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En Biélorussie, la farce électorale s'est déroulée comme prévu

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 septembre 2012
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Fondation Robert Schuman

En Biélorussie, la farce électorale s'est déroulée comme prévu

PDF | 282 koEn français

Les Biélorusses ont "élu" le 23 septembre les 110 membres de la Chambre des représentants, chambre basse du parlement. Ce scrutin législatif n'a été qu'un simulacre de vote. Le pays, où les forces de l'opposition sont absentes du parlement depuis 1996, n'a en effet pas connu d'élections libres et transparentes depuis près de deux décennies.

Les députés désignés le 23 septembre sont dans leur très grande majorité "indépendants", c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent à aucun parti politique mais doivent leur élection à la loyauté qu'ils témoignent envers le pouvoir autoritaire d'Alexandre Loukachenko. Aucun candidat des forces de l'opposition n'a donc été élu. "Alexandre Loukachenko a rendu la situation totalement absurde, ne se préoccupant même pas de construire une façade de démocratie. Il connaît déjà les noms des 110 députés" avait déclaré avant le scrutin Vitali Rimachevski, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle du 19 décembre 2010.

600 personnes étaient présentes pour surveiller le déroulement du scrutin législatif biélorusse dont 330 issues de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Les autorités du pays ont refusé de délivrer des visas à deux observateurs Marieluise Beck et Emanuelis Zingeris ainsi qu'à plusieurs journalistes. Un photographe de l'Associated Press a été battu par des officiers de sécurité alors qu'il couvrait une manifestation de 4 opposants et brièvement emprisonné avec 7 autres journalistes. Un autre journaliste de la chaîne de télévision australienne SBS TV, Amos Roberts, a été arrêté par les autorités de l'aéroport de Minsk. Sa caméra, son ordinateur et tous les documents qu'il avait pu rassembler lui ont été confisqués

Le 11 septembre dernier, le président du Parlement européen Martin Schulz (S&D, DE) avait fait part de sa "forte préoccupation face à la façon dont les droits de l'homme, l'Etat de droit et les valeurs démocratiques sont continuellement bafoués en Biélorussie". L'ONG Human Rights Watch a dressé une liste accablante des violations de droits de l'Homme en Biélorussie : présence de prisonniers politiques, absence d'indépendance du système judiciaire, arrestations arbitraires d'opposants au régime, harcèlement et intimidation de journalistes indépendants et de défenseurs des droits de l'Homme, torture et mauvais traitements de détenus. "Ces pratiques, qui ont empiré au cours des deux dernières années, ont beaucoup affaibli l'opposition" a indiqué Yulia Gorbunova, spécialiste de la Biélorussie au sein de l'ONG.

La seule question du scrutin concernait la participation, une grande partie des forces de l'opposition ayant appelé au boycott du scrutin. La moitié des électeurs devaient se rendre aux urnes pour que celui-ci soit déclaré valide. Selon la présidente de la Commission électorale centrale Lidiya Iermochina, le taux de participation s'est élevé à 74,3% (80% dans la région de Vitebsk et 60% à Minsk), soit -2,4 points par rapport au dernier scrutin législatif du 28 septembre 2008. Un quart des Biélorusses (25,9%) a voté par anticipation, soit -1 point par rapport à 2008 109 députés ont été élus, un 2e tour devra être organisé dans une circonscription.

"Il y a eu un boycott dans presque toutes les grandes villes. La Commission électorale ment de manière éhontée dans la mesure où ses chiffres diffèrent radicalement de ceux des observateurs (38%)" a déclaré Vitali Rimachevski. La Commission électorale centrale a par avance rejeté les déclarations que doit faire l'OSCE sur les élections législatives. "Les observateurs conçoivent leur rôle non comme une aide à nous apporter, mais comme un moyen de créer des situations conflictuelles dans le pays, pour ensuite refuser de reconnaître ces élections comme légitimes" a déclaré Lidia Ermochina.

"Au cours des 4 dernières années, le rôle des députés de la Chambre des représentants sortante s'est limité pour l'essentiel à entériner les choix de la présidence biélorusse. Ils ont adopté 3 lois en 4 années de mandat. Et pour le reste, ils n'ont fait qu'avaliser ce qui provenait de l'administration présidentielle" a indiqué Anatol Liabedzka, leader du Parti civique uni (opposition). Il a mis en ligne sur le site internet youtube un film appelant au boycott dans lequel on pouvait voir des citoyens partant à la cueillette des champignons, lisant dans un parc ou jouant aux échecs. Le message était le suivant : "les échecs sont un jeu équitable alors que les élections sont injustes". "Nous appelons les électeurs à ignorer et à boycotter cette farce électorale. Les gens honnêtes ne peuvent pas participer à des pseudo-élections pour désigner un parlement d'imposture" a ajouté Anatol Liabedzka qui avait annoncé le retrait des 38 candidats de son parti.

Le leader du Mouvement pour la liberté, Alexandre Milinkevitch, a également appelé au boycott du scrutin dans les circonscriptions où l'opposition ne présentait pas de candidat. Lui-même avait fait acte de candidature dans le district 109 d'Uuruchski mais la Commission électorale centrale avait refusé d'enregistrer sa candidature, affirmant que 99 des signatures qu'il avait produites étaient invalides (chaque candidat doit recueillir un minimum de 1 000 signatures de soutien pour pouvoir se présenter).

"La Biélorussie est comparable à un fragment d'URSS qui aurait été figé dans le temps. Si Alexandre Loukachenko parvient à se maintenir en place depuis près de 20 ans, c'est notamment parce que les gens ont l'impression de mieux s'en sortir en Biélorussie que dans les autres ex-Républiques soviétiques qui sont passées à l'économie de marché" affirme l'historien André Liebich. "Pendant longtemps, la majorité de la population soutenait le pouvoir autoritaire. Aujourd'hui, ce dernier ne tient que par la force et l'intimidation" souligne l'analyste politique Valery Karbalevitch.

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