires de la PAC, ayant perçu au total 209 milliards d'euros, soit 13 millions d'euros par jour ! Les aides agricoles versées par « Bruxelles » aux agriculteurs français sont plus de deux fois supérieures à celles versées par la France ! Le budget de l'agriculture et de la pêche pour 2005 s'établit à 4,9 milliards d'euros alors que le montant des aides versées par le budget de l'Union au titre de cette même année est de 10,7 milliards d'euros.
S'agissant plus particulièrement de la cohésion sociale, dès 1951, des mécanismes de solidarité sont mis en place au niveau communautaire afin d'aider les populations touchées par les restructurations industrielles et économiques occasionnées par la création d'un marché unique des produits du charbon et de l'acier.
Dans le préambule du traité CECA, les signataires du traité rappellent ainsi que la création de ce marché a pour objet « de concourir, par l'expansion de leurs productions fondamentales, au relèvement du niveau de vie et au progrès des oeuvres de paix ». Dans cette optique, la Haute Autorité (ancêtre de la Commission européenne) pouvait attribuer des aides non-remboursables aux industries de charbon touchées par une crise. Ces aides, directement destinées aux travailleurs, consistaient en des versements d'indemnités permettant à la main-d'oeuvre d'attendre d'être replacée, en des allocations pour frais de réinstallation ou en des financements de la rééducation professionnelle des travailleurs amenés à changer d'emploi [14].
De façon assez similaire, le traité CE de 1957 prévoit, en parallèle avec la mise en place d'un grand espace intérieur, un dispositif de prévention et de lutte contre le chômage : le Fonds social européen (FSE) [15]. Concrètement, sur la période 2000-2006, la France bénéficie d'un plan d'action du FSE d'un montant de 4,9 milliards d'euros, soit 700 millions d'euros par an [16].
Enfin, doit être évoquée la politique régionale dont l'inscription dans les traités communautaires date de l'Acte unique européen de 1986, lequel reconnaît en même temps la nécessité de poursuivre l'intégration économique européenne (réalisation du grand marché intérieur). Cette concomitance n'est pas le fruit du hasard.
Si le Fonds européen de développement régional (FEDER) a été créé en 1975 sur l'insistance notamment du Royaume-Uni, la politique régionale demeurait cependant l'affaire de chaque Etat membre. Cette gestion nationale des questions régionales a rapidement montré ses limites. En ce sens, le Parlement européen a noté qu'au milieu des années 1980 le niveau des disparités économiques entre régions « étaient analogues à ce qu'elles étaient en 1970 » [17] Il soulignait par ailleurs que « la libéralisation des marchés, le renforcement du SME et de la coopération monétaire ainsi que le développement de l'innovation technologique imposent la définition d'une conception plus large et plus complète de la politique régionale et de la stratégie de la cohésion qui, du fait qu'elle implique l'investissement de ressources plus importantes, doit combiner de façon appropriée une meilleure répartition des ressources et la redistribution des avantages découlant du marché unique et des politiques communes » [18].
De fait, depuis 1986, la politique régionale s'est développée de façon considérable. Que l'on pense ici à l'Irlande, à l'Espagne ou au Portugal ! Mais ces Etats ne sont pas les seuls à bénéficier du soutien communautaire. Entre 2000 et 2004, le total des fonds structurels versés à la France s'élèvent à 10,5 milliards d'euros (FEDER : 7,2 milliards ; FSE : 2,7 milliards ; FEOGA : 0,5 milliard). Sur la période 2000-2006, la France devrait au total bénéficier de 11,8 milliards d'euros d'aides au titre des fonds structurels.
Un exemple concret dans la mise en œuvre de la politique régionale au niveau local est fourni par l'intervention récente de l'Union en Ile-de-France. Le programme communautaire « URBAN » a permis le financement, à hauteur de 0,5 millions d'euros, de projets d'alphabétisation et la création de garderies aux Mureaux ; il a également financé le projet d'insertion sociale d'un montant de 0,5 million d'euros à Aulnay-sous-Bois.
La Constitution européenne poursuit l'œuvre engagée en matière de cohésion territoriale et sociale. Elle donne une véritable valeur constitutionnelle à la notion de cohésion économique, territoriale et sociale (art. I-3). Ce souci d'une plus grande cohésion est consacré dans la partie II de la Constitution où un titre entier (titre IV) est consacré à la solidarité !
La dernière forme d'expression de la solidarité communautaire se trouve dans le soutien financier que l'Union apporte depuis près de 10 ans aux nouveaux Etats membres [19]. Les financements versés auraient été à la hauteur de ceux apportés par les Etats-Unis aux Etats occidentaux dans le cadre du plan Marshall [20]. Entre 1948 et 1951, les Etats-Unis ont apporté à 16 pays européens 14 milliards de dollars, ce qui correspond, une fois cette valeur actualisée, à une aide d'un montant de 93 milliards de dollars, soit 79 dollars par personne et par an. A titre de comparaison, chaque habitant des nouveaux Etats membres recevra 75 euros au titre du budget de l'Union pour 2006.
Dans le cadre du débat sur la Constitution européenne, il est légitime de souligner le caractère essentiellement économique de la construction européenne et la poursuite par la Constitution européenne de cette œuvre engagée depuis maintenant plus de cinquante ans. Cependant, il importe de ne pas négliger les évolutions réelles que cette intégration a permises et d'appréhender le processus de construction sur toute sa durée et non pas sur la seule conjoncture actuelle, par trop réductrice.
Nous ne pourrons pas, par ailleurs, dénier le souhait de certains de vouloir continuer à faire progresser l'intégration communautaire en de nouvelles matières comme celle sociale. C'est même là le sens profond de l'approche fonctionnaliste de la proposition Schuman de 1950 : l'intégration dans un domaine spécifique révèle, lors de sa mise en œuvre, la nécessité de poursuivre l'intégration dans des domaines connexes. La coordination des politiques sociales au niveau européen s'inscrit dans cette perspective : largement ignorée au début des années 1950, elle tend à s'affirmer au fur et à mesure, l'Union gagnant progressivement des compétences dans cette matière. Se prononçant sur les nouvelles dispositions sociales incluses dans l'Acte unique européen de 1986, le Comité économique et social approuva ce traité. Surtout, il estimait « essentiel pour la réalisation du marché unique que l'on définisse et adopte des dispositions communautaires garantissant les droits sociaux fondamentaux - c'est-à-dire des droits ne pouvant pas être remis en cause par la pression de la concurrence ou par la recherche de compétitivité. » [21]
Quinze ans plus tard, la Constitution européenne se dote d'une Charte des droits fondamentaux laquelle garantie constitutionnellement la protection de droits non seulement économiques mais également sociaux.
Note de l'auteur : Les informations chiffrées indiquées dans cette note sont celles issues des bases de données de l'OCDE, de la CNUCED, d'Eurostat, de l'INSEE, des ministères de l'industrie, des transports.
[1] Christian Pineau et Christiane Rimbaud, Le Grand Paris. Fayard, 1991.
[2] Jean Monnet, Mémoires. Fayard, 1976, p.4-5.
[3] Préambule du traité CECA, 1951.
[4] Etienne de Poncins, La Constitution européenne en 25 clefs. Editions Lignes de repères, 2005, p.14.
[5] Correspondance secrète de Staline avec Roosevelt, Churchill, Truman et Attlee 1941-1945. Tome 2. Paris: Plon, 1959, pp.262-263. Cité par MCE European Navigator (www.ena.lu)
[6] Cité par Jean Vandevelde, Situation et perspectives de l'économie européenne, dans Le Phare Dimanche, 6 juin 1948, n° 127; 3e année, p. 6.
[7] 3è considérant du préambule du traité CE du 25 mars 1957.
[8] Article 2 du traité CE, version originale de 1957. Depuis lors, la Communauté s'est vue assignée de nouveaux objectifs qu'il s'agisse de la cohésion sociale et territoriale, de la promotion d'un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, d'un haut de compétitivité et de convergence, d'une croissance durable et non-inflationniste, …
[9] Donnés de l'Observatoire des marchés (Autorité de régulation des télécommunications). Disponibles à l'adresse internet : www.art-telecom.fr
[10] Voir en particulier l'évolution des indices de production industrielle (hors construction) sur la période 1961-2006 en France et dans les autres Etats membres, établie par les services de la Commission européenne : Commission européenne, Economie européenne-Annexe statistique, 18 octobre 2004, ECFIN/174/2004
[11] Discours de Jacques Chirac, à l'occasion du 50e anniversaire de la Chambre Franco-Allemande de commerce et d'industrie, 26 avril 2005
[12] Communiqué de presse de la Commission européenne, 2 mars 2005, IP/05/232.
[13] Cour des Comptes, Rapport annuel relatif à l'exercice 2003. 30 novembre 2004 ; Commission européenne, Budget 2003. Synthèse chiffrée, 30 janvier 2003.
[14] Article 56 du traité CECA.
[15] Article 146 du traité CE, ex-article 123 du traité dans sa version originale de 1957 ; article III-219 de la Constitution européenne.
[16] Commission européenne, Document de programmation 2000-2006 pour la France. Objectif n°3, 19 juillet 2000. Disponible à l'adresse internet : http://europa.eu.int/comm/employment_social/esf2000/ms/f-obj-3-fulldoc-fr.pdf
[17] Parlement européen, Résolution sur la politique régionale communautaire et le rôle des régions, 18 novembre 1988.
[18] Idem.
[19] Pour un exposé détaillé des conséquences de l'élargissement, voir Jean-Dominique Giuliani, L'élargissement de l'Europe. PUF, coll. Que Sais-Je ?, 2004
[20] Ministère de l'économie et des finances – Mission économique pour l'élargissement, Des financements à la hauteur d'un plan « Marshall », 2004.
[21] Comité économique et social, Avis sur les aspects sociaux du marché intérieur (espace social européen), 31 décembre 1987.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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